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Décisions | Chambre de surveillance

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C/15045/2022

DAS/28/2024 du 06.02.2024 sur DTAE/2886/2023 ( PAE ) , ADMIS

En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/15045/2022-CS DAS/28/2024

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU JEUDI 1ER FEVRIER 2024

 

Recours (C/15045/2022-CS) formé en date du 19 mai 2023 par Madame A______, domiciliée ______, comparant par Me Anik PIZZI, avocate, en l'Etude de laquelle elle élit domicile.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 6 février 2024 à :

- Madame A______
c/o Me Anik PIZZI, avocate
Boulevard des Tranchées 36, 1206 Genève.

- Madame B______
Madame C
______
SERVICE DE PROTECTION DES MINEURS
Route des Jeunes 1E, case postale 75,1211 Genève 8.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.

 


EN FAIT

A.           a) A______ a donné naissance, en Espagne, le ______ 2015, à la mineure D______, dont le père, E______, est actuellement incarcéré aux Etats-Unis, et, le ______ 2019, à la mineure F______, dont la filiation paternelle est inconnue. A______ exerce seule l’autorité parentale sur les deux mineures.

b) Le 21 juillet 2022, la grand-mère maternelle des enfants, G______, s’est présentée à la permanence médicale H______ avec la mineure F______ et déclaré que l’enfant subissait des maltraitances physiques de la part du compagnon de sa fille, I______, prétendant que sa fille était également victime de violences de la part de ce dernier. Une consultation médicale a été faite sur la mineure par la Dre J______, laquelle a constaté quelques lésions mais a précisé lors de l’intervention de l’UMUS, que celles-ci pouvaient ne pas provenir de faits de violence. Une hospitalisation sociale à des fins de protection a été organisée le jour même pour les deux mineures, la mère ayant accepté cette mesure.

c) Les faits supposés de maltraitance ont été dénoncés à la police par le Service de protection des mineurs (SPMi). I______ et A______ les ont contestés, cette dernière indiquant que les lésions constatées étaient le fait de jeux et de chutes. F______, trop jeune, n’a pas été entendue. D______, non concernée personnellement, ne l’a pas été non plus.

d) Lors de l’hospitalisation sociale, les médecins ont constaté que les fillettes avaient un bon développement, étaient très autonomes dans la vie quotidienne et avaient une bonne motricité. Elles ne comprenaient pas les motifs de leur hospitalisation et voulaient retourner vivre auprès de leur mère. Il a été relevé que D______ bénéficiait d’un suivi thérapeutique auprès de K______, psychologue auprès de l’Office médico-pédagogique (OMP).

e) Le SPMi a mis en lumière l’existence d’une relation complexe entre la mère des mineures et la grand-mère maternelle. La mère des mineures, originaire de Colombie, avait exposé avoir été victime de violences dans son enfance, dont sa mère n’avait pas su la protéger, D______ ayant elle-même subi des violences de la part de son père en Espagne. Elle avait confié cette dernière à sa propre mère, laquelle habitait Genève, dans le courant de l’année 2020, elle-même et F______, étant restées en Espagne. Toutes deux s’étaient ensuite également installées à Genève en septembre 2021 chez la grand-mère maternelle. Les relations entre A______ et sa mère s’étaient cependant tendues en mai 2022, puis s’étaient rompues, la mère et les mineures ayant quitté le domicile de la grand-mère pour s’installer chez I______, avec lequel la mère entretenait une relation depuis plusieurs mois. Celui-ci était accompagné par le SPMi dans le cadre d’une curatelle d’organisation et de surveillance du droit de visite sur ses deux enfants, la mère de ceux-ci ayant également relaté des faits de maltraitance sur eux et sur elle, dans le contexte d’une importante consommation d’alcool de I______. La mère se montrait adéquate lors des visites à l’hôpital à ses filles et ces dernières la réclamaient. La mère était disposée à mettre en place un moyen de garde afin que les mineures ne soient pas laissées seules avec son compagnon pendant qu’elle travaillait. Elle réfutait les actes de violence sur ses filles, décrivant son compagnon comme un homme attentionné envers les mineures, faisant preuve d’initiatives, organisant des activités ou des sorties avec elles. Elle pensait que sa mère, qui était opposée à sa relation avec lui, avait menti pour lui nuire. Malgré les doutes et incertitudes qui persistaient, le SPMi a considéré, dans son préavis du 4 août 2022, qu’un retour à domicile des mineures était envisageable, moyennant la présence d’une Action éducative en milieu ouvert (ci-après : AEMO) de crise et la pleine collaboration du couple avec l’éducateur désigné. La mère devait également être exhortée à mettre en place, respectivement à poursuivre, le suivi thérapeutique pour les deux mineures.

