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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/19263/2021

AARP/265/2022 du 06.09.2022 sur JTDP/382/2022 ( PENAL ) , REJETE

Recours TF déposé le 17.10.2022, rendu le 28.06.2023, REJETE, 6B_1240/22
Descripteurs : FIXATION DE LA PEINE;PEINE PRIVATIVE DE LIBERTÉ;CONCOURS D'INFRACTIONS
Normes : CP.139; LEI.115.al1.letb; CP.41; CP.47; CP.49
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/19263/2021 AARP/265/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 6 septembre 2022

 

Entre

A______, domicilié c/o B______, ______, comparant par Me Lida LAVI, avocate, LAVI AVOCAT, Grand-Rue 8, 1204 Genève,

appelant,

contre le jugement JTDP/382/2022 rendu le 6 avril 2022 par le Tribunal de Police,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement du 6 avril 2022, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a acquitté du chef de faux dans les certificats (art. 252 du Code pénal [CP]) mais l'a déclaré coupable de vol (art. 139 ch. 1 CP) et de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI). Le TP l'a condamné à une peine privative de liberté de 50 jours, sous déduction de un jour de détention avant jugement, et a mis les frais de la procédure à sa charge.

A______ entreprend partiellement ce jugement, concluant au prononcé d'une peine pécuniaire en lieu et place d'une peine privative de liberté.

b. Selon l'ordonnance pénale du 8 octobre 2021, valant acte d'accusation, il est notamment reproché ce qui suit à A______ :

- le 7 octobre 2021, il a dérobé l'argent se trouvant dans le porte-monnaie de C______, soit CHF 140.- et EUR 330.- ;

- du 7 juillet 2020, lendemain de sa dernière condamnation, au 7 octobre 2021, date de son interpellation, il a séjourné sur le territoire suisse alors qu'il n'était pas au bénéfice des autorisations nécessaires, qu'il était démuni d'un document d'identité valable et dépourvu des ressources financières légales nécessaires pour assurer sa subsistance ainsi que ses frais de retour.

B. Ces faits ne sont pas contestés par l'appelant et correspondent aux éléments du dossier. Pour le surplus, il sera renvoyé au jugement de première instance (art. 82 al. 4 du Code de procédure pénale [CPP]).

C. a. La juridiction d'appel a ordonné l'instruction de la cause par la voie écrite avec l'accord des parties (art. 406 al. 2 CPP).

b. Selon sa déclaration d'appel motivée, valant mémoire d'appel, A______ conclut à l'annulation du jugement querellé en ce qu'il le condamne à une peine privative de liberté de 50 jours, sous déduction de un jour de détention avant jugement, et sollicite le prononcé d'une peine pécuniaire.

La peine prononcée, extrêmement lourde, ne faisait aucun sens dans sa situation. Une peine pécuniaire pouvait être exécutée compte tenu du fait qu'il était intégralement entretenu par B______, sa future épouse, désireuse de le soutenir et de l'aider à réparer ses erreurs passées. Il avait tout de suite reconnu les faits qui lui étaient reprochés et rendu l'argent subtilisé. Sa collaboration dans la procédure avait été excellente, il avait exprimé ses regrets et formulé des excuses. Âgé de 52 ans, statuant sur opposition :

Déclare valables l'ordonnance pénale du 8 octobre 2021 et l'opposition formée contre celle-ci par A______ le 18 octobre 2021.

et statuant à nouveau et contradictoirement :

Déclare A______ coupable de vol (art. 139 ch. 1 CP) et de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI).

Acquitte A______ du chef de faux dans les certificats (art. 252 CP).

Condamne A______ à une peine privative de liberté de 50 jours, sous déduction de 1 jour de détention avant jugement (art. 40 et 41 CP).

Condamne A______ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 680.-, y compris un émolument de jugement de CHF 300.- (art. 426 al. 1 CPP).

il avait entrepris de régulariser sa situation et était en train de concrétiser un projet d'avenir avec sa compagne. Il n'avait plus commis le moindre vol depuis le 15 septembre 2014 et ne représentait aucun danger pour la sécurité publique.

c. Le TP et le Ministère public (MP) concluent au rejet de l'appel.

Selon le second, les motivations de A______ relevaient de convenances personnelles et d'appât du gain, sans considération pour les interdits en vigueur. Il avait été condamné à onze reprises pour des faits similaires. Sa prise de conscience devait ainsi être appréciée avec circonspection. Le prononcé d'une privative de liberté était le seul moyen susceptible de le dissuader de récidiver. En outre, il y avait lieu de craindre qu'une peine pécuniaire ne soit pas honorée dans la mesure où il était sans revenus.

