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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/11847/2021

AARP/316/2023 du 21.08.2023 sur AARP/112/2023 ( PENAL )

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/11847/2021 AARP/316/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 21 août 2023

 

statuant d'office à la suite de son arrêt AARP/112/2023 du 23 mars 2023

 

Entre

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/674/2022 rendu le 10 juin 2022 par le Tribunal de police,

 

et

 

A______, sans domicile connu, comparant par Me B______, avocate,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par arrêt AARP/112/2023 du 23 mars 2023, la Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR), statuant sur appel du Ministère public (MP), a reconnu A______ coupable de séjour illégal pour la période du 5 au 8 juin 2021 (art. 115 al. 1 let. b de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration [LEI]) et d'infraction à la loi fédérale sur les stupéfiants (art. 19a ch. 1 LStup).

Le dispositif concernant la peine a la teneur suivante :

" Révoque le sursis octroyé le 22 novembre 2019 par le Ministère public du canton de Genève à la peine pécuniaire de 90 jours-amende à CHF 30.- le jour, sous déduction d'un jour-amende correspondant à un jour de détention avant jugement (art. 46 al. 1 CP).

Révoque le sursis octroyé le 12 décembre 2019 par le Ministère public du canton de Genève à la peine pécuniaire de 60 jours-amende à CHF 30.- le jour, sous déduction de deux jours-amende correspondant à deux jours de détention avant jugement (art. 46 al. 1 CP).

Condamne A______ à une peine pécuniaire d'ensemble de 135 jours-amende, sous déduction de cinq jours-amende, correspondant à cinq jours de détention avant jugement, étant précisé que cette peine d'ensemble inclut les peines dont le sursis a été révoqué et les jours de détention y relatifs (art. 46 al. 1 CP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 10.-.

Condamne A______ à une amende de CHF 300.- (art. 106 CP).

Prononce une peine privative de liberté de substitution de trois jours.

Dit que la peine privative de liberté de substitution sera mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'est pas payée ".

b. Le 26 mai 2023, les huissiers du MP en charge de l'exécution ont relevé une erreur dans l'arrêt AARP/112/2023, en ce sens que si la partie "EN FAIT" retient correctement que la peine infligée le 12 décembre 2019 par le MP est une peine privative de liberté de 60 jours, le considérant 2.2 l'a ensuite traitée comme une peine pécuniaire, d'où le prononcé d'une peine d'ensemble, avec celle dont la révocation du sursis avait par ailleurs été décidée. L'erreur a ensuite été reproduite dans le dispositif.

B. a. À teneur de son extrait du casier judiciaire, A______ a été condamné le 12 décembre 2019 par le MP à une peine privative de liberté de 60 jours, avec sursis (délai d'épreuve : trois ans), pour entrée illégale (art. 115 al. 1 let. a LEI) et non-respect d'une assignation à un lieu de résidence ou d'une interdiction de pénétrer dans une région déterminée (art. 119 al. 1 LEI).

Cette donnée figure en effet correctement au considérant B.a de l'arrêt AARP/112/2023.

b. Dans la partie "EN DROIT" de l'arrêt du 23 mars 2023, dite peine a été traitée comme une peine pécuniaire :

" 2.2. […] La récidive durant les délais d'épreuve impartis les 22 novembre et 12 décembre 2019 commande la révocation des sursis qui portent sur une peine pécuniaire de 90 jours-amende, sous déduction d'un jour-amende correspondant à un jour de détention avant jugement, et une peine pécuniaire de 60 jours-amende, sous déduction de deux jours-amende correspondant à deux jours de détention avant jugement, et partant le prononcé d'une peine d'ensemble.

En conséquence, la peine de départ (peine pécuniaire de 15 jours-amende) doit être augmentée de 120 jours-amende (peine théorique : 150 jours-amende) pour tenir compte des sursis à révoquer. C'est donc une peine d'ensemble de 135 jours-amende qui doit être prononcée in fine […]."

C. a. Invités à se déterminer sur une éventuelle rectification d'une erreur manifeste au sens de l'art. 83 du code de procédure pénale (CPP) :

-        le MP ne s'oppose pas à une rectification du dispositif. L'erreur manifeste ressortait des considérants du jugement et avait été reproduite dans le dispositif ;

-        A______ s'en rapporte à justice.

EN DROIT :

1. 1.1. L'autorité pénale qui a rendu un prononcé dont le dispositif est peu clair, contradictoire ou incomplet ou qui est en contradiction avec l'exposé des motifs, l'explique ou le rectifie à la demande d'une partie ou d'office (art. 83 CPP).

Cette disposition ne vise pas à permettre l'examen matériel d'une décision, mais à pouvoir l'éclaircir, respectivement corriger des erreurs manifestes. Tel est le cas lorsqu'il ressort indubitablement de la lecture du texte de la décision que ce que le tribunal voulait prononcer ou ordonner ne correspond pas à ce qu'il a prononcé ou ordonné. En d'autres termes, il doit s'agir d'une erreur dans l'expression de la volonté du tribunal, non dans la formation de sa volonté. Une décision qui aurait été voulue comme elle a été exprimée, mais qui repose sur des constatations de fait erronées ou sur une erreur de droit ne peut pas être corrigée par le biais de la procédure prévue par l'art. 83 CPP (ATF 142 IV 281 consid. 1.3).

Le dispositif d'un prononcé ne peut être modifié que par la juridiction de recours. Dès lors, l'autorité qui a rendu une décision ne peut procéder, d'office ou sur requête, qu'à des rectifications d'inadvertances manifestes de calcul, d'écriture ou de désignation (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1311/2015 du 15 février 2016 consid. 4). Il en va en particulier ainsi des erreurs de plume (arrêt du Tribunal fédéral 6B_659/2014 du 22 décembre 2017 consid. 5.1).

