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Décisions | Chambre Constitutionnelle

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A/1325/2023

ACST/35/2023 du 12.10.2023 ( ABST ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1325/2023-ABST ACST/35/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre constitutionnelle

Arrêt du 12 octobre 2023

 

dans la cause

 

A______
et
B______ recourants

contre

CONSEIL D’ÉTAT intimé

 


EN FAIT

A. a. A______ est domicilié à Genève.

b. B______ (ci‑après : association) est une association au sens des art. 60 ss du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210) qui a son siège à Genève et dont le but statutaire est de récolter et partager les informations sur la 5G ainsi que de proposer un moratoire d’au moins dix ans, en soutenant notamment les oppositions aux projets augmentant « l'électrosmog ».

B. a. Le 28 mars 2013, l’Office fédéral de l’environnement (ci-après : OFEV) a publié un complément à la recommandation d’exécution de 2002 de l’ordonnance sur la protection contre le rayonnement non ionisant du 23 décembre 1999 (ORNI ‑ RS 814.710) pour les stations de base pour téléphonie mobile et raccordements sans fil, qui précisait notamment la notion de « modification » au sens du ch. 62 al. 5 annexe 1 ORNI. Il s’agissait d’adaptations pouvant augmenter l’intensité du rayonnement reçue dans des lieux à utilisation sensible (ci‑après : LUS) ou modifier sa distribution spatiale. Si un projet était considéré comme une modification au sens de l’ORNI, la fiche de données spécifique au site devait être mise à jour. Pour les adaptations d’installations qui étaient considérées d’un point de vue formel comme des modifications selon l’ORNI, mais qui n’entraînaient qu’une augmentation faible ou insignifiante de l’intensité de champ électrique dans les LUS, il convenait de se référer aux informations relatives à la procédure d’autorisation figurant dans les recommandations de la Conférence des directeurs cantonaux des travaux publics, de l’aménagement du territoire et de la protection de l’environnement (ci-après : DTAP).

b. En début d’année 2019, la Confédération a libéré de nouvelles fréquences pour la téléphonie mobile, dont les bandes de 3,5 à 3,8 GHz pour l’utilisation d’antennes dites adaptatives. Contrairement aux antennes conventionnelles qui émettent essentiellement avec une répartition spatiale constante du rayonnement, les antennes adaptatives, utilisées notamment avec la cinquième génération de téléphonie mobile (ci-après : 5G), sont capables de focaliser le signal dans la direction de l’utilisateur ou de l’appareil de téléphonie mobile et de le réduire dans les autres directions, sans modification de montage.

c. Le 17 avril 2019, le Conseil fédéral a adopté une modification de l’ORNI concernant notamment l’évaluation des antennes adaptatives, sans toutefois procéder à la modification des valeurs limites existantes. Pour lesdites antennes, la variabilité de leurs directions d’émission et de leurs diagrammes d’antenne devait être prise en compte lors de la détermination du mode d’exploitation déterminant dans lequel les valeurs limites de l’installation devaient être respectées.

d. Le 23 février 2021, l’OFEV a publié un complément à l’aide à l’exécution de 2002 de l’ORNI concernant les stations de base pour téléphonie mobile et raccordements sans fil.

L’ORNI définissait le mode d’exploitation déterminant pour une installation de téléphonie mobile dans laquelle la valeur limite de l’installation devait être respectée sur les LUS. En principe, il s’agissait du mode d’exploitation dans lequel un maximum de conversations et de données était transféré, l’émetteur se trouvant au maximum de sa puissance. Alors que pour les antennes conventionnelles l’orientation du rayonnement était toujours la même, celle-ci pouvait prendre des caractéristiques spatiales différentes dans le cas des antennes adaptatives. Pour ces dernières, le diagramme d’antenne dans le mode d’exploitation déterminant n’était pas toujours le même, de sorte que les prévisions étaient basées sur un diagramme d’antenne enveloppant, comprenant tous les diagrammes d’antenne pouvant exister dans le mode d’exploitation déterminant. Cependant, comme les différents diagrammes d’antenne sur lesquels était basé le diagramme enveloppant ne pouvaient pas exister simultanément, les calculs surestimaient considérablement le rayonnement produit dans la réalité. Un tel scénario dit « du pire » appliqué jusqu’alors avait pour effet d’évaluer les antennes adaptatives plus sévèrement que les antennes conventionnelles. Pour ce motif, un facteur de correction à la puissance d’émission maximale était appliqué aux antennes adaptatives. Tel ne pouvait toutefois être le cas que pour autant que ces antennes soient dotées d’une limitation de puissance automatique garantissant que la puissance d’émission moyenne sur une période de six minutes ne dépasse pas la puissance d’émission autorisée.

e. Le 1er janvier 2022 est entrée en vigueur une modification de l’annexe 1 ORNI permettant notamment l’application d’un facteur de correction aux antennes adaptatives possédant au moins huit sous-ensembles d’antennes commandés séparément lorsqu’elles sont équipées d’une limitation de puissance automatique (ch. 63 al. 2 annexe 1 ORNI). Si un facteur de correction est appliqué aux antennes émettrices adaptatives existantes, le détenteur de l’installation remet à l’autorité compétente une fiche de données spécifique au site adaptée (ch. 63 al. 4 annexe 1 ORNI). Par ailleurs, le ch. 62 al. 5bis annexe 1 ORNI précise que l’application d’un facteur de correction aux antennes émettrices adaptatives existantes en vertu du ch. 63 al. 2 annexe 1 ORNI n’est pas considérée comme une modification d’une installation.

f. Le 1er avril 2022, la DTAP a publié un document intitulé « Recommandations concernant l’autorisation d’installation de téléphonie mobile : modèle de dialogue et modifications mineures (cas bagatelle) ».

Selon ce document, il s’agissait de préciser dans quel cas il était possible de renoncer à une procédure menant à une autorisation formelle. En effet, les modifications d’installations de téléphonie mobile mentionnées dans l’ORNI n’entraînaient pas systématiquement une augmentation notable de l’intensité du champ électrique dans les LUS, de sorte qu’elles devaient être considérées comme mineures. Deux options étaient envisagées. La première concernait le remplacement d’une antenne conventionnelle par une autre antenne conventionnelle, le transfert de puissance entre bandes de fréquence portant sur plusieurs antennes conventionnelles de même azimut et les transferts de puissance entre des antennes conventionnelles et des antennes adaptatives ayant au maximum sept sous-ensembles d’antennes commandés séparément de même azimut. La deuxième option comportait les modifications mentionnées dans la première option et permettait aux cantons de traiter certaines autres modifications comme des modifications mineures qui pouvaient générer de brèves augmentations de l’intensité des champs électriques, tout en respectant les valeurs limites et en maintenant la mise en œuvre du principe de prévention, à savoir le remplacement d’une antenne conventionnelle par une antenne adaptative, le remplacement d’une antenne adaptative par une autre antenne adaptative et les transferts de puissance entre des antennes conventionnelles et des antennes adaptatives de même azimut.

