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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/7081/2019

AARP/27/2023 du 30.01.2023 sur JTDP/616/2022 ( PENAL ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 01.03.2023, 7B_121/2023
Recours TF déposé le 01.03.2023, 6B_301/2023

 

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/7081/2019 AARP/27/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 25 janvier 2023

 

Entre

A______, domicilié c/o B______, ______ [GE], comparant par Me C______, avocate,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/616/2022 rendu le 1er juin 2022 par le Tribunal de police,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement du 1er juin 2022, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a reconnu coupable de pornographie (art. 197 al. 4, 2ème phrase du Code pénal suisse [CP]), l'a condamné à une peine pécuniaire de 90 jours-amende à CHF 50.- l'unité, avec sursis, délai d'épreuve de 3 ans, ainsi qu'à une amende de CHF 1'000.- à titre de sanction immédiate avec une peine privative de liberté de substitution de 10 jours, a renoncé à prononcer son expulsion de Suisse, a rejeté ses conclusions en indemnisation et l'a condamné aux frais de la procédure de CHF 1'606.-, émolument de jugement (CHF 300.-) et émolument complémentaire (CHF 600.-) compris.

A______ entreprend intégralement ce jugement, concluant à son acquittement, à son indemnisation pour ses frais d'avocat en première instance et en appel et à ce que les frais de la procédure soient laissés à la charge de l'Etat.

Il sollicite en outre la mise en œuvre d'une expertise informatique visant notamment à déterminer la possibilité de réaliser un double piratage de son compte Facebook ainsi que de son réseau au moment des faits.

b. Selon l'acte d'accusation du 3 mai 2021, il est reproché à A______ d'avoir, à Genève, le 12 septembre 2018, détenu puis partagé, via son compte Facebook "D______.E______", une vidéo à caractère pornographique mettant en scène des actes d'ordre sexuel effectifs impliquant un mineur, à savoir la pénétration du vagin d'une mineure par un sexe masculin.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a.a. Le 13 septembre 2018, le National Center for Missing and Exploited Children américain (NCMEC) a informé l'Office fédéral de la police (FEDPOL) que l'utilisateur du compte Facebook "D______.E______", né le ______ 1985, correspondant à l'adresse de messagerie D______@hotmail.com et au raccordement +41_1______, identifié par la suite comme étant A______, domicilié rue 2______ no. ______ à Genève, était fortement soupçonné de distribuer de la pornographie mettant en scène des actes sexuels impliquant des enfants, ce par le biais de son adresse IP 3______. L'intéressé avait partagé, via Facebook, le 12 septembre 2018, une vidéo pornographique illégale, montrant la pénétration du vagin d'une enfant par un pénis d'adulte, faits à leur tour dénoncés par FEDPOL aux autorités pénales genevoises.

a.b. L'accès, avec la collaboration de A______, à son espace de stockage sur le Cloud a permis à la police de vérifier le contenu de ses téléphones portables depuis 2017, mesure qui n'a apporté aucun élément probant.

Il est en revanche apparu que la vidéo dénoncée avait effectivement été transmise depuis un compte Facebook appartenant à A______, alors qu'il était connecté à une adresse IP lui étant attribuée, à l'utilisatrice et son contact sur Facebook enregistrée comme étant F______, née le ______ 1979, titulaire de l'adresse de messagerie F______@hotmail.fr et du raccordement téléphonique +41_4______, domiciliée à G______ [GE] chez H______. Si A______ n'était pas l'auteur de cet envoi, cela impliquait qu'une tierce personne avait pu avoir un accès indu à son compte Facebook et à sa ligne internet, soit par un accès physique direct à son matériel informatique dans son appartement, soit encore par un double piratage de son compte Facebook et de son réseau, ce qui était possible d'un point de vue technique, mais néanmoins improbable. Vu l'écoulement du temps, il n'était plus possible d'obtenir, auprès du fournisseur d'accès, des informations utiles à l'enquête. Le blocage du compte Facebook de A______ dans le courant de l'automne 2018 s'expliquait par l'envoi de la vidéo pédopornographique en question, Facebook, en pareille situation, procédant de la sorte, avant de dénoncer le cas au NCMEC.

