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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/8309/2022

AARP/445/2023 du 27.11.2023 sur JTDP/363/2023 ( PENAL ) , ADMIS

Descripteurs : SURSIS À L'EXÉCUTION DE LA PEINE
Normes : LEI.115; LCR.90; cp.42.al1; cp.44.al1
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/8309/2022 AARP/445/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 27 novembre 2023

 

Entre

A______, domicilié ______, comparant par Me Pierre OCHSNER, avocat, OA Legal SA, Place de Longemalle 1, 1204 Genève,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/363/2023 rendu le 23 mars 2023 par le Tribunal de police,

 

et

 

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a.a. En temps utile, A______ appelle du jugement du 23 mars 2023, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a reconnu coupable d'exercice d'une activité lucrative sans autorisation pour la période du 1er mars au 12 avril 2022 (art. 115 al. 1 let. c de la Loi fédérale sur les étrangers et l'intégration [LEI]) et de violation simple des règles de la circulation (art. 90 al. 1 de la Loi fédérale sur la circulation routière [LCR]), acquitté d'entrée illégale (art. 115 al. 1 let. a LEI), de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI) et d'exercice d'une activité lucrative sans autorisation pour la période du 16 janvier 2021 au 28 février 2022, condamné à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à CHF 20.-, sous déduction de deux jours-amende correspondant à deux jours de détention avant jugement, à une amende de CHF 160.- et condamné à un tiers des frais de la procédure, le solde étant laissé à la charge de l'Etat.

a.b. A______ entreprend partiellement ce jugement, concluant à l'octroi du sursis et à la fixation d'un délai d'épreuve de deux ans.

a.c. Le Ministère public (MP) conclut à la confirmation du jugement.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. A______ a admis qu'il travaillait pour B______ SA depuis le 1er mars 2022. Il n'était en possession d'aucune autorisation de l'Office cantonal de la population et des migrations (OCPM) et son employeur n'avait pas déposé de demande d'autorisation de travail auprès dudit Office.

b. Aux débats de première instance, le 23 mars 2023, A______ a produit :

·         Un contrat d'engagement de durée indéterminée auprès de C______ SA, sise à D______ [VD], daté du 17 mars 2023, à teneur duquel il est engagé comme ouvrier dans le bâtiment (second œuvre) à 100% pour un salaire horaire brut de CHF 26.50 "dès obtention de l'autorisation de travail en Suisse Romande";

·         Un extrait d'acte de mariage du 20 mars 2023 entre E______, de nationalité suisse, et lui-même, célébré à Genève ;

·         Une demande de délivrance d'un permis de séjour (permis B) adressée par son conseil à l'OCPM, le 21 mars 2023.

C. a. A l'appui de son mémoire d'appel, A______ produit une autorisation provisoire de travail délivrée par l'OCPM le 4 avril 2023, à teneur de laquelle il est autorisé "à exercer une activité lucrative auprès de l'entreprise C______ SA. L'autorisation de travail, délivrée sous forme du présent courrier, est valide jusqu'à droit connu sur la demande de titre de séjour et révocable en tout temps".

b.a. Aux débats d'appel, A______ a déclaré qu'il travaillait auprès de C______ SA. En réalité, il n'avait fait que trois jours à l'essai dans cette société, faute de travail, et avait été rémunéré CHF  450.- à cette occasion. Il y avait toutefois un arrangement : la société l'appellerait sitôt qu'il y aurait davantage de travail. Il n'entendait évoluer qu'à 50% au sein de celle-ci car il souhaitait aider sa femme à la maison, trois enfants vivant avec eux. Il avait obtenu un titre de séjour – il en produisait la copie ("Autorisation B / membre de la famille / Regroupement familial / Activité lucrative autorisée / délivré le 25 avril 2023"). Il entendait faire les choses proprement, comme tout le monde, et regrettait ce qu'il avait fait, cela ne se reproduirait plus.

b.b. A______ persiste dans ses conclusions. Il n'était désormais plus possible pour lui de commettre à nouveau une infraction à la LEI, rendant ainsi le risque de récidive totalement nul. Il devait être mis au bénéfice du sursis complet.

c. E______ a confirmé que son mari s'était vu délivrer un titre de séjour.

D. a. A______ est âgé de 32 ans, de nationalité kosovare, marié, sans enfant.

b. Selon l'extrait du casier judiciaire suisse, A______ a été condamné :

·         Le 8 juin 2017 par le MP du canton de Fribourg à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à CHF 30.-, assortie du sursis, délai d'épreuve deux ans, pour séjour illégal et exercice d'une activité lucrative sans autorisation ;

·         Le 15 janvier 2021 par le MP de l'arrondissement de Lausanne à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à CHF 30.- pour entrée illégale, séjour illégal et exercice d'une activité lucrative sans autorisation.

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale [CPP]).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décision illégale ou inéquitable (art. 404 al. 2 CPP).

2. 2.1. Le juge suspend en règle générale l’exécution d’une peine pécuniaire ou d’une peine privative de liberté de deux ans au plus lorsqu’une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l’auteur d’autres crimes ou délits (art. 42 al. 1 du Code pénal [CP]).

Sur le plan subjectif, le juge doit poser, pour l'octroi du sursis, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. La question de savoir si le sursis serait de nature à détourner l'accusé de commettre de nouvelles infractions doit être tranchée sur la base d'une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste. Le pronostic doit être posé sur la base de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances d'amendement. Il n'est pas admissible d'accorder un poids particulier à certains critères et d'en négliger d'autres qui sont pertinents. Le juge doit par ailleurs motiver sa décision de manière suffisante (art. 50 CP). Le sursis est la règle dont on ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable. Il prime en cas d'incertitude. Dans l'émission du pronostic, le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation (ATF 135 IV 180 consid. 2.1 ; 134 IV 5 consid. 4.4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_489/2021 du 11 mars 2022 consid. 1.1).

2.2. Les antécédents de l'appelant son mauvais. Il fait l'objet de deux inscriptions au casier judiciaire. Cela étant, ses précédentes condamnations ont trait à la LEI. Or le statut en Suisse du prévenu a évolué. Il est désormais titulaire d'un titre de séjour, document dont il ne disposait pas (encore) lors de sa comparution en première instance – seule une demande en ce sens était alors pendante. Son récent mariage, le regroupement familial autorisé, l'emploi décroché et, surtout, le droit de séjourner légalement en Suisse éloignent le risque d'un nouveau délit à la LEI, qu'il s'agisse d'entrée illégale, de séjour illégal ou d'exercice d'une activité lucrative sans autorisation. Par ailleurs, l'état d'esprit manifesté par l'appelant aux débats d'appel est bon. Aussi le pronostic n'est-il pas défavorable. Le sursis sera accordé.

Le jugement sera réformé sur ce point.

3.1. L'art. 44 al. 1 CP dispose que si le juge suspend totalement ou partiellement l'exécution d'une peine, il impartit au condamné un délai d'épreuve de deux à cinq ans.

Dans le cadre ainsi fixé par la loi, le juge en détermine la durée en fonction des circonstances du cas, en particulier selon la personnalité et le caractère du condamné, ainsi que du risque de récidive. Plus celui-ci est important, plus long doit être le délai d'épreuve et la pression qu'il exerce sur le condamné pour qu'il renonce à commettre de nouvelles infractions. Dans ce contexte, les autorités cantonales disposent d'un large pouvoir d'appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1192/2019 du 28 février 2020 consid. 2.1).

3.2. Certes, le prévenu a un statut régulier en Suisse désormais. Mais ses antécédents témoignent d'une inclination à transgresser les règles. L'effet d'avertissement des précédentes peines – la dernière était ferme – a été vain. Cet élément commande qu'une certaine pression soit mise sur l'appelant pour qu'il renonce à commettre de nouvelles infractions. Il semble approprié, dans ces conditions, de prévoir un délai d'épreuve s'écartant du minimum légal et de le fixer à trois ans.

4. L'appel étant sur l'essentiel admis, il ne sera pas perçu de frais (art. 428 al. 1 CPP a contrario).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement rendu le 23 mars 2023 par le Tribunal de police dans la procédure P/8309/2022.

L'admet.

Annule ce jugement.

Et statuant à nouveau :

Déclare A______ coupable d'exercice d’une activité lucrative sans autorisation (art. 115 al. 1 let. c LEI) et de violation simple des règles de la circulation routière (art. 90 al. 1 LCR).

Acquitte A______ d'entrée illégale (art. 115 al. 1 let. a LEI), de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI) et d'exercice d’une activité lucrative sans autorisation pour la période du 16 janvier 2021 au 28 février 2022 (art. 115 al. 1 let. c LEI).

Condamne A______ à une peine pécuniaire de 30 jours-amende, sous déduction de deux jours-amende correspondant à deux jours de détention avant jugement.

Fixe le montant du jour-amende à CHF 20.-.

Met A______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à trois ans (art. 42 al. 1 et 44 al. 1 CP).

Avertit A______ que s'il devait commettre une nouvelle infraction durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Condamne A______ à une amende de CHF 160.-.

Prononce une peine privative de liberté de substitution d'un jour.

Dit que la peine privative de liberté de substitution sera mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'est pas payée.

Condamne A______ à un tiers des frais de la procédure préliminaire et de première instance, qui s'élèvent à CHF 1'383.-, émolument complémentaire compris.


 

Laisse les frais de la procédure d'appel à la charge de l'État

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police.

 

La greffière :

Aurélie MELIN ABDOU

 

Le président :

Fabrice ROCH

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.