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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/2323/2022

DCSO/277/2023 du 20.06.2023 ( PLAINT ) , ADMIS

Descripteurs : Nouvelle expertise
Normes : ORFI.9
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2323/2022-CS DCSO/277/23

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU MARDI 20 JUIN 2023

 

Demande de nouvelle expertise (A/2323/2022-CS) formée en date du 7 juillet 2022 par A______, élisant domicile en l'étude de Me Xavier-Romain RAHM, avocat.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du 22 juin 2023 à :

-       A______

c/o Me RAHM Xavier-Romain

CieLex Sàrl

Cours de Rive 4

1204 Genève.

- ETAT DE GENEVE, ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

Service du contentieux
Rue du Stand 26
Case postale 3937
1211 Genève 3.

- BANQUE B______

c/o Me GABUS Pierre
Gabus Avocats
Boulevard des Tranchées 46
1206 Genève.

- CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE COMPENSATION

Rue des Gares 12

1201 Genève.

- CONFEDERATION SUISSE

Schwarztorstrasse 50
3007 Berne.

- CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE COMPENSATION

Rue des Gares 12

1201 Genève.

- C______

______
______.

- ETAT DE GENEVE, SERVICE DES CONTRAVENTIONS

Chemin de la Gravière 5
1227 Les Acacias.

- SERVICE DU CONTENTIEUX DE L'ETAT

Rue du Stand 15
1204 Genève.

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A. a. A______ est copropriétaire, à raison d'une moitié, de l'immeuble immatriculé sous feuillet n° 1______ de la Commune de D______, représentant 42 millièmes de la propriété par étages constituée sur la parcelle n° 1______ de cette commune. Ce feuillet correspond à un droit exclusif d'usage d'un appartement en duplex de six pièces (lots PPE n° 7______ et n° 8______), situé dans un immeuble sis au no. ______, route 2______ à D______, lequel fait partie d'un ensemble résidentiel de 12 bâtiments contigus entre eux deux à deux. L'appartement bénéficie de l'usage d'un jardin, d'un parking couvert et d'un parking extérieur.

b. Dans les cadre de plusieurs poursuites dirigées contre A______, réunies dans les séries n° 3______, 4______, 5______ et 6______, l'Office cantonal des poursuites (ci-après: l'Office) a saisi la part du débiteur (n° 1______) sur cet immeuble.

c. La vente de l'immeuble ayant été requise, l'Office a confié le 16 mars 2022 à E______, architecte, le mandat d'en estimer la valeur de réalisation.

d. Dans son rapport daté du 2 mai 2022, accompagné de photographies, d'extraits du cadastre et du registre foncier, E______ (ci-après : le premier expert), qui a visité le bien-fonds le 7 avril 2022, a estimé à 1'275'277 fr. la part de
PPE n°  1______ et à 640'000 fr. la moitié de cette part appartenant à A______ (n° 1______).

Pour arriver à ce résultat, le premier expert a valorisé à 535'777 fr. la quote-part de 42/1000 de la parcelle n° 1______ de la commune de D______ d'une surface totale de 6714 m2. Il a tenu compte de la bonne situation du bien-fonds, éloigné du centre-ville et des infrastructures mais à proximité des transports publics, avec un niveau de nuisances routières qualifié de faible. La valeur de la construction, de 560 m3, a été estimée à 591'527 fr., soit 1'057 fr. au m3, correspondant à 1'174 fr./m3 sous déduction de 10% de vétusté. L'expert y a ajouté 25% de "coûts annexes", en 147'882 fr., soit une valeur totale de l'ouvrage de 739'500 fr.

e. Par courrier daté du 24 juin 2022, reçu le 27 juin 2022, l'Office a informé A______ qu'il retenait comme valeur d'estimation de la part PPE n° 1______ celle fixée par le premier expert, en 1'275'277 fr. Après déduction de la dette hypothécaire, en 555'000 fr., la valeur de la quote-part de A______ (1/2) était estimée à 360'138 fr. ([1'275'277 fr. - 555'000 fr.] / 2).

B. a. Par courrier expédié le 7 juillet 2022 à la Chambre de surveillance, A______ a sollicité qu'il soit procédé à une nouvelle expertise de l'immeuble, la valeur retenue par le premier expert apparaissant trop basse.

b. Par ordonnance du 12 août 2022, la Chambre de surveillance a imparti à A______, sous peine d'irrecevabilité, un délai de dix jours pour procéder à l'avance des frais de nouvelle expertise, à hauteur de 2'000 fr., a désigné F______, architecte, en qualité de nouvel expert et, sous réserve du paiement en temps utile de l'avance fixée, lui a donné mission d'estimer la valeur de l'immeuble n° 1______ de la Commune de D______.

c. F______ (ci-après : le second expert) a déposé son rapport d'expertise, daté du 21 septembre 2022, le 23 septembre 2022 à la Chambre de surveillance. Il a joint sa note d'honoraires, pour un montant de 2'000 fr.

