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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1753/2021

ATAS/347/2022 du 08.04.2022 ( ARBIT ) , IRRECEVABLE

Recours TF déposé le 10.06.2022, rendu le 20.09.2022, IRRECEVABLE, 9C_323/2022
En fait
En droit
Par ces motifs

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1753/2021 ATAS/347/2022

ARRET

DU TRIBUNAL ARBITRAL

DES ASSURANCES

du 8 avril 2022

 

En la cause

CLINIQUE A______ SA, sise à GENÈVE

et

Docteur B______, domicilié à ONEX,

comparant tous deux avec élection de domicile en l'étude de Maître Yvan JEANNERET

 

demandeurs

contre

PAKODIG TARMED, c/o FMH Division Médecine et tarifs ambulatoires, Baslerstrasse 47, OLTEN, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Olivier FRANCIOLI

 

défenderesse

 

EN FAIT

A.         La Clinique A______ SA (ci-après la Clinique), dont la direction hospitalière est gérée par le docteur B______, est enregistrée auprès de la SASIS comme hôpital spécialisé en chirurgie et porte le numéro de registre des codes créanciers (ci-après : RCC) C 716925, lequel l'autorise à facturer à charge de la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 18 mars 1994.

B.       a. Le 9 février 2007, la Clinique a rempli les formulaires d'auto-déclaration pour la reconnaissance des unités fonctionnelles pour ses trois salles d'opération. Elle a déclaré le 10 avril 2007 adhérer en tant que membre des Hôpitaux de Suisse - H+ à la convention-cadre TARMED signée par les Hôpitaux de Suisse - H+ et SANTESUISSE le 5 juin 2002.

b. H+ ont confirmé, lors d’un échange intervenu en 2017par courriel du
4 octobre 2017, qu'ils avaient retrouvé un dossier contenant ces formulaires.

c. Ayant été informée de ce qu'une seule unité fonctionnelle (la salle d'OP3) était enregistrée auprès de la commission paritaire pour la valeur intrinsèque et les unités fonctionnelles (ci-après la PaKoDig), la Clinique s'en est inquiétée auprès de H+ le 9 septembre 2020. Il lui a été répondu, le même jour, que les documents d'auto-déclaration couvraient les trois salles. Le 16 septembre 2020 toutefois, il lui a été indiqué qu'elles n'étaient pas enregistrées dans la base de données des unités fonctionnelles des hôpitaux, étant précisé, d’une part, que « nous avons bien votre dossier (papier) dans nos classeurs, mais votre clinique n'a jamais été enregistrée » et, d’autre part, qu'« il est possible que vos médecins soient enregistrés dans la base de données des unités fonctionnelles de la FMH ».

C.      a. Par courrier du 17 septembre 2020, la Clinique a demandé à H+ de procéder sans délai à l'enregistrement de ses trois salles auprès de la PaKoDig et ceci de manière rétroactive à la date de réception des formulaires d'auto-déclaration.

b. Le 22 septembre 2020, H+ ont reconnu que la Clinique leur avait fait parvenir une auto-déclaration en avril 2007, mais ont constaté que celle-ci ne permettait pas de savoir clairement si la Clinique était active en tant que prestataire de services au sens de la LAMal ou en tant que prestataire de services mettant l’infrastructure à disposition de médecins affiliés. H+ ont expliqué qu'en octobre 2007, deux délégués H+ de la PaKoDig avaient effectué une inspection des locaux et avaient informé les responsables de la Clinique sur la procédure et la marche à suivre pour soumettre une demande à la PaKoDig. Or, aucune demande d’inscription ou de traitement de la base de données de la PaKoDig n’avait été présentée par la suite. Aussi, la Clinique n’avait-elle pas été inscrite comme prestataire de services hospitaliers dans la banque de données des unités fonctionnelles. H+ ont supposé que les informations avaient été données aux responsables de la Clinique, au moment de l'inspection, verbalement seulement, et en ont conclu que le fait que ce n'ait pas été consigné par écrit devait être jugé rétrospectivement comme une omission de leur part, ce qu'ils regrettaient.