f) Par décision du 8 août 2022, le Tribunal de protection a donné suite au préavis du SPMi et ordonné une évaluation sociale de la situation des mineures, lesquelles sont retournées vivre auprès de leur mère et de son compagnon.

g) Il ressort du rapport de l’AEMO de crise du 8 septembre 2022, mise en place immédiatement, que le couple a été collaborant et que leurs propos ont été rassurants face aux accusations de la grand-mère maternelle. Le compagnon de la mère était favorable à participer au processus permettant d'évaluer son comportement avec les mineures. Lors de la sortie d’hospitalisation sociale, l’ambiance était "colorée de gaîté", de réjouissance et d’excitation entre la mère et les filles. Les mineures, sachant que le compagnon de leur mère venait les chercher, n’avaient montré aucun signe de crainte ou de méfiance. Au contraire, lors des retrouvailles, elles s'étaient ruées sur celui-ci pour le saluer affectueusement. L’organisation et le déroulement de la vie au quotidien étaient conformes à ce qui était attendu de parents. En termes d’attitudes parentales, la mère se décrivait plutôt comme souple et empathique et le compagnon comme strict et exigeant. Ils avaient conscience que, bien que complémentaires, leur position respective pouvait être plus nuancée et ils trouvaient pertinents d’y réfléchir lors d’un éventuel accompagnement. Lors des visites, le couple avait toujours accueilli l’éducateur de manière collaborante. En présence des filles, la relation semblait fluide, sincère et pleine d’affection réciproque. Il transparaissait que le compagnon de la mère avait une place importante dans la vie des enfants et qu’il prenait son rôle au sérieux. L’éducateur n’avait été témoin d’aucune trace des faits de violence qui étaient reprochés. La mère se disait consciente que, suite à toutes les accusations de sa mère envers son compagnon, elle allait devoir prouver que ses enfants n’étaient pas en danger et qu’elle était apte à assumer son rôle de parent de façon adaptée. Elle acceptait donc qu’une AEMO traditionnelle soit mise en place afin, d’une part, d’amener des éléments rassurants aux autorités et, d’autre part, pour réfléchir sur sa parentalité, notamment autour des aspects sur lesquels elle se sentait en difficulté. Son compagnon était partie prenante du processus d’accompagnement.

h) Dans son rapport d’évaluation sociale du 10 octobre 2022, le SPMi a préavisé l’instauration d’un droit de regard et d’information. Le retour des mineures à domicile était intervenu le 5 août 2022, avec mise en place d’un éducateur AEMO de crise. Une AEMO classique avait ensuite été mise en place le 13 septembre 2022, avec l’accord de la mère, avec pour objectifs de mettre en place un suivi thérapeutique pour F______, d’apprendre à poser un cadre clair et sécurisant, de respecter le rythme de vie des enfants et de l’adapter en conséquence, de mettre en place des outils éducatifs pour sécuriser les crises des enfants et assurer le suivi de scolarité de D______. K______, psychologue de D______ à l’Office médico-pédagogique (OMP), relevait que la mineure prenait plaisir à sa thérapie ; il n’avait pas d’inquiétude particulière. Selon lui, la grand-mère maternelle avait tendance à exacerber certains faits et interprétait mal les choses. L’intervention de l’AEMO de crise avait permis de désamorcer les tensions liées à l’incompréhension du placement liée aux suspicions de maltraitance. La mère, qui était décrite comme adéquate dans son rôle, avait su se mobiliser et avait fait état de ses craintes liées à l’enlèvement de ses filles par sa propre mère. Celle-ci avait peiné à restituer les documents d’identité des enfants et détenait toujours le passeport colombien de D______. A______ offrait un cadre de vie qu’elle voulait le plus sécurisant possible pour ses filles et mettait tout en œuvre avec le réseau santé pour soutenir leur suivi thérapeutique. Elle recherchait activement un nouveau pédiatre parlant espagnol pour ses filles. Elle et I______ se montraient preneurs de l’accompagnement éducatif proposé. Le travail autour des compétences parentales se mettait progressivement en place. D______ avait commencé l’école le 4 septembre 2022, étant en convalescence pour une opération des amygdales. F______ fréquentait la crèche L______. La mère avait mis en place un système de garde, soit une nounou qui intervenait ponctuellement et durant les vacances scolaires. D______ poursuivait son suivi thérapeutique et une prise en charge auprès de l’OMP pour F______ était en cours. Le SPMi considérait que l’accompagnement de la famille était toujours nécessaire afin de permettre une surveillance en continu des soins et de l’éducation fournis aux deux enfants.

