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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/1558/2020

AARP/349/2022 du 16.11.2022 sur JTDP/146/2022 ( PENAL ) , PARTIELMNT ADMIS

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/1558/2020 AARP/349/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 16 novembre 2022

 

Entre

A______, domiciliée ______, comparant par Me B______, avocate,

appelante,

 

contre le jugement JTDP/146/2022 rendu le 14 février 2022 par le Tribunal de police,

 

et

LHOSPICE GÉNÉRAL, partie plaignante, cours de Rive 12, case postale 3360,
1211 Genève 3,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement du 14 février 2022, par lequel le Tribunal de police (TP) la reconnue, ainsi que C______, coupable descroquerie (art. 146 al. 1 du Code pénal [CP]). Tous deux ont été condamnés à une peine privative de liberté de six mois avec sursis pendant trois ans, frais de la procédure à leur charge. LHOSPICE GENERAL a été renvoyé à agir par la voie civile.

A______ entreprend intégralement ce jugement. Elle conclut à son acquittement, subsidiairement à sa condamnation au sens de lart. 148a CP pour la période du 1er octobre 2016 au 30 juin 2018, à une peine privative de liberté de deux mois avec sursis, frais à la charge de lEtat.

b. Selon l'acte d'accusation du 1er juillet 2021, il est reproché ce qui suit à la prévenue.

Entre le 1er avril 2012 et le 30 juin 2018, elle a, de concert avec son mari C______, astucieusement trompé lHOSPICE GENERAL, en ayant omis d'annoncer quelle était titulaire de l'entreprise individuelle D______, dans le but damener cette institution à leur verser indûment des prestations d'aide sociale à hauteur de CHF 332'244.20.

Elle a en particulier, de concert avec son mari, trompé astucieusement lHOSPICE GENERAL par des affirmations fallacieuses et de dissimulation, tablant sur le fait qu'il était difficile, si ce n'est impossible, pour cette institution de procéder à des vérifications minutieuses de la situation réelle de tous les bénéficiaires et de s'apercevoir de la tromperie orchestrée. Elle a ainsi notamment :

·         coché expressément la case "non" sur les demandes de prestations de laide sociale, aux questions concernant le revenu issu dune activité lucrative indépendante et le changement de situation des revenus et fortune du couple, ou encore dans la rubrique "renseignements complémentaires", sur les demandes de réévaluation de leur situation ;

·         violé lengagement de "donner immédiatement et spontanément à l'Hospice général tout renseignement et toute pièce nécessaire à l'établissement de [s]a situation personnelle, familiale et économique tant en Suisse qu'à l'étranger [ ]" ainsi que celui de "informer immédiatement et spontanément l'Hospice général de tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant de [s]es prestations d'aide financière [ ]", signé à différentes reprises entre décembre 2011 et juin 2018 ;

·         remis uniquement l'avis de taxation du 21 octobre 2013 pour la période pénale concernée, lequel ne faisait pas expressément état de revenus issus d'une activité indépendante, contrairement aux déclarations fiscales établies par la fiduciaire des époux, lesquelles mentionnent de tels revenus et auraient permis à lHOSPICE GENERAL de se faire une véritable idée de leur situation personnelle et financière.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a.a. A______ et C______ ont perçu des prestations de laide sociale depuis le 1er décembre 2009.

a.b. Ils ont tous les deux signé à plusieurs reprises le document de lHOSPICE GENERAL intitulé "mon engagement en demandant le revenu minimum cantonal daide sociale", ou "mon engagement en demandant une aide financière à lHOSPICE GENERAL" le 12 décembre 2011, le 29 novembre 2012, le 30 octobre 2013, le 16 janvier 2015, le 18 mars 2016, le 27 février 2017 et le 8 juin 2018. A______ a signé seule ce même document le 27 juillet 2012.

Selon ce document, ils s'engageaient, par leur signature, notamment à informer lHOSPICE GENERAL de tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations financières, donner immédiatement et spontanément tout renseignement et toute pièce nécessaire à l'établissement de leur situation personnelle, familiale et économique, en particulier toute information sur toute forme de revenu ou de fortune (cet engagement portant aussi sur la situation personnelle et économique de tous les membres du groupe familial) et autoriser toute autorité administrative, judiciaire, employeur ou organisme privé et public à donner des renseignements utiles à lHOSPICE GENERAL.

A______ était mentionnée à titre de "demandeur" sur chacun des formulaires. C______ figurait dans la rubrique "conjoint".

a.c. Les époux A______/C______ ont également tous les deux signé des formulaires intitulés "demande de prestations daide sociale" les 29, respectivement 30 novembre 2012, 16 janvier 2015 et 21 mars 2017. Ces documents, remplis à la main, contenaient plusieurs rubriques. Il était mentionné en en-tête "si vous éprouvez des difficultés à remplir ce document, lassistant(e) social(e) en charge de votre dossier vous aidera à le faire lors de votre prochain entretien". A______ figurait comme "demandeur" sur chacun des formulaires et C______ dans la rubrique "conjoint".

Dans la rubrique "ressources des membres du groupe familial", des formulaires de 2012 et 2017, la case "non" était cochée sous le chapitre "revenu provenant dune activité lucrative indépendante", de même que pour les points "bénéfice provenant de cette activité", "déficit provenant de cette activité", "vente dentreprise" et "inscription au registre du commerce". Cette rubrique (comme la plupart des autres) nétait pas remplie dans le formulaire de 2015. Seuls deux comptes bancaires étaient mentionnés dans la rubrique "fortune" du formulaire de 2012, soit un compte auprès de [la banque] E______ pour A______ et un compte [auprès de] F______ pour C______.

