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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/218/2019

ATAS/200/2024 du 20.03.2024 ( ARBIT ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/218/2019 ATAS/200/2024

ARRET

DU TRIBUNAL ARBITRAL

DES ASSURANCES

du 20 mars 2024

 

En la cause

ASSURA-BASIS SA

 

 

demandeur

 

contre

Docteur A______
représenté par Maître Jacques ROULET

 

 

défendeur

 


EN FAIT

A.           a. Monsieur A______ (ci-après : le médecin ou le défendeur) est médecin et exploite un cabinet médical à Genève depuis le 14 octobre 1987.

b.   B______ SA (ci-après B______) a été créée en 1987 par le médecin qui en est également le médecin répondant, ainsi que administrateur et président. Celle-ci dispense des soins à domicile et d’urgence 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Au bénéfice d’une autorisation pour l’exploitation d’un établissement médical, B______ emploie plusieurs médecins. Elle est enregistrée sous n° C1______ au registre des codes-créanciers (ci‑après : RCC), à savoir le répertoire des créanciers créé pour la saisie, le paiement et le traitement des factures des fournisseurs de prestations médicales et géré par le département Registres de SASIS SA.

c.    Groupe médical multidisciplinaire de C______ SA a été fondée en 1999 par le médecin qui en était également l'administrateur. En janvier 2004, elle a été dissoute sans liquidation par le fait que B______ a repris ses actifs et passifs, et radiée du registre du commerce en mai 2007. Cette structure continue à fournir des prestations médicales sous la dénomination D______ de C______, sans avoir la personnalité juridique, et dispose de son propre n° RCC, à savoir le n° H2______.

B.            a. Le 17 janvier 2019, ASSURA-BASIS SA (ci-après la demanderesse) a saisi le tribunal de céans d'une requête en conciliation à l'encontre du médecin, en concluant à la condamnation de ce dernier à la restitution de CHF 711'069.- avec intérêts à 5% dès le dépôt de la demande, correspondant aux prestations facturées sans droit sous le code créancier de B______ SA, et de CHF 76'181.- avec intérêts à 5% dès le dépôt de la demande, correspondant aux prestations facturées sans droit sous le code créancier de D______ à C______, sous suite de dépens. La demanderesse a fait valoir que les prestations dont la restitution était réclamée avaient été fournies par des médecins dépourvus de l'autorisation de pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins (ci‑après: AOS).

b.   Par ordonnance du 16 avril 2019, le tribunal de céans a suspendu la cause d'accord entre les parties.

c.    Par ordonnance du 5 février 2021, la cause a été suspendue jusqu'à droit jugé dans la cause A/2847/2018.

d.   Par arrêts 9C_252/2022 et 9C_253/2022 du 15 mai 2023, le Tribunal fédéral a statué dans la cause précitée.

e.    Par ordonnance du 12 juin 2023, le tribunal de céans a repris l'instruction de la présente cause.

C.           a. Lors de l'audience du 18 septembre 2023, le tribunal de céans a constaté l'échec de la tentative de conciliation.

b.   Le 11 octobre 2023, la demanderesse a désigné Monsieur Luciano DE TORO comme arbitre.

c.    Dans sa réponse du 16 novembre 2023, le défendeur a conclu à l'irrecevabilité de la demande, en contestant la compétence ratione materiae du tribunal de céans. Subsidiairement, il a conclu à son rejet. S'agissant de la recevabilité, il a soutenu que le devoir de restitution ancré dans la loi visait exclusivement la personne qui avait directement bénéficié des prestations indues. Or, les prestations litigieuses avaient été facturées par une personne morale et non par le défendeur. En ce que la convention-cadre du TARMED prévoyait une solidarité entre les médecins employés d'une institution de soins ambulatoires concernant la restitution des prestations indûment facturées par une telle institution, elle introduisait une obligation qui n'était pas prévue par le droit public. Partant, il s'agissait présentement d'un litige qui ne relevait pas de l'AOS. La demande n'était par conséquent pas fondée sur le droit public, mais sur le droit privé, soit l'intérêt privé de la demanderesse de multiplier ses débiteurs en se fondant sur une convention de droit privé. Cela étant, la demande aurait dû être introduite par‑devant la commission paritaire de confiance, de sorte que le tribunal de céans était incompétent. Certes, le défendeur était également administrateur des centres médicaux visés. Cependant, la responsabilité de l'administrateur d'une société relevait du droit privé et non de l'AOS. Quoi qu'il en soit, la disposition de la convention-cadre du TARMED qui prévoyait une solidarité entre les médecins d'une institution de santé et celle-ci, constituait une obligation excessive prohibée par le Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), de sorte que le défendeur avait le droit de refuser l'exécution du contrat.