i) Invitée à se déterminer sur le rapport susmentionné, A______ s’est opposée à l’instauration d’un droit de regard et d’information et a sollicité en outre la fin de l’intervention de l’AEMO. Le placement des mineures avait eu lieu suite à des allégations fausses et non avérées de la grand-mère maternelle. L’intervention d’une AEMO pendant trois mois avait permis de démontrer qu’elle se montrait adéquate et prévenante avec ses enfants.

j) Le bilan de l’AEMO pour la période du 8 novembre 2022 au 24 janvier 2023 indiquait que la situation familiale s’était améliorée et qu’une intervention à quinzaine paraissait suffisante pour soutenir et accompagner la famille. Il était en particulier utile d’accompagner la mise en place d’un soutien auprès de l’OMP. Il fallait également trouver un équilibre relationnel apaisé entre la mère, les mineures et les grands-parents maternels, lesquels avaient toujours été une figure de référence pour les enfants. Les relations s’étaient récemment améliorées rendant la mise en place d’une médiation possible. La mère devait également être soutenue dans son apprentissage du français et pour faire reconnaître ses acquis professionnels. Une grande partie du travail de l’AEMO avait consisté à accompagner la famille dans ses démarches administratives auprès de diverses institutions. La mère ne parlant pas le français, il était difficile pour elle de comprendre le système, les institutions et ses droits en Suisse. La situation administrative de la mère et de ses filles (permis de séjour) allait être régularisée. Le couple travaillait beaucoup ; le compagnon de la mère exerçait un travail de nuit et parfois quelques heures le jour, tandis que les horaires de la mère étaient irréguliers et très chargés. Le quotidien de la famille était intense : les filles sortaient de l’école et de la crèche plus ou moins à 18h00, l’arrivée à la maison était rythmée par les douches, les devoirs de D______, la préparation du repas et le coucher à 20h30. Les enfants étaient suivies de manière régulière par un pédiatre. Le psychologue de D______ avait été absent sur une longue durée, de sorte que le suivi de la mineure avait été irrégulier ; il allait quitter l’OMP mais il était prévu que le suivi de D______ soit repris par un autre psychologue. F______ allait également être prise en charge dans les jours à venir. La maîtresse de D______ avait indiqué que tout se passait bien au niveau des apprentissages et de son comportement ; elle se montrait respectueuse du cadre établi par l’école mais devait renforcer l’apprentissage du français au niveau de la lecture et de la compréhension. La mère avait un contact régulier avec l’école, se rendait régulièrement aux réunions et maintenait une bonne relation avec les enseignants. La famille considérait que les loisirs étaient importants pour le bon développement des enfants et leur donnait une grande place, de même que les vacances et les activités à l’extérieur. Les visite à la maison avaient permis à l’AEMO de constater que les filles allaient bien, qu’elles étaient polies, avaient une grande complicité entre elles et partageaient leurs jeux. Elles respectaient les consignes données par le compagnon de la mère, celle-ci rencontrant plus de difficultés à faire respecter le cadre établi à la maison. Le couple s’était montré intéressé par les réflexions autour de l’éducation et attentif aux pistes et stratégies accordées. Malgré les réticences des premiers mois face à la mise en place d’une AEMO, les "parents" s’accordaient à dire que les difficultés familiales vécues ces derniers mois leur avaient permis de mobiliser leurs ressources et de réfléchir en famille autour de la posture éducative dans l’intérêt des enfants, afin d’offrir à ces dernières une ambiance harmonieuse et un développement physique et psychique de qualité. La mère voulait assumer son rôle de manière bienveillante et se donnait de la peine pour être une bonne mère. Sur le plan de l’organisation, les filles partageaient une chambre, tandis que l’autre était réservée aux deux fils du compagnon de la mère, qu’il recevait un week-end sur deux et durant une partie des vacances. Le couple considérait qu’il n’avait plus besoin de l’aide d’une AEMO.

k) Le Tribunal de protection a tenu une audience le 2 mars 2023.

