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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/14239/2023

AARP/342/2023 du 13.09.2023 ( REV )

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/14239/2023 AARP/342/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 13 septembre 2023

 

Entre

A______, domicilié ______ [GE], représenté par Madame B______, curatrice auprès du Service de protection de l'adulte, route des Jeunes 1C, case postale 107, 1211 Genève 8,

demandeur en révision,

 

contre les ordonnance pénales OPMP/2108/2019 rendue le 11 mars 2019, OPMP/6051/2019 rendue le 3 juillet 2019, OPMP/121/2020 rendue le 3 janvier 2020, OPMP/2960/2020 rendue le 30 avril 2020, OPMP/10163/2021 rendue le 11 novembre 2021 par le Ministère public,

 

et

 

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

cité.


EN FAIT :

A. a. Par ordonnances pénales des 11 mars et 3 juillet 2019, 3 janvier et 30 avril 2020 et 11 novembre 2021, le Ministère public (MP) a reconnu A______ coupable de détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de justice (art. 169 du code pénal [CP]) et l'a, dans l'ordre chronologique, condamné à :

- 30 jours-amende à CHF 120.- l'unité assortis du sursis (délai d'épreuve de trois ans) pour avoir, du 23 octobre 2017 au 23 octobre 2018, arbitrairement disposé d'une valeur patrimoniale saisie de manière à causer un dommage à ses créanciers, en ne respectant pas son obligation de verser à l'Office des poursuites (OP) la somme saisie en ses mains (série n° 1______) alors qu'il connaissait l'existence et la teneur de son obligation, détournant de la sorte CHF 1'800.- ;

- 30 jours-amende à CHF 120.- l'unité, peine partiellement complémentaire à celle prononcée le 11 mars 2019, pour avoir, du 24 octobre 2018 au 30 avril 2019, arbitrairement disposé d'une valeur patrimoniale saisie de manière à causer un dommage à ses créanciers, en ne respectant pas son obligation de verser à l'OP la somme saisie en ses mains (série n° 2______) alors qu'il connaissait l'existence et la teneur de son obligation, détournant de la sorte CHF 25'230.- ;

- 40 jours-amende à CHF 120.- l'unité, peine partiellement complémentaire à celle prononcée le 3 juillet 2019, et a révoqué le sursis accordé le 11 mars 2019 par le MP pour avoir, du 1er mai au 2 août 2019, arbitrairement disposé d'une valeur patrimoniale saisie de manière à causer un dommage à ses créanciers, en ne respectant pas son obligation de verser à l'OP la somme saisie en ses mains (série n° 3______) alors qu'il connaissait l'existence et la teneur de son obligation, détournant de la sorte CHF 2'218.30 ;

- à 60 jours-amende à CHF 120.- l'unité, peine partiellement complémentaire à celle prononcée le 3 janvier 2020, pour avoir, du 3 août 2019 au 11 janvier 2020, arbitrairement disposé d'une valeur patrimoniale saisie de manière à causer un dommage à ses créanciers, en ne respectant pas son obligation de verser à l'OP la somme saisie en ses mains (série n° 4______) alors qu'il connaissait l'existence et la teneur de son obligation, détournant de la sorte CHF 3'950.- ;

- à 90 jours-amende à CHF 120.- l'unité pour avoir, du 8 juin 2020 au 8 janvier 2021, arbitrairement disposé d'une valeur patrimoniale saisie de manière à causer un dommage à ses créanciers, en ne respectant pas son obligation de verser à l'OP la somme saisie en ses mains (série n° 5______) alors qu'il connaissait l'existence et la teneur de son obligation, détournant de la sorte CHF 11'800.-.

b. Non frappées d'opposition, ces ordonnances pénales sont entrées en force.

c. Par acte du 30 juin 2023, A______, agissant par sa curatrice, forme une demande de révision à l'endroit des cinq ordonnances pénales précitées. Il conclut à leur annulation et à son indemnisation pour tort moral en raison de la détention injustifiée subie du 13 au 19 octobre 2021.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. A______, né le ______ 1952, est veuf et retraité. En qualité d'ancien fonctionnaire de l'Organisation C______ , il bénéficie d'une rente de prévoyance professionnelle internationale de la Caisse D______ de CHF 6'367.43 par mois.