D. a. A______ est né le ______ 1970 en Algérie, pays dont il est ressortissant. Il est célibataire et sans enfant. Il est arrivé en Suisse en 1993 et y vit de façon irrégulière depuis lors. Il fait ménage commun avec B______ depuis 2018. A______ a produit la copie d'un formulaire de demande en vue du mariage, rempli et signé en date du 13 décembre 2021, sans preuve de dépôt auprès de l'Office d'état civil.

b. À teneur de l'extrait de son casier judiciaire, A______ est connu sous 29 fausses identités. Il a été condamné à onze reprises entre le 19 décembre 2012 et le 6 juillet 2020, notamment huit fois pour séjour illégal, et trois fois pour vol, le 19 décembre 2012, le 6 février 2014 et le 15 septembre 2014. Il a également été condamné pour faux dans les certificats le 9 décembre 2015 dans le canton de Berne et pour faux dans les titres le 6 avril 2020 dans le canton de Vaud.

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 CPP).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

2. 2.1.1. À teneur de l'art. 139 ch. 1 CP, celui qui, pour se procurer ou procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura soustrait une chose mobilière appartenant à autrui dans le but de se l'approprier sera puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

2.1.2. L'art. 115 al. 1 let. b LEI punit d'une peine privative de liberté d'un an au plus ou d'une peine pécuniaire quiconque séjourne illégalement en Suisse, notamment après l'expiration de la durée du séjour non soumis à autorisation ou du séjour autorisé.

2.2.1. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 141 IV 61 consid. 6.1.1 ; 136 IV 55 consid. 5 et 134 IV 17 consid. 2.1).

2.2.2. L'art. 41 al. 1 CP autorise le juge à prononcer une peine privative de liberté à la place d'une peine pécuniaire, si une peine privative de liberté paraît justifiée pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits (let. a), ou s'il y a lieu de craindre qu'une peine pécuniaire ne puisse pas être exécutée (let. b).

La peine pécuniaire constitue la sanction principale dans le domaine de la petite et moyenne criminalité, les peines privatives de liberté ne devant être prononcées que lorsque l'État ne peut garantir d'une autre manière la sécurité publique. Lorsque tant une peine pécuniaire qu'une peine privative de liberté entrent en considération et que toutes deux apparaissent sanctionner de manière équivalente la faute commise, il y a en règle générale lieu, conformément au principe de la proportionnalité, d'accorder la priorité à la première, qui porte atteinte au patrimoine de l'intéressé et constitue donc une sanction plus clémente qu'une peine privative de liberté, qui l'atteint dans sa liberté personnelle. Le choix de la sanction doit être opéré en tenant compte au premier chef de l'adéquation de la peine, de ses effets sur l'auteur et sur sa situation sociale ainsi que de son efficacité du point de vue de la prévention. La faute de l'auteur n'est en revanche pas déterminante (ATF 144 IV 313 consid. 1.1.1).

Il y a lieu d'admettre qu'une peine pécuniaire ne peut être prononcée lorsque le condamné ne s'acquittera vraisemblablement pas des jours-amende, en présence d'un risque de fuite, par manque de moyens suffisants ou encore en raison d'une mesure d'éloignement prononcée par une autorité administrative (M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI, Petit commentaire du Code pénal, 2ème éd., 2017, n. 3 ad art. 41).

Selon la Directive du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (Directive sur le retour 2008/115/CE), intégrée au droit suisse par l'arrêté fédéral du 18 juin 2010 (RO 2010 5925) et la jurisprudence de la Cour de justice de l'union européenne y relative (ci-après : la CJUE, arrêt du 28 avril 2011 C-61/11 PPU EL DRIDI), le prononcé d'une peine pécuniaire du chef de séjour illégal est toujours envisageable (arrêt de la CJUE du 6 décembre 2012 C-430/11 SAGOR). Tel n'est pas le cas du prononcé d'une peine privative de liberté. Une sanction de ce type ne peut, en effet, être infligée que pour autant qu'une procédure administrative de renvoi ait été, préalablement, menée à son terme sans succès contre le ressortissant étranger et que ce dernier demeure sur le territoire concerné sans motif justifié de non-retour (arrêt de la CJUE du 28 avril 2011 C-61/11 PPU EL DRIDI). La CJUE a toutefois précisé que les ressortissants de pays tiers ayant, outre le délit de séjour irrégulier, commis un ou plusieurs autres délits, pouvaient le cas échéant, en vertu de l'art. 2, paragraphe 2, sous b, de la directive sur le retour, être soustraits au champ d'application de la directive (arrêt du 6 décembre 2011 C- 329/11 Achughbabian, ch. 41). Tel était le cas en cas de commission d'une infraction à l'art. 119 LEI pour des motifs d'ordre public, la directive retour ne s'appliquant pas dans ce cas (ATF 143 IV 264 consid. 2.6.2).

2.2.3. Conformément à l'art. 49 al. 1 CP, si, en raison de plusieurs actes, l'auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l'infraction la plus grave et l'augmente dans une juste proportion. Il ne peut toutefois excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction. Il est en outre lié par le maximum légal de chaque genre de peine.