A______ constatait que ses filles allaient bien et étaient heureuses. D______ avait fait des progrès à l’école, notamment en lecture et en compréhension des dictées. Le dossier auprès de l’OCPM était en cours. Elle travaillait dans un hôtel de 9h00 à 18h00. Elle allait chercher F______ à la crèche après son travail, D______ fréquentant le parascolaire. Le mercredi, F______ était à la crèche et D______ à la maison de quartier. Son compagnon recevait ses enfants, qui étaient d’un âge comparable à ses filles, un week-end sur deux. Les enfants s’entendaient et obéissaient bien en général. La grand-mère maternelle l’avait appelée en décembre 2022 pour lui présenter des excuses, juste avant de quitter la Suisse. Les filles avaient pu lui dire au revoir ; elles ne la réclamaient pas. A______ n’avait aucune nouvelle depuis son audition par le police en été 2022. Elle pensait que le droit de regard et d’information suggéré par le SPMi n’était pas nécessaire, les enfants allant bien et s’étant adaptées à leur nouvelle vie. Il était uniquement préconisé pour vérifier si les filles allaient bien et n’étaient pas maltraitées, or il n’y avait aucune inquiétude à avoir à ce sujet. Ses filles adoraient son compagnon, qui jouait beaucoup avec elles. Lorsque le couple avait des points de divergence, ils en discutaient, hors la présence des enfants. Elle avait fait un bon travail avec l’intervenante AEMO, mais considérait qu’il n’était pas nécessaire de poursuivre. Elle se débrouillait seule et gérait les relations avec l’école. Elle avait repris sa place de mère; lorsque la grand-mère s’occupait de D______, celle-ci ne savait plus à qui obéir, mais maintenant les choses étaient claires.

La représentante du SPMi a indiqué que le bilan avec l’AEMO était très satisfaisant. Le couple avait eu de la peine à s’investir à domicile au début mais, malgré cela, un travail de collaboration avait pu être initié au bout de quatre mois. L’intervenant AEMO avait relevé les bonnes capacités parentales. Il avait été proposé à la mère de poursuivre l’AEMO à quinzaine pour s’assurer du maintien du suivi thérapeutique des mineures, ce que la mère, après un délai de réflexion, avait refusé. Le suivi de D______ avait été très discontinu en raison des absences répétées du psychologue ; un nouveau psychologue avait été désigné pour reprendre son suivi. La difficulté pour l’OMP d’intervenir auprès de F______ était son jeune âge, de sorte qu’il proposait de faire un bilan de développement et de l’intégrer dans le suivi de la famille. Le SPMi considérait toutefois qu’il était nécessaire qu’un droit de regard et d’information soit instauré, que la mère accepte ou non l’AEMO. L’idée de cette mesure était d’avoir un filet de sécurité. Il subsistait encore des incertitudes dans la situation. Le placement qui avait eu lieu l’avait été à la suite des allégations de violence (de la grand-mère) mais le SPMi ne savait pas si les marques sur la fillette relevaient d’actes de violence ou résultaient de chutes lors de jeux d’enfants. Le but était de garder le contact avec le réseau de santé et scolaire afin de pouvoir intervenir plus rapidement en cas de besoin. Actuellement, le SPMi était rassuré. I______ était également suivi par le SPMi concernant ses enfants.

Le conseil de A______ a relevé que le divorce de ce dernier avait été très conflictuel, avec allégation de violences conjugales de l’ex-épouse, afin d’empêcher les relations personnelles entre le père et ses fils, ce que la grand-mère maternelle des mineures savait.

Sur quoi, le Tribunal de protection a gardé la cause à juger.

B.            Par ordonnance DTAE/2886/2023 du 2 mars 2023, le Tribunal de protection a instauré un droit de regard et d’information en faveur de la mineure F______ (chiffre 1 du dispositif), désigné deux intervenantes en protection des mineurs aux fonctions de surveillant (ch. 2), invité le SPMi à mettre en place une action éducative en milieu ouvert (AEMO) de soutien en faveur de la mineure (ch. 3), rappelé que la procédure était gratuite (ch. 4).

En substance, le Tribunal de protection a considéré que la situation des mineures était fragile à plusieurs égards. Dans le contexte d’une suspicion de violences, dont aurait été victime F______, avec des incertitudes qui persistaient à ce sujet, les mineures avaient fait l’objet d’un placement qui, bien qu’il ait été accepté par la mère, avait été vécu de manière difficile par elle et les mineures. Les enfants avaient un passé émotionnellement délicat : elles étaient nées en Espagne et étaient arrivées séparément en Suisse, depuis peu de temps, D______ ayant été confiée un certain temps à sa grand-mère maternelle. Elles avaient, de plus, pâti de la dégradation des relations entre leur mère et leur grand-mère, qui était pour elles une figure de référence, étant souligné que D______ rencontrait des difficultés scolaires et que F______ était particulièrement jeune, avec la nécessité de s’assurer qu’elle se développe de manière harmonieuse, malgré les épreuves vécues. Il était ainsi nécessaire et proportionné de permettre au SPMi de conserver un regard sur la situation familiale en instaurant la mesure de protection la moins intrusive possible sous la forme d’un droit de regard et d’information qui permettrait aux surveillants désignés de s’assurer que les mineures seraient prises en charge sur le plan thérapeutique et que de nouvelles inquiétudes ne surviennent pas en lien avec le comportement du compagnon de la mère.

Le SPMi était en outre invité, dans la mesure du possible, à convaincre la mère d’accepter la poursuite d’une AEMO de soutien. Cette mesure paraissait souhaitable afin de permettre à l’éducateur d’œuvrer à l’apaisement des relations familiales au sens large, dans la mesure où il était dans l’intérêt des mineures de pouvoir compter sur la présence dans leur vie de leur grand-mère maternelle, qui était une figure de référence pour elles et un soutien pour leur mère.

C.           a) Par acte du 19 mai 2023, A______ a formé recours contre cette ordonnance, dont elle a sollicité l’annulation des chiffres 1 à 3 de son dispositif. En substance, elle considère que la décision n’est ni justifiée, ni nécessaire et ne respecte pas le principe de proportionnalité.

b) Le Tribunal de protection n’a pas souhaité revoir sa décision.

EN DROIT

1.             1.1 Les dispositions de la procédure devant l’autorité de protection de l’adulte sont applicables par analogie aux mesures de protection de l’enfant (art. 314 al. 1 CC).

Les décisions de l’autorité de protection peuvent faire l'objet d'un recours auprès de la Chambre de surveillance de la Cour de justice (art. 450 al. 1 CC et 53 al. 1 LaCC) dans un délai de trente jours à compter de leur notification (art. 450b al. 1 CC). Le recours doit être dûment motivé et interjeté par écrit auprès du juge (art. 450 al. 3 CC).

1.2 La Chambre de surveillance examine la cause librement, en fait, en droit et sous l’angle de l’opportunité (art. 450a CC). Elle établit les faits d’office et n’est pas liée par les conclusions des parties (art. 446 al. 1 et 3 CC).

2.             2.1.1 L’autorité de protection de l’enfant prend les mesures nécessaires pour protéger l’enfant si son développement est menacé et que les père et mère n’y remédient pas d’eux-mêmes ou soient hors d’état de le faire (art. 307 al. 1 CC).

Selon l’art. 307 al. 3 CC, l’autorité de protection peut en particulier rappeler les père et mère, les parents nourriciers ou l’enfant à leurs devoirs, donner des indications ou instructions relatives aux soins, à l’éducation et à la formation de l’enfant et désigner une personne ou un office qualifié qui aurait un droit de regard et d’information.