b. À tout le moins entre 2017 et 2020, A______ ne s'est plus acquitté de nombre de ses factures, accumulant de la sorte des arriérés de plusieurs dizaines de milliers de francs. Des poursuites ont été déposées à son encontre et des procès-verbaux de saisie dressés. Sa rente internationale ne pouvant être directement saisie en ses mains, il a d'abord été ordonné à A______, pour les dettes accumulées durant les périodes pénales liées aux quatre premières ordonnances pénales, de s'acquitter lui-même chaque mois, en faveur de l'OP, de CHF 4'205.-, montant calculé sur la base du minimum vital de la loi fédérale sur les poursuites (LP). S'étant finalement présenté à l'OP le 5 juin 2020 pour établir sa situation financière effective, A______ a, pour la période pénale visée dans la dernière ordonnance pénale, été sommé de verser mensuellement à l'OP le montant de CHF 1'865.-.

A______ ne s'est jamais acquitté de ces sommes et n'a pas donné suite aux courriers de l'OP à cet égard, faisant de ce fait l'objet de dénonciations pénales auprès du MP.

c. A______ a retiré au guichet de la poste les ordonnances pénales des 11 mars, 3 juillet 2019 et 30 avril 2020. Il n'a pas réclamé celle du 3 janvier 2020 et celle du 11 novembre 2021 a été notifiée au Service de protection de l'adulte (SPAd).

d. Le 4 mai 2021, A______ a été placé sous curatelle de représentation et de gestion par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (TPAE).

Il ressort de l'ordonnance rendue dans ces circonstances que la situation de A______ avait été signalée en janvier 2021, à la suite d'une chute de ce dernier à son domicile ayant nécessité l'intervention de la police, qui avait permis de constater que son appartement était insalubre. La cuisinière, le réfrigérateur et la salle de bain étaient inaccessibles, si bien que A______ ne pouvait plus se laver, utiliser les toilettes ou se nourrir convenablement, les ambulanciers intervenus ce jour-là ayant relevé qu'il souffrait de malnutrition et d'infections dues à sa situation. A______ ne parvenait en outre pas à assurer le suivi de ses factures, ni à effectuer une quelconque démarche administrative.

Entendu par le TPAE, A______ a indiqué percevoir une rente de C______ , faire l'objet d'une saisie de l'OP et ne pas avoir d'économies. Il s'est dit conscient de ses difficultés dans la gestion de ses affaires administratives, vu les piles de courriers non traités à son domicile, tout en indiquant ignorer la cause de deux poursuites récentes initiées par le Service des contraventions et s'être renseigné auprès de divers organismes susceptibles de l'aider pour ses problèmes financiers.

Au vu de ses éléments, le TPAE a considéré que A______ souffrait manifestement d'un syndrome de Diogène qui l'impactait négativement dans ses impératifs quotidiens. Il ne parvenait plus à s'occuper de ses affaires administratives, financières et juridiques, ce dont attestaient les courriers qui s'entassaient à son domicile ainsi que les nombreuses poursuites dont il faisait l'objet et dont il en ignorait même, pour certaines d'entre elles, la cause. Il était isolé et ne bénéficiait d'aucune aide de tiers, étant relevé que l'appui de l'assistance sociale de l'Unité de gériatrie communautaire n'avait pas été suffisant pour améliorer ses conditions de vie. Observée dans son ensemble, la situation de A______ était assimilable, si ce n'était à un trouble psychique, à tout le moins à un état de faiblesse qui l'empêchait tant d'assurer la sauvegarde de ses intérêts que de désigner un mandataire, cet ensemble d'éléments justifiant le prononcé d'une mesure de protection.

e. Entendu par la police avec le soutien de sa curatrice le 21 octobre 2021 dans le cadre de la procédure ayant donné lieu au prononcé de l'ordonnance pénale du 11 novembre 2021, A______ a, après avoir pris connaissance des documents de l'OP, indiqué qu'il n'avait pas compris qu'il devait payer lui-même la somme visée. Il avait de nombreuses dettes et recevait des sommations de paiement tous les jours mais n'avait pas assez d'argent pour les payer.