Aucune conversation par le biais de Messenger n'a été retrouvée entre les comptes Facebook "F______" [nom prénom] et "F______" [prénom nom] d'une part, et le compte "D______.E______" de A______ d'autre part.

b. Tout au long de la procédure préliminaire, A______ a contesté avoir partagé une vidéo à caractère pédopornographique par le biais de son compte Facebook. Il n'avait jamais vu les images qui lui avaient été présentées. Il était effectivement l'utilisateur du raccordement téléphonique +41_1______, de même que, depuis 2013, du compte Facebook "D______.E______", bloqué au cours de l'automne 2018, compte lié à l'adresse de messagerie électronique D______@hotmail.com, dont il était le seul utilisateur. Il était également titulaire d'une autre adresse de messagerie électronique sous A______@gmail.com. En septembre 2018, il vivait seul à l'avenue 2______ no. ______ [recte : no. ______], disposait d'un abonnement I______ [opérateur] pour le wifi et d'un abonnement J______ [opérateur] pour son téléphone portable, fourni par son employeur, K______, appareil qu'il utilisait également à des fins privées. Il ne connaissait ni F______ ni se souvenant de tous les contacts, plus de 1'000, qu'il avait sur Facebook. S'il lui arrivait de visionner "un tout petit peu" de la pornographie classique, il n'était pas intéressé par la pédophilie et était choqué par cette situation, ce qu'il a confirmé lors de l'audience de jugement, où il a persisté dans ses dénégations. Il a ajouté qu'en septembre 2018, pour se connecter à Facebook, il utilisait uniquement son téléphone portable, qu'il prêtait peu à des tiers, ce pour un bref usage. S'agissant d'un appareil fourni par son employeur, il faisait, selon lui, l'objet d'un contrôle de son utilisation. Il lui était arrivé de fournir le code wifi de son domicile à des amis lui rendant visite. Il n'avait pris aucune mesure afin de protéger son mot de passe sur les réseaux sociaux, faute de maîtrise de l'informatique. Ne connaissant aucune prénommée F______ habitant en Suisse, il avait initialement nié connaître F______, dont par ailleurs aucune photographie ne lui avait été présentée.

c. A la police, F______ a admis être la titulaire du raccordement téléphonique +41_4______, de l'adresse de messagerie F______@hotmail.fr, ancienne et peu utilisée, ainsi que de deux comptes Facebook répondant aux noms d'utilisateur "F______" et "F______", tous deux actifs, étant précisé qu'elle avait créé le second compte après avoir perdu le mot de passe du premier, finalement récupéré, de sorte que ce premier compte n'avait pas été utilisé pendant un certain temps. Elle connaissait depuis plusieurs années A______, qu'elle a formellement reconnu. Il était l'utilisateur du compte Facebook "D______.E______", ce qui correspondait également au surnom qui lui était donné. A______ avait aussi comme nom d'utilisateur "L______", avec lequel elle avait échangé divers messages, le plus ancien datant du 15 juillet 2020 eu égard aux données figurant dans sa messagerie. Elle communiquait avec lui par périodes, la dernière fois une semaine avant son audition par la police. Elle n'avait pas le souvenir d'avoir reçu de l'intéressé une vidéo pédopornographique et n'avait jamais vu les images qui lui avaient été présentées, étant précisé qu'au vu du nombre important de ses contacts sur Facebook, elle recevait plusieurs messages et vidéos qu'elle ne prenait parfois pas la peine de consulter. Par ailleurs, elle effaçait régulièrement le contenu de sa messagerie, ses comptes Facebook ayant été, selon elle, piratés à plusieurs reprises. Il était également possible qu'elle ait reçu la vidéo litigieuse à l'époque où elle n'avait plus accès au compte "F______".

C. a. La juridiction d'appel a ordonné l'instruction de la cause par la voie écrite avec l'accord des parties.

b.a. Par courrier du 4 août 2022, la Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR) a rejeté la réquisition de preuve de A______ tendant à la mise en œuvre d'une expertise informatique visant notamment à déterminer la possibilité de réaliser un double piratage du compte Facebook ainsi que de son réseau au moment des faits, au motif que les faits étaient trop anciens pour permettre de reconstituer la configuration des wifi et compte Facebook de A______ à cette période.

