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Décisions | Chambre de surveillance

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C/22700/2022

DAS/144/2023 du 20.06.2023 sur DTAE/1849/2023 ( PAE ) , REJETE

Normes : CC.390; CC.394; CC.395
En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/22700/2022-CS DAS/144/2023

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU MARDI 20 JUIN 2023

 

Recours (C/22700/2022-CS) formés en date du 6 mai 2023 par Madame A______, domiciliée ______, comparant en personne, d'une part, et par Madame B______, domiciliée ______, comparant en personne, d'autre part.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 21 juin 2023 à :

- Madame A______
______.

- Madame B______
______.

- Maître C______
______.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.

 


EN FAIT

A.                a. La situation de A______, née le ______ 1941, a été signalée au Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant (ci-après : le Tribunal de protection) par deux médecins de la Clinique de D______, par courrier du 16 novembre 2022.

La patiente était hospitalisée au sein de l’unité G______ depuis le 2 septembre 2022, en admission ordinaire. Veuve depuis huit ans, elle vivait seule et était curatrice de son fils E______, affecté d’un trouble du spectre autistique. Elle avait une sœur jumelle (B______), dont elle était très proche. Après avoir souffert du Covid en décembre 2021, son état psychique s’était dégradé, avec une tristesse profonde et de la fatigue. Elle évoquait le sentiment d’une catastrophe imminente (perte de son logement et ruine financière, avec coupure des services industriels). Depuis son hospitalisation, l’anxiété envahissante et la tendance à l’évitement persistaient. Elle n’était pas rassurée, malgré le fait que sa famille la rassurait sur sa situation administrative, laquelle était en ordre (factures payées et absence de dettes). La patiente avait refusé d’effectuer un bilan cognitif avec une évaluation neuropsychologique, ainsi qu’une visite ophtalmologique, en dépit de plaintes récurrentes au sujet de ses lunettes. Elle refusait également l’organisation de visites à domicile accompagnées en vue d’un retour chez elle, l’intégration dans un EMS et un transfert de l’hospitalisation à la clinique du F______. Elle avait confié à plusieurs reprises à l’équipe soignante qu’elle n’était plus en capacité de gérer les biens de son fils et les siens. Il convenait dès lors d’instaurer une mesure de protection en sa faveur et de désigner un autre curateur à son fils.

b. Il ressort d’un extrait du registre des poursuites du 22 novembre 2022 que A______ ne fait l’objet d’aucune poursuite.

c. Le Tribunal de protection a tenu une audience le 7 février 2023.

A______ a indiqué être de retour à son domicile depuis un mois et demi. Elle ne pouvait pas faire grand-chose : elle avait de la peine à se laver et à s’habiller et souffrait de douleurs; elle ne parvenait pas à faire le ménage et était aidée par sa sœur. Elle ne sortait pas de chez elle car il faisait trop froid; elle avait beaucoup maigri et n’avait plus de vêtements à se mettre. Sa sœur s’occupait des courses et des repas. Elle ne lisait pas ses courriers, que sa sœur récupérait dans la boîte aux lettres et ne s’occupait plus «de la paperasse»; cela ne l’intéressait plus et elle n’y comprenait plus rien. Elle ne parvenait par ailleurs plus à lire, sa vue ayant baissé. Elle avait en outre des problèmes d’argent. Elle percevait une rente de 4'700 fr. par mois et avait 200'000 fr. d’économies, mais elle craignait de ne pas avoir assez pour vivre. Selon elle, La Poste n’avait pas assez d’argent pour payer ses factures. Elle ne les payait plus et ne savait plus comment faire avec ses impôts. Personne ne l’aidait; sa sœur empilait le courrier. L’intéressée a finalement ajouté que sa sœur l’aidait «un peu» mais n’avait pas tout payé.

B______, entendue lors de la même audience, a précisé avoir tout payé; elle s’occupait de l’ensemble des paiements depuis l’hospitalisation de sa soeur. Elle se sentait capable de continuer à s’en occuper, si sa sœur était d’accord; elle s’inquiétait toutefois de la situation lorsqu’elle ne serait plus capable de le faire. Sa soeur allait un peu mieux depuis sa sortie de l’hôpital; elle avait toutefois toujours son idée fixe concernant son argent. Pour le surplus, une infirmière de l’IMAD venait à domicile tous les jours, matin et soir, depuis une semaine.

A______ a indiqué ne pas avoir d’avis à propos d’une éventuelle mesure de curatelle. Elle était d’accord que sa sœur continue à s’occuper de ses affaires administratives et financières.

Au terme de l’audience, la cause a été gardée à juger.