Il était recommandé de traiter ces cas comme des modifications mineures et de renoncer à une procédure de permis de construire, ou de les accepter au travers d’une procédure d’annonce, dans le cadre de laquelle l’autorité serait amenée à vérifier que la modification envisagée répondait aux critères d’immissions et aux autres charges et que sa réalisation était admissible. La procédure d’annonce permettait aux autorités de s’assurer qu’il s’agissait bien d’une modification mineure. Il appartenait aux cantons de détailler le déroulement de la procédure d’annonce.

La procédure d'annonce nécessitait une base légale cantonale spécifique. Si le droit cantonal prévoyait une procédure d'annonce ou de notification en tant que procédure simplifiée d'autorisation de construire, les modifications mineures devaient, dans la mesure du possible, être autorisées selon cette procédure simplifiée.

C. a. Le 1er mars 2023, le Conseil d’État a adopté le règlement sur la protection contre le rayonnement non ionisant des installations stationnaires (RPRNI – K 1 70.07), publié dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci‑après : FAO) du 7 mars 2023, qui contient notamment les dispositions suivantes :

« Chapitre I Dispositions générales

Art. 1 But et champ d’application

1 Le présent règlement a pour but de protéger les personnes contre le rayonnement non ionisant nuisible ou incommodant émis par les stations de téléphonie mobile, de transformation, de radiodiffusion et de radiocommunication à usage professionnel et amateur.

2 Les installations visées à l’alinéa 1 sont assujetties au respect des valeurs limites de l’installation ainsi qu’aux valeurs limites d’immissions définies respectivement dans les annexes 1 et 2 de l’ordonnance fédérale.

3 Les installations de téléphonie mobile stationnaires et les stations de radiocommunication d’une puissance apparente rayonnée inférieure à 6 W ou émettant moins de 800 heures par an sont assujetties uniquement au respect des valeurs limites d’immissions définies dans l’annexe 2 de l’ordonnance fédérale.

4 Les dispositions de droit fédéral demeurent réservées.

 

Art. 2 Définitions

[…]

3 Les lieux à utilisation sensible sont définis dans l’ordonnance fédérale.

 

[…]

Chapitre III Modifications mineures des installations de téléphonie mobile

Art. 5 Modifications mineures

1 Sous réserve de l’alinéa 2 du présent article, peuvent notamment constituer des cas de modifications mineures les modifications listées ci-après :

a) le remplacement d’une antenne conventionnelle par une autre antenne conventionnelle ;

b) le remplacement d’une antenne conventionnelle par une antenne adaptative ;

c) le remplacement d’une antenne adaptative par une antenne adaptative ayant un autre mode d’exploitation déterminant ;

d) le transfert de puissance entre bandes de fréquence portant sur plusieurs antennes conventionnelles de même azimut ;

e) les transferts de puissance entre des antennes conventionnelles et des antennes adaptatives ayant au maximum 7 sous-ensembles d’antennes commandés séparément (sub arrays) de même azimut ;

f) le transfert de puissance d’une antenne conventionnelle vers une antenne adaptative avec un facteur de correction ;

g) l’application d’un facteur de correction aux antennes adaptatives existantes au sens du chiffre 63, alinéa 2, de l’annexe 1 de l’ordonnance fédérale.

2 Pour autant que les valeurs limites de l’installation ne soient pas modifiées, les cas de modifications visées à l’alinéa 1 sont considérés comme mineurs si les critères suivants sont respectés :

a) les immissions n’augmentent pas dans les lieux à utilisation sensible qui étaient déjà exposés à raison de plus de 50% de la valeur limite de l’installation, dans le mode d’exploitation déterminant ;

b) les immissions augmentent de moins de 0,5 V/m dans les lieux à utilisation sensible qui étaient exposés à raison de moins de 50% de la valeur limite de l’installation, dans le mode d’exploitation déterminant.

3 Les modifications mineures précitées ne doivent en outre pas avoir pour conséquence d’augmenter la distance jusqu’à laquelle le droit d’opposition à l’autorisation de construire de l’installation pouvait être exercé.

 

Art. 6 Procédure d’annonce

1 Les modifications mineures d’une installation au sens de l’article 5 ne sont pas soumises à autorisation de construire mais à une obligation d’annonce auprès du service de l’air, du bruit et des rayonnements non ionisants (ci-après : service).

2 Afin de satisfaire à son obligation d’annonce, le détenteur de l’installation fournit au service les documents suivants :

a) une déclaration de modification mineure au moyen du formulaire défini par l’autorité;

b) une fiche de données incluant la nouvelle configuration prévue de l’installation, les lieux à utilisation sensible de la dernière fiche de données dûment autorisée ainsi que les nouveaux lieux à utilisation sensible atteignant au moins 80% de la valeur limite de l’installation ;

c) une fiche de données incluant les nouveaux lieux à utilisation sensible calculés selon les paramètres de la fiche fournie lors de la dernière demande d’autorisation de construire.

3 L’annonce au service est une condition préalable à la mise en œuvre de toute modification mineure d’une installation.

4 Si la modification annoncée ne constitue pas une modification mineure au sens de l’article 5, le service en informe le détenteur de l’installation et le renvoie à agir selon la procédure décrite au chapitre II.

[…]

Chapitre VII Dispositions finales et transitoires

Art. 14 Entrée en vigueur

Le présent règlement entre en vigueur le lendemain de sa publication dans la Feuille d’avis officielle. »

b. Dans un communiqué de presse du 1er mars 2023, le Conseil d’État a indiqué que le RPRNI prévoyait que toutes les modifications mineures des antennes de téléphonie mobile, même celles sans influence sur l’exposition de la population, devaient être annoncées au canton afin que l’autorité compétente s’assure de la conformité des équipements en garantissant le respect du principe de précaution. Pour s’aligner sur la législation fédérale, les limitations d’exposition ne concerneraient plus les balcons et les terrasses privatives, mais uniquement les pièces dans lesquelles séjournaient régulièrement les personnes, comme les bureaux, les chambre et le séjour.