Le 22 octobre 2020, H+ ont tenu à souligner qu'ils n'étaient pas responsables du non-suivi de la demande d’enregistrement formulée par la Clinique en 2007, considérant qu’il incombait à celle-ci de s’assurer que sa demande avait été traitée et approuvée par la PaKoDig et que les unités fonctionnelles avaient été reconnues et introduites dans la banque de données. H+ ont toutefois assuré à la Clinique qu’ils soutiendraient la demande de reconnaissance des prestations en salles d’opération que celle-ci s'apprêtait à déposer auprès de la PaKoDig, sous réserve qu’elle soit conforme aux exigences. Ils ont ajouté qu'« il appartient in fine à la commission paritaire pour la valeur intrinsèque et les unités fonctionnelles de décider de la date d’entrée en vigueur de la reconnaissance des unités fonctionnelles demandée ».

c. Par courrier du 12 novembre 2020, la Clinique a sollicité de la Fédération des médecins suisses - FMH, division médecine et tarif ambulatoire, qu'il soit statué sur la demande qu'elle avait déposée en 2007 en vue de l'inscription de ses unités fonctionnelles avec effet au 1er avril 2007.

d. Par décision datée du 9 décembre 2020, la PaKoDig a admis la reconnaissance des deux unités fonctionnelles "OP II" (salles d'OP1 et salle d'OP2) conformément au concept des unités fonctionnelles Tarmed, à partir du 1er octobre 2020.

Elle a motivé sa décision comme suit :

« Les indications de l'auto-déclaration correspondent à la situation sur le terrain et aux critères du concept des unités fonctionnelles, elle peut donc reconnaitre l'unité fonctionnelle "OP II". L'inscription dans la banque de données des unités fonctionnelles aura lieu le 1er octobre 2020 ».

Elle a par ailleurs ajouté, s'agissant de l'unité fonctionnelle "OPCab" (salle d'OP3), que celle-ci, en application de la décision 2011, était reconnue depuis cette date, raison pour laquelle elle n'avait pas été incluse dans la discussion, ni dans la décision.

Par courriel du 14 décembre 2020, la FMH a informé la Clinique que la PaKoDig avait accepté la demande pour les deux salles d'opération 1 et 2 à partir du
1er octobre 2020, et qu’une « décision officielle » allait lui parvenir le plus vite possible. Elle a prié la Clinique de lui transmettre des documents complémentaires « afin que la question d'une reconnaissance dès 2007 puisse être examinée ».

La Clinique a transmis les documents demandés le 27 janvier 2021.

e. Le 23 février 2021, la Clinique a formé opposition à la décision du
9 décembre 2020, reçue le 28 janvier 2021, concluant à ce que l'inscription dans la banque de données des unités fonctionnelles intervienne avec effet au
1er avril 2007.

f. La FMH a communiqué à la Clinique le 19 avril 2021, une nouvelle "décision" de la PaKoDig, intitulée « votre demande de reconnaissance rétroactive pour les deux unités fonctionnelles opératoires "OP II" du 1er octobre 2020 au 1er avril 2007 », et datée du 31 mars 2021, confirmant sa décision du 9 décembre 2020. La PaKoDig a à cet égard expliqué qu'elle n'avait pas été en mesure de prendre de décision à l'unanimité, raison pour laquelle il ne lui avait pas été possible d'accéder à la demande de reconnaissance rétroactive.

g. Le 30 avril 2021, la Clinique, représentée par Maitre Yvan JEANNERET, a considéré que la "décision" était nulle et a invité la PaKoDig à lui notifier une décision formelle avec l'indication des voies de recours. Elle lui a également demandé copie des textes conventionnels et légaux applicables.

Celle-ci ne s’est pas manifestée.