L'autorité peut ainsi confier à une personne (un travailleur social ou un psychologue) ou à un office le droit de regard et d'information. Son rôle consiste à surveiller le développement de l'enfant d'une manière générale ou – comme cela sera le plus souvent le cas – par rapport à des éléments spécifiques sur lesquels l'autorité aura attiré son attention, soit par exemple des problèmes de santé ou de suivi scolaire. Le droit de regard et d'information permet à l'intéressé de se renseigner auprès des père et mère de l'enfant, mais aussi auprès des tiers dans la mesure nécessaire à l'accomplissement de sa mission. Dans cette mesure, le secret de fonction ou le secret professionnel ne lui sont pas opposables (MEIER, Commentaire romand, CCI, no 18 ad art. 307 CC).

Dans le cadre de la mesure prévue à l'art. 307 al. 3 CC, le curateur se borne à exercer une surveillance, sans intervenir lui-même activement auprès des parents par des conseils et un appui dans la prise en charge, voire par des directives et autres instructions, contrairement aux pouvoirs conférés au curateur par une mesure de curatelle éducative au sens de l'art. 308 al. 1 CC (ATF 108 II 372 consid. 1 p. 373; arrêts du Tribunal fédéral 5A_476/2016 du 21 septembre 2016, consid. 5.2.1; 5A_732/2014 du 26 février 2015 consid. 4.3; 5A_840/2010 du 31 mai 2011 consid. 3.1.1; 5C_109/2002 du 11 juin 2002 consid. 2.1).

2.1.2 Le Tribunal fédéral a rappelé dans un arrêt récent (5A_887/2017 du 16 février 2018 consid. 5.1) que pour qu’une telle mesure soit ordonnée, il faut que le développement de l’enfant soit menacé, que les parents n’y remédient pas d’eux-mêmes ou soient hors d’état de le faire et que cette menace ne puisse être écartée par des mesures plus limitées (arrêt 5A_65/2017 du 24 mai 2017 consid. 3.2). La mesure ordonnée doit en outre respecter le principe de proportionnalité. Ce principe est en effet la pierre angulaire du système de protection civile de l’enfant, la mesure ordonnée devant notamment être apte à atteindre le but de protection visé et nécessaire à cette fin (principe de proportionnalité au sens étroit; arrêt du Tribunal fédéral 5A_840/2010 du 31 mai 2011 consid. 3.1.2 et la doctrine citée). L’autorité qui ordonne une mesure de protection de l’enfant dispose à cet égard d’un large pouvoir d’appréciation (art. 4 CC; arrêt du Tribunal fédéral 5A_656/2020 du 13 janvier 2011 consid. 3). Le choix de la mesure nécessite en effet une part importante d’anticipation et de pronostic quant à l’évolution des circonstances déterminantes (ATF 120 II 384 consid. 4d); il dépendra de toutes les données concrètes du cas, non seulement sous l’angle juridique, mais aussi en fonction des aspects sociaux, médicaux et éducatifs de la situation et de la constellation familiale (arrêt du Tribunal fédéral 5A_615/2011 du 5 décembre 2011 consid.4.1 et la doctrine citée).

2.2 En l'espèce, le Tribunal de protection a instauré une mesure de droit de regard et d'information, en considérant que la situation des mineures était encore fragile. Il faut cependant, pour instaurer une telle mesure, comme rappelé supra, que le développement de l’enfant soit menacé, que les parents n’y remédient pas d’eux-mêmes, ou soient hors d’état de le faire, et que cette menace ne puisse être écartée par des mesures plus limitées.

L'hospitalisation sociale des mineures a eu lieu suite à un soupçon de violence, consécutif aux dires de la grand-mère maternelle, sur l'une des enfants, F______. Afin de palier tout risque lors du retour à domicile, un éducateur AEMO de crise, puis une AEMO ordinaire, ont été désignés. Or, il ressort de leurs rapports et déclarations qu'ils n'ont relevé aucun acte de violence de la part du compagnon de la mère sur les mineures, ce dernier se montrant au contraire adéquat dans les interactions avec celles-ci, à leur écoute et partie prenante dans l’intervention à domicile mise en place. Il a été décrit comme très investi dans son rôle auprès des mineures. De même, la mère disposait des compétences parentales et se montrait adéquate dans son rôle; elle avait su se mobiliser et avait fait état de ses craintes liées à l’enlèvement de ses filles par sa propre mère. Le bilan de l’AEMO pour la période du 8 novembre 2022 au 24 janvier 2023 indique que la situation familiale s’était améliorée, notamment dans les relations avec la grand-mère maternelle.

