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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/11090/2022

AARP/106/2023 du 27.03.2023 sur JTDP/1489/2022 ( PENAL ) , REJETE

Descripteurs : EXPULSION(DROIT PÉNAL);PAPIER DE LÉGITIMATION
Normes : CP.66abis; CP.291
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/11090/2022 AARP/106/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 23 mars 2023

 

Entre

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/1489/2022 rendu le 1er décembre 2022 par le Tribunal de police,

 

et

A______, actuellement détenu à la prison de B______, ______, comparant par Me C______, avocate,

 

intimé.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, le Ministère public (MP) appelle du jugement du 1er décembre 2022, par lequel le Tribunal de police (TP) a reconnu A______ coupable de vol pour l'occurrence visée au ch. 1.1.1.1 de l'acte d'accusation (art. 139 ch. 1 du code pénal suisse [CP]), de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration [LEI]) et de consommation de stupéfiants (art. 19a ch. 1 de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes [LStup], et l'a acquitté de l'infraction de vol visée au point 1.1.1.2 de l'acte d'accusation et de délit à la LStup.

Le TP a révoqué la libération conditionnelle accordée le 15 décembre 2021 (solde de peine de 119 jours, sans compter les peines privatives de liberté de substitution), a condamné A______ à une peine privative de liberté d'ensemble de sept mois, sous déduction de 199 jours de détention avant jugement, dont 149 en exécution anticipée de peine, complémentaire à la peine privative de liberté de trois mois prononcée le 24 juin 2022, ainsi qu'à une amende de CHF 300.- et renoncé à prononcer son expulsion, frais de la procédure à sa charge à hauteur de CHF 595.-.

Le MP entreprend partiellement ce jugement, concluant au prononcé de l'expulsion pour une durée de trois ans, sans signalement de cette mesure dans le système d'information Schengen (SIS).

b. Selon l'acte d'accusation du 22 novembre 2022, il est encore reproché ce qui suit à A______ :

- le 4 mai 2022, aux alentours de 17h00, dans le restaurant "D______" sis rue 1______ no. ______, il a dérobé le téléphone portable appartenant à E______, que celle-ci avait laissé sur le comptoir de l'établissement (ch. 1.1.1.1) ;

- du 6 janvier au 17 mars 2022 et du 18 mars au 18 mai 2022, il a séjourné en Suisse, notamment à Genève, alors qu'il n'était pas au bénéfice des autorisations nécessaires, d'un quelconque titre de voyage reconnu, ni de moyens de subsistance légaux, et qu'il faisait, de surcroît, l'objet d'une mesure d'interdiction d'entrée dans le territoire suisse, valable du 29 janvier 2020 au 28 janvier 2023 (ch. 1.1.2) ;

- du 6 janvier au 17 mars 2022 et du 18 mars au 18 mai 2022, il a régulièrement consommé de la cocaïne, à raison de 0.5 gramme à 1 gramme par jour (ch. 1.1.4).

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. Selon ce qu'il a indiqué, A______ est né le ______ 1987 à F______ [Libye], de nationalité libyenne, célibataire et sans enfant. Il a une sœur en Libye, mais pas de famille en Europe.

Il a suivi l'école obligatoire dans son pays d'origine jusqu'à la troisième primaire, puis a travaillé dans le commerce de fruits et légumes de son père jusqu'au décès de ce dernier. En 2009, il a quitté la Lybie pour l'Europe, où il a travaillé sur des marchés en France, en Italie et en Belgique, avant d'arriver en Suisse, plus précisément à Genève, en 2018.

Il y a vécu depuis lors, sans jamais travailler, s'adressant à des associations caritatives pour se loger et se nourrir.

Il est dépourvu de papiers d'identité et n'a jamais entrepris de démarches visant son retour en Libye.

b. En janvier 2021, A______ a été agressé dans la rue pour une "histoire de drogue". L'événement a été enregistré par des caméras de vidéo-surveillance, mais l'agresseur n'a jamais été identifié et sa plainte a fait l'objet d'une ordonnance de non-entrée en matière que la Chambre de recours a confirmée (ACPR/627/2022 du 9 septembre 2022).