La CPAR a en revanche adressé un mandat d'actes d'enquête à la police aux fins de l'identification de l'utilisateur, à la date des faits, des numéros +41_5______ et +41_6______, mentionnés dans le rapport du NCMEC, de la raison de leur indication dans ledit rapport, ainsi que leur éventuel lien avec les faits dénoncés.

b.b. Il ressort du rapport de la BCI du 1er septembre 2022 qu'aucune donnée relative aux numéros de téléphone susmentionnés n'était disponible avant 2019 auprès des opérateurs de téléphonie concernés. Selon FEDPOL, les raccordements en question avaient été utilisés pour confirmer le compte Facebook "D______.E______", sans qu'il soit possible de déterminer à quelle période ils l'avaient été.

c. A______ persiste dans les conclusions de son appel.

Il maintient sa réquisition de preuve tendant à la mise en œuvre d'une expertise informatique, visant notamment à déterminer la possibilité de réaliser un double piratage de son compte Facebook ainsi que de son réseau au moment des faits.

Selon le rapport de FEDPOL du 19 décembre 2018, il n'était pas possible d'affirmer avec certitude que l'abonné de l'adresse IP utilisateur du compte Facebook était une seule et même personne. Dans cette mesure, le TP ne pouvait pas, sans qu'il soit procédé à une expertise à cet effet, se contenter de l'affirmation de la BCI, au demeurant ni étayée, ni démontrée, à teneur de laquelle le double piratage du compte Facebook et du réseau de A______, s'il n'était pas impossible, était néanmoins improbable. De même, c'était de manière erronée et en renversant le fardeau de la preuve que le TP, qui s'était par ailleurs contenté de balayer un faisceau d'indices propre à démontrer l'innocence de A______, avait retenu que l'intéressé n'avait ni démontré, ni allégué avoir laissé des tiers accéder à son compte Facebook dans son appartement. Le caractère incompréhensible de l'envoi de la vidéo litigieuse à F______ constituait un indice permettant de songer que celui-ci n'était pas le fait de A______. Si ce dernier n'avait pas d'emblée admis connaître la précitée, avant de la reconnaître lors de son audition à la police, cela ne constituait pas pour autant un élément à charge, d'autant moins au vu du nombre élevé de ses contacts sur Facebook. A décharge, il fallait relever qu'aucun autre fichier de pédopornographie n'avait été retrouvé sur le Cloud de A______, alors même que les personnes attirées par ce type de fichiers disposaient usuellement d'une série d'images similaires. Le TP n'avait ni relevé ni retenu dans son jugement les carences dans le cadre de l'enquête, au cours de laquelle il aurait fallu solliciter, dans leur délai de conservation, les données liées aux raccordements de A______, dont le matériel informatique aurait également dû être saisi et analysé. Il ne pouvait pas non plus être exclu que la vidéo litigieuse ait pu être reçue d'un tiers, puis transmise sans avoir été visionnée à un autre contact, ce qui relèverait de la négligence, non punissable, contexte qu'il n'était pas possible de déterminer faute de disposer de l'historique de la conversation.

Selon les relevés produits, l'activité du Conseil de A______ s'est élevée à CHF 4'825.- pour 11 heures et 15 minutes au tarif horaire de CHF 400.-, auxquelles s'ajoutent trois déplacements à CHF 100.- l'unité et CHF 25.- de frais administratifs, tandis qu'elle a ascendé à CHF 4'225.- en appel, pour 10 heures d'activité au même tarif horaire, augmenté d'un forfait de 20 % pour les courriers et téléphones, ainsi que de CHF 25.- de frais administratifs.

d. Le MP conclut au rejet de l'appel, faisant sien le raisonnement du premier juge.

