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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/806/2024

DCSO/177/2024 du 02.05.2024 ( PLAINT ) , REJETE

Descripteurs : Demande de renseignements auprès de tiers
Normes : LP.91.al4
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/806/2024-CS DCSO/177/24

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 2 MAI 2024

 

Plainte 17 LP (A/806/2024-CS) formée en date du 7 mars 2024 par A______.

* * * * *

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par pli recommandé du greffier du 2 mai 2024
à :

-       A______

______

______.

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A.           a. Dans le cadre des poursuites nos 2______, 3______, 4______, 5______, 6______ engagées par ÉTAT DE GENÈVE, ÉTAT DE VAUD et B______ SA contre A______, l'Office cantonal des poursuites (ci-après: l'Office) a communiqué à la poursuivie, entre le 24 janvier et le 15 février 2024, des avis de saisie pour le 19 février 2024, en vue de son audition sur sa situation patrimoniale.

b. Le 20 février 2024, A______ a été auditionnée par l'Office, en particulier sur ses frais de logement. Selon le procès-verbal de son audition, elle louait un appartement à la rue 7______ no. ______, à Genève, qui avait été "squatté" pendant un certain temps par des personnes qu'elle avait aidées financièrement en septembre 2023. Elle avait donné les clés de son logement à une mère et son enfant pour les aider et il avait été convenu "qu'elles soutiennent en contrepartie [son] association." A______ a déclaré qu'elle dormait où elle voulait. Elle avait un autre logement, situé au chemin 8______ à C______ [GE], dont le loyer était réglé par deux membres de l'association "D______" depuis juin 2023. Il s'agissait d'un appartement de trois pièces meublé, dont le loyer s'élevait à 2'400 fr. par mois. Le bail n'était pas à son nom. Son intention finale était de sous-louer l'appartement de la rue 7______ et d'habiter [à] C______ jusqu'à la fin du cycle de sa fille. Interrogée sur ses avoirs bancaires, elle a indiqué qu'elle avait trois comptes, un à [la banque] E______, un [à la banque] F______ et un auprès de G______. Elle s'engageait à transmettre les relevés de ces trois comptes, "sauf avis contraire de [son] avocat".

A l'issue de cette audition, l'Office a fixé à A______ un délai échéant le 5 mars 2024 pour fournir les extraits de ses comptes bancaires.

c. Le 21 février 2024, l'Office a adressé à l'association "D______" une demande de renseignements fondée sur l'art. 91 al. 4 LP et sollicité la transmission de son compte bancaire, l'informant conduire des investigations sur les flux financiers concernant A______.

d. A______ n'a pas fourni les documents demandés par l'Office dans le délai imparti.

Par courriel du 5 mars 2024 à l'Office, elle a en substance fait savoir qu'elle refusait de remettre les extraits de compte de l'association "D______".

B.            a. Par acte déposé le 7 mars 2024, A______ a formé plainte auprès de la Chambre de surveillance contre "la demande de renseignements 91 al. 4 LP" et la saisie.

L'association "D______" était totalement étrangère à la saisie, s'agissant d'une personne morale distincte, de sorte que l'Office ne pouvait lui demander de fournir des comptes. Ses revenus couvraient à peine ses charges, de sorte que l'Office était invité à établir directement des actes de défaut de biens. A______ a sollicité l'instruction du dossier par un juge et la tenue d'une audience pour être entendue.

b. Dans son rapport du 15 mars 2024, l'Office a observé que la plainte, formée par la poursuivie en son nom contre une demande de renseignements adressée à une association, apparaissait irrecevable, la débitrice n'ayant pas un intérêt personnel à contester cette communication.

Sur le fond, l'Office était en droit de solliciter des renseignements de tiers pour établir la situation financière du débiteur, et ce afin d'exécuter la saisie. La plainte devait par conséquent être rejetée.

L'Office a produit un rapport de police du 6 décembre 2023, en relation avec une intervention du 6 octobre 2023 dans le logement de la rue 7______ no. ______ à Genève. Selon la police, A______ avait déclaré à cette occasion qu'une partie des revenus de la sous-location étaient versés sur le compte bancaire de l'association "D______". Lors de l'audience du 25 janvier 2024 devant la Chambre d'appel et de révision de la Cour, A______ a déclaré qu'elle avait un deuxième domicile [à] C______, à savoir un petit appartement meublé payé par l'association "D______", dont elle était présidente. Elle essayait de sous-louer l'appartement de la rue 7______ mais il y avait toutes ses affaires. Elle vivait dans deux appartements, mais surtout à C______. Le loyer de cet appartement s'élevait à 2'400 fr. Elle avait réglé le "dernier mois".

c. Dans sa réplique du 15 avril 2024, A______ soutient qu'elle n'est pas saisissable et que l'Office violait sa dignité et sa liberté économique. Elle sollicitait de l'Office qu'il prononce l'effet suspensif sur la saisie de salaire et tout autre acte non justifié.

EN DROIT

1. 1.1.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de l'article 17 al. 1 LP (art. 13 LP; art. 125 et 126 al. 2 let. c LOJ; art. 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP) contre les mesures de l'Office ne pouvant être contestées par la voie judiciaire.

1.1.2 La plainte doit être déposée, sous forme écrite et motivée (art. 9 al. 1 et 2 LaLP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 2 LP). Elle peut également être déposée en tout temps en cas de nullité de l'acte contesté (art. 22 al. 1 LP).

1.1.3 La qualité pour porter plainte suppose un intérêt à agir. Elle est reconnue à toute personne lésée ou exposée à l'être dans ses intérêts juridiquement protégés, ou tout au moins touchée dans ses intérêts de fait, par une mesure ou une omission d'un organe de la poursuite (ATF 120 III 42; SJ 1997 49); le plaignant doit être touché dans une mesure et avec une intensité plus grande que quiconque.