d.   Le 16 novembre 2023, le défendeur a désigné Monsieur Nicolas FRÖLICHER comme arbitre.

e.    Dans sa réplique du 18 décembre 2023, la demanderesse a conclu à la restitution de CHF 450'708.- au total. Le tribunal de céans avait la compétence ratione materiae pour trancher le litige en cause, dans la mesure où celui-ci concernait des rapports juridiques résultant de l'AOS et la position particulière de l'assureur ou du fournisseur de prestations.

f.     Par duplique du 30 janvier 2024, le défendeur a persisté dans ses conclusions. Outre ses précédents arguments, il a fait valoir que la partie de la convention‑cadre du TARMED qui prévoyait une solidarité entre les médecins d'une institution de santé, relevait de la compétence du tribunal prévue par cette convention dont le for était à Soleure. Sur le fond, la clause prévoyant cette solidarité était excessive, dans la mesure où elle obligeait les médecins employés par une institution de santé à se porter garant de leur employeur et de leurs collègues à hauteur d'un montant indéterminé et illimité.

 

 

EN DROIT

1.              

1.1 Selon l’art. 89 al. 1 de la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 18 mars 1994 (LAMal - RS 832.10), les litiges entre assureurs et fournisseurs de prestations sont jugés par le Tribunal arbitral. Est compétent le Tribunal arbitral du canton dont le tarif est appliqué ou dans lequel le fournisseur de prestations est installé à titre permanent (art. 89 al. 2 LAMal). Le Tribunal arbitral est aussi compétent si le débiteur de la rémunération est l’assuré (système du tiers garant, art. 42 al. 1 LAMal) ; en pareil cas, l’assureur représente, à ses frais, l’assuré au procès (art. 89 al. 3 LAMal). La procédure est régie par le droit cantonal (art. 89 al. 5 LAMal).

1.2 La notion de litige susceptible d'être soumis au tribunal arbitral doit être interprétée au sens large. Il faut toutefois que des rapports juridiques résultent de la LAMal ou ont été établis en vertu de cette loi. Il s'agit en particulier des contestations portant sur des questions relatives aux honoraires ou aux tarifs. Le litige doit opposer un assureur-maladie à la personne appelée à fournir des prestations, ce qui se détermine en fonction des parties qui s'opposent en réalité. En d'autres termes, le litige doit concerner la position particulière de l'assureur ou du fournisseur de prestations dans le cadre de la LAMal. La compétence du Tribunal arbitral se détermine au regard des prétentions que fait valoir la partie demanderesse et de leur fondement (ATF 141 V 557 consid. 2.1 p. 260 et arrêts cités).

1.3 Le Tribunal fédéral a considéré que le Tribunal arbitral des assurances était compétent pour connaître des litiges entre SANTÉSUISSE et un fournisseur de prestations concernant le refus d'attribution d'un RCC, alors même que l'attribution de ce code était déléguée à SANTÉSUISSE (aujourd'hui SASIS SA) qui n'est pas un assureur-maladie. En effet, la fédération des assureurs-maladie exerçait une compétence donnée aux assureurs en vertu du droit public. Même si les parties à la convention-cadre du TARMED étaient des personnes privées, il n'en résultait pas pour autant que le litige concernant l'attribution du RCC était de nature privée. Les conditions de cette attribution étaient fondées sur le droit public, à savoir la LAMal, et cette attribution poursuivait ainsi en première ligne des intérêts publics (ATF 132 V 303 consid. 4 p. 307 s.).

Au niveau cantonal, le tribunal de céans s'est déclaré incompétent dans le cadre d'un litige opposant un fournisseur de prestations à la commission paritaire pour la valeur intrinsèque et les unités fonctionnelles (ci-après : PaKoDig ; ATAS/347/2022 du 8 avril 2022).

2.             Le défendeur conteste la compétence du tribunal de céans en premier lieu au motif que l'assureur doit avoir remboursé les prestations au fournisseur de celles-ci, ce qui n'était pas le cas en l'espèce, les prestations ayant été remboursées à B______ SA, respectivement au D______ de C______. Ce faisant, il s'appuie sur l'art. 56 al. 2 LAMal, selon lequel seul peut être tenu de restituer le fournisseur de prestations qui a reçu les sommes indument versées au sens de la LAMal.

Par ailleurs, le litige relève du droit privé et non du droit public, selon le défendeur, l'art. 9 al. 4 de la convention-cadre TARMED n'étant fondé ni sur la LAMal et ni sur la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1).