B.                Par ordonnance DTAE/1849/2023 du 7 février 2023, le Tribunal de protection a institué une curatelle de représentation et de gestion en faveur de A______ (chiffre 1 du dispositif), désigné C______ aux fonctions de curatrice (ch. 2), lui a confié les tâches suivantes : représenter la personne concernée dans ses rapports avec les tiers, en particulier en matière d’affaires administratives et juridiques; gérer ses revenus et biens et administrer ses affaires courantes; veiller à son bien-être social et la représenter pour tous les actes nécessaires dans ce cadre (ch. 3), désigné B______ aux fonctions de curatrice (ch. 4), lui a confié les tâches suivantes : veiller à l’état de santé de la personne concernée, mettre en place les soins nécessaires et, en cas d’incapacité de discernement, la représenter dans le domaine médical (ch. 5), autorisé les curatrices à prendre connaissance de la correspondance de la personne concernée, dans les limites du mandat (ch. 6) et arrêté les frais judiciaires à 300 fr., mis à la charge de la personne concernée (ch. 7).

Le Tribunal de protection a retenu, en substance, que A______ souffrait d’une dépression, ce qui correspondait à un trouble psychique au sens de la loi, associée à une symptomatologie anxieuse et, en particulier, à une anxiété liée à une possible insuffisance de ses revenus et de sa fortune. Ces problématiques, non objectivées, la perturbaient, au point qu’elle ne parvenait plus à gérer elle-même la réception et le paiement de ses factures, ni sa déclaration d’impôts. En raison de ses troubles, elle avait également perdu beaucoup d’autonomie pour de nombreuses tâches de la vie quotidienne et ne parvenait plus à faire seule ses courses, ses lessives, ses repas; elle n’assurait plus son hygiène personnelle et ses prises de médicaments et bénéficiait de l’aide constante de sa sœur et de l’IMAD. Sa sœur était d’accord de continuer à assurer le paiement des factures de A______, mais elle s’inquiétait toutefois de ne plus être en mesure de le faire. Il convenait par conséquent d’instaurer une mesure de curatelle de représentation et de gestion, afin d’assurer une prise en charge complète et pérenne des affaires financières et administratives de l’intéressée, curatelle étendue à l’assistance personnelle, aux fins de mettre en place, si nécessaire, de l’aide supplémentaire au quotidien, afin de décharger la sœur de la personne concernée. Il se justifiait également d’instaurer une mesure de curatelle étendue à la représentation médicale, afin d’offrir un interlocuteur aux médecins de A______ et de la représenter en cas d’incapacité de discernement, compte tenu de l’absence de directives anticipées.

C.                a. Le 6 mai 2023, A______ a formé recours contre l’ordonnance du 7 février 2023, reçue le 4 mai 2023. La motivation dudit recours est la suivante : « Ma santé c’est amélioré et je reprends une vie normale ».

b. Le 6 mai également, B______ a formé recours contre la même ordonnance, reçue le 5 mai 2023. La motivation de ce recours est la suivante : « La santé de ma sœur c’est amélioré et elle reprend une vie normale ».

c. Le Tribunal de protection a persisté dans les termes de l’ordonnance attaquée.

EN DROIT

1.                  1.1 Les décisions de l'autorité de protection de l'adulte peuvent faire l'objet, dans les trente jours, d'un recours devant le juge compétent, à savoir la Chambre de surveillance de la Cour de justice (art. 450 al. 1 et 450b CC; art. 126 al. 3 LOJ; art. 53 al. 1 et 2 LaCC).

Ont notamment qualité pour recourir les personnes parties à la procédure et les proches de la personne concernée (art. 450 al. 2 ch. 1 et 2 CC). Le recours doit être dûment motivé et interjeté par écrit auprès du juge (art. 450 al. 3 CC).

Le recours doit être dûment motivé (art. 450 al. 3 CC).

1.2 En l'espèce, les recours ont été formés, d'une part, par la personne concernée par la mesure et, d'autre part, par sa sœur, qui l’assiste au quotidien et qui est une proche au sens de l’art. 450 al. 2 ch. 2 CC; le délai légal a été respecté.

En ce qui concerne la motivation, identique, des deux recours, elle est extrêmement succincte. Il en ressort toutefois que les recourantes s’opposent à la mesure ordonnée, motif pris de l’amélioration de l’état de santé de la personne concernée par celle-ci. Il sera dès lors admis, compte tenu également du fait que les recourantes agissent en personne, que la motivation est suffisante, de sorte que les deux recours sont recevables.

Ils seront traités dans la même décision.

2.                  La Chambre de surveillance examine la cause librement, en fait, en droit et sous l'angle de l'opportunité (art. 450a CC). Elle établit les faits d'office et n'est pas liée par les conclusions des parties (art. 446 al. 1 et 3 CC).

3.                  Les recourantes contestent la nécessité de la mesure de protection.

3.1.1 Selon l'art. 390 al. 1 ch. 1 CC, l'autorité de protection de l'adulte institue une curatelle lorsqu'une personne majeure est partiellement ou totalement empêchée d'assurer elle-même la sauvegarde de ses intérêts en raison d'une déficience mentale, de troubles psychiques ou d'un autre état de faiblesse qui affecte sa condition personnelle. La loi prévoit ainsi trois causes alternatives.

L'autorité de protection de l'adulte prend alors les mesures appropriées pour garantir l'assistance et la protection de la personne qui a besoin d'aide (art. 388 al. 1 CC), dans le respect des principes de subsidiarité et de proportionnalité (art. 389 al. 2 CC).

L'application du principe de subsidiarité implique que l'autorité de protection de l'adulte ne peut prendre des mesures de protection que si l'aide dont a besoin la personne concernée ne peut pas être procurée par sa famille, ses proches ou par les services publics ou privés compétents (art. 389 al. 1 ch. 1 CC); Message du Conseil fédéral du 28 juin 2006, FF 2006 6676; ATF 140 III 49 consid. 4.3.1). Si l'autorité de protection de l'adulte constate que l'aide apportée par ce cercle de personnes ne suffit pas ou estime qu'elle sera insuffisante, elle doit ordonner une mesure qui respecte le principe de la proportionnalité, à savoir une mesure nécessaire et appropriée (art. 389 al. 2 CC; ATF 140 III 49 consid. 4.3.1). Cette mesure doit se trouver en adéquation avec le but fixé, représenter l'atteinte la plus faible possible pour être compatible avec celui-ci et rester dans un rapport raisonnable entre lui et l'atteinte engendrée (arrêts 5A_844/2017 du 15 mai 2018 consid. 3.1; 5A_1034/2015 du 2 février 2016 consid. 3.1 et la jurisprudence citée; 5A_356/2015 du 26 juin 2015 consid. 3.1; 5A_318/2013 du 12 juin 2013 consid. 2.4 et la doctrine citée).

3.1.2   Une curatelle de représentation est instituée lorsque la personne qui a besoin d’aide ne peut accomplir certains actes et doit de ce fait être représentée (art. 394 al. 1 CC).

Lorsque l’autorité de protection de l’adulte institue une curatelle de représentation ayant pour objet la gestion du patrimoine, elle détermine les biens sur lesquels portent les pouvoirs du curateur (art. 395 al. 1 CC).

3.2    En l’espèce, le seul motif pour lequel les recourantes sont opposées à la mesure est le fait que la santé de A______ se serait améliorée et qu’elle aurait repris «une vie normale». Les recourantes n’ayant fourni aucune explication sur le sens qu’elles entendent donner à la notion de «vie normale», l’on ne saurait en déduire que A______ serait désormais capable de gérer seule ses affaires administratives et financières. Les recourantes n’ont par ailleurs produit aucune pièce utile, telle qu’un certificat médical, qui attesterait de l’amélioration alléguée et du fait que A______ serait actuellement capable de veiller à la préservation de ses intérêts.

Au vu de ce qui précède, les recourantes n’ont pas établi que les faits, tels qu’ils ont été retenus par le Tribunal de protection, seraient erronés ou se seraient modifiés dans une mesure significative depuis le prononcé de l’ordonnance attaquée.

Or, les faits retenus dans l’ordonnance attaquée justifient le prononcé d’une mesure de curatelle en faveur de A______. Cette dernière est en effet atteinte dans sa santé psychique, de telle manière qu’elle n’est plus en mesure de s’occuper de ses affaires administratives et financières, ce qu’elle a admis devant le Tribunal de protection. Lesdites affaires ont certes été gérées par sa sœur depuis l’hospitalisation de l’intéressée. B______ a toutefois indiqué devant le Tribunal de protection s’inquiéter de ne plus être en mesure d’assurer ce suivi. Il ressort en outre du procès-verbal de l’audience du 7 février 2023 que les deux sœurs sont parfois en désaccord sur la manière dont B______ gère le paiement des factures de sa sœur. Compte tenu de leur proximité, il paraît dès lors préférable de confier à un tiers la gestion des affaires administratives et financières de A______. Sa sœur, libérée de ces tâches, pourra ainsi se concentrer sur l’autre aspect de la curatelle, plus personnel, qui lui a été confié, à savoir veiller sur l’état de santé de l’intéressée.

Au vu de ce qui précède, le recours, infondé, sera rejeté.

 

4.         Les frais judiciaires des deux recours seront arrêtés à 400 fr. (art. 67A et 67B RTFMC), mis conjointement et solidairement à la charge des recourantes, qui succombent (art. 106 al. 1 CPC) et compensés avec l’avance de frais versée, qui reste acquise à l’Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevables le recours formé par A______ et le recours formé par B______ contre l’ordonnance DTAE/1849/2023 rendue le 7 février 2023 par le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant dans la cause C/22700/2022.

Au fond :

Les rejette.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires des deux recours à 400 fr., les met conjointement et solidairement à la charge de A______ et B______ et les compense avec l’avance de frais versée, qui reste acquise à l’Etat de Genève.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Carmen FRAGA, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.