D. a. Par acte du 20 avril 2023, A______ et l’association ont saisi la chambre constitutionnelle de la Cour de justice (ci‑après : chambre constitutionnelle) d’un recours dirigé contre le RPRNI, concluant préalablement à l’octroi de l’effet suspensif, principalement à l’annulation de l’acte entrepris et subsidiairement à l’annulation de ses art. 5 et 6.

Le RPRNI violait le principe de la séparation des pouvoirs, dès lors que la loi d’application de la loi fédérale sur la protection de l’environnement du 2 octobre 1997 (LaLPE - K 1 70) ne contenait aucune délégation législative donnant au Conseil d'État la compétence de réglementer le rayonnement non ionisant et les immissions en la matière.

L’art. 5 al. 1 let. f et g RPRNI était contraire à un récent arrêt du Tribunal fédéral (1C_100/2021 du 14 février 2023), dans lequel il avait été jugé que seule une procédure ordinaire d’autorisation de construire était envisageable en cas d’augmentation de la puissance à la suite de la prise en compte d’un facteur de correction.

Le Conseil d’État avait intégré les recommandations de la DTAP dans le RPRNI, en reprenant non seulement l’option la moins protectrice mais également sans procéder à une pesée des intérêts ni recherche scientifique complémentaire, alors même qu’un avis de droit de l’Institut pour le droit suisse et international de la construction du 7 juin 2021 intitulé « Les procédures cantonales applicables à la mise en place de la technologie 5G des antennes de téléphonie mobile » était arrivé à la conclusion que l’établissement d’une expertise à caractère scientifique s’imposait pour établir l’existence ou non d’un cas dit « bagatelle », non soumis à autorisation. Les art. 5 et 6 RPRNI n’étaient dès lors pas conformes aux principes de précaution et de proportionnalité.

 

 

b. Le Conseil d’État a conclu au rejet de la demande d’effet suspensif.

Il n’existait pas de menace grave ni de risque de dommage difficilement réparable. Sur la base des recommandations de la DTAP, la seconde option proposée aux autorités cantonales compétentes pour traiter les dossiers relatifs à des modifications mineures des sites de téléphonie mobile avait été retenue par le RPRNI car elle garantissait l’évolution dynamique du réseau tout en respectant le principe de précaution. Pour lesdites modifications, l’office cantonal de l’environnement (ci-après : OCEV) soumettait les détenteurs d’installations concernées à une obligation d’annonce, condition préalable à la mise en œuvre de toute modification mineure d’une installation, au lieu d’une demande d’autorisation de construire, ce qui permettait une prise de décision rapide. Dans ce cadre, le détenteur de l’installation était tenu d’apporter la preuve que les valeurs limites de l’installation n’étaient pas modifiées, que la variation par rapport à la situation préexistante de l’intensité du champ électrique dans les LUS était nulle ou négligeable, tout comme la distance maximale pour pouvoir former opposition. Il devait également établir et fournir la liste de tous les LUS où les immissions atteindraient au moins 80% de la valeur limite de l’installation après sa modification et dans son mode d’exploitation déterminant. L’OCEV vérifiait et contrôlait donc systématiquement la complétude et la cohérence du dossier et garantissait la conformité de l’installation au cadre légal. Si l’une des exigences n’était pas réalisée, le détenteur concerné était renvoyé à déposer une requête en autorisation auprès de l’autorité compétente.

À cela s’ajoutait que le réseau 5G était déjà largement déployé en Suisse et que les installations concernées étaient dûment contrôlées par les autorités compétentes. La simple modification mineure desdites installations, sans augmentation significative des valeurs d’exposition et dans le respect du processus dicté par les autorités fédérales, retranscrit au niveau cantonal, n’avait pas non plus pour effet d’exposer la population au rayonnement non ionisant.

c. Par décision du 8 mai 2023 (ACST/19/2023), la chambre constitutionnelle a refusé d'octroyer l'effet suspensif au recours et a réservé le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond.

d. Le Conseil d'État a conclu au rejet du recours.

L'adoption du RPRNI était le résultat de sa volonté d'ancrer dans la réglementation cantonale les principes régis par l'ORNI concernant notamment les modifications (mineures) d'installation de téléphonie mobile, tout en respectant les directives de l'OFEV et en reprenant les recommandations de la DTAP. Le RPRNI se conformait ainsi à la législation fédérale et aux directives de la Confédération, notamment s'agissant de l'opportunité du choix de la seconde option de traitement des cas de modifications mineures des installations. Aucune violation du principe de délégation législative ne pouvait être retenue, dès lors qu'aucune norme primaire n'avait été adoptée.

L'art. 27 al. 1 et 2 LaLPE lui conférait des compétences d'exécution et lui octroyait la compétence de fixer par règlement toute autre disposition d'application de la législation fédérale.

Dans le cadre d'obligation d'annonce des modifications mineures, l'opérateur était tenu d'apporter à l'OCEV la preuve que les valeurs limites de l'installation n'étaient pas modifiées et respectaient le cadre fixé par le droit fédéral.

e. Dans leur réplique, A______ et l’association ont persisté dans leur argumentation et leurs conclusions, sollicité les auditions d'un ingénieur de l'EPFL et d'un représentant du département du territoire et ont conclu au remplacement de l'art. 2 al. 3 RPRNI par l'art. 2 al. 3 aRPRNI.

Les recommandations de la DTAP n'étaient pas contraignantes. Elles n'avaient pas pour objectif de définir la marge de manœuvre résiduelle des cantons en la matière, mais plutôt de proposer des orientations politiques différenciées concernant l'extension du réseau de téléphonie mobile.

La marge de manœuvre laissée aux cantons en relation avec la protection contre le rayonnement non ionisant était plus large que ne le laissait entendre le Conseil d'État. Les cantons restaient libres d'appliquer le principe de la limitation préventive des émissions de façon plus détaillée ou de la concrétiser.

Comme le SABRA le leur avait expliqué, les employés de ce service n'étaient pas formés pour mesurer les immissions en provenance des antennes adaptatives. Par conséquent, il était impossible, dans le cadre d'une procédure d'annonce, de prouver le respect des critères d'immissions fixés par l'ORNI.

La révision du RPRNI restreignait le droit des administrés, car ceux-ci ne pouvaient plus recourir contre des installations de téléphonie mobile considérées ‑ à tort – comme des modifications mineures, avec pour effet que les immissions subies augmenteraient sans qu'ils puissent faire valoir leurs droits.