D. A______, ressortissant algérien né le ______ 1984, est titulaire d'un permis B, en cours de renouvellement. Il a été marié de 2009 à 2018 avec M______, dont il a vécu séparé depuis 2014, puis a divorcé en 2018. Il s'est remarié à une ressortissante marocaine le ______ 2021. Père d'une fillette de 11 ans, vivant avec sa mère, il la voit un week-end sur deux dans un point rencontre et pourvoit à son entretien à raison de CHF 500.- par mois. Il travaille pour K______ en qualité d'agent de propreté depuis 2014, pour un salaire mensuel brut de CHF 4'400.- depuis le 1er octobre 2022. Ses autres charges mensuelles comprennent le loyer de son logement, de CHF 1'200.-, et ses primes d'assurance-maladie, de CHF 350.-. Sans fortune, il est endetté à hauteur de CHF 35'000.- à CHF 40'000.-, dette qu'il rembourse à hauteur de CHF 400.- par mois.

Sa mère, sa sœur et son frère, avec lesquels il a des contacts, vivent en Algérie, pays dans lequel il est retourné en vacances à quatre reprises depuis son arrivée en Suisse en 2007.

A teneur de l'extrait de son casier judiciaire, A______ a été condamné à deux reprises depuis 2012, la dernière fois, le 21 août 2014, à une peine pécuniaire de 100 jours-amende à CHF 40.- l'unité, ainsi qu'à une amende de CHF 400.-, pour voies de fait à réitérées reprises, lésions corporelles simples à réitérées reprises, menaces et insoumission à une décision de l'autorité.

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale [CPP]).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

2. 2.1.1. L'art. 389 al. 3 CPP règle les preuves complémentaires. La juridiction de recours peut administrer, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours. Conformément à l'art. 139 al. 2 CPP, il n'y a pas lieu d'administrer des preuves sur des faits non pertinents, notoires, connus de l'autorité ou déjà suffisamment prouvés. Le législateur a ainsi consacré le droit des autorités pénales de procéder à une appréciation anticipée des preuves. Le magistrat peut renoncer à l'administration de certaines preuves, notamment lorsque les faits dont les parties veulent rapporter l'authenticité ne sont pas importants pour la solution du litige. Ce refus d'instruire ne viole le droit d'être entendu que si l'appréciation de la pertinence du moyen de preuve offert, à laquelle le juge a ainsi procédé, est entachée d'arbitraire (ATF 141 I 60 consid. 3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_981/2018 du 31 octobre 2018 consid. 2.1).

2.1.2. Au cours de la procédure d'appel, l'appelant a sollicité la mise en œuvre d'une expertise dans le but de démontrer qu'il était possible que son compte Facebook, tout comme son réseau wifi, aient été piratés.

Cette expertise n'est cependant pas nécessaire pour trancher la présente cause. En effet, il ressort des éléments au dossier qu'il est effectivement techniquement possible de procéder à un double piratage du compte Facebook et du réseau wifi, même si cette hypothèse demeure improbable selon la police. Il a ainsi déjà été répondu à la question que l'appelant souhaiterait voir examinée par un expert, étant précisé qu'au vu de l'écoulement du temps et, partant, de l'absence de disponibilité des données de l'époque auprès des opérateurs J______ et I______, il n'est pas possible de déterminer si tel a été le cas concrètement.

Faute d'utilité, la requête de l'appelant sera ainsi rejetée.

3. 3.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH) et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst.) et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.1 ; ATF 127 I 28 consid. 2a).

En tant que règle sur le fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie, au stade du jugement, que ce fardeau incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu. La présomption d'innocence est violée lorsque le juge rend un verdict de culpabilité au seul motif que le prévenu n'a pas prouvé son innocence (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 40) ou encore lorsque le juge condamne le prévenu au seul motif que sa culpabilité est plus vraisemblable que son innocence. En revanche, l'absence de doute à l'issue de l'appréciation des preuves exclut la violation de la présomption d'innocence en tant que règle sur le fardeau de la preuve (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3).

Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3).

3.2. Selon l'art. 197 al. 1 CP, est punissable quiconque offre, montre, rend accessibles à une personne de moins de 16 ans ou met à sa disposition des écrits, enregistrements sonores ou visuels, images ou autres objets pornographiques ou des représentations pornographiques, ou les diffuse à la radio ou à la télévision.