D.      a. La Clinique et le Dr B______, représentés par Me Yvan JEANNERET, ont saisi le 19 mai 2021 le Tribunal arbitral d’un « recours » contre la « décision » du 31 mars 2021 de la PaKoDig. Ils concluent à la constatation de la nullité de ladite « décision », et à sa réformation, en ce sens que les salles d’opération 1 et 2 soient inscrites dans la base de données des unités fonctionnelles de la PaKoDig avec effet au 1er avril 2007 sous la catégorie OP II.

Ils attirent l’attention du Tribunal arbitral sur le fait qu’Helsana Assurances a assigné la Clinique le 28 octobre 2020 par-devant la même juridiction en paiement d’une somme de CHF 2'402'311.61, au motif précisément que les salles OP I/OP II n'avaient pas d’accréditation (cause A/3464/2020), ce quand bien même les salles d'opération avaient de tout temps été agréées par les autorités sanitaires genevoises.

Le Tribunal arbitral a ordonné la suspension de la cause A/3464/2020 le 5 janvier 2021 d'accord entre les parties.

b. Par écritures du 12 juillet 2021, la FMH, Curafutura, SANTESUISSE, H+ et CTM, en leur qualité de partenaires tarifaires parties au contrat relatif aux travaux de commission de la Commission paritaire d'interprétation - CPI - et de la PaKoDig, représentées par Me Olivier FRANCIOLI, se sont déterminées sur « le recours » interjeté par la Clinique. Elles relèvent que :

- PaKoDig n’est ni une autorité, ni une commission administrative, elle ne dispose pas de la personnalité juridique et n’a donc pas la qualité d’être partie,

- le litige n’oppose pas un fournisseur de prestations à un ou à des assureurs et ne relève donc pas de la compétence du Tribunal arbitral,

- le Tribunal arbitral n’est pas une instance d’appel ou de recours contre des décisions de commissions instituées par des conventions entre partenaires tarifaires.

c. Le Tribunal de céans a ordonné la comparution personnelle des parties le 13 juillet 2021. Le mandataire de la Clinique a déclaré que le Tribunal administratif fédéral, qu’il avait également saisi, avait suspendu la cause jusqu’à droit jugé à Genève.

À l’issue de l’audience, un délai au 30 juillet 2021 a été imparti à la PaKoDig pour qu’elle se détermine sur la question de la compétence du Tribunal.

d. Dans ce délai, la PaKoDig a répété qu’elle n’avait pas la capacité d’ester en justice puisqu’elle était une commission instituée par un contrat conclu entre plusieurs partenaires tarifaires.

Elle rappelle également que la procédure devant les tribunaux arbitraux relève du contentieux par voie d’action, de sorte qu'elle ne pouvait pas non plus participer à la procédure en qualité d’instance intimée et que le tribunal arbitral est compétent pour juger les litiges entre assureurs et fournisseurs de prestations, alors qu’elle était une commission paritaire composée de partenaires tarifaires représentant à la fois les intérêts des différentes assurances sociales et ceux des fournisseurs de prestations (FMH et H+).

Elle fait valoir que le Tribunal arbitral n’est compétent ni à raison de l’objet du litige, ni à raison des parties au litige.

Elle considère du reste que le Tribunal arbitral ne pourrait se constituer, dès lors que PaKoDig n'est pas en mesure de désigner les arbitres appelés à siéger dans le cas d’espèce.

Elle conclut ainsi, principalement, à ce que le « recours » soit déclaré irrecevable, et subsidiairement, à ce qu’il soit rejeté.

e. Dans ses écritures du 26 août 2021, la Clinique a quant à elle relevé que « tant la commission que les membres qui la composent se sont reconnus, ont constitué un avocat et ont pris activement part à la présente procédure. Ils n’ont donc nullement été lésés par une éventuelle désignation inexacte, laquelle serait le cas échéant rectifiée par le Tribunal arbitral. On ne se trouve de surcroît aucunement dans un cas de substitution de partie puisque la PaKoDig elle-même prétend ne pas exister ».