La représentante du SPMi, entendue en audience par le Tribunal de protection, a relevé que le SPMi était en l’état rassuré, mais a estimé que des incertitudes subsistaient quant aux violences alléguées et qu'il était nécessaire de garder un contact avec le réseau scolaire et médical, pour intervenir le plus rapidement possible en cas de besoin. Les actes de violence allégués par la grand-mère ne sont cependant pas objectivés. Il ressort au surplus du dossier que les mineures sont suivies par un pédiatre et en bonne santé, que F______ va effectuer un bilan à l'OMP et que la mère avait déjà mis en place un suivi auprès de l’OMP pour D______, avant même l’intervention et les recommandations du SPMi, de sorte que la mère a su prendre toutes les mesures nécessaires au bon développement de ses filles, même si elle a été soutenue dans certaines de ses démarches. A cet égard, l’AEMO a précisé qu’une grande partie de celles-ci avaient consisté à aider la recourante dans ses démarches administratives. L’interruption du suivi de D______ pendant quelques mois par son psychologue ne relève par ailleurs pas d’un manquement de la recourante mais d’une absence de longue durée de celui-ci, lequel est dorénavant remplacé. Au niveau scolaire, si certes, D______ a éprouvé des difficultés en français, elle a fait des progrès. La recourante participe par ailleurs au suivi scolaire de sa fille, se rend aux réunions et entretient de bons contacts avec les enseignants. Aucun problème n’est à signaler au niveau de la crèche concernant F______. Ainsi, il n'apparaît pas que le développement des mineures soit, en l'état, menacé, celles-ci étant scolarisées et parfaitement suivies au niveau médical. Rien ne permet par ailleurs de penser que la mère interromprait les suivis entrepris si un droit de regard et d'information n'était pas instauré. Une telle mesure apparaît ainsi disproportionnée au vu de la situation actuelle de la famille.

Le Tribunal de protection a justifié le prononcé de cette mesure en raison du passé émotionnellement délicat des mineures (arrivée séparée à Genève, hospitalisation sociale et dégradation des relations avec la grand-mère maternelle, qui était une figure de référence). Il n'a cependant pas soutenu que le développement des mineures serait en l'état menacé, ni que leur mère ne serait pas apte à prendre toutes les dispositions nécessaires à l'avenir pour assurer leur bon développement. Il n’a de même pas repris l’argumentation du SPMi sur la nécessité de veiller au suivi des mineures au niveau scolaire et médical, à raison, puisqu’aucun problème particulier n’est à relever en l’état dans ces domaines, ni n'a retenu que l’instauration de ce droit de regard permettrait d’intervenir plus rapidement, notamment en cas de problèmes avec le compagnon de la recourante, à raison également, puisqu’aucun acte de violence de sa part n’a été objectivé. Les conditions de l'instauration d'un droit de regard et d'information ne sont ainsi pas réunies, au vu des motifs retenus par le Tribunal de protection.

Quant au maintien d’un suivi AEMO, que le Tribunal de protection a justifié pour permettre de restaurer les relations entre la mère et les enfants d'une part, et la grand-mère maternelle, d'autre part, il ne paraît plus opportun, la grand-mère maternelle ayant quitté la Suisse en décembre 2022 pour s'établir définitivement en Colombie. La mère et son compagnon ont par ailleurs démontré qu’ils étaient adéquats dans la prise en charge des enfants et qu'ils avaient tenu compte des conseils prodigués pour leur éducation.

Ainsi, le recours sera admis et l'ordonnance sera annulée.

3.             Le recours, qui porte sur une mesure de protection d'un mineur, est gratuit (art. 81 al. 1 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 19 mai 2023 par A______ contre l’ordonnance DATE/2886/2023 rendue le 2 mars 2023 par le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant dans la cause C/15045/2022.

Au fond :

L’admet et annule l’ordonnance attaquée.

Sur les frais :

Dit que la procédure est gratuite et qu’il n’est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Jessica QUINODOZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Indication des voies de recours
 :

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.