En-dessus des signatures, il était indiqué que les soussignés "attestent que les renseignements ci-dessus sont exacts et complets. Ils prennent acte que les éléments déclarés pourront être vérifiés auprès des administrations concernées et que toute indication erronée pourra donner lieu à des poursuites pénales".

a.d. Les époux A______/C______ ont encore tous les deux signé des formulaires intitulés "demande de prestations daide sociale financière/réévaluation" le 16 novembre 2013, 23 mars 2016 et 8 juin 2018. Il était précisé en en-tête que "ce document doit être rempli avec lassistant(e) social(e) en charge de votre dossier".

Les cases "non" étaient cochées pour chaque rubriques, notamment celles intitulées "données personnelles du demandeur – changement de situation/élément nouveau", "données personnelles du conjoint/concubin/partenaire en ménage commun – changement de situation/élément nouveau", "ressources des membres du groupe familial - changement de situation/élément nouveau : A) Revenus ; B) Autres revenus ; C) Fortune".

a.e. Parallèlement aux prestations touchées de lHOSPICE GENERAL, A______ a été la titulaire, avec signature individuelle, de la société D______, qui avait pour but un Internet café et lenvoi dargent, ce entre le 18 janvier 2012, date de son inscription et le 11 juin 2018, date de sa radiation.

a.f. LHOSPICE GENERAL a réalisé, en 2018, une enquête au sujet des époux A______/C______. A cette occasion, A______ a déclaré avoir été indépendante entre 2012 et 2018. Elle avait utilisé son deuxième pilier, de CHF 40'000.- pour financer l'achat de l'entreprise D______ et avait été inscrite au registre du commerce, avec la signature individuelle, du 18 janvier 2012 au 11 juin 2018 en qualité de titulaire. Elle nétait cependant qu'un prête-nom, dès lors que son époux travaillait dans la société. C______ a confirmé avoir été le gérant de cette entreprise.

a.g. Par décision du 18 juin 2019, lHOSPICE GENERAL a réclamé à A______ le remboursement des montants indûment perçus, dun total de CHF 332'344.20 pour la période du 1er avril 2012 au 30 juin 2018, date de la fin de l'activité indépendante selon le registre du commerce.

LHOSPICE GENERAL a dénoncé les époux A______/C______ auprès du Ministère public le 23 janvier 2020.

b.a. Il ressort des documents produits par les parties au cours de la procédure, les éléments pertinents suivants.

b.b. Selon les déclarations fiscales des années 2014, 2015, 2017 et 2018, les époux A______/C______ ont touché des revenus dune activité indépendante relative à la société D______ à hauteur de CHF 4'200.- en 2015, CHF 2'796.- en 2017 et CHF 1'704.- en 2018. Ces revenus ont été déclarés (au nom du conjoint, soit celui de A______), de même que les prestations perçues de lHOSPICE GENERAL.

Daprès les bilans de la société, celle-ci a subi des pertes entre 2012 et 2014, mais a réalisé des bénéfices dès 2015, dont notamment CHF 5590.- en 2016. Des prélèvements privés ont été effectués sur le compte bancaire de la société pour un montant total de CHF 99'024.- entre 2012 et 2017. Ils ont été portés au compte pertes et profits dans une rubrique "prélèvements privés en espèces".

b.c. Par courrier du 18 mars 2016 adressé à A______, lHOSPICE GENERAL a sollicité la remise de différents documents, dont notamment lavis de taxation pour lannée 2015. Une copie de la déclaration dimpôts 2016 a également été demandée. Lintéressée na fourni à lHOSPICE GENERAL que lavis de taxation 2013, document sur lequel ne figure aucun élément ayant trait à la société D______ ou une activité indépendante.

b.d. Selon le bilan dun stage des G______ [institution sociale] de 2018, A______ était assidue dans son travail mais commettait cependant des erreurs dattention. Les consignes devaient souvent être répétées au moins deux fois. Elle se montrait confuse et peu ordonnée dans sa manière de sorganiser avec pour résultat, "de nombreux cafouillages et/ou erreurs". Elle avait besoin dune activité simple et répétitive pour progresser. Elle présentait des lacunes en mathématiques, seules les quatre opérations de base étant acquises. Dans la rubrique "intégration linguistique", il était mentionné une assez bonne fluidité à loral, même si A______ peinait avec certains mots ou phrases et si la compréhension était parfois erronée. Elle se trouvait par contre très limitée à lécrit, avec un abandon du test de niveau primaire.

b.e. Lexistence de la société D______ ou lexercice dune activité indépendante ne ressort pas des documents en possession de lHOSPICE GENERAL, notamment des curriculum vitae établis par les époux.

c.a. A______ a reconnu avoir perçu à tort des prestations de lHOSPICE GENERAL. Elle navait pas mentionné quelle était titulaire d'une entreprise individuelle dans sa demande d'aide sociale car la question ne lui avait pas été posée. Son époux avait rempli les formulaires. Il lui avait posé des questions afin quelle le renseigne mais elle navait "pas vu cela". Elle savait que sa société était inscrite au registre du commerce dès le début.

L'argent prélevé sur le compte de la société avait servi à payer les factures relatives à son fonctionnement. Elle les payait par bulletin de versement directement à la poste, après avoir retiré largent du compte [auprès de la banque] H______ ouvert à son nom. Elle ne s'était pas octroyé une partie du chiffre d'affaires. La société navait jamais généré de bénéfice. En 2018, elle navait pas réussi à trouver dacquéreur pour son entreprise et celle-ci avait été radiée. Elle avait été enregistrée en tant quindépendante à lOffice cantonal des assurances sociales (OCAS).