En principe, le débiteur a toujours un intérêt pour porter plainte (Erard, CR LP, n° 25 ad art. 17 LP).

En matière d'obligation de renseigner, au sens de l'art. 91 al. 4 LP, la qualité de plaignant est en principe reconnue au tiers auquel il est fait injonction de fournir des informations (cf. arrêt du Tribunal fédéral 7B.114/2005 du 12 octobre 2005; Meier, Das Verwaltungsverfahren vor den Schuldbetreibungs- und Konkursbehörden, 2002, p. 25 et pp. 83 ss).

1.2. En l'espèce, la question de savoir si la plaignante, en sa qualité de poursuivie, dispose de l'intérêt pour agir à l'encontre de la demande de l'Office d'obtenir des renseignements d'un tiers, souffre de rester indécise, vu l'issue de la procédure. Il en va de même de la question de savoir si elle agit en tant que représentante de l'association "D______".

2. 2.1.1 Selon l'art. 93 al. 1 LP, les revenus relativement saisissables tels que les revenus du travail ne peuvent être saisis que déduction faite de ce que le préposé estime indispensable au débiteur et à sa famille (minimum vital).

Pour fixer le montant saisissable – en fonction des circonstances de fait existant lors de l'exécution de la saisie (ATF 115 III 103 consid. 1c) – l'Office doit d'abord tenir compte de toutes les ressources du débiteur; puis, après avoir déterminé le revenu global brut, il évalue le revenu net en opérant les déductions correspondant aux charges sociales et aux frais d'acquisition du revenu; enfin, il déduit du revenu net les dépenses nécessaires à l'entretien du débiteur et de sa famille, en s'appuyant pour cela sur les directives de la Conférence des préposés aux poursuites et faillites de Suisse (BlSchK 2009, p. 196 ss), respectivement, à Genève, sur les Normes d'insaisissabilité édictées par l'autorité de surveillance (ci-après : NI; Ochsner, Le minimum vital (art. 93 al. 1 LP), in SJ 2012 II p. 119 ss, 123; Collaud, Le minimum vital selon l'article 93 LP, in RFJ 2012 p. 299 ss, 303; arrêt du Tribunal fédéral 5A_919/2012 du 11 février 2013 consid. 4.3.1).

2.1.2 Aux termes de l'art. 91 al. 1 ch. 2 LP, le débiteur est tenu, sous menace des peines prévues par la loi, d'indiquer jusqu'à due concurrence tous les biens qui lui appartiennent, même ceux qui ne sont pas en sa possession, ainsi que ses créances et autres droits contre des tiers. Le système préconisé par le législateur, mis en exergue par la note marginale de l'art. 91 LP, est ainsi fondé sur le devoir de renseigner, lequel incombe prioritairement au débiteur qui est le mieux placé pour fournir à l'Office les informations le concernant (Jeandin, CR-LP, 2005, N 2 ad art. 91). Le débiteur faisant l'objet d'une saisie est en conséquence tenu de fournir à l'Office toutes les informations et pièces permettant à celui-ci de calculer son minimum d'existence au sens de l'art. 93 al. 1 LP.

Les tiers qui détiennent des biens du débiteur ou contre qui le débiteur a des créances ont, sous menace des peines prévues par la loi (art. 324, ch. 5, CP), la même obligation de renseigner que le débiteur (art. 91 al. 4 LP).

2.2 En l'espèce, à la suite de l'audition de la plaignante, l'Office lui a fixé un délai pour fournir les extraits de ses comptes bancaires. Il a aussi invité l'association "D______" à fournir un extrait de son propre compte, dès lors que selon les explications de la plaignante, ce compte servirait notamment à financer ses propres dépenses, notamment le loyer d'un appartement qu'elle allègue occuper. Or, il est pertinent de déterminer si la plaignante s'acquitte d'une charge de loyer ou pas, seules les charges effectivement supportées par le débiteur étant comprises dans le calcul de son minimum vital. Partant, les investigations de l'Office sont justifiées, car elles tendent à établir la situation financière de la poursuivie en vue de déterminer la quotité saisissable. En tant qu'elle porte contre la demande de renseignements du 21 février 2024 la plainte sera par conséquent rejetée.

2.3 En tant que la plaignante conteste la saisie, il sera observé que la plainte n'est pas dirigée contre un procès-verbal de saisie, de sorte qu'elle apparaît prématurée. Il ne résulte en outre pas du dossier qu'à la date du dépôt de la plainte, une saisie de revenus portant atteinte au minimum vital de la plaignante était déjà intervenue. La plaignante ne rend du reste pas vraisemblable, en se prévalant d'éléments concrets, une atteinte flagrante à son minimum vital.

Aussi, la plainte s'avère en tous points mal fondée et sera rejetée, pour autant qu'elle soit recevable. Il n'y a par conséquent pas lieu d'examiner les requêtes de mesures provisionnelles et d'effet suspensif.

3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; 61 al. 2 let. a OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :


Rejette, dans la mesure de sa recevabilité, la plainte formée le 7 mars 2024 contre la demande de renseignements du 21 février 2024 et les avis de saisie dans les poursuites nos 2______, 3______, 4______, 5______, 6______ datés des 24 janvier, 30 janvier, 2 février et 15 février 2024.

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, présidente; Madame Natalie OPPATJA et Monsieur Denis KELLER, juges assesseurs; Madame Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.

 

La présidente : La greffière :

 

Verena PEDRAZZINI RIZZI Véronique AMAUDRY-PISCETTA

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.