Lorsqu'il s'avère que les peines envisagées concrètement sont de même genre, l'art. 49 al. 1 CP impose au juge, dans un premier temps, de fixer la peine pour l'infraction abstraitement - d'après le cadre légal fixé pour chaque infraction à sanctionner - la plus grave, en tenant compte de tous les éléments pertinents, parmi lesquels les circonstances aggravantes ou atténuantes. Dans un second temps, il augmentera cette peine pour sanctionner chacune des autres infractions, en tenant là aussi compte de toutes les circonstances y relatives (ATF 144 IV 313 consid. 1.1.2).

2.3. En l'espèce, la faute de l'appelant est sérieuse. Il s'accommode parfaitement, et ce depuis des années, de vivre en Suisse dans l'illégalité en violation de la législation en vigueur. En situation irrégulière depuis 1993, hormis une courte période de trois mois où il a bénéficié d'un titre de séjour valable en vue d'un mariage qui n'a finalement jamais eu lieu, l'appelant manifeste par son comportement un profond mépris de l'ordre juridique suisse. Son comportement attente à la collectivité dans la mesure où ses interpellations successives monopolisent de nombreux acteurs appelés à assurer la sécurité publique. En outre, il a porté atteinte au patrimoine d'autrui ; s'il a certes restitué l'argent subtilisé, il l'a fait uniquement après avoir été interpellé.

Sa collaboration dans la présente procédure a été bonne et il semble prendre conscience de ses agissements ; il a présenté spontanément des excuses à la partie plaignante lors de l'audience devant le TP. Néanmoins, cela ne suffit pas à faire oublier ses nombreux antécédents.

Il y a concours d'infraction, ce qui constitue un facteur aggravant.

L'appelant dit vouloir régulariser sa situation, notamment grâce à un mariage avec son amie, mais ne fournit aucune preuve de la concrétisation d'un tel projet ; le formulaire de demande en vue d'un mariage produit, dont on ignore s'il a été déposé, ne suffit pas à cet égard. L'appelant a d'ailleurs déclaré dans la procédure qu'il avait eu deux précédents projets de mariage en Suisse qui n'avaient pas été menés à terme pour différentes raisons.

Une peine pécuniaire n'entre en ligne de compte pour aucune des infractions en cause, en particulier eu égard aux antécédents spécifiques de l'appelant et à l'absence d'effet dissuasif des peines pécuniaires précédemment prononcées à son encontre. La Directive européenne sur le retour ne trouve pas application en l'espèce, étant relevé qu'il est également condamné pour vol.

De surcroît, l'appelant affirme être en mesure de s’acquitter d’une peine pécuniaire au motif que sa compagne serait disposée à subvenir à ses besoins. Outre le fait que cette allégation n'est étayée par aucune pièce et qu'on ignore la situation financière de sa compagne, il est évident que la peine pécuniaire doit être assumée par la personne condamnée et non par un tiers, fût-il un proche. La sanction pénale a un caractère éminemment personnel et doit être subie par l’auteur de l’infraction.

Le vol est sanctionné par une peine-menace abstraitement plus importante que le séjour illégal, de sorte qu'il convient de fixer une peine privative de liberté de deux mois pour cette infraction, laquelle constitue la peine de base, et de l'augmenter de deux mois (peine théorique : trois mois) pour tenir compte du séjour illégal.

Cependant, compte tenu de l'interdiction de la reformatio in pejus (art. 391 al. 2 CPP), la CPAR ne peut pas aller au-delà de la peine prononcée par le premier juge qui sera donc confirmée.

3. L'appelant, qui succombe, supportera les frais de la procédure envers l'état, qui comprennent un émolument de procédure de CHF 1'200.- (art. 428 CPP ; art. 14 al. 1 let. e du règlement fixant le tarif des frais en matière pénale [RTFMP]).

La mise à sa charge des frais de première instance sera confirmée (art. 426 CPP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/382/2022 rendu le 6 avril 2022 par le Tribunal de Police dans la procédure P/19263/2021.

Le rejette.

Condamne A______ aux frais de la procédure d'appel, en CHF 1'315.-, qui comprennent un émolument de CHF 1'200.-.

Confirme le jugement entrepris, dont le dispositif est le suivant :

" Déclare A______ coupable de vol (art. 139 ch. 1 CP) et de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI).

Acquitte A______ du chef de faux dans les certificats (art. 252 CP).

Condamne A______ à une peine privative de liberté de 50 jours, sous déduction de 1 jour de détention avant jugement (art. 40 et 41 CP).

Condamne A______ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 680.-, y compris un émolument de jugement de CHF 300.- (art. 426 al. 1 CPP).

Condamne A______ à payer un émolument complémentaire de CHF 600.- à l'État de Genève."

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police et à l'Office cantonal de la population et des migrations.

La greffière :

Andreia GRAÇA BOUÇA

 

La présidente :

Alessandra CAMBI FAVRE-BULLE

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

1'280.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

40.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

00.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1'200.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'315.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

2'595.00