S'agissant de la compétence du Tribunal arbitral, elle souligne que la contestation porte bien sur la situation d’un prestataire de services, soit la Clinique dans le cadre de la LAMal, ce qui est corroboré par la demande déposée par l’assureur Helsana en restitution des prestations LAMal en raison d’un prétendu défaut d’inscription auprès de la PaKoDig des unités fonctionnelles de la Clinique.

Elle constate enfin que la PaKoDig soutient l’incompétence matérielle du Tribunal arbitral, sans toutefois dire quelle serait alors l'autorité compétente.

f. Par courrier du 27 août 2021, la PaKoDig a sollicité du Tribunal arbitral que la question de son incapacité d’être partie soit tranchée à titre préalable, puisque cette question était uniquement du ressort du président du Tribunal arbitral en qualité de juge unique.

g. Par ordonnance du 8 novembre 2021, la Présidente du Tribunal arbitral a considéré que les questions de la compétence matérielle pour traiter le présent litige et de la capacité d’ester de la PaKoDig ne pouvaient être tranchées qu’avec la participation de deux arbitres et a invité cette dernière à désigner un arbitre parmi les représentants des assureurs.

h. Le 7 décembre 2021, le mandataire, agissant au nom des partenaires tarifaires parties au contrat relatif aux travaux de commission de la CPI et de la PaKoDig, a répété que cette dernière ne disposant ni de la personnalité juridique, ni a fortiori de la jouissance de droits civils (art. 53 CC), elle ne pouvait désigner un arbitre.

i. Par courrier du 16 décembre 2021, la Présidente du Tribunal arbitral a constaté que la PaKoDig n’avait pas donné suite à son ordonnance du 8 novembre 2021 et lui a imparti un délai au 7 janvier 2022 pour s’y conformer, à défaut de quoi elle désignerait elle-même l’arbitre.

j. La PaKoDig en a pris note le 7 janvier 2022, mais a persisté à ne pas choisir d’arbitre.

k. Le 8 février 2022, la Présidente du Tribunal de céans a désigné Madame C______, représentante des assureurs maladie, comme arbitre de la PaKoDig.

 

 

EN DROIT

1.        En l'espèce, la Clinique et le médecin ont saisi le Tribunal arbitral le 19 mai 2021 d'un « recours » interjeté contre une « décision » du 19 avril 2021 de la PaKoDig, confirmant celle du 9 décembre 2020.

2.        Le litige porte sur l'inscription des salles d’opération de la Clinique dans la banque de données des unités fonctionnelles des hôpitaux avec effet au 1er avril 2007.

Il convient toutefois d'examiner en premier lieu la compétence du Tribunal arbitral pour connaître de la contestation portée devant lui par la Clinique et le médecin. Il s'agit là d'une question qui doit être examinée d'office par le Tribunal de céans
(art. 11 al. 2 LPA).

La PaKoDig a expressément soulevé l'exception d'incompétence et fait valoir qu'elle n'avait, quoi qu'il en soit, pas la capacité d'ester en justice.

3.        Il importe ici de rappeler que, par ordonnance du 8 novembre 2011, la Présidente du Tribunal de céans a considéré que la compétence de la juridiction et la capacité d’ester étaient des questions de fond qui ne pouvaient être tranchées que par le Tribunal arbitral dans sa composition ordinaire et paritaire (art. 89 al. 4 LAMal et 39 LaLAMal), et non par son seul président.

Les arbitres ont été désignés. Le Tribunal a ainsi été constitué.

4.        Selon l'art. 89 al. 1 de la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 18 mars 1994 (LAMal - RS 832.10), le Tribunal arbitral cantonal statue sur les litiges entre assureurs et prestataires de services. Le Tribunal arbitral compétent est celui dont le tarif est appliqué ou du canton dans lequel le fournisseur de prestations est installé à titre permanent (art. 89 al. 2 LAMal). La procédure est régie par les cantons
(art. 89 al. 5 LAMal).