f. Les peines pécuniaires découlant des ordonnances pénales des 30 avril 2020 et 11 novembre 2021, non exécutées, ont été converties en une peine privative de liberté de substitution de 150 jours. A______ a été incarcéré à E______ du 13 au 19 octobre 2022 puis, à compter du 4 avril 2023, a exécuté sa peine sous la forme de la surveillance électronique. Dans sa décision à cet égard, le Service d'application des peines et des mesures (SAPEM) a notamment retranscrit les paroles de A______, selon lesquelles il admettait s'être rendu coupable de détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de justice, ce qu'il a dit regretter tout en précisant avoir agi de la sorte par souci financier. Par ordonnance du 6 juillet 2023, la Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR) a suspendu l'exécution de la peine privative de liberté sous cette forme jusqu'à droit jugé sur la demande de révision.

g. Il ressort du rapport du Dr F______, médecin interne de l'Unité de gériatrie communautaire, daté du 19 octobre 2022 que A______ présentait un trouble de la personnalité avec syndrome de Diogène et incapacité de prendre soin de sa personne tant sur le plan physique que social. Il était suivi par l'Unité de gériatrie communautaire, l'Institution genevoise de maintien à domicile (IMAD) et sa curatrice de gestion depuis janvier 2021, prise en charge qui avait permis une amélioration drastique des aspects médicaux et sociaux. En l'absence de ces intervenants, une détérioration de sa situation était certaine.

h. Par courrier du 15 novembre 2022 adressé au MP, G______, infirmière de A______, a expliqué la situation de ce dernier telle qu'elle avait pu la constater les six derniers mois. Il en ressortait notamment que la mémoire de A______ était altérée, probablement en raison de sa forte et durable consommation d'alcool. Il perdait régulièrement des objets ou de l'argent et oubliait le passage des infirmiers le matin même. Il y avait encore quelques mois, A______ vivait au milieu de détritus, les sols de son domicile étant jonchés de multitudes d'objets, d'aliments en état de décomposition, de selles et de cannettes de bière. Les trois chambres ainsi que les sanitaires de l'appartement n'étaient plus accessibles et étaient envahis par des insectes. Bien qu'ayant conservé certaines aptitudes intellectuelles, lorsque A______ devait répondre à certaines obligations et prioriser des actes, même anodins, il préférait "se terrer". Il était capable d'acheter des objets de la vie courante à de nombreux exemplaires et de les entasser. Bien que l'accumulation d'arriérés lui causait du stress, il adoptait un comportement passif vis-à-vis de cela. L'autonomie de A______, qui avait demandé la mise en place d'une curatelle de portée générale, se limitait à quelques promenades par semaine dans son quartier. Pour elle, cela devait faire de nombreuses années qu'il n'était "plus en phase". Il n'était plus en mesure de prendre seul des décisions pour maintenir son intégrité individuelle.

i. Le 6 décembre 2022, le MP a rendu une ordonnance de non-entrée en matière dans une procédure dirigée à l'encontre de A______ dans le cadre de laquelle il lui avait été reproché d'avoir, entre le 9 juin et le 26 novembre 2021 et entre le 27 novembre 2021 et le 5 août 2022, arbitrairement disposé d'une valeur patrimoniale saisie de manière à causer un dommage à ses créanciers, en ne respectant pas son obligation de verser à l'OP la somme saisie en ses mains (séries n° 6______ et n° 7______) alors qu'il connaissait l'existence et la teneur de son obligation, détournant de la sorte CHF 2'500.- et CHF 8'600.-. Compte tenu du fait que A______ avait été placé sous curatelle de gestion et de représentation avant la période de saisie, et vu ses déclarations à la police ainsi que les documents produits par le SPAd, il était évident qu'il n'avait pas eu l'intention, même par dol éventuel, de détourner arbitrairement des valeurs patrimoniales mises sous main de justice, ni n'avait agi volontairement au détriment de ses créanciers.

C. a. Par ordonnance du 6 juillet 2023, la CPAR a ordonné la jonction des procédures P/8______/2019, P/9______/2019, P/10_____/2019, P/11_____/2020, P/12_____/2021 et P/14239/2023.

b. Dans sa demande en révision, A______ produit diverses pièces, dont le rapport et le courrier mentionnés supra (cf. B.g et B.h). Au moment du prononcé des ordonnances pénales attaquées, le MP n'était pas au courant de son état de santé, de ses pathologies et de la précarité extrême dans laquelle il se trouvait, éléments dont il n'était pas capable de se prévaloir seul. Les troubles dont il souffrait, en particulier le syndrome de Diogène, l'avaient empêché de s'occuper de lui-même et de répondre à certaines obligations, comme l'ouverture de son courrier, impactant ainsi la gestion de ses affaires courantes. Bien que les ordonnances pénales en question aient été envoyées à son domicile, ses troubles l'avaient empêché de réaliser l'importance de leur contenu et les conséquences qui en découlaient. Le fait qu'il n'était plus parvenu à régler son loyer durant un certain temps témoignait de la détresse dans laquelle il se trouvait. Isolé socialement, il n'était pas parvenu à se faire aider avant sa mise sous curatelle, intervenue après que sa situation financière, pénale et administrative se soit aggravée au fil des années. Ce n'était que dans le cadre de la dernière procédure ouverte à son encontre, qui s'était soldée par une ordonnance de non-entrée en matière, qu'il avait été entendu par la police en présence de sa curatrice, audition lors de laquelle il avait fait part de son incompréhension face à son obligation de payer les sommes réclamées, ce qui démontrait encore qu'il n'avait pas conscience des conséquences de ses actes et n'avait pas réagi aux sollicitations des autorités en raison de ses troubles.

L'annulation des ordonnances pénales rendues à son encontre devait conduire à son indemnisation pour la détention subie injustement entre le 13 et le 19 octobre 2022 ainsi que pour l'exécution de sa peine sous la forme de la surveillance électronique, ordonnée à compter du 18 avril 2023, à hauteur de CHF 200.- par jour.

c. Le MP conclut au rejet de la demande en révision sous suite de frais en relevant que A______ s'était présenté, le 5 juin 2020 sur convocation, à l'OP afin d'établir sa situation personnelle et financière. Il était donc capable de renseigner les autorités à ce titre et conscient de sa situation financière. Il aurait pu former opposition à l'encontre des ordonnances pénales des 11 mars et 3 juillet 2019, qui lui avaient été valablement notifiées, contre sa signature, au guichet de la Poste, son silence devant être compris comme un acquiescement à ces prononcés. Ses curatrices n'avaient pas formé opposition à l'ordonnance pénale du 11 novembre 2021, qui avait dûment été notifiée au SPAd. Quoi qu'il en soit, rien ne permettait de tenir pour établi que l'état de santé de A______ durant la période pénale concernée était similaire à celui dans lequel il se trouvait au moment de sa mise sous curatelle en 2021.

EN DROIT :

1. La demande de révision a été formée par-devant l'autorité compétente et selon la forme prévue par la loi (art. 411 al. 1 du code de procédure pénale [CPP)]).

2. 2.1. L'art. 410 al. 1 let. a CPP permet à toute personne lésée par un jugement entré en force d'en demander la révision s'il existe des faits ou des moyens de preuve qui étaient inconnus de l'autorité inférieure et qui sont de nature à motiver l'acquittement ou une condamnation sensiblement moins sévère du condamné.

Cette disposition reprend la double exigence posée par l'art. 385 CP, selon laquelle les faits ou moyens de preuve invoqués doivent être nouveaux et sérieux (cf. Message relatif à l'unification du droit de la procédure pénale du 21 décembre 2005, FF 2006 1303 ad art. 417 [actuel art. 410 CPP]).

Les faits ou moyens de preuve sont inconnus lorsque le juge n'en a pas eu connaissance au moment où il s'est prononcé, c'est-à-dire lorsqu'ils ne lui ont pas été soumis sous quelque forme que ce soit (ATF 137 IV 59 consid. 5.1.2), mais non pas lorsque celui-ci, l'ayant examiné, n'en a pas tiré les déductions qu'il fallait ou n'a pas pris conscience de ce que le moyen de preuve devait démontrer. Il ne suffit dès lors pas de dire que le juge a sous-estimé l'importance d'un moyen de preuve, notamment par comparaison avec d'autres, ou qu'il en a mal compris le sens et la portée ; ces critiques s'attachent en effet à l'appréciation des preuves, et ne touchent pas la nouveauté du moyen de preuve. Pour que l'on puisse se convaincre qu'un élément de preuve ressortant du dossier est resté inconnu du juge, il faut tout d'abord que cet élément soit à ce point probant, sur une question décisive, que l'on ne puisse imaginer que le juge aurait statué dans le même sens s'il en avait pris connaissance. S'il y a matière à appréciation et discussion, cela exclut que l'inadvertance soit manifeste. Cette première condition ne suffit cependant pas. Il faut encore que des circonstances particulières montrent que cette situation est due à l'ignorance du moyen de preuve, et non pas à l'arbitraire. Cette question doit être examinée de cas en cas, en tenant compte, non pas seulement de la teneur du jugement critiqué, mais de l'ensemble des circonstances. Celles-ci doivent faire apparaître à l'évidence que le juge n'a pas eu connaissance d'un moyen de preuve figurant à la procédure. Dans le doute, on doit supposer que celui-ci a pris connaissance de toutes les pièces du dossier (arrêt du Tribunal fédéral 6B_319/2014 du 10 novembre 2014 consid. 1.1).

2.2. Selon l'art. 169 CP, est punissable celui qui de manière à causer un dommage à ses créanciers, aura arbitrairement disposé d'une valeur patrimoniale mise sous main de justice, notamment sous la forme de saisie.

L'infraction est intentionnelle, le dol éventuel étant suffisant (ATF 121 IV 353 consid. 2c). La condamnation pour détournement d'objets mis sous main de justice au sens de l'art. 169 CP n'est possible que si, en plus de la volonté de disposer, il existe celle d'agir au détriment des créanciers (ATF 119 IV 134 consid. 2c.bb).

2.3.1. Les éléments apportés par le demandeur en lien avec son état de santé sont des faits nouveaux et sérieux, car propres à modifier les ordonnances pénales rendues par le MP, qui en ignorait l'existence au moment de leur prononcé, en particulier en ce qui concerne l'intention du demandeur de commettre les infractions retenues.

Vu les dates d'émission des rapports médicaux versés au dossier, il convient de déterminer si l'état de santé du demandeur a eu un impact concret sur sa volonté de verser les montants dus à l'OP d'octobre 2017 à janvier 2021.

2.3.2. Le demandeur ne conteste ni la réalisation des éléments objectifs de l'infraction de détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de justice, ni sa responsabilité pénale. Il soutient néanmoins que l'élément subjectif n'était pas rempli durant les périodes pénales visées par les ordonnances attaquées en raison de ses troubles psychiques.

2.3.3. La mise sous curatelle de représentation et de gestion du demandeur, consécutive à un signalement de la police datant du début du mois de janvier 2021, a été prononcée le 4 mai 2021. Si le TPAE a considéré que le demandeur présentait manifestement un syndrome de Diogène qui l'impactait négativement dans ses impératifs quotidiens, il s'est contenté d'émettre l'hypothèse que cette pathologie puisse être en lien avec son incapacité à gérer, notamment, les aspects administratifs de sa vie, sans ériger cette possibilité au rang de certitude. Le tribunal ne s'est au demeurant pas prononcé sur la question de savoir si le demandeur présentait un tel trouble avant que son cas ne soit signalé aux autorités compétentes.