À ses dires, non confirmés par certificat médical, l'agression lui a causé une fracture de la jambe ayant nécessité une opération et un mois d'hospitalisation. Une opération devrait encore être envisagée pour lui enlever le matériel d'ostéosynthèse.

c. Par décision du 3 février 2021, l'Office cantonal de la population et des migrations (OCPM) a prononcé le renvoi de A______ de Suisse, ainsi que du territoire des États membres de l'Union Européenne et des États associés, en application des art. 64ss LEI (renvoi ordinaire).

d. Selon l'extrait de son casier judiciaire suisse, A______ a été condamné :

- le 15 décembre 2019, par le MP, à une peine pécuniaire de 60 jours-amende à CHF 10.-, avec sursis (trois ans), pour entrée et séjour illégaux, et à une amende de CHF 600.- pour contravention à la LStup et vol d'importance mineure (2 vestes [du magasin] G______ d'une valeur totale de CHF 130.-) ;

- le 20 avril 2020, par le MP, à une peine pécuniaire de 90 jours-amende à CHF 10.- et à une amende de CHF 300.- pour séjour illégal et contravention à la LStup ;

- le 22 août 2020, par le MP, à une peine privative de liberté de 90 jours pour séjour illégal, utilisation frauduleuse d'un ordinateur et recel (achat d'une carte [de la société bancaire] H______ qu'il savait volée et utilisation de celle-ci dans deux commerces [dans le quartier de] I______ [GE] pour des montants de respectivement CHF 39.90 et CHF 18.-) et à une amende de CHF 300.- pour contravention à la LStup ;

- le 30 novembre 2020, par le MP, à une peine privative de liberté de 90 jours pour séjour illégal, non-respect d'une assignation à un lieu de résidence ou d'une interdiction de pénétrer une région déterminée et appropriation illégitime (d'un sac à dos volé qu'il avait trouvé), le sursis accordé le 15 décembre 2019 étant pour le surplus révoqué ;

- le 27 décembre 2020, par le MP, à une peine privative de liberté de 180 jours pour séjour illégal, non-respect d'une assignation à un lieu de résidence ou d'une interdiction de pénétrer une région déterminée et vol (d'un téléphone dans une voiture dont la porte n'était pas verrouillée) ;

- le 24 juin 2022, par le TP, à une peine privative de liberté de trois mois, une peine pécuniaire de 30 jours-amende à CHF 10.- et à une amende de CHF 100.- pour séjour illégal, non-respect d'une assignation à un lieu de résidence ou d'une interdiction de pénétrer une région déterminée et appropriation illégitime, dommages à la propriété, utilisation frauduleuse d'un ordinateur (infraction d'importance mineure) et vol simple (des effets contenus dans une voiture après en avoir brisé la vitre, dont une carte de crédit utilisée pour un achat de CHF 15.50 dans une boulangerie), peines partiellement complémentaires à celles prononcées les 30 novembre et 27 décembre 2020, les faits s'étant déroulés entre le 23 août 2020 et le 12 janvier 2021.

e. A______ a été incarcéré à la prison de B______ dès le 28 janvier 2021 en exécution des peines prononcées les 22 août, 30 novembre et 27 décembre 2020 ainsi qu'en raison de la conversion des amendes et peines pécuniaires qui lui avaient été infligées.

Il a été libéré conditionnellement le 5 janvier 2022 (peine restante : 174 jours, dont 55 jours de peine privative de liberté de substitution). Dans le cadre de cette procédure, son attention a été attirée sur le fait que sa seule présence en Suisse était déjà constitutive d'une nouvelle infraction pouvant entraîner la révocation de la libération conditionnelle et qu'il lui appartiendrait de quitter le pays sans tarder dès sa sortie de prison, qu'il en soit expulsé par l'autorité ou non.

A______ a été arrêté et réincarcéré le 18 mai 2022.

Il a demandé l'exécution anticipée de sa peine, ce qui lui a été accordé par ordonnance du 6 juillet 2022.