Le RPRNI violait le droit à la vie, l'interdiction de la torture ainsi que celle des traitements inhumains ou dégradants, le respect de la vie privée et familiale, du domicile et de la correspondance des personnes, le droit à un recours effectif ainsi que l'interdiction de la discrimination, en raison du dépassement des valeurs limites de l'installation permis par les dispositions spécifiques en matière d'antenne adaptatives, de leurs conséquences sanitaires, sociales, professionnelles et économiques sur les personnes affectées, de l'impossibilité de garantir des conditions d'exploitation conformes au droit et de l'impossibilité pour les personnes affectées de porter leur cause en justice. Or, aucune des conditions permettant de restreindre ces droits fondamentaux n'était réalisée.

f. Sur quoi, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1) La chambre constitutionnelle est l’autorité compétente pour contrôler, sur requête, la conformité des normes cantonales au droit supérieur (art. 124 let. a de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 - Cst-GE - A 2 00). Selon la législation d’application de cette disposition, il s’agit des lois constitutionnelles, des lois et des règlements du Conseil d’État (art. 130B al. 1 let. a de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05).

1.1 Le recours est formellement dirigé contre un règlement cantonal, à savoir le RPRNI, et ce en l’absence de cas d’application. Il a été interjeté dans le délai légal à compter de la publication dudit règlement dans la FAO du 7 mars 2023 (art. 62 al. 1 let. d et al. 3 et art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10). Il respecte également les conditions générales de forme et de contenu prévues aux art. 64 al. 1 et 65 LPA. En particulier, il contient un exposé détaillé des griefs des recourants (art. 65 al. 3 LPA).

En ce qui concerne en particulier les conclusions, celles-ci ne sont recevables que dans la mesure où, dans le respect de la nature cassatoire du recours en contrôle abstrait des normes, elles tendent à l'annulation des normes contestées (ACST/16/2021 du 22 avril 2021 consid. 2 et la référence citée). Or, tel n'est pas le cas de la conclusion visant à ce que la teneur de l'art. 2 al. 3 RPRNI soit remplacée par celle de l'art. 2 al. 3 aRPRNI, conclusion qui sera ainsi déclarée irrecevable.

1.2 A qualité pour recourir toute personne touchée directement par une loi constitutionnelle, une loi, un règlement du Conseil d’État ou une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce que l’acte soit annulé ou modifié (art. 60 al. 1 let. b LPA). L’art. 60 al. 1 let. b LPA formule de la même manière la qualité pour recourir contre un acte normatif et en matière de recours ordinaire. Cette disposition ouvre ainsi largement la qualité pour recourir, tout en évitant l’action populaire, dès lors que le recourant doit démontrer qu’il est susceptible de tomber sous le coup de la loi constitutionnelle, de la loi ou du règlement attaqué (ACST/17/2023 du 26 avril 2023 consid. 2.1).

1.2.1 Lorsque le recours est dirigé contre un acte normatif, la qualité pour recourir est conçue de manière plus souple et il n’est pas exigé que le recourant soit particulièrement atteint par l’acte entrepris. Ainsi, toute personne dont les intérêts sont effectivement touchés directement par l’acte attaqué ou pourront l’être un jour a qualité pour recourir ; une simple atteinte virtuelle suffit, à condition toutefois qu’il existe un minimum de vraisemblance que le recourant puisse un jour se voir appliquer les dispositions contestées (ATF 147 I 308 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_357/2021 du 19 mai 2022 consid. 2.2). La qualité pour recourir suppose en outre un intérêt actuel à obtenir l’annulation de l’acte entrepris, cet intérêt devant exister tant au moment du dépôt du recours qu’au moment où l’arrêt est rendu (ATF 147 I 478 consid. 2.2).

1.2.2 Une association ayant la personnalité juridique est habilitée à recourir en son nom propre lorsqu’elle est intéressée elle-même à l’issue de la procédure. De même, sans être touchée dans ses intérêts dignes de protection, cette possibilité lui est reconnue pour autant qu’elle ait pour but statutaire la défense des intérêts de ses membres, que ces intérêts soient communs à la majorité ou au moins à un grand nombre d’entre eux et que chacun de ceux-ci ait qualité pour s’en prévaloir à titre individuel (ATF 145 V 128 consid. 2.2 ; ACST/17/2023 précité consid. 2.1.2). En revanche, elle ne peut prendre fait et cause pour l’un de ses membres ou pour une minorité d’entre eux (arrêt du Tribunal fédéral 2C_749/2021 du 16 mars 2022 consid. 1.2.1).

1.3 En l'espèce, dès lors que A______ est domicilié dans le canton de Genève, où des antennes de téléphonie mobile sont installées sur l'ensemble du territoire, il est directement concerné par le règlement qu'il conteste et est susceptible d'être touché dans ses droits par des cas d'application dudit règlement, si bien qu'il dispose de la qualité pour recourir.

S'agissant de l'association, qui dispose de la personnalité juridique, elle a pour but statutaire de récolter et partager les informations sur la « 5G » ainsi que de proposer un moratoire de dix ans au minimum sur les installations de communication mobile « 5G ». Son but est dès lors directement lié à l'objectif poursuivi par le règlement attaqué, soit la protection des personnes contre le rayonnement non ionisant nuisible ou incommodant émis par les stations de téléphonie mobile notamment. En outre, ses statuts prévoient qu'elle soutiendra les oppositions aux projets augmentant « l'électrosmog ». Dans la mesure où les art. 5 et 6 du règlement attaqué prévoient une procédure d'annonce en lieu et place d'une requête en autorisation de construire pour les modifications mineures des installations de téléphone mobile, avec pour effet l'absence de toute publication officielle pour ces modifications, l'association est intéressée elle-même à l'issue de la procédure. Pour ces deux motifs, elle dispose également de la qualité pour recourir.

Le recours est par conséquent recevable.

2) Les recourants sollicitent les auditions d'un ingénieur de l'EPFL et d'un représentant du département du territoire.

2.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit, pour l’intéressé, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves, à condition qu’elles soient pertinentes et de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1). Il ne comprend en principe pas le droit d’être entendu oralement ni celui d’obtenir l’audition de témoins (arrêt du Tribunal fédéral 8C_338/2022 du 25 janvier 2023 consid. 7.2 et les références citées). Le droit d’être entendu n’empêche pas l’autorité de mettre un terme à l’instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de se forger une conviction et que, procédant de manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude qu’elles ne pourraient pas l’amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1).

2.2 En l’espèce, il n’y a pas lieu de faire droit à la requête d’audition des recourants. Outre le fait qu’ils ne disposent d’aucun droit à ce que des témoins soient entendus oralement, ils ont pu faire valoir leurs arguments par écrit à plusieurs reprises et ont produit les pièces qu’ils jugeaient nécessaires pour appuyer leurs allégués. Le dossier contient ainsi suffisamment d’éléments pour que le litige soit tranché en toute connaissance de cause, lequel porte au demeurant – de par sa nature – uniquement sur des aspects juridiques, dans le cadre desquels l’audition de témoins n’est pas nécessaire.