1.2.1. Lorsqu'un prévenu est condamné à une simple amende pour un délit et une contravention par un dispositif de jugement de première instance notifié sans motivation, le prononcé supplémentaire d'une peine pécuniaire pour le délit ne peut pas résulter d'une procédure de rectification (ATF 142 IV 281 consid. 1).

1.2.2. Le prononcé relatif aux frais est une décision de nature matérielle (arrêt 6B_310/2012 du 11 décembre 2012 consid. 5.3.1 non publié in ATF 139 IV 102), qui lie l'autorité pénale après sa notification. En effet, celle-ci fixe les frais dans la décision finale (art. 421 al. 1 CPP ; également art. 81 al. 4 let. b CPP prescrivant que le dispositif doit contenir le prononcé relatif aux frais ; ATF 140 IV 213 consid. 1). L'autorité pénale ne peut ainsi le modifier matériellement elle-même, lorsqu'il s'avère juridiquement incorrect. Une modification matérielle postérieure, sous la forme d'une réévaluation ou d'un complètement n'est pas possible. Même sous la forme d'une explication ou rectification des prononcés au sens de l'art. 83 CPP, une décision qui repose sur une erreur de nature factuelle ou juridique lors de la prise de décision, ne peut être corrigée (arrêt du Tribunal fédéral 6B_13/2016 du 23 janvier 2017 consid. 2.2).

1.3. Pour déterminer si l'on se trouve en présence d'une reformatio in pejus prohibée, il convient de se référer au dispositif du dernier arrêt en cause, lequel doit se comprendre à la lumière des considérants de la décision et ne constitue qu'une partie du prononcé de clôture au sens de l'art. 81 al. 1 CPP (ATF 143 IV 469 consid. 4.2.2).

En cas d'erreur de plume dans le dispositif – en l'occurrence, une condamnation pour blanchiment d'argent au sens de l'art. 305ter au lieu de 305bis CP –, la rectification ne viole pas l'art. 391 al. 2 CPP. En effet, il ressortait bien du jugement de première instance – pris dans son ensemble – que le prévenu avait été condamné pour blanchiment d'argent au sens de l'art. 305bis et non pour infraction à l'art. 305ter CP. La rectification n'a pas engendré d'aggravation de la peine ni de la qualification juridique des faits reprochés, dans la mesure où la même infraction déjà retenue à la charge du prévenu par le tribunal de première instance a été retenue par la juridiction d'appel (arrêt du Tribunal fédéral 6B_155/2019 du 29 mars 2019 consid. 1.2).

La prohibition de la reformatio in pejus prévue par l'art. 391 al. 2 CPP s'applique à toutes les voies de recours (Rechtsmittel) au sens des art. 379 ss CPP. Il est ainsi admis que la règle trouve application en procédure de révision au sens des art. 410 ss CPP, lorsque celle-ci intervient en faveur du condamné uniquement (ATF 144 IV 35 consid. 3.1).

1.4. Le prononcé relatif à la sanction est une décision de nature matérielle (tout comme le prononcé relatif aux frais, cf. supra jurisprudence citée). En effet, l'autorité pénale fixe la sanction dans la décision finale (art. 351 al. 1 et 408 CPP, cette dernière disposition prévoit que si la juridiction d'appel entre en matière, elle rend un nouveau jugement qui remplace le jugement de première instance ; également art. 81 al. 4 let. b CPP prescrivant que le dispositif doit contenir le prononcé relatif à la sanction).

1.5. En l'espèce, pour corriger l'erreur qui s'est introduite dans l'arrêt AARP/112/2023, il serait nécessaire de fixer à nouveau la peine, en tenant compte de ce que les peines dont la révocation des sursis a été décidée ne sont pas de même nature. La révocation du sursis octroyé le 22 novembre 2019 par le MP à la peine pécuniaire de 90 jours-amende conduit à la fixation d'une peine d'ensemble avec celle prononcée dans la présente procédure (art. 46 al. 1 et 49 CP). En revanche, la révocation du sursis octroyé le 12 décembre 2019 par le MP ne doit pas être prise en compte dans le calcul de la peine d'ensemble, dite peine n'étant pas de même genre (art. 46 al. 1 a contrario CP). Or, conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral rappelée ci-dessus, fixer à nouveau la peine est une modification matérielle du prononcé. Dans l'arrêt AARP/112/2023, la décision a bien été voulue comme elle a été exprimée (défaut dans la formation de la volonté), tel que cela ressort de la motivation au considérant 2.2, erreur matérielle qui ne peut être corrigée par le biais de la procédure prévue par l'art. 83 CPP.

Au vu de ce qui précède, la question peut demeurer ouverte de savoir si la prohibition de la reformatio in pejus eût trouvé application ici dans la mesure où la rectification de l'erreur contenue dans l'arrêt AARP/112/2023 conduirait à un prononcé plus sévère (révocation du sursis à une peine privative de liberté).

Seule la voie du recours auprès du Tribunal fédéral était ouverte, voie qui n'a pas été empruntée par les parties, de sorte que l'arrêt AARP/112/2023 du 23 mars 2023 est entré en force et n'est pas sujet à rectification.

2. Les frais seront laissés à la charge de l'État.

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

statuant d'office

Déclare que la voie de la rectification au sens de l'art. 83 CPP n'est pas ouverte pour corriger l'erreur contenue dans l'arrêt de la Chambre pénale d'appel et de révision du 23 mars 2023 dans la procédure P/11847/2021.

Laisse les frais du présent arrêt à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police, au Secrétariat d'État aux migrations et à l'Office cantonal de la population et des migrations.

 

La greffière :

Lylia BERTSCHY

 

La présidente :

Alessandra CAMBI FAVRE-BULLE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.