Il travaille à la buanderie et dit avoir l'intention d'arrêter la drogue, qui a gâché sa vie, étant précisé que le téléphone volé aurait été revendu contre cinq grammes de cocaïne. À sa sortie de prison, il aimerait chercher un emploi et améliorer son français et son anglais, tout en étant conscient que, sans papier, cela se révèle impossible. Il a trouvé en Suisse un pays dans lequel il pourrait vivre de façon stable. À plus long terme, il aimerait se marier et "faire quelque chose de sa vie". Il estime que son état de santé, notamment le fait qu'il devrait se rendre à l'hôpital pour y subir une opération à la jambe, s'oppose à son expulsion.

C. a. La juridiction d'appel a ordonné l'instruction de la cause par la voie écrite.

b.a. Dans son mémoire d'appel, le MP estime qu'à l'aune des peines menace prévues, l'on ne pouvait soutenir que A______ n'avait commis que des infractions pénales de peu d'importance. Par ailleurs, celles-ci ne pouvaient être mises en lien à la seule consommation de cocaïne. En réalité, l'intimé, multirécidiviste, était ancré dans la délinquance depuis des années, s'attaquait avec régularité au patrimoine d'autrui et était insensible à la sanction pénale. Les torts causés à la collectivité n'étaient pas minimes, ainsi qu'en témoignaient ses nombreuses récidives en matière de LEI. L'intérêt public à son expulsion était dès lors évident, tandis que l'intéressé n'avait démontré aucun intérêt ni développé aucun argument permettant de retenir qu'il disposait d'un quelconque intérêt à demeurer sur le territoire suisse, les raisons médicales n'étant étayées par aucun document. Il n'était pas non plus démontré que sa nationalité libyenne – qui, du reste, n'était pas établie – ferait obstacle à l'expulsion, étant relevé au surplus qu'il n'avait jamais entrepris, tout au long de ses années en Suisse, de démarches concrètes auprès de son pays d'origine, quel qu'il soit, pour obtenir des pièces d'identité valables.

b.b. À l'appui de son appel, le MP produit un courrier de l'OCPM du 16 janvier 2023, indiquant que le renvoi prononcé en février 2021 n'avait pas pu être mis en œuvre par la police, faute d'avoir pu identifier le pays d'origine de l'intéressé.

c. A______ explique qu'il est toxicomane et dans une situation de grande précarité en raison de son statut irrégulier en Suisse. Il ne faisait nul doute que si une chance lui était donnée de régulariser sa situation administrative, il ne commettrait plus d'infractions. Celles-ci étaient au demeurant de peu de gravité, ainsi qu'en témoignaient les courtes peines prononcées à son endroit. Les difficultés de renvoi dans son pays d'origine avaient été confirmées par les autorités administratives. Le principe de proportionnalité s'opposait au prononcé de son expulsion, laquelle était au demeurant facultative.

d. Le TP se réfère intégralement à son jugement.

D. Me C______, défenseure d'office de A______, dépose un état de frais pour la procédure d'appel, facturant, sous des libellés divers, 3h45 d'activité de cheffe d'étude, majorées de la TVA.

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du code de procédure pénale [CPP]).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

2. 2.1. Aux termes de l'art. 66abis CP, entré en vigueur le 1er octobre 2016, le juge peut expulser un étranger du territoire suisse pour une durée de trois à quinze ans si, pour un crime ou un délit non visé à l'art. 66a CP, celui-ci a été condamné à une peine ou a fait l'objet d'une mesure au sens des art. 59 à 61 ou 64 CP.

2.2. L'expulsion facultative n'est pas conditionnée à une peine de durée minimale, le législateur ayant souhaité permettre au juge d'ordonner des expulsions en raison d'infractions de moindre gravité, en particulier pour les cas de délits répétés – par exemple le vol – ou de "tourisme criminel" (cf. arrêts du Tribunal fédéral 6B_607/2018 du 10 octobre 2018 consid. 1.1 ; 6B_770/2018 du 24 septembre 2018 consid. 1.1).