3) Invoquant une violation du principe de la séparation des pouvoirs, les recourants contestent la compétence du Conseil d'État d'adopter le règlement attaqué.

3.1 La chambre constitutionnelle, lorsqu’elle se prononce dans le cadre d’un contrôle abstrait des normes, s’impose une certaine retenue et n’annule les dispositions attaquées que si elles ne se prêtent à aucune interprétation conforme au droit ou si, en raison des circonstances, leur teneur fait craindre avec une certaine vraisemblance qu’elles soient interprétées ou appliquées de façon contraire au droit supérieur. Pour en juger, il lui faut notamment tenir compte de la portée de l’atteinte aux droits en cause, de la possibilité d’obtenir ultérieurement, par un contrôle concret de la norme, une protection juridique suffisante et des circonstances dans lesquelles ladite norme serait appliquée. Le juge constitutionnel doit prendre en compte dans son analyse la vraisemblance d’une application conforme – ou non – au droit supérieur. Les explications de l’autorité sur la manière dont elle applique ou envisage d’appliquer la disposition mise en cause doivent également être prises en considération. Si une réglementation de portée générale apparaît comme défendable au regard du droit supérieur dans des situations normales, telles que le législateur pouvait les prévoir, l’éventualité que, dans certains cas, elle puisse se révéler inconstitutionnelle ne saurait en principe justifier une intervention du juge au stade du contrôle abstrait (ATF 148 I 198 consid. 2.2 ; 147 I 308 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_983/2020 du 15 juin 2022 consid. 3.1 ; ACST/4/2023 du 16 février 2023 consid. 3 et les références citées).

3.2 Le principe de la légalité, consacré à l’art. 5 al. 1 Cst., exige que les autorités n’agissent que dans le cadre fixé par la loi (ATF 147 I 1 consid. 4.3.1). Hormis en droit pénal et fiscal où il a une signification particulière, le principe de la légalité n’est pas un droit constitutionnel du citoyen. Il s’agit d’un principe constitutionnel qui ne peut pas être invoqué en tant que tel, mais seulement en relation avec la violation, notamment, du principe de la séparation des pouvoirs, de l’égalité de traitement, de l’interdiction de l’arbitraire ou la violation d’un droit fondamental spécial (ATF 146 II 56 consid. 6.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_776/2020 du 7 juillet 2022 consid. 7.1).

Le principe de la séparation des pouvoirs impose en particulier le respect des compétences établies par la constitution et vise à empêcher un organe de l’État d’empiéter sur les compétences d’un autre organe. Il interdit ainsi au pouvoir exécutif d’édicter des dispositions qui devraient figurer dans une loi, si ce n’est dans le cadre d’une délégation valablement conférée par le législateur (ATF 142 I 26 consid. 3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_38/2021 du 3 mars 2021 consid. 3.2.1).

3.2.1 À Genève, le Grand Conseil exerce le pouvoir législatif (art. 80 Cst-GE) et adopte les lois (art. 91 al. 1 Cst-GE), tandis que le Conseil d’État, détenteur du pouvoir exécutif (art. 101 Cst-GE), joue un rôle important dans la phase préparatoire de la procédure législative (art. 109 al. 1 à 3 et 5 Cst-GE), promulgue les lois et est chargé de leur exécution et d’adopter à cet effet les règlements et arrêtés nécessaires (art. 109 al. 4 Cst-GE).

Le Conseil d’État peut ainsi adopter des normes d’exécution, soit des normes secondaires, sans qu’une clause spécifique dans la loi soit nécessaire. Les normes secondaires ne débordent pas du cadre de la loi ; elles peuvent établir des règles complémentaires de procédure, préciser et détailler le sens et le contenu de certaines dispositions de la loi, éventuellement combler de véritables lacunes. Elles ne peuvent en revanche pas, à moins d’une délégation expresse, poser des règles nouvelles qui restreindraient les droits des administrés ou leur imposeraient des obligations, même si ces règles sont conformes au but de la loi (ATF 147 V 328 consid. 4.2 ; 139 II 460 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_776/2020 du 7 juillet 2022 consid. 7.2). Pour que le Conseil d’État puisse édicter des normes de substitution, ou normes primaires, il faut qu’une clause de délégation législative l’y habilite, pour autant que la constitution cantonale ne l’interdise pas dans le domaine considéré et que la délégation figure dans une loi au sens formel, se limite à une matière déterminée et indique le contenu essentiel de la réglementation si elle touche les droits et obligations des particuliers (ATF 133 II 331 consid. 7.2.1 ; ACST/17/2023 du 26 avril 2023 consid. 5.2.2 et l'arrêt cité).

Une norme primaire est une règle dont on ne trouve aucune trace dans la loi de base, qui étend ou restreint le champ d'application de cette loi, confère aux particuliers des droits ou leur impose des obligations dont la loi ne fait pas mention (ATF 139 II 460 consid. 2.2 ; 136 I 29 consid. 3.3).

3.2.2 Les ordonnances administratives constituent des actes servant à régler le fonctionnement de l’administration, destinés aux employés et services de l’État. Elles ne sont pas obligatoirement publiées, ne lient ni le juge ni l’administration en tant que telle ni les administrés, auxquels elles ne peuvent pas imposer des obligations ou octroyer des droits (ATF 141 V 175 consid. 4.1). Elles n'ont pas force de loi et ne peuvent créer de règles de droit (ATA/607/2014 du 29 juillet 2014 consid. 9b et les références citées). Elles peuvent viser une application uniforme du droit en agissant sur l’exercice du pouvoir d’appréciation et l’application de dispositions contenant des notions juridiques indéterminées ou régir l’organisation et l’exécution des tâches de l’administration (ATF 128 I 167 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_21/2020 précité consid. 2.2).

3.3 En vertu du principe de la primauté du droit fédéral ancré à l'art. 49 al. 1 Cst., les cantons ne sont pas autorisés à légiférer dans les matières exhaustivement réglementées par le droit fédéral. Dans les autres domaines, ils peuvent édicter des règles de droit pour autant qu'elles ne violent ni le sens ni l'esprit du droit fédéral, et qu'elles n'en compromettent pas la réalisation (ATF 146 II 309 consid. 4.1). Cependant, même si la législation fédérale est considérée comme exhaustive dans un domaine donné, une loi cantonale peut subsister dans le même domaine en particulier si elle poursuit un autre but que celui recherché par le droit fédéral. Ce n'est que lorsque la législation fédérale exclut toute réglementation dans un domaine particulier que le canton perd toute compétence pour adopter des dispositions complétives, quand bien même celles-ci ne contrediraient pas le droit fédéral ou seraient même en accord avec celui-ci (ATF 145 IV 10 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_425/2019 du 26 février 2020 consid. 4.1).