Aux termes de l'art. 197 al. 4 CP, est également punissable quiconque fabrique, importe, prend en dépôt, met en circulation, promeut, expose, offre, montre, rend accessible, met à disposition, acquiert, obtient par voie électronique ou d’une autre manière ou possède des objets ou représentations visés à l’al. 1, ayant comme contenu des actes d’ordre sexuel avec des animaux, des actes de violence entre adultes ou des actes d’ordre sexuel non effectifs ou effectifs avec des mineurs.

3.3. En l'espèce, il est établi par les pièces au dossier et par les déclarations de l'appelant qu'il était, au moment des faits, l'utilisateur du compte Facebook "D______.E______", rattaché à l'adresse de messagerie D______@hotmail.com et au raccordement +41_1______.

Il est également prouvé que le 12 septembre 2018, une vidéo, dont le caractère pédopornographique n'est ici ni remis en question ni discutable, a été partagée, soit adressée, depuis le compte Facebook "D______.E______" de l'appelant, alors qu'il était connecté à une adresse IP lui étant attribuée, à son contact Facebook enregistré comme étant "F______", soit F______, qui a indiqué connaître l'appelant.

A ces éléments solides l'incriminant directement pour la commission de cette infraction, l'appelant n'oppose que des hypothèses ne trouvant aucun ancrage dans le dossier, de sorte à générer des doutes abstraits et théoriques, impropres à emporter la conviction de la CPAR.

L'appelant émet en particulier l'hypothèse du double piratage de son compte Facebook et de son réseau wifi par un tiers. Cette hypothèse n'est cependant corroborée par aucun des éléments au dossier.

Selon la police, si un tel double piratage est techniquement possible, il demeure néanmoins improbable.

On en voit par ailleurs pas quel pourrait être l'intérêt d'un éventuel tiers de pirater à la fois le compte Facebook et le réseau wifi de l'appelant, qui plus est pour n'adresser, qu'à un seul de ses contacts, une unique vidéo à caractère pédopornographique.

L'appelant ne prétend pas non plus qu'il aurait, par le passé, déploré d'autres manœuvres informatiques de ce type, pas plus qu'il n'a allégué, ni en tout état démontré, avoir laissé des tiers utiliser son compte Facebook depuis son domicile, même s'il lui arrivait de prêter parfois son téléphone portable, pour un bref usage, ou encore qu'il lui arrivait d'adresser à des tiers, sans les visionner, des vidéos qu'il avait reçues.

L'absence d'autre matériel informatique à caractère pédopornographique retrouvé dans la zone de stockage du Cloud n'est pas non plus propre à disculper l'appelant pour l'envoi litigieux. Tout au plus atteste-t-elle qu'il n'a pas enregistré la vidéo incriminée ou d'autres.

Il n'est en effet pas rare que des individus sans aucune attirance pour la pédopornographie, visionnent ce type de vidéos, par curiosité malsaine, puis les transmettent à des tiers, à cette même fin.

Il est par ailleurs singulier qu'apparemment, l'appelant ne s'est jamais interrogé sur les raisons du blocage de son compte Facebook, ni n'a entrepris de démarches pour le réactiver.

L'appelant allègue encore que son téléphone portable était soumis à une surveillance de son employeur, qui le lui avait fourni, de sorte qu'il n'aurait pas pu adresser la vidéo litigieuse depuis cet appareil sans que son employeur en soit informé.

Cette affirmation, au demeurant guère plausible dès lors qu'elle impliquerait que K______, par cette surveillance, violent la liberté personnelle de leurs employés, n'est fondée sur aucun élément concret, de sorte qu'elle n'est pas probante.

Vu ce qui précède, il existe un faisceau d'indices convergents amenant la CPAR à la conviction que l'appelant est bien l'auteur de l'envoi du 12 septembre 2018 à F______. Celui-ci ayant partagé, à dessein, une vidéo de pornographie dite dure, il sera reconnu coupable de pornographie au sens de l'art. 197, al. 4, 2ème phrase CP.

4. 4.1. L'infraction à l'art. 197 al. 4 2ème phrase est passible d'une peine privative de liberté de cinq ans ou d'une peine pécuniaire.

