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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/25298/2019

AARP/251/2023 du 18.07.2023 sur JTDP/1223/2021 ( PENAL ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 15.09.2023, rendu le 16.02.2024, REJETE, 6B_1075/2023
Descripteurs : TRIBUNAL FÉDÉRAL;CHOSE JUGÉE
Normes : LCR.90; LCR.100
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/25298/2019 AARP/251/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 11 juillet 2023

 

Entre

A______, p.a. Police, case postale 236, 1211 Genève 8, comparant par Me Jacques ROULET, avocat, ROULET Avocats, rond-Point de Plainpalais 2, 1205 Genève,

appelant et intimé,

 

contre le jugement JTDP/1223/2021 rendu le 5 octobre 2021 par le Tribunal de police,

 

et

 

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

appelant et intimé,

 

statuant à la suite de l'arrêt du Tribunal fédéral 6B_659/2022 du 17 mai 2023 admettant le recours du MINISTERE PUBLIC contre l'arrêt AARP/82/2022 rendu le 30 mars 2022 par la Chambre pénale d'appel et de révision.


EN FAIT :

A. Les faits de la cause ne sont plus contestés à ce stade de la procédure et peuvent être résumés comme suit, étant pour le surplus renvoyé à l'arrêt de la CPAR du 30 mars 2022, incontesté sur la question de la culpabilité (art. 82 al. 4 du Code de procédure pénale [CPP]).

a. Par jugement JTDP/1223/2021 rendu le 5 octobre 2021, le Tribunal de police (TP) a déclaré A______ coupable de violation grave des règles de la circulation (art. 90 al. 2 de la loi fédérale sur la circulation routière [LCR]) et l'a condamné à une amende de CHF 400.- (art. 100 ch. 4 in fine LCR, 48 let. a ch. 1, 48a al. 2 et 106 al. 1 du Code pénal [CP]), ainsi qu'à la moitié des frais de la procédure et de l'émolument complémentaire de jugement.

En dépassant la vitesse autorisée de 48.5 km/h en ville, A______ avait créé un sérieux danger pour la sécurité d'autrui ou en avait pris le risque, de sorte que les éléments constitutifs de l'infraction à l'art. 90 al. 2 LCR étaient réalisés. L'impunité au sens de l'art. 100 ch. 4 LCR n'entrait pas en ligne de compte, la condition de la proportionnalité faisant défaut.

Néanmoins, et sans analyser plus avant l'atténuante de l'art. 100 ch. 4 LCR dans sa partie en droit, le TP a considéré que, compte tenu du but poursuivi, lequel relevait de ses fonctions, A______ avait cédé à un mobile honorable au sens de l'art. 48 let. a ch. 1 CP, la faute devant donc être relativisée.

b. A______ a formé appel à l'encontre du jugement précité, concluant principalement à son acquittement.

c. Le Ministère public (MP) a également appelé dudit jugement, concluant notamment à la condamnation de A______ à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à CHF 160.- l'unité (sursis trois ans), ainsi qu'à une amende à titre de sanction immédiate de CHF 960.-.

Selon lui, le TP avait appliqué à tort l'art. 48 let. a ch. 1 CP, dès lors que l'art. 100 ch. 4 LCR constituait une lex specialis permettant d'appréhender les cas d'atténuation de peine dans le cadre de courses officielles urgentes.

d. Dans son arrêt AARP/82/2022 rendu le 30 mars 2022, la CPAR a confirmé le jugement entrepris sur le fondement de l'art. 100 ch. 4 LCR, sans examiner la question de l'atténuante de l'art. 48 let. a ch. 1 CP.

Elle a ainsi retenu que l'infraction à l'art. 90 al. 2 LCR était réalisée, mais que la peine devait être atténuée conformément à l'art. 100 ch. 4 dernière phrase LCR, afin de tenir compte du fait que A______ se trouvait en course d'urgence, mais qu'il n'avait pas fait preuve de toute la prudence imposée par les circonstances. Elle n’a pas examiné les griefs du MP relatifs à l’application de l’art. 48 CP.