Ni la loi ni l'ordonnance ne précisent ce qu'il faut entendre par litige au sens de cette disposition. Selon la jurisprudence relative à l'ancien art. 25 al. 1 LAMA, mais également applicable sous le nouveau droit, il faut partir d'une définition large de la notion, en ce sens que la compétence matérielle doit être affirmée pour tous les litiges entre assureurs-maladie et fournisseurs de prestations, si et dans la mesure où ils ont pour objets des rapports juridiques qui découlent de la LAMal ou qui ont été conçus sur la base de celle-ci. Sont ainsi considérées comme litiges dans le cadre de la LAMal les contestations portant sur des questions relatives aux honoraires ou aux tarifs. En outre, le litige doit opposer les assureurs et les prestataires de services. En d'autres termes, l'objet du litige doit concerner la position spécifique des assureurs ou des prestataires de services dans le cadre de la LAMal (ATF 132 V 303 consid. 4.1).

5.        5.1 La compétence du Tribunal est définie, tout d'abord, quant à la nature du litige : il faut que la contestation entre les parties porte sur des questions découlant de la LAMal.

La LAMal définit les conditions matérielles que les fournisseurs de prestations doivent remplir pour être admis à pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins (art. 35 ss LAMal). La loi ne prévoit cependant pas de procédure formelle d'admission et il appartient aux assureurs de vérifier que le fournisseur de prestations remplit effectivement les conditions légales pour pratiquer à charge de l'assurance obligatoire des soins. Le fournisseur auquel un assureur refuse de prendre en charge une prestation au motif qu'il ne remplit pas les conditions légales pour pratiquer à charge de l'assurance obligatoire des soins, peut porter son différend devant le tribunal arbitral au sens de l'art. 89 LAMal
(K 97/03 consid. 1.1).

5.2 Le Tribunal fédéral a eu l'occasion d'examiner la compétence d'un tribunal arbitral cantonal pour connaître d'un litige opposant un fournisseur de prestations à SANTESUISSE à propos de l'attribution par celle-ci d'un code RCC
(9C 214/2017 ; ATF 132 V 303 ; K 153/05).

Le Tribunal fédéral a souligné le fait qu'un code RCC est attribué sur requête, que le rejet de la demande correspond en conséquence à un acte unilatéral revêtant les caractéristiques d'un acte de puissance publique et que les conditions juridiques et matérielles nécessaires à l'obtention d'un code RCC ressortissent toutes au droit public, plus précisément la LAMal. Il a également relevé que l'attribution d'un code RCC sert principalement des intérêts publics, soit ceux des acteurs du système de l'AOS, qu'il s'agisse de l'assureur, en tant qu'organe d'exécution prévu par le droit fédéral, de l'assuré ou du fournisseur de prestations. Aussi, constatant que l'action ouverte devant le tribunal arbitral par le fournisseur de prestations visait à ce que SANTESUISSE l'admette à pratiquer à charge de l'assurance obligatoire et à ce que celle-ci communique la reconnaissance de ce statut à l'ensemble de ses membres,
a-t-il jugé que le tribunal arbitral était compétent.

5.3 En l'espèce, il appartient à la PaKoDig de surveiller la banque de données des valeurs intrinsèques, de contrôler les dispositions conformément au concept des unités fonctionnelles et d'approuver les reconnaissances d'unités fonctionnelles (p.ex. celle de la salle d'OP 1). Elle doit aussi décider de la date d’entrée en vigueur de la reconnaissance des unités fonctionnelles demandée, ce que H+ ont, du reste confirmé dans leur courrier du 22 octobre 2020. La PaKoDig exerce ainsi une obligation de droit public incombant aux assureurs-maladie. Elle statue sur l'admission d'un fournisseur de prestations à pratiquer à charge de l'assurance obligatoire des soins, lorsqu'elle considère qu'une salle d'opération remplit les conditions requises.

On pourrait ainsi raisonner par analogie avec les cas d'attribution du code RCC. En effet, lorsqu'elle attribue un tel code à un fournisseur de prestations, SANTESUISSE (la SASIS dès 2017) considère que celui-ci réalise les conditions légales d'admission à pratiquer à charge de l'assurance obligatoire des soins. Il en est de même lorsque la PaKoDig accepte d'inscrire une salle d'opération dans la banque de données des unités fonctionnelles des hôpitaux après avoir contrôlé si elle répond aux exigences préalablement définies.

La question de la compétence à raison de l’objet du litige du Tribunal arbitral peut toutefois rester ouverte, au vu de ce qui suit.

6.        Il y a en effet lieu de rappeler que la compétence du Tribunal arbitral est également limitée par le fait que la loi désigne de manière non équivoque les parties pouvant être liées à une contestation, à savoir les assureurs, d'une part, et les fournisseurs de prestations, d'autre part.

6.1 En l'espèce, la Clinique est un fournisseur de prestations au sens l'art. 35 al. 2 let. h et 39 al. 1 let. d et e LAMal. Elle est installée à Genève à titre permanent. Elle a ainsi incontestablement la qualité pour saisir le Tribunal de céans.

Elle a en l'occurrence interjeté recours contre une décision de la PaKoDig. Il convient dès lors de déterminer si celle-ci peut ou non être considérée comme un assureur.

6.2 Les assureurs comprennent les caisses-maladies qui pratiquent l'assurance-maladie sociale au sens de la LAMal (art. 2 de la loi sur la surveillance de l'assurance-maladie - LSAMal) et les institutions d'assurances privées pratiquant l'assurance-maladie sociale et bénéficiant de l'autorisation prévue aux art. 4 à 11 LSAMal (art. 3 LSAMal).

La PaKoDig a été instituée par un accord entré en vigueur le 1er janvier 2019
(pce 18) convenu par les partenaires tarifaires, soit d'une part, H+ et FMH, et d'autre part, SANTESUISSE, les assureurs selon la loi fédérale sur l'assurance-accidents, la commission des tarifs médicaux LAA (CTM), l'office fédéral de l'assurance militaire (OFAM), l'assurance-invalidité (AI). Elle est une commission paritaire, composée de huit personnes, soit des représentants à nombre égal de H+, FMH et SANTESUISSE, ainsi que deux représentants de la Commission des tarifs médicaux (CTM/AI/OFAM). Au sein de la PaKoDig siègent également tous les partenaires tarifaires TARMED – la FMH, H+ et SANTESUISSE.

6.3 La PaKoDig représente ainsi les intérêts des assureurs et ceux des fournisseurs de prestations à la fois.

Or, dans un arrêt du 24 juillet 2006, le Tribunal arbitral a considéré qu'il n'était pas compétent pour se prononcer sur un litige opposant un médecin à une commission paritaire composée elle aussi d'assureurs et de fournisseurs de prestations
(ATAS/668/2006 ; Tribunal arbitral bernois du 17 mars 2016, 214 1136 SCHG).

Il sied du reste de constater que dans les causes traitées par le Tribunal fédéral et mentionnées au considérant 5.2 ci-dessus, le fournisseur de prestations s'oppose à SANTESUISSE, laquelle représente les assureurs et, dispose quant à elle, en sa qualité d'association au sens des art. 60 ss du Code civil, de la capacité d'ester (cf art. 17 statuts SANTESUISSE).

Force est ainsi de constater que la PaKoDig n'étant ni un fournisseur de prestations, ni un assureur, le litige dont le Tribunal de céans a été saisi n’oppose pas un fournisseur de prestations à un ou à des assureurs et ne relève donc pas de sa compétence à raison des parties.

Le recours ne peut dans ces conditions qu'être déclaré irrecevable.

7.         

7.1 Aux termes de l'art. 11 al. 3 LPA, si l'autorité décline sa compétence, elle transmet d’office l’affaire à l’autorité compétente et en avise les parties. Il s'agit dès lors de déterminer quelle est l'autorité compétente, étant rappelé que les décisions litigieuses ne mentionnent pas de voies de droit.

7.2 En l'espèce, la PaKoDig a rendu une décision le 9 décembre 2020, reçue par la Clinique le 28 janvier 2021. Cette décision se réfère au contrat relatif aux travaux des commissions CPI et PaKoDig, entré en vigueur le 1er janvier 2019, et à son annexe 2, selon lesquels le contrôle et l'application opérationnelle du concept des unités fonctionnelles relèvent de sa compétence. Au fond, la PaKoDig a accepté la demande déposée par la Clinique au 1er octobre 2020.

Le 23 février 2021, la Clinique a contesté la date retenue par la PaKoDig. Elle rappelle que sa demande visait à la reconnaissance des unités fonctionnelles dès le 1er avril 2007 déjà.

Le 31 mars 2021, la PaKoDig a répondu négativement et ainsi confirmé sa décision du 9 mars 2020.

7.3 Il convient préalablement de déterminer quel type de décision a rendu la PaKoDig le 31 mars 2021.

On ne sait, faute de précision donnée par la PaKoDig elle-même, si celle-ci
a entendu rendre une décision sur opposition ou compléter la décision du
9 décembre 2020. Considérant toutefois qu'elle s'est prononcée sur la même question dans les deux décisions, à savoir la reconnaissance des mêmes salles d'opération, ce en réponse à une seule et même demande, on pourrait considérer que la décision du 31 mars 2021 constitue un complément à celle du
9 décembre 2020, ce d'autant plus que la PaKoDig n'a aucune compétence reconnue pour se déterminer sur opposition.

7.4 En l'occurrence, une Convention-cadre TARMED a été signée le 5 juin 2002 par la FMH, d’une part, et par SANTESUISSE, d’autre part. Selon son art. 7,

« 1 Les parties conviennent que le concept pour la reconnaissance des unités fonctionnelles selon TARMED et le concept « valeur intrinsèque » TARMED 9.0, tous deux adoptés par la direction du projet TARMED, servent de base pour la reconnaissance des infrastructures et des valeurs intrinsèques.

2 Tout médecin adhérant à la présente convention, qu'il soit membre ou non de la FMH, doit satisfaire aux critères de reconnaissance. Le respect de ces critères est une condition pour obtenir l'autorisation de facturation ».

La Convention-cadre TARMED a été résiliée et les commissions prévues par cette convention ont été dissoutes le 23 mars 2017. Considérant toutefois que la PaKoDig et la commission paritaire d'interprétation (CPI) devaient continuer à exister, H+, FMH, CURAFUTURA, SANTESUISSE, la CTM, l'assurance-invalidité et l'assurance militaire ont conclu un accord en ce sens. Cet accord
(pce 18) est entré en vigueur le 1er janvier 2019 (art. 10). Il y est prévu que les décisions des commissions sont prises à l'unanimité, sous réserve des voies de recours prévues par les conventions et bases juridiques applicables.

7.5 Aux termes de l'art. 8 de l'annexe II de l'accord, la Commission paritaire de confiance (CPC) est l'autorité compétente pour se prononcer sur les oppositions formées aux décisions de la PaKoDig. Le chiffre 6 de l'annexe A déterminant les critères de reconnaissance de la salle d'opération en cabinet, OP I, OP II et OP III, faisant partie du concept sur la "reconnaissance des unités fonctionnelles TARMED" version 2.8 (remplaçant la version 2.7 du 13 juillet 2017) approuvés par le comité directeur TARMED Suisse et en vigueur depuis le 19 mars 2018, chiffre 6 intitulé "procédure de reconnaissance" prévoit que :

« 1. Tous les prestataires de soins qui ont soussigné aux contrats –cadre TARMED conclus entre partenaires prestataires et assureurs et qui désirent facturer des prestations des unités fonctionnelles salle OP en cabinet. OP I, OP II; OP III sont invités à livrer les données concernant leurs infrastructures au moyen des formulaires d'auto-déclaration. Le droit à la facturation sera donné dès le moment que le prestataire trouve les paramètres dans la banque de données relative à la reconnaissance des infrastructures.

2. Institution responsable :

- Pour les questions stratégiques TARMED Suisse

- Pour les questions opérationnelles

Traitement technique des demandes H+ ou FMH

Décisions PaKoDIG

- En cas de litiges ou sanctions CPC respective ».

La CPC était prévue à l’art. 17 de la convention-cadre TARMED de 2002, avec la liste des tâches qui pouvaient lui être confiées, soit notamment l'arbitrage de litiges entre médecins et assureurs (let. c), la vérification de factures contestées de médecins (let. d), la vérification du bien-fondé de traitements médicaux par rapport aux critères d'efficacité, d'adéquation et d'économicité (annexe 6) (let. e) ou encore la prescription de sanctions à l'égard de médecins ou d'assureurs en cas de violation de la LAMal ou de ses ordonnances, de la convention-cadre SANTESUISSE-FMH, de ses annexes ou des conventions supra-cantonales, cantonales ou régionales
(let. f). Une convention conclue par H+ d'une part et les assureurs d'autre part, le
19 janvier 2004, concerne expressément la CPC (Annexe 3). Il y est indiqué que celle-ci traite les demandes de conciliation, en émettant des propositions dans un délai déterminé et que s'il s'avère qu'elle a été dans l'impossibilité de soumettre aux parties une proposition dans ce délai, le Tribunal arbitral compétent au sens de l'art. 89 LAMal peut être saisi.

La CPC n'est en revanche plus mentionnée dans l'accord intervenu en 2019. Sa composition, plus particulièrement, n'est pas précisée. L'art. 10 de la Convention-cadre TARMED – énumérant les sanctions qu'elle peut prendre - et l'art. 17 n'ont pas été repris. Elle n'apparaît qu'à l'art. 8 de l'annexe II de l'accord entrée en vigueur en 2019 et au chiffre 6 al. 2 de l'annexe A du concept sur la « reconnaissance des unités fonctionnelles TARMED ». On devrait, dans ces conditions, douter de la compétence de la CPC.

Il y a toutefois lieu de rappeler qu'un texte s'interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Il n'y a lieu de déroger au sens littéral d'un texte clair par voie d'interprétation que lorsque des raisons objectives permettent de penser que ce texte ne restitue pas le sens véritable de la disposition en cause (arrêt du Tribunal fédéral 9C_630/2020 du 8 septembre 2021 consid. 5.1). Or, en l'occurrence, les textes de l'art. 8 de l'annexe II de l'accord et du chiffre 6 de l'annexe A sont absolument clairs et aucune autre interprétation n'est possible. Force dès lors est de s'y fier.

8.        Il convient, partant, de considérer que l'autorité compétente est la CPC, à laquelle il se justifie dès lors de renvoyer la présente cause, à charge pour elle de notifier à la Clinique une décision dûment motivée et indiquant les voies de droit. Il est vrai qu'aucune CPC n'a, semble-t-il, encore été créée dans le canton de Genève (cf notamment ATAS/638/2019). Aussi la cause sera-t-elle renvoyée à la CPC avec pour adresse la PaKoDig.

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL ARBITRAL DES ASSURANCES:

1.        Déclare le recours irrecevable.

2.        Transmet la cause à la CPC c/o PaKoDig.

3.        Met les frais de la procédure de CHF 5'597.50 et un émolument de justice de CHF 2'500.- à la charge des parties, à parts égales.

4.        Compense les dépens.

5.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

 

La greffière

 

 

 

 

Marguerite MFEGUE AYMON

 

La présidente suppléante

 

 

 

 

Doris GALEAZZI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l'Office fédéral de la santé publique par le greffe le

 

 

 

 

 

Et pour information au Tribunal administratif fédéral