Le second expert, qui a effectué une visite de l'immeuble le 19 septembre 2022, a repris les données foncières, légales et physiques sur lesquelles le premier expert avait fondé son appréciation, lesquelles reposaient sur le cadastre et n'avaient pas été contestées.

La parcelle était située en zone de développement 4B (zone villas), en bordure de zone agricole, dans un bel environnement rural et villageois, à 500 mètres de commerces, école primaire et services et à environ 14 km du centre-ville de Genève, avec une bonne desserte en transports publics. Le bâtiment faisait partie d'un ensemble résidentiel de 12 bâtiments contigus entre eux et partageant certains services tels que chaufferie et dévestiture.

L'appartement expertisé était un duplex (lot 7______ au rez-de-chaussée inférieur et lot 8______ au rez-de-chaussée supérieur) de six pièces, dont 3/4 chambres à coucher, situé dans un bâtiment comportant un sous-sol, un rez-de-chaussée, un étage et des combles aménagés. Il était traversant et disposait de jardins privés, de l'usage d'un parking couvert et d'un parking extérieur. Construit en 2003, il présentait un bon état d'entretien.

Pour le second expert, les montants retenus pour évaluer la valeur intrinsèque de l'immeuble, comprenant une déduction de 10% pour vétusté, se décomposaient comme suit :

- 382'500 fr. pour le lot n° 7______, correspondant à 4'500 fr./m2 x 85 m2;

- 772'500 fr. pour le lot 8______, soit 7'500 fr./ m2 x 103 m2;

- 144'000 fr. pour le jardin, soit 750 fr./m2 x 192 m2;

- 20'000 fr. pour le parking extérieur;

- 40'000 fr. pour le parking couvert.

La valeur intrinsèque arrondie de l'immeuble n° 1______ se montait à 1'360'000 fr.

La valeur vénale étant égale à la valeur intrinsèque, le second expert a arrêté à 680'000 fr. (soit 1'360'000 fr. / 2) la valeur de la quote-part de A______ (n° 1______).

d. Dans ses observations du 11 octobre 2022, A______ a indiqué que sa démarche de requérir une nouvelle expertise s'était révélée justifiée, le second expert ayant retenu une valeur d'estimation de l'immeuble supérieure à celle du premier expert. L'estimation du second expert rejoignait du reste une offre qu'une agence immobilière de la place avait reçue pour le même bien (1'370'000 fr.).

e. La BANQUE B______, créancière, a observé que le second expert avait retenu une estimation supérieure à celle du premier expert, de sorte que la plainte était manifestement mal fondée (sic).

f. Par avis du 19 octobre 2022, les parties et l'Office ont été informés que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. 1.1 Aux termes de l'art. 9 al. 2 ORFI, chaque intéressé a le droit d'exiger, en s'adressant à l'autorité de surveillance dans le délai de dix jours de l'art. 17 al. 2 LP et moyennant avance des frais, qu'une nouvelle estimation soit faite par des experts. Il s'agit là d'un droit inconditionnel (arrêts du Tribunal fédéral 7B.79/2004 du 10 mai 2004, consid. 3.2 et 7B.126/2003 du 31 juillet 2003).

1.2 En l'espèce, après avoir eu connaissance du résultat de l'expertise réalisée par l'architecte mandaté par l'Office, le poursuivi a requis de la Chambre de céans, dans les délai et forme prescrits par la loi, qu'une nouvelle estimation soit effectuée par un second expert. Il s'est en outre acquitté en temps utile de l'avance de frais requise.

La demande de nouvelle expertise est ainsi recevable.

2. 2.1 Lorsque la vente d'un immeuble saisi est requise, l'office des poursuites doit en estimer une nouvelle fois - après l'avoir fait une première fois lors de la saisie en application de l'art. 97 al. 1 LP - la valeur (art. 140 al. 3 LP; ATF 122 III 338 consid. 3a).

Selon l'art. 9 al. 1 ORFI, l'estimation doit déterminer la valeur vénale présumée de l'immeuble et de ses accessoires, sans égard au montant de la taxe cadastrale ou de la taxe de l'assurance contre l'incendie.

L'estimation du bien à vendre aux enchères ne révèle rien quant au produit effectivement réalisable lors de celles-ci. Elle donne tout au plus aux intéressés un point de repère à propos de l'offre défendable. C'est pourquoi l'estimation ne doit pas être la plus élevée possible, mais doit déterminer la valeur vénale présumée de l'immeuble (ATF 134 III 42 consid. 4; arrêts du Tribunal fédéral 5A_450/2008 et 5A_451/2008 du 18 septembre 2008, consid. 3.1).