Rejetant les deux appels, la CPAR a reproduit le dispositif du jugement entrepris, laissant figurer la mention de l'art. 48 let. a ch. 1 CP dans le dispositif.

e. Le MP a demandé une rectification de l'arrêt précité au motif que la CPAR avait procédé à une atténuation libre de la peine en application de l'art. 100 ch. 4 dernière phrase LCR, sans retenir le motif du mobile honorable de l'art. 48 let. a ch. 1 CP, mais que nonobstant, elle avait reproduit le dispositif du jugement de première instance mentionnant expressément l'art. 48 let. a ch. 1 CP. Il existait dès lors une contradiction manifeste entre la motivation de l'arrêt, qui ne retenait pas la circonstance atténuante du mobile honorable, et son dispositif.

f. A______ a conclu à l'irrecevabilité de la demande du MP.

g. Par décision du 27 avril 2022, la CAPR a rejeté la demande du MP au motif que l'art. 83 CPP n'a pas pour objet d'expliciter ou suppléer une motivation déficiente.

h. Le MP a formé recours à l'encontre de l'arrêt du 30 mars 2022. Il a conclu à une violation de son droit d'être entendu, la CPAR ne s'étant pas prononcée sur le grief qu'il avait soulevé et qui visait à constater l'application erronée de l'art. 48 let. a ch. 1 CP par le juge de première instance, ainsi qu'à la réforme de l'arrêt entrepris.

i. Dans son arrêt du 17 mai 2023, le Tribunal fédéral (TF) a admis le recours du MP, annulé l'arrêt attaqué et renvoyé la cause à la CPAR pour nouvelle décision.

La Haute Cour a retenu que la CPAR avait fait application de l'atténuante de l'art. 100 ch. 4 dernière phrase LCR sans mentionner, ni analyser, la problématique du mobile honorable (art. 48 let. a ch. 1 CP) dans la partie en droit de sa décision, alors-même que cette disposition était mentionnée dans son dispositif et que le MP se plaignait d'une application erronée de celle-ci. Il n'était dès lors pas possible de savoir si la peine avait été fixée en considération de la seule atténuation prévue à l'art. 100 ch. 4 LCR ou d'un cumul d'atténuation des art. 100 ch. 4 LCR et 48 CP.

La cause a ainsi été renvoyée à la CPAR pour qu'elle traite du grief soulevé par le MP concernant le mobile honorable.

j. Dans ses observations du 14 juin 2023, A______ a indiqué que le cumul des deux motifs de réduction (art. 100 ch. 4 LCR et 48 let. a ch. 1 CP) devait être retenu et qu'en tout état, une aggravation de la sanction prononcée par le TP ne se justifiait pas. Le MP s’est référé à ses précédentes écritures.

EN DROIT :

1. 1.1. Un arrêt de renvoi du Tribunal fédéral lie l'autorité cantonale à laquelle la cause est renvoyée, laquelle voit sa cognition limitée par les motifs dudit arrêt, en ce sens qu'elle est liée par ce qui a déjà été définitivement tranché par le Tribunal fédéral (ATF 104 IV 276 consid. 3b et 103 IV 73 consid. 1) et par les constatations de fait qui n'ont pas été attaquées devant lui ou l'ont été sans succès (ATF 131 III 91 consid. 5.2). Il n'est pas possible de remettre en cause ce qui a été admis, même implicitement, par ce dernier. L'examen juridique se limite donc aux questions laissées ouvertes par l'arrêt de renvoi, ainsi qu'aux conséquences qui en découlent ou aux problèmes qui leur sont liés (ATF 135 III 334 consid. 2 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_588/2012 du 11 février 2013 consid. 3.1 et 6B_534/2011 du 5 janvier 2012 consid. 1.2).

La motivation de l'arrêt de renvoi détermine dans quelle mesure la Cour cantonale est liée à la première décision, décision de renvoi qui fixe aussi bien le cadre du nouvel état de fait que celui de la nouvelle motivation juridique (ATF 135 III 334 consid. 2).

1.2. Conformément aux considérants de l'arrêt du TF du 17 mai 2023, la Cour de céans, statuant à nouveau, doit uniquement examiner le grief du MP selon lequel l'art. 48 let. a ch. 1 CP aurait été appliqué de manière erronée par le juge de première instance.

2. Dans son arrêt du 30 mars 2022, la CPAR a conclu que l'appelant avait certes agi dans le cadre d'une course officielle urgente, mais qu'il n'avait pas fait preuve de la prudence imposée par les circonstances de sorte qu'il ne pouvait pas bénéficier de l'impunité prévue à l'art. 100 ch. 4 LCR. Néanmoins, une atténuation de peine selon cette même disposition se justifiait, afin de tenir compte du fait que l'appelant se trouvait en course d'urgence.

Vu la faute commise et l'atténuation imposée par l'art. 100 ch. 4 LCR, la CPAR a condamné l'appelant à une amende de CHF 400.-, considérant la peine pécuniaire préconisée par le MP trop sévère.