2.3. Comme toute décision étatique, le prononcé d'une expulsion non obligatoire doit respecter le principe de la proportionnalité, ancré aux art. 5 al. 2 et 36 al. 2 et 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse. Il convient ainsi d'examiner si l'intérêt public à l'expulsion l'emporte sur l'intérêt privé de la personne à demeurer en Suisse. Une telle pesée des intérêts répond également aux exigences découlant de l'art. 8 par. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) concernant les ingérences dans la vie privée et familiale (arrêt du Tribunal fédéral 6B_371/2018 du 21 août 2018 consid. 3.2). Pour apprécier ce qui est équitable, l'autorité doit notamment tenir compte de la gravité de la faute commise par l'étranger, de la durée de son séjour en Suisse et du préjudice qu'il aurait à subir avec sa famille du fait de l'expulsion (ATF 139 II 121 consid. 6.5.1 ; 135 II 377 consid. 4.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_506/2017 du 14 février 2018 consid. 2.1 et 6B_612/2018 du 22 août 2018 consid. 2.2).

2.4. Concernant l'intérêt public, le juge doit se demander si l'expulsion facultative est de nature à empêcher la commission de nouvelles infractions en Suisse (G. FIOLKA / L. VETTERLI, Landesverweisung nach Art. 66a StGB als strafrechtliche Sanktion, cahier spécial, Plädoyer 5/16, p. 84). À cette fin, il considérera pour commencer la quotité de la peine : plus lourde sera celle-ci et plus grand sera l'intérêt public à expulser l'étranger. Ce résultat sera renforcé par le type d'infraction commise : si celle-ci atteint la vie, l'intégrité corporelle ou sexuelle, voire la santé d'un grand nombre de personne en application d'une aggravante à la LStup, l'intérêt public sera plus élevé (ATF 139 I 16 consid. 4.2. et 5 ss ; G. MÜNCH / F. DE WECK, Die neue Landesverweisung, in Art. 66a ff. StGB, Revue de l'avocat 2016, p. 166 ; M. BUSSLINGER / P. UEBERSAX, Härtefallklausel und migrationsrechtliche Auswirkungen der Landesverweisung, cahier spécial, Plaidoyer 5/2016, pp. 97 et 103 ; AARP/185/2017 du 2 juin 2017 consid. 2.2).

2.5. L'intégration de l'intéressé doit, elle, être examinée, indépendamment de la durée du séjour, au regard certes de l'enracinement linguistique, culturel, religieux et personnel en Suisse, mais aussi des obstacles que ce dernier rencontrerait pour sa réintégration, selon les mêmes critères, en cas de retour dans son pays d'origine. D'ordinaire, il faut que la resocialisation dans le pays d'origine paraisse en pratique impossible ou au moins nettement plus difficile qu'en Suisse. Cependant, dans le contexte d'une expulsion facultative d'un étranger pour lequel la clause de rigueur s'appliquerait, le risque de mauvaise resocialisation dans le pays d'origine pèse plus lourd dans l'analyse : des chances de resocialisation plus favorables en Suisse peuvent donc faire la différence (M. BUSSLINGER / P. UEBERSAX, op.cit., pp. 98 et 102).

2.6. Par elle-même, une situation générale de violence dans un État ne suffit pas à démontrer que le renvoi d'une personne n'est pas possible, sous réserve que cette situation de violence atteigne un niveau d'intensité si extrême que le seul retour d'une personne à cet endroit l'exposerait à un risque réel de mauvais traitements (arrêt du Tribunal fédéral 6B_422/2021 du 1er septembre 2021 consid. 4.1, non publié in ATF 147 IV 453).

2.7. Dans tous les cas, le juge pénal n'est pas tenu d’ordonner une telle mesure s'il ne la juge pas opportune. Il faut donc partir du principe que, lors de cet examen, il va déjà examiner les motifs qui rendraient l'exécution de l'expulsion non obligatoire impossible, que ce soit en relation avec la situation personnelle de l'étranger ou pour d'autres motifs (cf. Directive LEI éditée par le Secrétariat d'État aux Migrations [SEM], p. 206-207).