3.              

3.1 Aux termes de l’art. 56 al. 1 et 2 LAMal, le fournisseur de prestations doit limiter ses prestations à la mesure exigée par l’intérêt de l’assuré et le but du traitement. La rémunération des prestations qui dépasse cette limite peut être refusée et le fournisseur de prestations peut être tenu de restituer les sommes reçues à tort au sens de cette loi. L'obligation de restitution est applicable par analogie à d'autres situations où des prestations de l'assurance-maladie obligatoire ont été touchées de manière indue (arrêt du Tribunal fédéral 9C_258/2010 du 30 novembre 2011 consid. 5.4 et la référence).

3.2 Sous le titre « Engagement de médecins et collaboration sous la forme juridique d'une personne morale », l'art. 9 de la convention-cadre TARMED a la teneur suivante :

« 1 L'engagement d’un médecin sous la responsabilité et la surveillance du médecin qui l’engage est autorisé.

2 Le médecin qu’il est prévu d’engager doit être annoncé à santésuisse et à la FMH avant son entrée en fonction. Au moment de son engagement, il doit satisfaire aux exigences des articles 36 LAMal et 38 OAMal.

3 La collaboration sous la forme juridique d'une personne morale (SA, société en commandite, Sàrl, coopérative, association, etc.) est possible.

4 Lorsque plusieurs médecins exercent sous un même numéro d’enregistrement, ils sont solidairement responsables à l'égard des assureurs-maladie en cas de comportement non conforme à la convention.

5 Les prestations fournies doivent pouvoir être attribuées aux divers médecins au moyen du numéro EAN de manière telle qu’il ressorte de la facture quel est le médecin principalement responsable des prestations fournies.

6 L'engagement de médecins et la collaboration sous la forme juridique d'une personne morale sont soumis à la législation cantonale et aux conventions entre médecins et assureurs sur le plan supracantonal, cantonal ou régional ».

4.             En l'espèce, il ne peut être contesté que le litige oppose formellement un fournisseur de prestations au sens de l'art. 89 al. 1 LAMal à un assureur-maladie. En effet, le défendeur est médecin avec son propre RCC et est ainsi amené à effectuer des soins médicaux. La demande est en outre fondée sur l'art. 56 al. 2 LAMal et relève donc indubitablement du droit public (cf. ATF 135 V 124 consid. 4.3.1 p. 131 s.).

En ce que le défendeur allègue que cette disposition légale n'est pas applicable, au motif que la demanderesse ne lui a pas remboursé des prestations, il fait valoir un grief relevant du droit de fond, à savoir l'absence de légitimation passive, et non de la recevabilité.

Il en va de même en ce qui concerne l'applicabilité de l'art. 9 al. 4 de la convention-cadre du TARMED. En effet, cette question a également trait à la légitimation passive des médecins ayant exercés dans une institution de soins ambulatoires et facturés leurs prestations sous le RCC de celle-ci. Il n'en demeure pas moins que le fond du litige concerne une obligation de restitution fondée sur le droit public, à savoir l'art 56 al. 2 LAMal, étant rappelé que la relation juridique entre un fournisseur de prestations et l'assureur-maladie relève en principe toujours du droit public (ATF 139 V 82 consid. 3.1.1).

Partant, la compétence ratione materiae doit être admise.

5.             La compétence en raison du lieu est également donnée, dans la mesure où le tarif du canton de Genève est appliqué et où le défendeur y est établi à titre permanent.

6.             La demande respecte en outre les conditions de forme prescrites par les art. 64 al. 1 et 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA ‑ E 5 10) et est dès lors recevable.

7.             Le litige porte sur la question de savoir si le défendeur est tenu de restituer les prestations facturées par B______, respectivement le D______ de C______, et qui avaient été fournies par les médecins de ces institutions dépourvus d'une autorisation de les facturer à la charge de l'AOS, pendant la période durant laquelle les médecins étaient soumis à la clause du besoin et qui a débuté le 1er juillet 2013.

8.             Le défendeur conteste sa légitimation passive, les prestations en cause ayant été facturées et encaissées par B______ ou le D______ de C______. Se pose dès lors la question de savoir qui doit être considéré comme fournisseur de prestations au sens de l'art. 56 al. 2 LAMal.