Les pièces produites par le demandeur pour soutenir sa demande de révision, soit le rapport médical ainsi que le courrier de son infirmière, attestent certes de l'existence et de l'importance de ses troubles psychiques, de même que de leur impact sur sa capacité à s'occuper de ses affaires administratives et juridiques. Ils ont toutefois été établis en octobre et novembre 2022, soit bien après les périodes pénales visées dans les ordonnances entreprises, la situation qui y est décrite étant, de même, postérieure à la commission des faits reprochés.

À cela s'ajoute que le demandeur a lui-même retiré au guichet de la Poste trois des quatre ordonnances pénales qui lui avaient été directement adressées et qu'il s'est de lui-même présenté à l'OP en juin 2020 afin d'établir sa situation personnelle. Même s'il a, lors de ses auditions, manifesté une certaine incompréhension face aux poursuites dont il faisait l'objet, ce qui n'est pas totalement surprenant compte tenu de leur nombre important, il a néanmoins justifié à plusieurs reprises ses impayés par une absence de moyens financiers suffisants. Ces éléments démontrent qu'il avait conscience de l'existence des poursuites déposées à son encontre.

Les circonstances ayant justifié le prononcé de l'ordonnance de non-entrée en matière que le demandeur invoque dans son mémoire ne sont pas similaires à celles qui prévalaient lorsque les infractions reprochées à l'appelant in casu ont été commises. Tout en reconnaissant que les pathologies du demandeur pouvaient conduire à écarter la condition subjective de l'infraction, le MP a estimé que les éléments objectifs de celle-ci n'étaient, en tout état de cause, pas remplis : dans la mesure où la période pénale concernée était postérieure à sa mise sous curatelle, il ne pouvait quoi qu'il en soit pas disposer librement, personnellement, de ses deniers à cette époque.

2.3.4. Au regard de ce qui précède, le dossier ne comporte pas d'élément objectif qui permettrait de retenir qu'entre octobre 2017 et début janvier 2021 les troubles de la personnalité diagnostiqués chez le demandeur en 2022 l'empêchaient déjà de se rendre compte de l'existence de ses obligations envers l'OP et d'en saisir la portée, de même que les conséquences de leur violation, à tout le moins de tenir pour possible la réalisation de l'infraction et de l'accepter au cas où celle-ci se produisait (art. 12 al. 2 CP).

La demande de révision sera, par conséquent, entièrement rejetée.

3. Compte tenu de l'issue de sa demande de révision, les conclusions en indemnisation de A______ s'agissant du tort moral subi en raison de sa détention seront rejetées (art. 429 al. 1 let. c CPP).

4. Vu la confirmation des ordonnances pénales du 30 avril 2020 et du 11 novembre 2021, lesquelles ont donné lieu à la condamnation du demandeur à une peine privative de liberté de substitution de 150 jours au total, la suspension de l'exécution de celle-ci sous la forme de la surveillance électronique doit être levée (art. 413 al. 1 CPP).

5. Les frais de la procédure de révision, en CHF 1'155.-, y compris un émolument de CHF 1'000.-, seront entièrement mis à la charge du demandeur (art. 428 al. 1 CPP).

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit la demande de révision formée par A______ contre les ordonnances pénales OPMP/2108/2019 du 11 mars 2019, OPMP/6051/2019 du 3 juillet 2019, OPMP/121/2020 du 3 janvier 2020, OPMP/2960/2020 du 30 avril 2020 et OPMP/10163/2021 du 11 novembre 2021 rendues par le Ministère public.

La rejette.

Rejette les conclusions en indemnisation de A______ (art. 429 al. 1 let. c CPP).

Lève la suspension de l'exécution, sous la forme de la surveillance électronique, de la peine privative de liberté de substitution de 150 jours prononcée à l'encontre de A______ en application des ordonnances pénales OPMP/2960/2020 du 30 avril 2020 et OPMP/10163/2021 du 11 novembre 2021.

Condamne A______ aux frais de la procédure de révision, qui s'élèvent à CHF 1'155.-, y compris un émolument CHF 1'000.-.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Service de l'application des peines et mesures (SAPEM) et à l'Office cantonal des poursuites.

 

La greffière :

Lylia BERTSCHY

 

Le président :

Fabrice ROCH

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

80.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

00.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1'000.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'155.00