3.4 Selon l'art. 74 Cst., la Confédération légifère sur la protection de l'être humain et de son environnement naturel contre les atteintes nuisibles ou incommodantes (al. 1) et veille à prévenir ces atteintes (al. 2). L'exécution des dispositions fédérales incombe aux cantons dans la mesure où elle n'est pas réservée à la Confédération par la loi (al. 3). Cette disposition ménage à la Confédération une compétence « globale » concurrente, non limitée aux principes, dotée d'un effet dérogatoire subséquent et lui donne un mandat de légiférer (ACST/11/2021 du 15 avril 2021 consid. 7a et les références citées).

3.4.1 La Confédération a concrétisé ce mandat législatif en adoptant la loi fédérale sur la protection de l'environnement du 7 octobre 1983 (LPE – RS 814.01), dont le but est de protéger les hommes, les animaux et les plantes, leurs biocénoses et leurs biotopes contre les atteintes nuisibles ou incommodantes, et de conserver durablement les ressources naturelles, en particulier la diversité biologique et la fertilité du sol (art. 1 al. 1 LPE). Elle prévoit que les atteintes qui pourraient devenir nuisibles ou incommodantes doivent être réduites à titre préventif et assez tôt (art. 1 al. 2 LPE). L'art. 11 LPE consacre ce principe et prévoit qu'indépendamment des nuisances existantes, il importe, à titre préventif, de limiter les émissions des pollutions atmosphériques, du bruit, des vibrations et des rayons (al. 1) dans la mesure que permettent l'état de la technique et les conditions d'exploitation et pour autant que cela soit économiquement supportable (al. 2). Les émissions sont notamment limitées par l'application des valeurs limites d'émissions (art. 12 al. 1 let. a LPE). L'exécution de la LPE incombe aux cantons, sous réserve de l'art. 41 LPE (art. 36 LPE), non pertinent en l'occurrence.

La République et canton de Genève, sur la base de l'art. 36 LPE, a adopté la loi d'application de la loi fédérale sur la protection de l'environnement du 2 octobre 1997 (LaLPE - K 1 70), dont le Conseil d’État est chargé de l’exécution (art. 27 al. 1 LaLPE). Il fixe également par règlement toute autre disposition d’application de la législation fédérale et de la LaLPE (art. 27 al. 3 LaLPE).

3.4.2 Dans le domaine du rayonnement non ionisant, la limitation dite préventive – qui doit être ordonnée en premier lieu, indépendamment des nuisances existantes – fait l'objet d'une réglementation détaillée, par renvoi de l'art. 4 al. 1 ORNI, à son annexe 1, qui fixe notamment, pour les stations émettrices pour téléphonie mobile et raccordements téléphoniques sans fils, des valeurs limites de l'installation (ch. 64 annexe 1 ORNI). Ces valeurs limites sont fixées par le Conseil fédéral conformément aux critères de l'art. 11 al. 2 LPE, sans référence directe aux dangers pour la santé prouvés ou supposés, avec toutefois la prise en compte d'une marge de sécurité (arrêt du Tribunal fédéral 1C_518/2018 du 14 avril 2020 consid. 5.1.1 et les références citées).

Si, après sa mise en service, une nouvelle installation est modifiée, les prescriptions relatives aux limitations d'émissions concernant les nouvelles installations sont applicables (art. 6 ORNI). Lorsqu'une ancienne installation est modifiée, les dispositions relatives à la limitation des émissions pour les nouvelles installations lui sont en principe applicables (art. 9 ORNI).

Le ch. 62 al. 5 de l'annexe 1 ORNI précise la notion de modification d'une installation au sens de ces dispositions, soit : la modification de l'emplacement d'antennes émettrices (let. a) ; le remplacement d'antennes émettrices par d'autres ayant un diagramme d'antenne différent (let. b) ; l'extension par ajout d'antennes émettrices (let. c) ; l'augmentation de la puissance apparente rayonnée au-delà de la valeur maximale autorisée (let. d), ou la modification des directions d'émission au-delà du domaine angulaire autorisé (let. e). En revanche, l’application d’un facteur de correction aux antennes émettrices adaptatives existantes en vertu du ch. 63 al. 2 n’est pas considérée comme une modification d’une installation (ch. 62 al. 5bis de l'annexe 1 ORNI).

Les nouvelles et les anciennes installations ne doivent pas dépasser la valeur limite de l'installation dans les lieux à utilisation sensible dans le mode d'exploitation déterminant (ch. 65 de l'annexe 1 ORNI).

Selon l'art. 11 ORNI, avant qu'une installation pour laquelle des limitations d'émissions figurent à l'annexe 1 ne soit construite, réinstallée sur un autre site, remplacée sur son site ou modifiée au sens de l'annexe 1, le détenteur doit remettre à l'autorité compétente en matière d'autorisations une fiche de données spécifiques au site (al. 1), qui doit contenir (al. 2) : les données actuelles et planifiées relatives à la technique et à l'exploitation de l'installation dans la mesure où elles sont déterminantes pour l'émission de rayonnement (let. a) ; le mode d'exploitation déterminant au sens de l'annexe 1 (let. b) ; des informations concernant le rayonnement émis par l'installation (let. c) ; un plan (let. d).

La protection contre les immissions des installations de téléphonie mobile est réglée de manière exhaustive dans l'ORNI ; dans ce domaine, il ne reste aucune place pour le droit cantonal ou communal (ATF 133 II 64 consid. 5.2). En revanche, les prescriptions d'aménagement local du territoire qui servent d'autres intérêts que ceux du droit de l'environnement sont en principe admissibles pour autant qu'elles respectent les objectifs de la législation sur les télécommunications (ATF 133 II 64 consid. 5.3).

3.5. À teneur de l’art. 22 de loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700), aucune construction ou installation ne peut être créée ou transformée sans autorisation de l’autorité compétente (al. 1). Cette disposition définit des exigences minimales ; le droit cantonal peut soumettre à l’obligation d’un permis de construire des projets qui en seraient dispensés selon l’art. 22 LAT (arrêt du Tribunal fédéral 1C_395/2015 du 7 décembre 2015 consid. 3.1.1 ; Alexander RUCH, Commentaire de la LAT, n. 3 ad art. 22).