8.1 Selon le Tribunal fédéral, les institutions de soins ambulatoires au sens de l'art. 35 al. 1 let. n LAMal constituent une catégorie de fournisseurs de prestations indépendante avec la caractéristique que les prestations offertes sont dispensées par des médecins. Ces médecins, en qualité de salariés de l'institution dispensant des soins ambulatoires pour le compte de celle-ci, ne sont pas considérés comme fournisseurs de prestations, à l'instar des médecins qui sont employés par des hôpitaux ou autres institutions. Les prestations sont fournies au nom et pour le compte de l'institution de soins qui les emploie et qui apparaît comme seul fournisseur de prestations du point de vue de la LAMal (ATF 133 V 613 consid. 6.2 p. 621s.). À ce titre, l'institution de soins a droit à l'attribution de son propre RCC. Seule la personne morale est tenue à restituer des prestations qui dépassent la mesure exigée par l’intérêt de l’assuré et le but du traitement ou ont été touchées de manière indue pour d'autres raisons. Les médecins travaillant pour l'institution de soins ne sont pas tenus à cette obligation de façon individuelle (ATF 135 V 237 consid. 4.4 p. 244s.).

8.2 En l'occurrence, B______ et le D______ de C______ sont reconnues comme institutions de soins ambulatoires dispensés par des médecins et disposent de leurs propres RCC. En application de la jurisprudence précitée, elles sont dès lors considérées comme fournisseurs de prestations et les médecins engagés par ces institutions ne sont pas individuellement responsables de la restitution des prestations indument touchées.

8.3 Toutefois, selon l'art. 9 al. 4 de la convention-cadre TARMED, les médecins ayant adhérés à cette convention et qui exercent sous un même numéro d'enregistrement, s'engagent à être solidairement responsables à l'égard des assureurs-maladie en cas de comportement non conforme à la convention. Celle-ci reprend par ailleurs à son art. 15 al. 1 la teneur de l'art. 56 al. 1 LAMal, en stipulant que les médecins conventionnés doivent limiter leurs prestations à la mesure exigée par l'intérêt de l'assuré et le but du traitement.

Une telle responsabilité solidaire n'est pas prévue par la LAMal.

Se pose en premier lieu la question de savoir si la violation de la clause de besoin, présentement litigieuse, constitue un comportement non conforme à ladite convention.

Tel ne peut être admis. En effet, la clause de besoin a été adoptée par la LAMal à son art. 55a et ne résulte pas des conventions du TARMED. Partant, la violation de cette clause ne peut être qualifiée de comportement contraire à ces conventions.

Par conséquent, l’art. 9 al. 4 de la convention-cadre du TARMED ne s'applique pas au présent litige.

Quoi qu'il en soit, il appert également que cette disposition contractuelle n'est pas valable pour un autre motif, au vu de ce qui suit.

9.             Le défendeur se prévaut des règles de protection contre les engagements excessifs consacrées par l'art. 27 al. 2 CC, selon lequel nul ne peut aliéner sa liberté, ni s’en interdire l’usage dans une mesure contraire aux lois ou aux mœurs.

9.1 En fonction de l'intensité d'un engagement, la restriction à la liberté peut être inadmissible au sens de l'art. 27 al. 2 CC (CR CC – Sylvain MARCHAND, art. 27 ch. 6). La sanction de cette disposition s'applique à tout acte juridique susceptible d'engager la victime de l'atteinte à la personnalité (op. cit. ch. 12).

Pour analyser le caractère excessif d'une atteinte, différents critères doivent être examinés. L'un des critères est l'intensité de l'atteinte. Il repose sur l'examen des conséquences de l'engagement pour celui qui s'oblige, notamment l'ampleur du dommage. Ce critère est également réalisé lorsque la renonciation à la liberté est totale, notamment dans les cas où une personne se remet entièrement à l'arbitraire d'une autre personne. Un autre critère pour analyser le caractère excessif de l'engagement est le caractère imprévisible de l'objet de l'obligation ou de son étendue lors de la naissance de l'obligation (op. cit. ch. 14). L'appréciation du caractère excessif doit généralement se fonder sur une combinaison des différents critères (op. cit. ch. 15). Toutefois, le caractère excessif d'une prestation pécuniaire par rapport à la capacité financière du débiteur n'est pas à prendre en considération (op. cit. ch. 16).