Elle ignorait quelle devait déclarer sa société auprès de lHOSPICE GENERAL. Sa fiduciaire, qui se chargeait de l'établissement de sa déclaration fiscale et des bilans de la société, ne lui avait jamais précisé qu'elle ne pouvait pas exercer dactivité indépendante si elle percevait des prestations sociales. Elle avait déclaré cette activité à ladministration fiscale, joignant également les documents en lien avec lHOSPICE GENERAL.

Devant le TP, elle a déclaré reconnaître quelle navait pas rempli correctement les formulaires de lHOSPICE GENERAL, car il y avait beaucoup de choses quelle ne comprenait pas. Elle éprouvait des difficultés à lire et comprendre le français. Lorsque sa situation personnelle avait été établie, la question dune activité commerciale ne lui avait pas été posée. Elle avait amené les formulaires à son assistante sociale. Celle-ci ne lavait pas aidée à remplir les documents de lHOSPICE GENERAL et ne le lui avait pas proposé.

c.b. C______ a déclaré quil navait pas fait attention au fait quil ne pouvait pas obtenir de prestations de lHOSPICE GENERAL sil possédait une société, ni à la rubrique idoine dans la demande de prestations daide sociale. Il avait participé à lactivité de la société de son épouse de temps en temps mais nétait pas rémunéré, la société ne générant pas de bénéfice.

Devant le TP, il a précisé quil avait parfois rempli les formulaires seul, et parfois avec son épouse. Il navait lui-même pas perçu de revenu issu de la société. Son épouse soccupait des paiements et de tout ce qui était administratif à la maison. Elle amenait tout à la fiduciaire.

Il rencontrait des difficultés de compréhension et de lecture du français et ignorait que les assistants sociaux pouvaient laider à remplir les papiers. Ceux-ci ne le- faisaient pas pour les démarches administratives. Il avait rempli seul la demande de prestations daide sociale financière de novembre 2012.

c.c. L'HOSPICE GENERAL, représenté par I______, a expliqué que des entretiens périodiques se déroulaient entre les assistants sociaux et les bénéficiaires, lors desquels les démarches en cours, qui traitaient de tous les sujets, étaient examinées et expliquées. Les assistants sociaux examinaient avec eux les documents remis aux bénéficiaires et leur devoir de collaboration et d'information leur était rappelé. Lors de la remise du formulaire de demande de prestation, toutes les rubriques, y compris celle traitant de l'exercice d'une activité indépendante, étaient passées en revue et expliquées, ce d'autant plus si le demandeur était d'origine étrangère et/ou avait une mauvaise compréhension de la langue française. Dans le cas des époux A______/C______, elle ignorait si cela avait été fait ainsi.

Malgré les demandes formulées, l'avis de taxation pour l'année 2015 et la copie de la déclaration fiscale pour l'année 2016 n'avaient pas été remis. Les avis de taxation devaient en principe être transmis à lHOSPICE GENERAL entre les mois de mars et décembre mais labsence de remise ne bloquait pas les prestations. Ces demandes avaient pour but d'établir la situation financière du bénéficiaire. Si elle pouvait lêtre sur la base des documents en possession de lHOSPICE GENERAL, celui-ci ne relançait toutefois pas systématiquement les bénéficiaires au sujet d'éventuels documents manquants.

Au 10 février 2022, un montant de CHF 6000.-, avait été remboursé par les époux A______/C______ grâce aux retenues de CHF 200.- mensuelles effectuées sur les prestations à leur verser. Il ne sagissait pas dun arrangement de paiement, mais dun prélèvement par compensation. Cétait le montant maximal que lHOSPICE GENERAL sautorisait à prélever unilatéralement dans ce genre de cas.

C. a. La juridiction d'appel a ordonné l'instruction de la cause par la voie écrite, avec l'accord des parties.

b.a. A______ persiste dans ses conclusions.

Il existait des différences entre les formulaires figurant au dossier, notamment concernant les dates dentrée en Suisse de C______. Certains nétaient signés que par un des époux et les signatures divergeaient dun document à lautre. Des rubriques nétaient pas remplies. Dautres lavaient été de manière erronée, la case "oui" étant par exemple cochée sagissant du revenu issu dune activité salariée et il était indiqué que leur employeur était le RMCAS.

A______ avait spontanément déclaré avoir été indépendante entre 2012 et 2018 mais nêtre quun prête-nom pour lentreprise. Elle persistait dans ses explications selon lesquelles les assistants sociaux ne lui avaient jamais demandé si elle exerçait une activité lucrative indépendante. Elle ignorait quelle devait déclarer lexistence de sa société, qui navait enregistré que des pertes, à lHOSPICE GENERAL.

Sa fiduciaire, à laquelle elle se contentait damener les factures, se chargeait de remplir sa déclaration fiscale et détablir les bilans de la société. Celle-ci ne lavait pas avertie de ce quelle navait pas droit aux prestations de lHOSPICE GENERAL en cas dexercice dune activité indépendante. Un rapport de stage attestait quelle avait des capacités intellectuelles restreintes et comprenait mal le français. Laudition de lassistante sociale et de la fiduciaire, de même que le compte-rendu des entretiens effectués par lHOSPICE GENERAL auraient pu amener des éléments à décharge. LHOSPICE GENERAL navait pas produit son journal de notes internes, ce qui démontrait que les assistants sociaux navaient pas regardé les documents produits ni ne lavaient interrogée sur sa situation professionnelle, pas plus quils navaient attiré son attention sur le fait quelle navait pas droit aux prestations si elle avait un statut dindépendante.

La procédure navait pas permis de démontrer quelle avait rempli les formulaires de demande de prestations ou quils lui avaient été expliqués. Ces formulaires étaient trompeurs, dès lors que les questions relatives à linscription au registre du commerce et lexercice dune activité indépendante se trouvaient dans la rubrique "revenus". Une personne ne disposant pas de connaissances juridiques ne pouvait pas savoir que le fait dêtre inscrit au registre du commerce excluait le droit aux prestations de lHOSPICE GENERAL, quand bien même son entreprise ne dégageait pas de bénéfice. Le simple fait de cocher une case "non" nétait pas astucieux. Les informations figurant sur le formulaire étaient en outre facilement vérifiables pour lHOSPICE GENERAL, qui était en mesure dy accéder auprès des autorités administratives et judiciaires.

Aucun élément ne permettait daffirmer que A______ avait voulu tromper lHOSPICE GENERAL en omettant de mentionner une activité indépendante. En réalité, elle ignorait que les prestations pouvaient lui être refusées en raison de ce statut. Une erreur au sens de lart. 21 CP devait à tout le moins être retenue. Le fait quelle navait pas droit à des prestations si elle exerçait une activité indépendante ne ressortait pas du formulaire "mon engagement".

En tout état de cause, A______ devait être acquittée pour la période pénale antérieure au 1er octobre 2016, date dentrée en vigueur de lart. 148a CP et sa peine réduite à deux mois. Elle navait pas formé opposition contre la décision de restitution rendue par lHOSPICE GENERAL et réparait dores et déjà le dommage subi, ce dont il convenait de tenir compte dans le cadre de la fixation de la peine.

b.b. Me B______, défenseure d'office de A______, dépose un état de frais pour la procédure d'appel, facturant, sous des libellés divers, sept heures et 30 minutes d'activité de cheffe d'étude.

c. LHOSPICE GENERAL conclut au rejet de lappel, subsidiairement à la condamnation de la prévenue au sens de lart. 148a CP.

A______ navait pas annoncé de manière spontanée avoir été indépendante. Elle avait fait croire durant plusieurs années, au moyen de déclarations orales et écrites erronées, que sa situation financière était plus précaire quelle ne létait réellement. Elle avait indiqué de manière expresse, dans les formulaires, ne pas avoir dactivité indépendante, ne pas être inscrite au registre du commerce et ne pas percevoir de revenu dans ce cadre. Elle avait activement trompé les autorités.

Son statut dindépendante ne pouvait être remarqué par les autorités sans vérifications supplémentaires, qui ne pouvaient être exigées de lHOSPICE GENERAL compte tenu du grand nombre de demandes et de labsence dindices relatifs à ce statut. Lensemble des documents soumis par les époux ne mentionnaient que de courts stages et missions. Leur situation financière était établie sur la base des relevés bancaires soumis, relatifs aux comptes mentionnés dans ses demandes de prestations. La remise des avis de taxation nétait pas obligatoire sil était possible pour lassistant social détablir la situation financière des demandeurs sur la base de lensemble des autres justificatifs. Les assistants sociaux passaient en principe en revue avec les demandeurs les documents remis en vue de létablissement de leur situation financière. Il nétait pas crédible que cela nait pas été fait dans le cas de lappelante, au vu de la longue période considérée.

A______ était parfaitement informée de son devoir de renseigner et avait sciemment caché son statut dindépendante. Elle avait été en mesure de créer une entreprise, sinscrire au registre du commerce et avoir recours à une fiduciaire, ce qui démontrait que sa compréhension du français était suffisante. Elle était suivie par des assistants sociaux.

d. Le MP conclut au rejet de lappel.

D. A______, née le ______ 1970 à J______, au Nigéria, est arrivée en Suisse en 1997. Elle est mariée à C______ depuis 2005 et trois enfants sont issus de leur union. Elle a exercé des activités d'hôtesse de l'air et d'accueil au Nigéria. Selon les derniers renseignements fournis, elle accomplissait un stage non rémunéré d'aide cuisinière depuis mai 2021 et bénéficiait de l'aide de lHOSPICE GENERAL. Elle et son époux ont des dettes à hauteur de CHF 16'000.- pour des arriérés d'impôts.

Selon l'extrait de son casier judiciaire suisse, elle n'a aucun antécédent.

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale [CPP]).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

2. 2.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale (Cst.) et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.1 ; ATF
127 I 28 consid. 2a). En tant que règle sur le fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie, au stade du jugement, que ce fardeau incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu. La présomption d'innocence est violée lorsque le juge rend un verdict de culpabilité au seul motif que le prévenu n'a pas prouvé son innocence (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 40) ou encore lorsque le juge condamne le prévenu au seul motif que sa culpabilité est plus vraisemblable que son innocence. Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3).

2.2. Selon lart. 11 al. 4 let. d de la loi sur linsertion et laide sociale individuelle (LIASI), le Conseil dEtat fixe par règlement les condition dune aide financière exceptionnelle, qui peut être inférieure à laide financière ordinaire et/ou limitée dans le temps, en faveur de certaines catégories de personnes, dont notamment les personnes exerçant une activité lucrative indépendante.

Selon lart. 16 du règlement d'exécution de la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle (RIASI), les personnes qui exercent une activité lucrative indépendante peuvent être mises au bénéfice de prestations daide financière, mais pour une durée limitée.

2.3.1. L'art. 146 CP réprime le comportement de celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou l'aura astucieusement confortée dans son erreur et aura de la sorte déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers.

L'escroquerie suppose, sur le plan objectif, que l'auteur ait usé de tromperie, que celle-ci ait été astucieuse, que l'auteur ait ainsi induit la victime en erreur ou l'ait confortée dans une erreur préexistante, que cette erreur ait déterminé la personne trompée à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers et que la victime ait subi un préjudice patrimonial (ATF 119 IV 210 consid. 3).