2.8. En l'espèce, l'intimé n'a aucun droit de résider en Suisse, ni, a priori, l'espoir d’y obtenir une autorisation de séjour dans un avenir proche ou à moyen terme, ce qu'il reconnaît du reste. Depuis décembre 2019, il a été condamné à six reprises pour séjour illégal et fait l'objet d'un renvoi administratif entré en force. Le juge de la libération conditionnelle a par ailleurs attiré son attention sur le fait que sa seule présence en Suisse était déjà constitutive d'une nouvelle infraction et qu'il lui appartiendrait de quitter le pays sans tarder à sa sortie de prison. Cela ne l'a toutefois pas incité à entamer de quelconques démarches en ce sens. Sous cet angle, le prononcé d'une expulsion serait dès lors, par sa nature, propre à empêcher la commission de nouvelles infractions en Suisse. Il existe ainsi, à l'évidence, un intérêt public à l'expulsion de l'appelant.

L'intérêt de l'intimé à ne pas être expulsé est quant à lui plus que relatif, dès lors qu'il ne parle pas le français, ne se prévaut d'aucune attache ou perspective professionnelle en Suisse, n'y possède même pas de domicile et fait d'ores et déjà l'objet d'une décision de renvoi entrée en force.

Il ne fait par ailleurs pas valoir qu'il lui serait impossible de retourner en Libye en raison de la situation prévalant dans ce pays. Les raisons médicales qu'il a évoquées ne sont quant à elles étayées par aucun certificat médical.

Cela étant, l'intimé est dépourvu de documents d'identité et rien n'indique qu'il en a jamais possédé ; à tout le moins le Ministère public ne le soutient pas. Il n'apparaît par ailleurs pas que les autorités administratives chargées de son renvoi à l'issue de sa détention auraient entamé de quelconques démarches en vue de son identification et de l'obtention de documents de voyage (cf. art. 71 LEI ; 3 et 4 de l'ordonnance sur l’exécution du renvoi et de l’expulsion d’étrangers). L'exécution du renvoi, respectivement d'une expulsion, ne paraît dès lors pas possible dans l'immédiat, ce d'autant qu'il n'existe pas d'accord de réadmission avec la Libye – pays dont rien ne permet de penser que l'intimé ne serait pas ressortissant – et que le site de l'ambassade de ce pays à Berne ne fournit aucun renseignement sur la procédure à suivre pour obtenir ou renouveler un passeport (cf. https://www.embassypages.com/libye-ambassade-berne-suisse). Or, quand bien même l'absence de documents de voyage ne saurait justifier de renoncer systématiquement au prononcé d'une expulsion facultative, le temps nécessaire à de telles démarches devrait être pris en considération, sous peine de placer de facto l'étranger, dès l'entrée en force de sa condamnation, en situation permanente de rupture de ban (art. 291 CP).

À cela s'ajoute que les agissements qui sont imputés à l'intimé depuis 2019 demeurent de gravité relative : hormis le séjour illégal (qui ne cause qu'un faible trouble à l'ordre public, même si, sur le plan matériel, il mobilise constamment les nombreux acteurs appelés à le réprimer), il s'agit pour l'essentiel d'infractions contre le patrimoine, portant sur de très faibles montants et/ou qu'il a commises sans réelle préméditation, car l'occasion s'en présentait, en profitant d'un moment d'inattention des lésés. Il apparaît en outre qu'elles ont été perpétrées davantage pour subvenir à des besoins immédiats que par appât du gain. Leur gravité ne saurait dès lors être jugée à l'aune des peines menace prévues par la loi, comme le fait le Ministère public, mais au regard des peines concrètement prononcées, qui n'excèdent pas 180 jours de peine privative de liberté, pour la plus lourde d'entre elles, dont 60 jours pour le séjour illégal (cf. ordonnance pénale du 27 décembre 2020 et jugement entrepris, consid. 2.2).

Dans ces conditions, il n'apparaît pas que le premier juge a excédé ou abusé de son pouvoir d'appréciation, ni refusé de manière inopportune de prononcer l'expulsion de l'intimé (cf. art. 398 al. 3 let. a et c CPP).

L'appel sera par conséquent rejeté.