Constituent notamment une atteinte excessive le consentement donné par une caution à tout changement de débiteur (ATF 63 III 409 ; 67 II 128) ou une disposition contractuelle stipulant que « les livres comptables audités de la branche seront réputés décisifs et incontestables aux fins de l'établissement du montant de tous les bénéfices réalisés ou pertes subies à quelque date que ce soit » (CR CC op.cit. ch. 44). Cela est également admis en cas de trop grande dépendance d'une partie à la volonté d'un tiers, d'atteinte à la liberté économique ou de mise en danger de l'existence économique. Une restriction à la liberté économique n'est excessive que si elle livre le débiteur à l'arbitraire de son cocontractant, supprime sa liberté économique ou la limite dans une mesure telle que les bases de son existence économique sont mises en danger (op. cit. ch. 45 et les références citées). S'agissant du critère du caractère indéterminé d'une obligation, le Tribunal fédéral a jugé qu'une cession de créance portant sur toutes les créances futures d'une personne était contraire à l'art. 27 al. 2 CC (ATF 120 II 35). Il en va de même d'une cession de créances à des fins de sûreté dans le cadre d'une location de voiture, lorsqu'elle n'est limitée ni dans le temps ni quant à son objet (ATF 112 II 433).

La sanction de la violation de l'art. 27 al. 2 CC est la nullité relative partielle ou totale de la convention, dans le sens que la partie victime de l'atteinte a le droit de refuser l'exécution de l'engagement (ATF 129 III 209 ; 143 III 486).

9.2 En l'espèce, le défendeur fait valoir que l'art. 9 al. 4 de la convention-cadre du TARMED livre les médecins à l'arbitraire des assureurs. En leur permettant de réclamer la restitution des prestations indument facturées à tous les médecins conventionnés travaillant dans une institution de soins et facturant leurs prestations sous le RCC de l'institution de soins, la liberté économique de ces médecins se trouve atteinte au point que leur existence économique est mise en danger. Si l'institution de soins viole la convention TARMED, les assureurs peuvent en effet à leur guise décider de placer un médecin dans l'indigence au lieu d'agir contre l'institution de soins.

9.3 L'art. 9 al. 4 de la convention-cadre du TARMED oblige les médecins qui y ont adhérés et qui facturent leurs prestations sous le RCC de l'institution de soins, à être solidairement responsables des dettes de celle-ci, lorsqu'elles résultent d'une violation de cette convention. L'objet de cet engagement et son ampleur présentent un caractère totalement imprévisible. En effet, en travaillant pour une institution de soins, les médecins sont dans l'impossibilité de déterminer si leurs collègues et les responsables administratifs de celle-ci agissent en tous points de façon conforme aux conventions du TARMED. La survenance du dommage est inconnue et son ampleur ne peut être déterminée. Cette disposition contractuelle ne précise pas non plus pendant quelles périodes les médecins sont solidairement responsables, notamment si cette solidarité ne concerne que les violations de la convention survenues pendant la durée de l'emploi. De surcroît, le dommage peut être très élevé. Ainsi, B______ a été condamnée à la restitution de CHF 903'475.-, avant compensation, dans le cadre d'une demande émanant d'un seul groupe d'assureurs concernant un cas de violation de la clause de besoin (arrêts du Tribunal fédéral 9C_252/2022 et 9C_253/2022 du 15 mai 2023). Dans la présente procédure, la restitution de CHF 450'708.- est réclamée au défendeur. À l'évidence, de telles réclamations mettraient en danger l'existence économique du défendeur ou des autres médecins travaillant ou ayant travaillé pour B______ et le D______ à C______. Ceux-ci sont également exposés à l'arbitraire des assureurs-maladie qui peuvent librement choisir, parmi l'institution de soins et les médecins qu'elle emploie, le débiteur de leur créance en restitution.

Compte tenu de ces considérations, l'art. 9 al. 4 de la convention-cadre du TARMED doit être déclarée relativement nulle, dans le sens que les médecins conventionnés ont le droit de refuser l'exécution dudit engagement solidaire.

10.         Au vu de ce qui précède, la demande sera rejetée.

11.         Le défendeur obtenant entièrement gain de cause, la demanderesse sera condamnée à lui verser une indemnité de CHF 3'000.- à titre de dépens.

12.         La procédure devant le Tribunal arbitral n’étant pas gratuite (cf. art. 46 LaLAMal), les frais de la procédure, de CHF 2'000.-, et l'émolument de justice, fixé à CHF 800.-, seront mis à la charge de la demanderesse.

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL ARBITRAL DES ASSURANCES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare la demande recevable.

Au fond :

2.        La rejette.

3.        Met un émolument de justice de CHF 800.- et les autres frais du Tribunal de CHF 2'000.- à la charge de la demanderesse.

4.        La condamne à verser au défendeur la somme de CHF 3'000.- à titre de participation à ses frais et dépens.

5.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Christine RAVIER

 

La présidente

 

 

 

 

Maya CRAMER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l'Office fédéral de la santé publique par le greffe le