2.3.2. Cette infraction se commet en principe par action. Tel est le cas lorsqu'elle est perpétrée par actes concluants (ATF 140 IV 11 consid. 2.3.2 p. 14 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_791/2013 du 3 mars 2014 consid. 3.1.1). Selon la jurisprudence, l'assuré qui a l'obligation de communiquer à son assureur ou, selon le cas, à l'organe compétent, toute modification importante des circonstances déterminantes pour l'octroi d'une prestation, qui ne respecte pas cette obligation et continue à percevoir les prestations octroyées initialement à juste titre ne commet pas par-là d'acte de tromperie. En continuant à recevoir ces prestations sans commentaire, l'assuré n'exprime pas que sa situation serait demeurée inchangée. La perception de prestations d'assurance n'a ainsi pas valeur de déclaration positive par acte concluant. La situation est toutefois différente si cette perception est accompagnée d'autres actions qui permettent objectivement d'interpréter son comportement comme signifiant que rien n'a changé dans sa situation. On pense notamment à un silence qualifié de l'assuré à des questions explicites de l'assureur (arrêt du Tribunal fédéral 6B_791/2013 consid. 3.1.1.). Une escroquerie par actes concluants a également été retenue dans le cas du bénéficiaire de prestations d'assurance exclusivement accordées aux indigents, qui se borne à donner suite à la requête de l'autorité compétente tendant, en vue de réexaminer sa situation économique, à la production d'un extrait de compte déterminé, alors qu'il possède une fortune non négligeable sur un autre compte, jamais déclaré (ATF 127 IV 163 consid. 2b p. 166).

Sur le plan subjectif, l'escroquerie est une infraction intentionnelle. L'intention doit porter sur tous les éléments constitutifs de l'infraction. Il faut en particulier que l'auteur ait eu l'intention de commettre une tromperie astucieuse (cf. ATF 128 IV 18 consid. 3b). L'auteur doit en outre avoir agi dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime correspondant au dommage de la dupe (ATF 134 IV 210 consid. 5.3 p. 213 s.). Le dol éventuel suffit (ATF 126 IV 165 consid. 4).

2.3.3. Pour qu'il y ait escroquerie, une simple tromperie ne suffit pas ; il faut qu'elle soit astucieuse. Il y a tromperie astucieuse lorsque l'auteur recourt à des manœuvres frauduleuses, à une mise en scène comportant des documents ou des actes ou à un échafaudage de mensonges qui se recoupent de façon si raffinée que même une victime critique se laisserait tromper (ATF 135 IV 76 consid. 5.2 p. 79 ; ATF
122 IV 197 consid. 3d p. 205). L'astuce ne sera toutefois pas réalisée si la dupe pouvait se protéger avec un minimum d'attention ou éviter l'erreur avec le minimum de prudence que l'on pouvait attendre d'elle (ATF 126 IV 165 consid. 2a p. 171;
122 IV 246 consid. 3a et les arrêts cités). Il n'est pas nécessaire qu'elle fasse preuve de la plus grande diligence et qu'elle recoure à toutes les mesures de prudence possibles (ATF 122 IV 246 consid. 3a p. 248).

Ces principes sont également applicables en matière d'aide sociale. L'autorité agit de manière légère lorsqu'elle n'examine pas les pièces produites ou néglige de demander à celui qui requiert des prestations les documents nécessaires afin d'établir ses revenus et sa fortune, comme par exemple sa déclaration fiscale et la décision de taxation ou des extraits de ses comptes bancaires. En revanche, compte tenu du nombre de demandes d'aide sociale, une négligence ne peut être reprochée à l'autorité lorsque les pièces ne contiennent pas d'indice quant à des revenus ou à des éléments de fortune non déclarés ou qu'il est prévisible qu'elles n'en contiennent pas. En l'absence d'indice lui permettant de suspecter une modification du droit du bénéficiaire à jouir des prestations servies, l'autorité d'assistance n'a pas à procéder à des vérifications particulières (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1369/2019 du 22 janvier 2020 consid. 1.1.2). Lorsque la simple lecture des documents produits par le requérant révèle déjà des incohérences sur des éléments importants pour décider de l'octroi d'une prestation financière, l'autorité se doit de s'interroger quant au bien-fondé de la demande qui lui est présentée et doit procéder à un minimum de vérifications élémentaires. Si elle ne le fait pas lorsque les circonstances l'exigent, l'astuce doit être exclue (arrêt du Tribunal fédéral 6B_567/2010 du 25 janvier 2011 consid. 4.2).

2.4. Aux termes de lart. 148a CP, est punissable quiconque, par des déclarations fausses ou incomplètes, en passant des faits sous silence ou de toute autre façon, induit une personne en erreur ou la conforte dans son erreur, et obtient de la sorte pour lui-même ou pour un tiers des prestations indues d’une assurance sociale ou de l’aide sociale.

Cette infraction est conçue comme une infraction subsidiaire à l’escroquerie, puisqu’elle vise la tromperie dénuée de caractère astucieux. Si l’auteur obtient des prestations indues d’une assurance sociale ou de l’aide sociale à la suite d’une tromperie astucieuse, seul lart. 146 CP trouvera à s’appliquer en tant que lex specialis (A. MACALUSO et al. (éds), Commentaire romand, Code pénal II, Bâle 2017, N 14 et 47 ad art. 148a).

2.5. Aux termes de l'art. 21 CP, quiconque ne sait ni ne peut savoir au moment d'agir que son comportement est illicite n'agit pas de manière coupable. Le juge atténue la peine si l'erreur était évitable.

Pour qu'il y ait erreur sur l'illicéité, il faut que l'auteur ne sache ni ne puisse savoir que son comportement est illicite. L'auteur doit agir alors qu'il se croyait en droit de le faire. Il pense, a tort, que l'acte concret qu'il commet est conforme au droit (ATF 141 IV 336 consid. 2.4.3 ; 138 IV 13 consid. 8.2). L'erreur sur l'illicéité ne saurait être admise lorsque l'auteur doutait lui-même ou aurait dû douter de l'illicéité de son comportement ou lorsqu'il savait qu'une réglementation juridique existe, mais qu'il a négligé de s'informer suffisamment à ce sujet (ATF 121 IV 109 consid. 5b ; 120 IV 208 consid. 5b). Si la licéité du comportement considéré est sujette à caution, l'auteur est tenu de s'informer auprès des autorités compétentes (ATF
129 IV 6 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_494/2016 du 17 mai 2017 consid. 1.1). 

2.6. En lespèce, il est établi par le dossier et non contesté par lappelante (qui ne sest notamment pas opposée à la décision de restitution du 18 juin 2019), quelle a perçu indûment, de même que son époux, des prestations de lHOSPICE GENERAL entre le 1er avril 2012 et le 30 juin 2018, puisquelle était parallèlement titulaire de lentreprise D______, inscrite au registre du commerce.

Les éléments constitutifs objectifs de linfraction descroquerie sont réunis, à tout le moins pour la période pénale du 30 novembre 2012 au 30 juin 2018, lappelante ayant adopté un comportement actif et astucieux visant à tromper lHOSPICE GENERAL, en vue dobtenir des prestations indues.

Ce comportement consiste dabord en la communication dinformations erronées, dans les formulaires de "demande de prestations daide sociale" signés les 29 ou 30 novembre 2012 et le 21 mars 2017, dans lesquels la case "non" a été cochée aux questions de savoir si lun des époux était au bénéfice dun "revenu provenant dune activité lucrative indépendante", sil existait un bénéfice ou un déficit provenant de cette activité ou sils étaient inscrits au registre du commerce. Le compte bancaire de lentreprise na en outre pas été mentionné dans la rubrique "fortune" de ce formulaire.

Lappelante allègue ne pas avoir rempli elle-même ces formulaires, qui auraient été établis par son mari. Les époux ont cependant varié dans leurs déclarations à ce sujet au cours de la procédure. A______ a dabord indiqué que son mari sétait occupé des formulaires, avant dexpliquer devant le TP, quelle ne les avait pas correctement remplis car elle navait pas compris un certain nombre de choses. C______ a pour sa part déclaré devant le TP quil les avait parfois remplis seul, et parfois avec son épouse. Quoiquil en soit, quand bien même C______ aurait formellement coché les cases négatives dans les formulaires, lappelante a reconnu que son mari les remplissait avec son aide, dans la mesure où il lui posait à tout le moins des questions afin quelle le renseigne. En tout état, lappelante, qui était au demeurant la demanderesse principale des prestations daide sociale selon lensemble des documents au dossier, a directement signé chacun des formulaires, ce qui démontre quelle était daccord avec leur contenu et la pleinement validé, étant rappelé quil était au surplus formellement indiqué que les signataires attestaient de lexactitude des renseignements fournis.

Lappelante a également signé chacun des formulaires de réévaluation de 2013, 2016 et 2018, confirmant par-là de manière active que sa situation personnelle, et plus particulièrement les ressources des membres du groupe familial navaient pas changé. Or, ces documents ont à nouveau été remplis de manière erronée, puisque la société D______ avait généré des bénéfices (bien que peu élevés) dès 2015, et que les époux avaient ainsi touché un revenu dune activité indépendante, qui figurait clairement dans leur déclaration dimpôts.

Le comportement reproché ne constitue dès lors pas simplement en une omission dinformer dun changement de situation, mais bien un comportement actif punissable au sens de lart. 146 al. 1 CP, lexistence de la société D______ ayant été dissimulée à lHOSPICE GENERAL par lindication de renseignements erronés.

Le comportement de lappelante doit être qualifié dastucieux. Outre le fait davoir rempli et signé des formulaires contenant des indications erronées, elle a également omis de fournir à lHOSPICE GENERAL les pièces sollicitées, qui auraient permis de découvrir lexistence de la société, soit en particulier sa taxation 2015 et sa déclaration dimpôts 2016. Cest le lieu de préciser quil ne saurait être reproché à lHOSPICE GENERAL de ne pas avoir investigué directement auprès des autorités idoines. La situation financière des époux avait dûment été établie, à lorigine, notamment grâce à lavis de taxation 2013, sur lequel la société napparaissait pas, quand bien même elle existait déjà. Dans ce contexte, et en labsence de tout indice permettant à lHOSPICE GENERAL de se douter de lexistence de la société dont lappelante était titulaire, étant rappelé que cette dernière avait au surplus répondu négativement à la question de savoir si elle était inscrite au registre du commerce, on ne pouvait légitimement attendre de linstitution quelle procède doffice à de quelconques vérifications. Il ne saurait en effet être exigé de lHOSPICE GENERAL quil se renseigne spontanément auprès des autorités fiscales pour chaque bénéficiaire en labsence de tout indice concret de fraude, au vu du nombre très important de demandes à traiter, dans un délai raisonnable.

Lélément subjectif de linfraction est également rempli. Au contraire de ce que lappelante allègue, les formulaires de demande daide sociale étaient suffisamment clairs, les cases à cocher évoquant un "revenu provenant dune activité lucrative indépendante", un "bénéfice" ou un "déficit" provenant de cette activité et une inscription au registre du commerce. Il paraît au demeurant peu crédible que lappelante neut pas compris les différents formulaires remplis. Le bilan des G______ relève, certes, quelle rencontrait des difficultés à lécrit. Lappelante est cependant arrivée en Suisse en 1997, soit 15 ans avant les premiers faits reprochés. Elle comprenait en outre suffisamment le français pour être capable de créer une société, la faire inscrire au registre du commerce, et la gérer, mais aussi dentretenir des contacts avec la fiduciaire et de senregistrer auprès de lOCAS. Ses déclarations selon lesquelles elle naurait été quun "prête-nom" pour lentreprise sont par ailleurs dénuées de crédibilité, dans la mesure où les époux ont tous deux déclarés quelle était en charge de laspect administratif, et en particulier du paiement de la totalité des factures de la société, ce qui démontre quelle exerçait bien une activité en lien avec cette dernière et comprenait suffisamment le français pour ce faire. En tout état de cause, lappelante ne pouvait ignorer, malgré déventuelles difficultés de langue, ce que signifiait linscription dune société au registre du commerce, dans la mesure où elle avait forcément dû entreprendre des démarches pour y procéder. Elle a dailleurs confirmé cet élément au cours de la procédure, indiquant quelle savait "dès le début" que sa société était inscrite au registre du commerce.

Les quelques différences entre les formulaires, notamment sagissant de la date darrivée en Suisse de C______, ou le fait que certaines rubriques naient pas été remplies dans certains formulaires ne sont pas de nature à démontrer que les époux auraient rempli les formulaires sans les comprendre. Il en va de même sagissant du fait davoir coché la case "oui" dans la rubrique du revenu issu dune activité salariée avec la mention "RMCAS" au sujet de lemployeur, les époux ayant bien perçu des prestations, soit une forme de revenu selon leur déclarations fiscale, de la part de cette institution, quand bien même celle-ci ne peut, il est vrai, être considérée comme un "employeur".

Au contraire de ce que lappelante affirme, la société a bien généré des bénéfices, même modestes, sur plusieurs années, qui apparaissent tant dans les bilans de lentreprise que dans la déclaration dimpôts. Lappelante aurait ainsi à tout le moins dû se douter que le fait de percevoir des revenus dune activité indépendante, pouvait avoir une influence sur son droit aux prestations de lHOSPICE GENERAL. Elle na pas pour autant annoncé ces revenus à linstitution. Elle ne saurait en outre rejeter la faute sur sa fiduciaire ou ladministration fiscale. Elle na jamais allégué avoir montré les formulaires de demande daide sociale à ces organismes ou leur avoir posé des questions sur la compatibilité des aides touchées avec lexistence de sa société. Cest dès lors à juste titre que le MP et le TP ont rejeté ses réquisitions de preuves tendant à laudition de la personne en charge du dossier au sein de la fiduciaire. Il nappartient au demeurant pas à lautorité fiscale de rendre les administrés attentifs à leurs devoirs envers lHOSPICE GENERAL.

Il paraît enfin peu crédible que les assistants sociaux qui suivaient régulièrement les époux, ne leur ont jamais expliqué les formulaires, alors quil sagissait de la procédure usuelle selon lHOSPICE GENERAL et que les documents, notamment les formulaires de réévaluation, mentionnaient clairement quils devaient être remplis avec lassistant social en charge du dossier. Le doute devant profiter à lappelante, et les assistants sociaux traitant directement de son dossier nayant pas été entendus au cours de la procédure, il ne sera cependant pas retenu que son attention a expressément été attirée sur la question dune activité indépendante.

Au vu de ce qui précède, la CPAR a acquis la conviction, au-delà de tout doute raisonnable, que lappelante était consciente de ce que lexistence de sa société pouvait anéantir, ou réduire son droit aux prestations, et a sciemment induit lHOSPICE GENERAL en erreur quant à lexistence de sa société. En ce sens, une éventuelle erreur sur lillicéité ne saurait être admise. En tout état de cause, lappelante était tenue, en cas de doute, de sinformer auprès des autorités compétentes, ce quelle na pas fait.

Les éléments constitutifs de linfraction descroquerie étant réunis, lappelante sera reconnue coupable de cette infraction, étant précisé que lapplication de lart. 148a CP est exclue, dès lors que lastuce est retenue (cf consid. 2.4).

Elle se verra cependant acquittée pour la période pénale du 1er avril au 29 novembre 2012.

Le premier formulaire mentionnant des indications erronées sur son statut depuis linscription de sa société au registre du commerce, a été signé les 29 et 30 novembre 2012. La signature de ce formulaire constitue le premier comportement actif qui peut être reproché à lappelante, aucun autre document au dossier ne démontrant que la question de lexercice dune activité indépendante ou lexistence dune société lui aurait été posée auparavant, notamment depuis linscription de sa société. Lappelante avait certes, signé préalablement des formulaires dans lesquels elle sengageait à annoncer spontanément tout changement de statut à lHOSPICE GENERAL. Le simple fait de ne pas avoir respecté cet engagement constitue cependant une omission (et non un comportement actif) qui nest pas punissable au sens de lart. 146 CP, lappelante sétant contentée de continuer de percevoir des prestations sans commettre dacte de tromperie.

3. 3.1. Linfraction descroquerie est passible dune peine privative de liberté de cinq ans au plus ou dune peine pécuniaire (art. 146 al. 1 CP).

3.2. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 consid. 9.1 p. 147 ; ATF 141 IV 61 consid. 6.1.1 p. 66 s.).

3.3. Le nouveau droit des sanctions n'étant pas plus favorable à l'appelante, il n'en sera pas fait application (art. 2 al. 2 CP).

3.4. En l'espèce, la faute commise par lappelante est importante. Elle a sciemment trompé lHOSPICE GENERAL sur sa situation, afin dobtenir des prestations conséquentes auxquelles elle navait pas droit. La période pénale est très importante, lappelante ayant agi sur plusieurs années, adoptant à plusieurs reprises, au cours de cette période, un comportement actif visant à le tromper. Seule lenquête dirigée par cette institution a mis fin à ses agissements. Elle a agi par pur appât du gain, soit pour des mobiles égoïstes.

Sa collaboration a été médiocre. Elle a, certes, reconnu avoir touché indûment des prestations mais pouvait difficilement le contester au vu de linscription de sa société au registre du commerce. Elle na cependant eu de cesse de minimiser les faits, rejetant notamment sa faute sur lHOSPICE GENERAL, sa fiduciaire et les autorités fiscales. Sa prise de conscience nest pas aboutie. Elle na jamais déclaré regretter ses actes. Le remboursement effectué à raison de CHF 200.- par mois en faveur de lHOSPICE GENERAL (montant déduit des prestations versées) ne saurait par ailleurs être pris en compte, dès lors quil résulte visiblement dune décision unilatérale de cette institution et non dune volonté de lappelante de réduire sa dette.

Compte tenu de la gravité de la faute, de la durée des actes commis et des montants en jeu, seule une peine privative de liberté entre en considération. La CPAR retient quune peine de six mois est appropriée et sanctionne adéquatement l'appelante pour linfraction commise. Lacquittement pour une période pénale de quelques mois (sur une durée totale de six ans) ne justifie pas de réduire la peine, clémente, prononcée par le premier juge.

Le principe du sursis est acquis à lappelante (art. 391 al. 2 CPP).

4. 4.1. L'appelante obtient partiellement gain de cause dans son appel, étant acquittée de linfraction reprochée pour la période du 1er avril au 29 novembre 2012, mais succombe pour le surplus. Elle supportera dès lors les trois quarts des frais de la procédure dappel, comprenant un émolument de CHF 1500.-, le solde restant à la charge de lEtat (art. 428 CPP et art. 14 al. 1 let. e du règlement fixant le tarif des frais en matière pénale [RTFMP]). L'émolument complémentaire de jugement arrêté à CHF 1000.- par le TP suivra le même sort.

4.2. La répartition des frais de la procédure de première instance demeurera inchangée, lappelante nayant été acquittée que dune partie seulement de linfraction reprochée et la période pénale concernée nayant pas engendré dacte dinstruction particulier.

5. Considéré globalement, l'état de frais produit par Me B______, défenseure d'office de A______ satisfait les exigences légales et jurisprudentielles régissant l'assistance judiciaire gratuite en matière pénale. Il convient de le compléter avec le forfait de 20% pour la correspondance et autres opérations diverses et la TVA à 7.7%.

La rémunération de Me B______ sera partant arrêtée à CHF 1938.60 correspondant à sept heures et 30 minutes dactivité au tarif de CHF 200.-/heure plus la majoration forfaitaire de 20%, et la TVA à 7.7%.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/146/2022 rendu le 14 février 2022 par le Tribunal de police dans la procédure P/1558/2020.

L'admet partiellement.

Annule ce jugement.

Et statuant à nouveau, en ce qui concerne A______ :

Déclare A______ coupable d'escroquerie pour la période pénale du 30 novembre 2012 au 30 juin 2018 (art. 146 al. 1 CP).

Acquitte A______ de linfraction d'escroquerie pour la période pénale du 1er avril 2012 au 29 novembre 2012.

Condamne A______ à une peine privative de liberté de six mois (art. 40 CP).

Met A______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à trois ans (art. 42 et 44 CP).

Avertit A______ de ce que, si elle devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Renvoie la partie plaignante HOSPICE GÉNÉRAL à agir par la voie civile (art. 126 al. 2 CPP).

Prend acte de ce que le Tribunal de police a fixé à CHF 6'058.05 l'indemnité de procédure due à Me B______, défenseure d'office de A______ pour la procédure de première instance (art. 135 CPP).

Prend acte de ce que le Tribunal de police a condamné A______ et C______, conjointement et solidairement, aux frais de la procédure de première instance, qui s'élèvent à CHF 1'451.-, y compris un émolument de jugement de CHF 500.- (art. 426 al. 1 CPP).

Condamne A______ aux trois quarts de l'émolument complémentaire de jugement fixé à CHF 1000.- par le Tribunal de police, soit CHF 750.- et laisse le solde à la charge de lEtat.

Arrête les frais de la procédure d'appel à CHF 1'675.-, les met à raison des trois quarts, soit CHF 1256.25 à la charge de A______ et laisse le solde à la charge de l'État.

Arrête à CHF 1938.60, TVA comprise, le montant des frais et honoraires de Me B______, défenseure d'office de A______ pour la procédure d'appel.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police et à l'Office cantonal de la population et des migrations.

 

La greffière :

Andreia GRAÇA BOUÇA

 

La présidente :

Alessandra CAMBI FAVRE-BULLE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.

 

Dans la mesure où il a trait à l'indemnité de l'avocat désigné d'office ou du conseil juridique gratuit pour la procédure d'appel, et conformément aux art. 135 al. 3 let. b CPP et 37 al. 1 de la loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération (LOAP), le présent arrêt peut être porté dans les dix jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 39 al. 1 LOAP, art. 396 al. 1 CPP) par-devant la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (6501 Bellinzone).


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

2'451.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

100.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

00.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1'500.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'675.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

4'126.00