Il y a toutefois lieu de préciser, à l'attention de l'intimé, que la renonciation au prononcé de son expulsion ne vaut que pour la présente procédure et n'exclut pas une issue différente, au cas où il n'entreprendrait pas immédiatement les démarches nécessaires, au besoin en sollicitant l'aide de tiers, pour obtenir les documents indispensables à son départ de Suisse.

3. Vu le sort réservé à l'appel du MP, les frais de la procédure seront laissés à la charge de l'État (art. 428 CPP).

4. Considéré globalement, l'état de frais produit par Me C______, défenseure d'office de l'intimé, satisfait les exigences légales et jurisprudentielles régissant l'assistance judiciaire gratuite en matière pénale.

La rémunération de Me C______ sera, partant, arrêtée à CHF 807.75, correspondant à 3h45 d'activité au tarif de CHF 200.-/heure (CHF 750.-) majorée de la TVA au taux de 7.7% (CHF 57.75).

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit l'appel formé par le Ministère public contre le jugement JTDP/1489/2022 rendu le 1er décembre 2022 par le Tribunal de police dans la procédure P/11090/2022.

Le rejette.

Laisse les frais de la procédure d'appel, à la charge de l'État.

Arrête à CHF 807.75, TVA comprise, le montant des frais et honoraires de Me C______, défenseure d'office de A______.

Confirme le jugement entrepris, dont le dispositif est le suivant :

"Déclare A______ coupable de vol (art. 139 ch. 1 CP), de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI) et de consommation de stupéfiants (art. 19a ch. 1 LStup).

Acquitte A______ de vol (art. 139 ch. 1 CP) s'agissant des faits visés au point 1.1.1.2 de l'acte d'accusation et de délit à la loi fédérale sur les stupéfiants (art. 19 al. 1 let. c et g LStup).

Révoque la libération conditionnelle accordée le 15 décembre 2021 par le Tribunal d'application des peines et des mesures de Genève (solde de peine de 119 jours, sans compter les peines privatives de liberté de substitution) (art. 89 al. 1 CP).

Condamne A______ à une peine privative de liberté d'ensemble de 7 mois, sous déduction de 199 jours de détention avant jugement, dont 149 jours en exécution anticipée de peine (art. 40 et 89 al. 6 CP).

Dit que cette peine est complémentaire à la peine privative de liberté de 3 mois prononcée le 24 juin 2022 par le Tribunal de police de Genève (art. 49 al. 2 CP).

Condamne A______ à une amende de CHF 300.- (art. 106 CP).

Prononce une peine privative de liberté de substitution de 3 jours.

Dit que la peine privative de liberté de substitution sera mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'est pas payée.

Ordonne la confiscation et la destruction du spray et de la pipe figurant sous chiffres 2 et 4 de l'inventaire n° 2______ (art. 69 CP).

Ordonne la restitution à son ayant-droit lorsqu'il sera connu de [la tablette tactile] J______ figurant sous chiffre 1 de l'inventaire n° 2______ (art. 267 al. 1 et 3 CPP).

Ordonne la restitution à A______ du couteau suisse figurant sous chiffre 3 de l'inventaire n° 2______ (art. 267 al. 1 et 3 CPP).

Condamne A______ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 1'783.60, y compris un émolument de jugement de CHF 300.-, arrêtés à CHF 595.- (art. 426 al. 1 CPP).

Laisse le solde des frais de la procédure à la charge de l'Etat (art. 423 al. 1 CPP).

Fixe à CHF 5'880.40 l'indemnité de procédure due à Me C______, défenseure d'office de A______ (art. 135 CPP)".

Notifie le présent arrêt à l'intimé, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Le communique, pour information, au Tribunal de police, au Secrétariat d'État aux migrations et à l'Office cantonal de la population et des migrations.

La greffière :

Dagmara MORARJEE

 

Le président :

Gregory ORCI

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.

 

Dans la mesure où il a trait à l'indemnité de l'avocat désigné d'office ou du conseil juridique gratuit pour la procédure d'appel, et conformément aux art. 135 al. 3 let. b CPP et 37 al. 1 de la loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération (LOAP), le présent arrêt peut être porté dans les dix jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 39 al. 1 LOAP, art. 396 al. 1 CPP) par-devant la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (6501 Bellinzone).