Compte tenu du fait que l'estimation d'un immeuble fait appel à des connaissances spécialisées dans le domaine de l'immobilier et de la construction, l'Office de même que, sur demande de nouvelle expertise, la Chambre de surveillance s'en remettent en principe à l'avis d'un expert, pour autant que celui-ci soit dûment motivé (arrêt du Tribunal fédéral 5A_421/2018 du 13 novembre 2018 consid. 6.2.1). Il n'est d'ailleurs pas rare que deux experts aient un avis différent sur le même objet, les critères d'estimation pouvant varier considérablement de l'un à l'autre (ATF 120 III 79 consid. 2b). En présence d'estimations différentes, émanant d'experts aussi compétents l'un que l'autre, la Chambre de surveillance ne peut trancher pour un moyen terme entre les deux estimations en présence que si les deux expertises effectuées retiennent toutes deux des critères appropriés et tiennent compte des circonstances pertinentes, et qu'ainsi la fixation du montant à retenir au titre de l'estimation des biens à réaliser relève pleinement de son pouvoir d'appréciation (ATF 120 III 79 consid. 1 et 2b).

2.2 En l'espèce, les deux expertises ont été réalisées par des experts dont aucun élément ne permet de retenir qu'ils ne disposeraient pas de compétences comparables. Elles comportent toutes les deux une présentation détaillée du bien immobilier, de ses caractéristiques et de sa situation géographique. Les deux experts ont effectué une visite des lieux et pris de nombreuses photographies, annexées à leurs rapports respectifs.

La différence – inférieure à 10% - entre les valeurs d'estimation qu'ils retiennent tient à l'approche différente qu'ils ont adoptée. En effet, le premier expert a commencé par évaluer la valeur intrinsèque du terrain de base pour ensuite, par proportionnalité, en fonction des millièmes, arrêter la valeur de la part de copropriété devant être estimée. Quant à la construction, il a procédé à un calcul par m3, et y a jouté 25% pour les annexes (jardin et places de stationnement). Le second expert en revanche, tout en tenant compte des particularités (emplacement, proximité de la ville, des transports et des commodités, qualité de la construction, état d'entretien, etc.) de l'immeuble de base, a directement estimé, faisant appel à son expérience, le prix au m² de chaque lot de copropriété. Bien que les deux méthodes utilisées puissent entrer en considération, la Chambre de surveillance donnera en l'espèce sa préférence à celle privilégiée par le second expert. S'agissant d'un bien dont on peut penser qu'il sera acquis par une personne souhaitant l'affecter à son usage personnel, en effet, un résultat fondé sur la valeur concrète pouvant lui être attribuée par un acheteur potentiel après une visite paraît mieux à même de refléter sa valeur vénale. La seconde expertise est aussi plus précise, dès lors qu'elle attribue à chaque lot de PPE (celui du rez-de-chaussée inférieur et celui du rez-de-chaussée supérieur) un prix au m2 différencié et qu'elle évalue séparément le jardin ainsi que chaque place de stationnement.

La valeur de l'immeuble n° 1______ sera ainsi arrêtée à 1'360'000 fr., la part du débiteur (1/2; n° 1______) étant estimée à 680'000 fr.

3. Les honoraires du second expert s'élèvent à 2'000 fr., montant qui paraît conforme aux tarifs usuellement pratiqués dans la branche. La note d'honoraires du 21 septembre 2022 peut donc être approuvée.

La nouvelle expertise ayant été requise par le débiteur, son coût sera mis à sa charge (art. 9 al. 2 ORFI) et compensée avec l'avance de 2'000 fr. déjà versée, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

4. La procédure devant la Chambre de céans est pour le surplus gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP et 61 al. 2 let. a OELP) et il ne peut être alloué aucun dépens (art. 62 al. 2 OELP).


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la requête de nouvelle expertise de l'immeuble n° 1______ de la commune de D______ formée le 7 juillet 2022 par A______ dans le cadre des séries n° 3______, 4______, 5______ et 6______.

Au fond :

Fixe à 680'000 fr. la valeur de cet immeuble.

Fixe à 2'000 fr. les frais de la nouvelle expertise effectuée par F______, architecte, et invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à lui verser ce montant.

Met ces frais à la charge de A______ et les compense avec l'avance déjà versée, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Siégeant :

Monsieur Patrick CHENAUX, président; Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI et Monsieur Jean REYMOND, juges; Madame Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.

 

Le président : La greffière :

 

Patrick CHENAUX Véronique AMAUDRY-PISCETTA

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.