L'art. 22 règlemente de manière globale l'obligation d'un permis de construire ou de transformer pour toute construction ou installation. Certains travaux de construction n'y sont toutefois pas soumis. La distinction entre ce qui est soumis à autorisation et ce qui ne l'est pas découle de l'art. 22 LAT et relève donc du ressort du droit fédéral. Les cantons ne sauraient soustraire à l'obligation d'obtenir une autorisation des cas où, en vertu de l'art. 22 LAT, une autorisation est nécessaire. Généralement, le droit cantonal établit une liste des projets soumis à autorisation ; plus rarement, il cite ceux qui en sont exemptés (Alexander RUCH, op. cit., n. 4 ad art. 22).

L’art. 22 al. 1 LAT pose le principe qu’une autorisation de construire est nécessaire pour la création et la transformation des constructions et des installations. Il en découle l’exigence d’une procédure, qui sert à vérifier, en règle générale préventivement, si le projet de construction ou d’installation est conforme aux prescriptions, nombreuses et complexes, qui lui sont applicables, relevant du droit aussi bien de l’aménagement du territoire que de la police des constructions, sans préjudice d’autres domaines du droit public tels que ceux de la protection de l’environnement ou du patrimoine (ACST/2/2018 précité consid. 10b et les références citées).

Ladite procédure comporte des phases successives propres à permettre cette vérification, impliquant la possibilité, pour les autorités et administrations concernées et les tiers intéressés (notamment les voisins), de participer à la procédure. Ces étapes sont en principe le dépôt d’une requête de permis de construire, sa publication, son examen, puis la prise et la notification d’une décision sujette à recours. Des procédures accélérées peuvent être prévues pour des projets de constructions non susceptibles de léser la position de tiers, procédures dans le cadre desquelles il est renoncé à la publication de la demande d’autorisation de construire mais en principe pas à une décision venant clore la phase non contentieuse. Les deux modèles courants de procédures accélérées sont la procédure simplifiée et la procédure par annonce ; dans ce dernier cas, ce n’est que pour des projets déterminés de moindre importance qu’il est envisageable de renoncer à la prise d’une décision formelle, par défaut de réaction de l’autorité compétente à l’annonce faite (ACST/2/2018 précité consid. 10b et les références citées).

3.6. À Genève, sur tout le territoire du canton, nul ne peut, sans y avoir été autorisé, notamment élever en tout ou partie une construction ou une installation (art. 1 al. 1 let. a de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 – LCI - L 5 05) ou modifier même partiellement le volume, l’architecture, la couleur, l’implantation, la distribution ou la destination d’une construction ou d’une installation (art. 1 al. 1 let. b LCI). Au sens de l'art. 1 let. d du règlement d'application de la LCI du 27 février 1978 (RCI - L 5 05.01), sont réputées constructions ou installations toutes choses immobilières ou mobilières édifiées au-dessus ou au-dessous du sol ainsi que toutes leurs parties intégrantes et accessoires, soit notamment les antennes électromagnétiques.

Dans un arrêt récent, la chambre de céans a jugé que la LCI ne pouvait pas soumettre à autorisation toute élévation, adaptation ou modification, en totalité ou en partie, sur le plan physique ou logiciel, des stations émettrices soumises à l'ORNI. En effet, dans un tel cas, la législation irait au-delà de l'art. 1 al. 1 let. a LCI, qui soumet à autorisation uniquement l'élévation de telles antennes. Elle irait également au-delà du ch. 62 al. 5 annexe 1 l'ORNI car elle soumettrait d'emblée toutes les modifications et adaptations d'antennes à autorisation de construire, même celles qui ne constituent pas des modifications au sens de l'ORNI, ce qui aurait pour effet de remettre en cause les valeurs préventives des émissions fixées par l'ORNI, qui sont réglementées de manière exhaustive et qui ne permettent pas d'imposer des exigences supplémentaires aux opérateurs (ACST/11/2021 précité consid. 10a et b).

3.7. En l'espèce, compte tenu des griefs soulevés par les recourants, il convient de commencer par déterminer si les art. 5 et 6 RPRNI résultent d'une application correcte de la séparation des pouvoirs, ce que les recourants contestent.

L'intimé expose quant à lui que l'adoption dudit règlement serait le résultat d'une volonté d'ancrer dans la réglementation cantonale les principes régis par l'ORNI concernant notamment les modifications (mineures) d'installation de téléphonie mobile, tout en respectant les directives de l'OFEV et en reprenant les recommandations de la DTAP. Le règlement serait ainsi conforme à la législation fédérale et aux directives de la Confédération. Aucune violation du principe de délégation législative ne pourrait être retenue dès lors qu'aucune norme primaire n'aurait été adoptée. L'art. 27 al. 1 et 2 LaLPE lui conférerait des compétences d'exécution et celle de fixer par règlement toute autre disposition d'application de la législation fédérale.

3.8. Les dispositions concernées figurent dans un règlement cantonal d'exécution, qui n'est pas une loi formelle, de sorte que l'enjeu de cet aspect du litige consiste à déterminer si elles constituent des normes primaires ou secondaires. La distinction entre ces deux types de norme peut prêter à discussion.

Les art. 5 et 6 du règlement attaqué définissent les cas pouvant constituer des modifications mineures d'installations de téléphonie mobile, non soumises à autorisation, ainsi que la procédure d'annonce qui doit, le cas échéant, être suivie.

Si la LCI soumet explicitement la construction d'une antenne téléphonique à autorisation de construire (art. 1 al. 1 let. a), la situation est moins évidente en ce qui concerne la modification des antennes. En effet, l'art. 1 al. 1 let. b LCI soumet à autorisation en particulier la modification de la distribution ou de la destination d’une construction ou d’une installation, ce qui ne permet pas de retenir avec certitude ni toutefois d'exclure que la disposition précitée viserait également les modifications des antennes telles que définis par le ch. 62 al. 5 annexe 1 ORNI. En revanche, l'ORNI soumet à autorisation de construire ces modifications (art. 11 al. 1) sans toutefois définir les cas de modifications mineures ni se prononcer sur les procédures d’autorisation, respectivement sur les dispenses d'autorisation.

Les modifications dites mineures ont été définies exclusivement par la DTAP, dans ses recommandations du 4 mars 2022. Toutefois, même à considérer qu'il s'agisse d'ordonnances administratives, elles ne lient ni l’administration ni l'autorité judiciaire et n'ont pas force de loi.