En réalité, le motif du mobile honorable (art. 48 let. a ch. 1 CP) n'a été ni traité, ni admis par la CPAR dans sa décision du 30 mars 2022. Compte tenu du fait que le prévenu a renoncé à recourir contre l'arrêt précité, rien ne justifie l'examen d'une atténuante supplémentaire.

Au vu de ce qui précède, il y a lieu d'annuler le jugement JTDP/1223/2021 rendu le 5 octobre 2021 par le TP en tant qu'il retient l'art. 48 let. a ch. 1 CP comme facteur d'atténuation de la peine, afin de retenir uniquement l'art. 100 ch. 4 LCR.

3. 3.1. Lorsque le Tribunal fédéral admet un recours et renvoie la cause à l'autorité précédente, en l'occurrence à la juridiction d'appel cantonale, pour nouvelle décision, il appartient à cette dernière de statuer sur les frais sur la base de l'art. 428 CPP, aux termes duquel les frais de la procédure de recours sont mis à la charge des parties dans la mesure où elles ont obtenu gain de cause ou succombé (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1367/2017 du 13 avril 2018 consid. 2.1).

Aux termes de l'art. 426 al. 3 let. a CPP, le prévenu ne supporte pas les frais que la Confédération ou le canton ont occasionnés par des actes de procédure inutiles ou erronés. Tel est notamment le cas lorsque l'autorité judiciaire a violé le droit matériel ou le droit de procédure, en sorte que sa décision doive être corrigée en procédure de recours. Il en va ainsi y compris lorsque l'autorité de recours doit revoir sa décision à la suite d'un arrêt de renvoi du Tribunal fédéral (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1367/2017 du 13 avril 2018 consid. 2.1 et les références ; 6B_602/2014 du 4 décembre 2014 consid. 1.3).

3.2. En l'espèce, il n'y a pas lieu de revenir sur la répartition des frais effectuée dans l'arrêt du 30 mars 2022, dès lors que son résultat est confirmé, seule une rectification du dispositif entrant en ligne de compte.

Les frais de la procédure d'appel postérieure à l'arrêt du Tribunal fédéral, qui a visé à réparer le défaut de motivation constaté par l'instance supérieure, seront laissés à la charge de l'État.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Prend acte de l'arrêt du Tribunal fédéral 6B_659/2022 du 17 mai 2023 qui annule l'arrêt AARP/82/2022 rendu le 30 mars 2022 par la Chambre pénale d'appel et de révision dans la procédure P/25298/2019.

Reçoit les appels formés par A______ et le Ministère public contre le jugement JTDP/1223/2021 rendu le 5 octobre 2021 par le Tribunal de police dans la procédure P/25298/2019.

Rejette l’appel formé par A______.

Admet très partiellement l’appel formé par le Ministère public.

Déclare A______ coupable de violation grave des règles de la circulation (art. 90 al. 2 LCR).

Condamne A______ à une amende de CHF 400.- (art. 100 ch. 4 in fine LCR, art. 48a al. 2 et art. 106 al. 1 CP).

Prononce une peine privative de liberté de substitution de 4 jours (art. 106 al. 2 CP).

Dit que la peine privative de liberté de substitution sera mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'est pas payée (art. 106 al. 2 CP).

Condamne A______ au paiement de CHF 1'343.-, correspondant à la moitié des frais de la procédure de première instance, qui s'élèvent dans leur globalité à CHF 2'686.-, y compris les émoluments de jugement de CHF 1'000.- chacun.

Condamne A______ au paiement de CHF 587.50, correspondant à la moitié des frais de la procédure d'appel de CHF 1'175.-, qui comprennent un émolument de CHF 1'000.- et laisse le solde à la charge de l'État.

Alloue à A______ une indemnité à la charge de l'État de Genève de CHF 2'544.40, TVA comprise, pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure pour la procédure d'appel.

Rejette les conclusions en indemnisation de A______ pour le surplus.

Compense, à due concurrence, la créance de l'État de Genève en paiement de la part des frais de procédure mis à la charge de A______ dans les procédures de première instance et d'appel avec l'indemnité de procédure qui lui est allouée en appel pour ses frais de défense.

Laisse les frais de la procédure d'appel postérieure à l'arrêt du Tribunal fédéral à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information au Tribunal de police.

 

La greffière :

Lylia BERTSCHY

 

La présidente :

Gaëlle VAN HOVE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.