4.2. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 consid. 9.1 p. 147 ; ATF 141 IV 61 consid. 6.1.1 p. 66 s.).

4.3. L'art. 42 al. 1 CP prévoit que le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire ou d'une peine privative de liberté de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits.

4.4. Selon l'art. 42 al. 4 CP, le juge peut prononcer, en plus du sursis, une amende selon l'art. 106 CP. Celle-ci entre en ligne de compte en matière de délinquance de masse (Massendelinquenz), lorsque le juge souhaite prononcer une peine privative de liberté ou pécuniaire avec sursis, mais qu'une sanction soit néanmoins perceptible pour le condamné, dans un but de prévention spéciale (ATF 135 IV 188 consid. 3.3. p. 189 ; 134 IV 60 consid. 7.3.1 p. 74). La sanction ferme accompagnant la sanction avec sursis doit contribuer, dans l'optique de la prévention tant générale que spéciale, à renforcer le potentiel coercitif de la peine avec sursis. Cette forme d'admonestation adressée au condamné, ainsi qu'à tous, doit attirer son attention sur le sérieux de la situation en le sensibilisant à ce qui l'attend s'il ne s'amende pas. La combinaison prévue à l'art. 42 al. 4 CP constitue un "sursis qualitativement partiel" (ATF
134 IV 60 consid. 7.3.1 p. 74 s ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_835/2018 du 8 novembre 2018 consid. 3.2).

La peine prononcée avec sursis reste prépondérante, alors que l'amende est d'importance secondaire (ATF 134 IV 1 consid. 4.5.2. p. 8). Cette combinaison de peines ne doit pas conduire à une aggravation de la peine globale ou permettre une peine supplémentaire. Les peines combinées, dans leur somme totale, doivent être adaptées à la faute. L'adéquation entre la culpabilité et la sanction peut justifier d'adapter la peine principale en considération de la peine accessoire (ATF 134 IV 53 consid. 5.2 p. 55 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_952/2016 du 29 août 2017 consid. 3.1).

Pour tenir compte du caractère accessoire des peines cumulées, il se justifie en principe d'en fixer la limite supérieure à un cinquième, respectivement à 20 %, de la peine principale. Des exceptions sont cependant possibles en cas de peines de faible importance, pour éviter que la peine cumulée n'ait qu'une portée symbolique (ATF 135 IV 188 consid. 3.4.4. p. 191).

Le juge dispose, en ce qui concerne la fixation de la peine privative de liberté de substitution, d'un pouvoir d'appréciation plus étendu. Dans la mesure où la faute constitue, contrairement à l'ancien droit, un critère indépendant, le juge doit d'abord clarifier la mesure dans laquelle la situation financière influence le montant de l'amende. Il doit – dans une démarche quasi inverse de celle conduisant à la fixation d'une peine pécuniaire – distinguer la capacité économique de la faute et fixer une peine privative de liberté de substitution adaptée à la faute et à la personnalité de l'auteur. Il y a cependant ceci de particulier que lorsqu'une telle peine doit être fixée pour une amende additionnelle au sens de l'art. 42 al. 4 CP, le juge a déjà fixé le montant du jour-amende pour la peine pécuniaire assortie du sursis, partant la capacité économique de l'auteur. Il apparaît donc adéquat d'utiliser le montant du jour-amende comme taux de conversion et de diviser l'amende additionnelle par ce montant (ATF 134 IV 60 consid. 7.3.3 p. 76 s. ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_903/2015 du 21 septembre 2016 consid. 1.2 et 6B_152/2007 du 13 mai 2008 consid. 7.1.3 et les références citées).

4.5. En l'espèce, la faute de l'appelant n'est de loin pas négligeable. Il a diffusé une vidéo à caractère pédopornographique depuis son compte Facebook, alors même qu'il ne pouvait ignorer qu'au-delà des images, la mineure présente sur la vidéo était une victime d'une infraction contre l'intégrité sexuelle et qu'en procédant de la sorte, il favorisait indirectement la commission de ce type de délit.

Les mobiles de l'appelant sont égoïstes, dès lors qu'il a manifestement été mû par le souhait de partager avec autrui sa curiosité malsaine.

Sa collaboration a été nulle, vu ses dénégations répétées et les vaines hypothèses qu'il a avancées pour tenter de se disculper.

Dans cette mesure, il n'apparaît pas non plus avoir pris conscience de la gravité de ses agissements, dont il ne s'est pas repenti.

Rien dans la situation personnelle de l'appelant n'explique ses agissements, en particulier en l'absence de paraphilie, ni ne les justifie.

L'appelant a deux antécédents. Toutefois, compte tenu de leur ancienneté, ces derniers n'ont que peu d'influence sur la quotité de la peine à fixer.

4.6. Le prononcé d'une peine sous forme d'une peine pécuniaire est acquis à l'appelant. La peine pécuniaire de 90 jours-amende prononcée par le premier juge est adéquate et sera dès lors confirmée, tout comme le montant du jour-amende de CHF 50.-, qui est adapté au regard des revenus, respectivement des charges de l'appelant.

Le sursis est également acquis à l'appelant et la durée du délai d'épreuve fixée à 3 ans, soit une durée moyenne suffisamment longue pour dissuader le prévenu de récidiver, sera aussi confirmée.

4.7. L'amende infligée à titre de sanction immédiate est justifiée dans son principe, vu l'absence de prise de conscience de l'appelant de la gravité de son comportement.

Le montant de l'amende sera toutefois réduit à CHF 900.-, pour tenir compte des principes jurisprudentiels rappelés ci-dessus (90x50/100*20 = 900).

Quant à la peine privative de liberté de substitution, elle devrait être arrêtée à 18 jours (900/50).

En vertu du principe de l'interdiction de la reformatio in pejus, la peine privative de liberté de substitution de 10 jours fixée par le premier juge sera confirmée.

5. La renonciation à l'expulsion obligatoire de l'appelant lui est acquise et sera dès lors confirmée.

6. L'appelant, qui succombe, sera débouté de ses conclusions en indemnisation (art. 429 al. 1 CPP a contrario).

7. L'appelant sera condamné aux frais de la procédure d'appel, étant précisé que la modification de la décision de première instance est de peu d'importance (art. 428 al. 2 let. a CPP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/616/2022 rendu le 1er juin 2022 par le Tribunal de police dans la procédure P/7081/2019.

L'admet très partiellement.

Annule ce jugement.

Et statuant à nouveau :

Déclare A______ coupable de pornographie (art. 197 al. 4, 2e phrase CP).

Condamne A______ à une peine pécuniaire de 90 jours-amende (art. 34 CP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 50.-.

Met A______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à 3 ans (art. 42 et 44 CP).

Avertit A______ que s'il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Condamne A______ à une amende de CHF 900.- (art. 42 al. 4 CP).

Prononce une peine privative de liberté de substitution de 10 jours.

Dit que la peine privative de liberté de substitution sera mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'est pas payée.

Renonce à ordonner l'expulsion de Suisse de A______ (art. 66a al. 2 CP).

Rejette les conclusions en indemnisation de A______ (art. 429 CPP).

Condamne A______ aux frais de la procédure préliminaire et de première instance qui s'élèvent à CHF 1'606.-, émolument de jugement de CHF 300.- et émolument complémentaire de jugement de CHF 600.- compris (art. 426 al. 1 et 428 al. 1 CPP).

Condamne A______ aux frais de la procédure d'appel, en CHF 1'675.-, qui comprennent un émolument de CHF 1'500.-.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police, à l'Office fédéral de la police et à l'Office cantonal de la population et des migrations.

 

La greffière :

Andreia GRAÇA BOUÇA

 

La présidente :

Delphine GONSETH

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.

 

Dans la mesure où il a trait à l'indemnité de l'avocat désigné d'office ou du conseil juridique gratuit pour la procédure d'appel, et conformément aux art. 135 al. 3 let. b CPP et 37 al. 1 de la loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération (LOAP), le présent arrêt peut être porté dans les dix jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 39 al. 1 LOAP, art. 396 al. 1 CPP) par-devant la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (6501 Bellinzone).


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

1'606.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

100.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

00.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1'500.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'675.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

3'281.00