En ce qui concerne une éventuelle délégation législative en faveur de l'intimé, la LCI ne contient aucune clause lui déléguant la compétence spécifique de définir des cas de dispense d'autorisation. Si elle prévoit certes des dispenses d'autorisation spécifiques pour des cas particuliers qu'elle définit exhaustivement (voir l'art. 1 al. 2, 3 et 4 notamment), les modifications mineures des installations de téléphonie mobile n'en font pas partie.

Au vu de ce qui précède, les art. 5 et 6 définissent des notions et une procédure (d'annonce) nouvelles qui ne figurent ni dans la LCI ni dans la législation fédérale en matière de protection de l'environnement. Les art. 5 et 6 du règlement querellé pourraient en outre entrer en conflit avec l'art. 11 al. 1 ORNI, quand bien même ils refléteraient les directives de l'OFEV et reprendraient les recommandations de la DTAP, et subsidiairement avec l'art. 1 al. 1 let. b LCI, en restreignant le champ d'application de ces dernières dispositions, dans la mesure où il énonce les cas de modifications qui ne nécessitent pas d'autorisation.

Par ailleurs, il ressort de la jurisprudence précitée qu'une autorisation de construire est en principe nécessaire pour la création et la transformation des constructions et des installations, dont font partie les installations de téléphonie mobile. La procédure qui en découle sert à vérifier que le projet de construction, ou de modification, est conforme aux prescriptions relevant de l’aménagement du territoire et de la police des constructions, mais aussi de la protection de l’environnement s'agissant des installations de téléphonie mobile, qui suscitent des craintes au sujet d’éventuels effets sur la santé. Ladite procédure comporte des phases successives propres à permettre cette vérification, impliquant la possibilité, pour les autorités et administrations concernées et les tiers intéressés, de participer à la procédure. Dès lors que les art. 5 et 6 du règlement querellé prévoient une dispense d'autorisation, ils instaurent une exception à la mise en œuvre de cette procédure guidée par des motifs d'intérêt public et revêtent donc en ce sens une importance notable, ce d'autant plus que les demandes d'autorisation de construire des installations de téléphonie mobile, respectivement les requêtes de modification, tendent à se multiplier.

Pour ces raisons, les art. 5 et 6 RPRNI constituent des normes primaires, qui doivent figurer soit dans une loi formelle, soit dans un règlement au bénéfice d'une clause de délégation législative habilitant le pouvoir exécutif à édicter de telles normes. Or, aucune de ces deux hypothèses n'est en l'occurrence remplie, étant précisé que si l'art. 27 LaLPE confère à l'intimé le pouvoir d'édicter des normes d'exécution de la législation sur la protection de l'environnement, il ne lui permet pas d'édicter des normes primaires relatives au droit de la construction, quand bien même celles-ci, à l'instar des art. 5 et 6 RPRNI, entretiendraient un lien étroit avec ladite législation. L'intimé n'avait donc pas le pouvoir d'édicter les dispositions précitées et a, ce faisant, violé le principe de la séparation des pouvoirs. Les art. 5 et 6 RPRNI devront par conséquent être annulés.

Cette annulation rend superflue l'analyse du grief lié à la non‑conformité de l'art. 5 al. 1 let. f et g du règlement querellé à la jurisprudence récente du Tribunal fédéral.

Pour le surplus et en tant que besoin, la chambre de céans se permet d'attirer l'attention de l'intimé sur l'utilisation, à l'art. 5 al. 1 RPRNI, de l'adverbe « notamment », qui pourrait se révéler problématique, dans la mesure où il a pour effet de rendre exemplative la liste de cas de modifications mineures établie par la disposition précitée, alors même que la DTAP a proposé, dans ses recommandations, une liste exhaustive des cas de modifications mineures.

3.9. S'agissant des autres articles du RPRNI, l'art. 27 al. 3 LaLPE donne mandat à l'intimé de fixer par règlement toute autre disposition d'application de la LaLPE et de la législation fédérale, dont fait partie l'ORNI, laquelle charge expressément les cantons de son exécution (art. 17 ORNI).

Au vu de ces clauses de délégation, et contrairement à ce que prétendent les recourants, l'intimé est compétent pour concrétiser l'ORNI par voie réglementaire, pour autant qu'il n'adopte pas de normes primaires.

Hormis les art. 5 et 6, le règlement querellé ne contient que des normes secondaires, qui ne font que préciser son but et son champ d'application (art. 1), définir certaines notions (art. 2) ainsi que les autorités compétentes (art. 3 et 7), compléter certaines règles de procédure (art. 4), concrétiser l'obligation d'assainir prévue aux art. 7 ss ORNI (art. 8) et celle de collaborer/renseigner prévue aux art. 10 ss ORNI (art. 9 ss) et énoncer les voies de droit (art. 12).

Ainsi, l'intimé n'a pas outrepassé ses compétences en adoptant le règlement querellé, sous réserve de ce qui précède (consid. 3.3.1).

Par conséquent, le grief sera admis en tant qu'il vise l'annulation des art. 5 et 6 RPRNI et écarté pour le surplus.

4) Pour le reste, les recourants se plaignent d'une violation du principe de précaution, du droit d'être entendu, de l'interdiction du déni de justice et de la garantie d'accès au juge ainsi que de la violation des droits fondamentaux garantis par la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101).

Ces griefs portent tous et exclusivement sur l'adoption des art. 5 et 6 RPRNI qui, comme on l'a vu précédemment, doivent être annulés, si bien qu'il s'avère inutile de les analyser dans le cadre de la présente procédure.

Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis et les art. 5 et 6 RPRNI annulés.

5) Vu l’issue du litige, un émolument – réduit –, de CHF 500.-, qui comprend la décision sur effet suspensif, sera mis à la charge solidaire des recourants (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité ne leur sera allouée, ces derniers n'y ayant pas conclu (art. 87 al. 2 LPA).

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE CONSTITUTIONNELLE

admet partiellement, dans la mesure où il est recevable, le recours interjeté le 20 avril 2023 par A______ et B______ contre le règlement sur la protection contre le rayonnement non ionisant des installations stationnaires (RPRNI – K 1 70.07), publié dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève du 7 mars 2023 ;

annule les art. 5 et 6 RPRNI ;

rejette le recours pour le surplus ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge solidaire de A______ et B______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A______, à B______, au Conseil d'État ainsi qu'à l'Office fédéral de l'environnement (OFEV) et à l'Office fédéral du développement territorial (ARE).

Siégeant : Jean-Marc VERNIORY, président, Blaise PAGAN, Valérie LAUBER, Philippe KNUPFER, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre constitutionnelle :

le greffier-juriste :

 

 

J. PASTEUR

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. VERNIORY

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :