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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3809/2023

ATAS/188/2024 du 20.03.2024 ( CHOMAG ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3809/2023 ATAS/188/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 20 mars 2024

Chambre 4

 

En la cause

A______

 

recourant

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’intéressé ou le recourant) est né le ______ 1983 à Charleville-Mézières et ressortissant français.

b. Dès 2020, il a travaillé à Genève pour B______ SA, qui l’a licencié le 19 janvier 2023 avec effet au 24 février suivant.

c. L’intéressé s’est inscrit à l’office cantonal de l’emploi (ci-après : l’OCE ou l’intimé) le 16 mars 2023 pour un placement dès le même jour.

d. Le 8 mai 2023, Monsieur C______, résidant à Ville-la-Grand en France, a attesté que son frère avait quitté son domicile le 15 février 2023.

e. L’OCE a demandé une enquête sur le domicile de l’intéressé, au motif que sa lettre de congé lui avait été adressée en France et qu’il était titulaire d’un permis G avant l’annonce de son arrivée à Genève le 15 février 2023.

f. Selon le rapport d’entraide administrative interdépartementale de l’office cantonal de la population et des migrations (OCPM) du 5 juin 2023, l’enquêteur avait contacté la régie de l’immeuble où résidait Madame D______ (la sœur de l’intéressé) et appris que celle-ci et son époux étaient locataires d’un cinq pièces situé à la rue E______, depuis le 1er novembre 2020 et que le nom de l’intéressé lui était inconnu.

Le 23 mai 2023, une collaboratrice du pôle administratif du service des affaires générales et État civil de Ville-La-Grand avait indiqué que l’intéressé n’était pas propriétaire d’un bien immobilier sur la commune, ni inscrit sur les listes électorales. L’enquêteur relevait ne disposer d’aucun renseignement concernant l’intéressé et que la législation française en vigueur ne prévoyait pas une obligation d’annonce lors de l’arrivée d’un administré sur le territoire communal concerné.

L’enquêteur s’était rendu à l’adresse officiel de l’intéressé, soit chez la sœur de celui-ci, le 30 mai 2023 à 10h10. Lors de son passage, il n’avait constaté aucune inscription du nom de l’intéressé sur les plaquettes figurant sur la boîte aux lettres, la sonnette de l’interphone ou la porte palière. Il avait sonné à plusieurs reprises et frappé à la porte de l’appartement sans réponse.

Le 31 mai 2023 à 17h35, l’enquêteur avait rencontré le concierge, qui avait identifié la famille auprès de laquelle l’intéressé était domicilié et précisé que sa dernière rencontre avec celui-ci remontait à deux ou trois ans environ, lorsqu’il était venu débarrasser une moto déposée sur le parking de sa soeur. Le concierge avait affirmé que l’intéressé n’habitait pas chez celle-ci. En vue de vérifier la véracité des propos tenus par le concierge, l’enquêteur avait contrôlé des informations communiquées par celui-ci relatives à la situation familiale du beau-frère de l’intéressé et constaté que celles-ci étaient correctes (à savoir que celui-ci avait un fils et une fille née d’une première union, tous deux majeurs avec un domicile différent de leur père).

Le 31 mai 2023 à 17h45, la sœur de l’intéressé lui avait déclaré qu’elle l’hébergeait depuis janvier 2023. Elle lui avait suggéré de repasser vers 19h30 ou 20h pour le voir, précisant qu’il était jeune et pas toujours à la maison. Elle n’avait pas indiqué où il se trouvait. Elle avait proposé à l’enquêteur d’entrer, ce qu’il n’avait pas accepté compte tenu de l’absence de l’intéressé.

Le 5 juin 2023 à 7h15, l’enquêteur s’était rendu une dernière fois chez la sœur de l’intéressé. Le mari de celle-ci lui avait déclaré que l’intéressé habitait bien chez eux et qu’il ne savait pas où il se trouvait actuellement.

Les informations électroniques reçues des services postaux indiquaient que l’intéressé n’était pas enregistré dans leur système alors que ceux obtenus en ligne indiquaient la validité de l’adresse du domicile de l’intéressé. S’agissant de ces informations discordantes, l’enquêteur remarquait que ces informations indiquaient une distribution possible du courrier à l’intéressé du simple fait que son patronyme était indiqué sur la boîte aux lettres.

L’enquêteur concluait qu’il n’était pas en mesure d’affirmer que l’intéressé était domicilié chez sa sœur.

g. Par décision du 6 juillet 2023, l’OCE a considéré que l’intéressé ne remplissait pas la condition de la domiciliation effective à Genève depuis le 16 mars 2023 et a nié son droit à l’indemnité de chômage dès cette date.

h. L’intéressé a formé opposition à cette décision le 4 août 2023, faisant valoir qu’il n’avait pas mis son nom sur la boîte aux lettres car celui de sa sœur s’y trouvait déjà, sans mention de son prénom.

Ses dernières fiches de salaire lui avaient été adressées en France, car il n’avait pas informé son employeur de sa nouvelle adresse immédiatement après son déménagement en Suisse le 15 février 2023.

Le concierge de l’immeuble de sa sœur ne résidait pas dans le même bâtiment que celle-ci et ses affirmations sur sa domiciliation n’avaient aucune validité car même sa sœur le croisait rarement.

i. Par décision sur opposition du 16 octobre 2023, l’OCE a estimé que l’intéressé n’avait apporté aucun élément nouveau permettant de revoir la décision litigieuse. Il était établi qu’il s’était inscrit à l’OCE le 16 mars 2023 en donnant pour adresse celle de sa sœur au Grand-Saconnex. Il s’agissait d’un appartement de cinq pièces occupé par cette dernière, son époux et leurs deux filles. Il était également avéré qu’il avait annoncé à l’OCPM son arrivée à cette adresse le 15 février 2023 en provenance de Ville-La-Grand, soit durant son délai de congé, ayant vécu jusqu’alors, selon ses dires, chez son frère qui résidait à Ville-La-Grand. Bien qu’invité à produire le contrat de bail de ce logement, l’intéressé avait indiqué qu’il n’en avait pas. Il avait allégué des tensions avec ce frère, sans en apporter la preuve, étant souligné que son frère avait, le 8 mai 2023, établi une attestation de fin de bail de l’intéressé et que celui-ci était absent lors des trois visites de l’enquêteur. Ayant habité depuis sa naissance en France, il ne paraissait pas vraisemblable que l’intéressé ne possède pas de compte bancaire dans ce pays ni de téléphone avec un numéro de portable français. Les attestations établies par sa sœur et son frère n’avaient pas de valeur probante compte tenu de leurs liens familiaux avec l’intéressé. Aucun élément du dossier ne permettait de confirmer avec certitude que l’intéressé s’était effectivement installé à Genève chez sa sœur de manière durable. Le fait qu’il avait modifié son adresse au moment de la résiliation de son contrat de travail n’était pas anodin, attendu qu’il avait son domicile en France depuis sa naissance, et force était de retenir que son domicile se trouvait toujours à Ville-La-Grand où résidaient son frère et sa mère. C’était dès lors à juste titre que son droit à l’indemnité de chômage avait été nié dès le premier jour contrôlé, le 16 mars 2023, faute d’un domicile avéré en Suisse.

j. Le 15 novembre 2023, l’intéressé a formé recours contre la décision précitée auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, faisant valoir que son arrivée à Ville-La-Grand s’inscrivait dans un contexte particulier. Il avait vécu avec ses parents à Charleville-Mézières depuis sa naissance, mais suite au décès de son père en 2019, il avait décidé avec sa mère de se rapprocher de la région où sa sœur et ses deux frères résidaient. Ils avaient été accueillis par son frère aîné à Ville-La-Grand. La colocation s’était avérée complexe en raison du manque d’intimité et des relations sociales limitées en dehors de la famille, du fait qu’il était nouveau dans la région. Avec seulement deux chambres pour trois personnes, la situation ne pouvait être que temporaire. Un an plus tard, sa mère avait obtenu un logement avec une seule chambre, ce qui avait contraint l’intéressé à demeurer chez son frère, malgré les tensions. Il s’absentait autant que possible de chez lui pour minimiser les conflits. Les tensions s’étaient toutefois accentuées avec la pandémie. Heureusement, il avait maintenu une activité professionnelle presque constante, bien que précaire, depuis son arrivée à la fin de l’année 2019. Il avait travaillé comme livreur pour la société B______ SA pendant plus de deux ans, malgré une baisse de salaire et la pression quotidienne de ses supérieurs. Cette société avait d’ailleurs été attaquée en justice par Unia pour non-respect des droits de ses employés. Après deux années difficiles avec cette entreprise, sa santé s’était détériorée et il avait été en arrêt maladie. À ce moment, le conflit avec son frère avait atteint un point de non-retour et l’avait conduit à quitter son domicile. Il avait simultanément été licencié sans motif valable et pendant son arrêt maladie. En raison d’un manque d’énergie et de connaissances, il n’avait pas contesté ce licenciement. Dans cette situation catastrophique et désespérante, sa sœur avait offert de l’héberger et de l’aider à rechercher un logement. Les circonstances l’avaient contraint à s’inscrire au chômage et il avait sollicité ses droits en Suisse, car il s’y était installé le 15 février 2023.

 

On lui reprochait de ne pas fournir de contrat de bail alors qu’à l’époque il vivait chez son frère et n’était pas titulaire du bail. Il trouvait absurde que l’attestation de son frère ne puisse pas être considérée comme valable alors qu’elle témoignait de sa réalité.

Les visites de l’inspecteur de l’OCPM s’étaient déroulées la même semaine. Elles ne suffisaient pas à remettre en question sa résidence à cette adresse, car ces visites avaient coïncidé avec ses déplacements. Tout en bénéficiant de l’hospitalité de sa sœur, il veillait à ne pas être trop présent chez elle pour éviter de déranger. La plupart du temps, il passait ses nuits chez elle et il consacrait ses journées à des recherches d’emploi et de logement, ainsi qu’à des visites chez son frère qui résidait au Pâquis, avec lequel il fréquentait souvent les Bains des Pâquis. Il rendait également régulièrement visite à sa mère. De plus, à ce moment-là, il avait une amie et passait parfois la nuit chez elle. Malgré ses difficultés, il avait continué à chercher activement un emploi et à répondre à ses obligations prévues par l’OCE. Il avait même décroché un poste de livreur avec la société F______ durant un mois. Il travaillait en Suisse depuis environ trois ans et recevait son salaire sur un compte suisse. Son compte français avait été clos en raison de son inactivité. Pour son emploi, il était impératif d’avoir un numéro de téléphone suisse. Maintenir un abonnement français avec un numéro suisse aurait impliqué des coûts superflus. Sa situation financière était devenue très difficile depuis la décision de l’OCE et il dépendait entièrement de sa famille. Ses dettes s’accumulaient rapidement et il n’avait pas réglé les primes de son assurance-maladie. Il était dans l’incapacité de trouver un logement seul sans revenus et avec des dettes, ce qui le forçait à envisager le recours à l’aide sociale.

La privation de ses droits restreignait ses opportunités de trouver un emploi et un domicile. Suivant la trace de sa sœur et de son frère, il souhaitait s’installer à Genève de manière définitive. Il avait déjà ce projet avant d’y être contraint.

k. L’intimé a conclu au rejet du recours, estimant que le recourant n’apportait aucun élément permettant de revoir la décision du 16 octobre 2023.

l. Lors d’une audience du 6 mars 2024 devant la chambre de céans :

-          le recourant a notamment déclaré qu’il était toujours hébergé chez sa soeur. Sa sœur étant mariée et mère de deux enfants, il évitait d'aller trop souvent chez elle. Il s’y rendait le soir pour dormir, environ quatre fois par semaine. Il dormait le reste du temps chez son frère des Pâquis, quand il travaillait la nuit, car il n’avait pas beaucoup de place. Il lui arrivait de dormir chez son frère à Ville-La-Grand, mais quand il n'était pas là. Il vivait actuellement un peu comme un vagabond. Actuellement, il travaillait pour les Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : les HUG) en intérim depuis le 16 novembre et pour un salaire de CHF 3'600.- par mois et il devait payer CHF 400.- d'assurance-maladie. S’il était resté en France, il aurait pu travailler en Suisse et ne payer que CHF 180.- par mois pour l'assurance-maladie. Il évitait son frère de Ville-La-Grand, car ils se prenaient souvent la tête et il avait une copine. Il jouait un peu aux jeux en espérant gagner de l'argent dans un PMU de Ville-La-Grand. Il retournait régulièrement là-bas, notamment pour voir sa mère pendant le weekend et il y avait également des amis. Actuellement, il en avait plus à Genève. Il travaillait comme agent en stérilisation à plein temps. Son contrat actuel se renouvelait tous les mois. Il pourrait faire une formation dans le cadre de ce travail qui lui permettrait de gagner plus et peut-être d'obtenir un CDD de six mois dans un premier temps et par la suite un CDI.

-          La sœur du recourant a déclaré qu’elle le soutenait dans son recours. Elle l’avait poussé à cette démarche, car il n’était pas en état de le faire, étant probablement un peu en dépression et ne connaissant pas bien ses droits de manière générale. Elle avait un autre frère, G______, qui habitait aux Pâquis et qui était éducateur. Elle avait aidé ce dernier en l’accueillant chez elle et il s’était vite intégré. Celui-ci soutenait également beaucoup le recourant, l’ayant notamment aidé à trouver son travail actuel. Ils comptaient beaucoup sur le chômage pour aider leur frère à trouver du travail et à subvenir à ses besoins. Elle s’était mariée 15 ans auparavant et s’était installée avec son mari, qui est suisse, à Genève. Au décès de leur père, il y avait eu des clashs familiaux. Son mari en avait assez de sa famille et de leurs histoires. Il avait fallu lui faire accepter qu’elle devait aider le recourant. C'était compliqué. Ils avaient tous un mauvais rapport avec C______, qui était très égoïste et manique, contrairement au recourant. Ils se disputaient sans cesse depuis qu’ils étaient petits. Le recourant avait une chambre chez elle. Il venait le minimum, essentiellement pour dormir. Il allait dormir chez G______ quand ce dernier dormait au foyer où il travaillait. Il n'y avait pas beaucoup de place et un seul couchage chez lui. La journée, le recourant allait chez G______ quand celui-ci n'y était pas et chez leur mère à Annemasse. Le weekend, il évitait d'être chez elle à cause de son mari, mais la semaine, il passait du temps dans l'appartement lorsqu’il était vide. Ils mangeaient rarement ensemble, mais il pouvait se servir chez elle. Il allait aussi manger chez leur mère qui faisait des Tupperware pour tous ses enfants.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             La procédure devant la chambre de céans est régie par les dispositions de la LPGA et celle du titre IVA (soit les art. 89B à 89I) de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), complétées par les autres dispositions de la LPA en tant que ces articles précités n’y dérogent pas (art. 89A LPA), les dispositions spécifiques que la LACI contient sur la procédure restant réservées (cf. art. 1 al. 1 LACI ; cf. notamment art. 100 ss LACI).

3.             Le recours a été interjeté en temps utile (art. 60 al. 1 LPGA) et respecte les exigences, de forme et de contenu prescrites par l’art. 61 let. b LPGA (cf. aussi art. 89B LPA). Touché par la décision attaquée et ayant un intérêt digne de protection à son annulation ou sa modification, le recourant a qualité pour recourir (art. 59 LPGA). Le recours est donc recevable.

4.             L'objet du litige est le droit du recourant aux prestations du chômage dès le 16 mars 2023, qui dépend de sa domiciliation en Suisse.

5.              

5.1 L'art. 8 LACI énumère les conditions d'octroi de l'indemnité de chômage. L'assuré doit, pour bénéficier de cette prestation prévue par l'art. 7 al. 2 let. a LACI, être sans emploi ou partiellement sans emploi, avoir subi une perte de travail à prendre en considération, être domicilié en Suisse, avoir achevé sa scolarité obligatoire et n'avoir pas encore atteint l'âge donnant droit à une rente AVS et ne pas toucher de rente de vieillesse de l'AVS, remplir les conditions relatives à la période de cotisation ou en être libéré, être apte au placement et satisfaire aux exigences de contrôle (art. 8 al. 1 LACI). Ces conditions sont cumulatives (ATF 124 V 215 consid. 2). Elles sont précisées par plusieurs dispositions de la LACI et de l’ordonnance sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 31 août 1983 (OACI - RS 837.02).

Ainsi, au regard du droit suisse, le droit à l’indemnité de chômage suppose que l’assuré soit domicilié en Suisse (art. 8 al. 1 let. c LACI ; cf. art. 12 LACI pour les étrangers habitant en Suisse). En matière d’assurance-chômage, sous l’empire de la LACI, la notion de domicile ne se détermine pas selon les critères du droit civil (arrêts du Tribunal fédéral 8C_658/2012 du 15 février 2013 consid. 3 et 8C_270/2007 du 7 décembre 2007 consid. 2). Le droit à l’indemnité de chômage suppose la résidence effective en Suisse, ainsi que l’intention de conserver cette résidence pendant un certain temps et d’en faire, durant cette période, le centre de ses relations personnelles (ATF 125 V 465 consid. 2a ; 115 V 448 consid. 1). Cette condition implique la présence physique de l’assuré en Suisse (dans le sens d’un séjour habituel), ainsi que l’intention de s’y établir et d’y créer son centre de vie (arrêt du Tribunal fédéral 8C_245/2016 du 19 janvier 2017).

Pour pouvoir localiser le centre des intérêts personnels, il faut notamment chercher à savoir où se trouvent la famille, les amis, les activités professionnelles et sociales, le logement, le mobilier et les affaires personnelles. Le lieu où les papiers d’identité et autres documents officiels ont été déposés, d’éventuelles indications figurant sur des documents officiels et le domicile fiscal ne sont à prendre en considération que comme des indices pour déterminer le lieu de domicile. Les critères objectifs (tels que le lieu du logement et des activités professionnelles) doivent se voir reconnaître davantage de poids que les critères subjectifs, difficilement vérifiables (en particulier l’intention de s’établir et de créer un centre de vie). Un séjour prolongé permanent et ininterrompu n’est pas indispensable (Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, n. 7 ss ad art. 8).

Lorsqu'une personne séjourne en deux endroits différents et qu'elle a des relations avec ces deux endroits, il faut tenir compte de l'ensemble de ses conditions de vie, le centre de son existence se trouvant à l'endroit, lieu ou pays, où se focalise un maximum d'éléments concernant sa vie personnelle, sociale et professionnelle, de sorte que l'intensité des liens avec ce centre l'emporte sur les liens existants avec d'autres endroits ou pays (ATF 125 III 100). En vertu des principes susmentionnés, le dépôt des papiers, l'obtention d'un permis de séjour, l'exercice des droits politiques, le statut de la personne du point de vue des autorités fiscales ou des assurances sociales ou encore les indications figurant dans des jugements et des publications officielles ne sont pas décisifs ; ces éléments constituent néanmoins des indices sérieux en ce qui concerne l'intention de s'établir (ATF 125 III 101 consid. 3; voir aussi HONSELL/VOGT/GEISER, Basler Kommentar zum schweizerischen Privatrecht, Zivilgesetzbuch I, 2ème éd., n. 23 ad. art. 23).

5.2 Une preuve absolue n’est pas requise en matière d’assurances sociales. L’administration et le juge fondent leur décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; 126 V 353 consid. 5b ; 125 V 193 consid. 2 et les références). Il n’existe pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a ; Ghislaine FRÉSARD- FELLAY / Bettina KAHIL-WOLFF / Stéphanie PERRENOUD, op. cit., p. 517 s.). Reste réservé le degré de preuve requis pour la notification de décisions, l’exercice d’un moyen de droit, le contenu d’une communication dont la notification est établie (ATF 124 V 400 ; 121 V 5 consid. 3b ; 119 V 7 consid. 3c/bb ; ATAS/763/2016 du 27 septembre 2016 consid. 4 et 5c).

6.             En l’espèce, il est compréhensible que l’intimé ait pu concevoir des doutes quant au domicile du recourant, du fait que celui-ci s’est domicilié dans le canton de Genève le 15 février 2023, soit peu après son licenciement, qui lui a été adressé par son employeur le 19 janvier 2023 avec effet au 24 février suivant. Cela étant, plusieurs indices permettent d’établir qu’il avait bien la volonté de s’établir à Genève et qu’il y résidait effectivement, quand bien même sa situation était précaire, puisqu’il n’avait pas encore de domicile propre à Genève.

Les déclarations du recourant et de sa sœur ont convaincu la chambre de céans, dans la mesure où ils ont tous deux décrit la situation de celui-ci sans minimiser sa situation précaire en Suisse et ses liens avec la France. Il apparaît ainsi vraisemblable que le recourant a quitté le domicile de son frère à Ville-La-Grand pour résider principalement à Genève, chez sa sœur, et en se rendant souvent au domicile de son frère G______ au Pâquis. Il a expliqué qu’il ne pouvait pas s’installer durablement chez ces derniers – car le mari de sa sœur n’était pas favorable à sa présence chez lui et que son frère n’avait pas assez de place pour l’accueillir – et ses déclarations à ce sujet ont été confirmées par sa sœur. Le recourant a encore expliqué qu’il n’avait pas eu les moyens de trouver un logement, du fait qu’il avait perdu son emploi, qu’il ne touchait pas les indemnités du chômage et qu’il était en poursuite. Cela ne suffit pas à considérer qu’il ne s’est pas domicilié à Genève. Constituent des indices indiquant le contraire, le fait qu’il est proche de sa sœur et de son frère qui résident dans le canton qui le soutiennent activement, contrairement à son frère de Ville-La-Grand, qu’il y a des amis, qu’il s’est assuré auprès d’une assurance-maladie selon la LAMal, qu’il a travaillé dans le canton pendant plus de deux ans avant d’être au chômage et qu’il y a retrouvé un travail aux HUG depuis le 16 novembre 2023, certes en intérim, mais qui semble lui ouvrir des perspectives à plus long terme, selon ses déclarations à la chambre. De plus, son frère de Ville-La-Grand a attesté qu’il avait quitté son domicile le 15 février 2023.

Le fait que le recourant retourne régulièrement dans la région d’Annemasse où résident sa mère, dans un studio, et des amis, et qu’il y passe du temps dans un PMU ne suffit pas à remettre sérieusement en cause le fait qu’il réside bien principalement à Genève depuis le 15 février 2023.

Les conclusions du rapport d’enquête du 5 juin 2023 ne sont en outre pas probantes. En effet, le recourant ne nie pas qu’il n’était pas régulièrement chez sa sœur pendant la journée, de sorte que ce n’est pas déterminant que l’enquêteur ne l’ait pas vu lorsqu’il s’y est rendu à trois reprises.

Contrairement à ce qu’a retenu l’enquêteur, le nom du recourant figure sur les plaquettes de la boîte aux lettres et de l’appartement, puisqu’il a le même nom de famille que sa sœur.

Les déclarations du concierge de l’immeuble ne sont pas convaincantes, dès lors qu’il a affirmé que le recourant n’habitait pas chez sa sœur, sans connaître la situation très particulière de celui-ci. De plus, selon la sœur du recourant, le concierge ne réside pas dans le même bâtiment et elle le croise rarement.

Le fait que le concierge ait donné des informations exactes sur la situation familiale du beau-frère du recourant ne valide en rien son appréciation sur le domicile du recourant. Le concierge pouvait parfaitement penser de bonne foi que le recourant ne résidait pas chez sa sœur, et néanmoins à tort.

On peut s’étonner que l’enquêteur ne soit pas entré dans l’appartement de la sœur du recourant, qui lui avait proposé de le faire, ce qui lui aurait permis de faire des constats utiles pour son enquête.

Enfin, les conclusions de l’enquêteur sur le fait que des informations discordantes émanaient des services postaux sur le domicile du recourant relèvent de la supposition sans fondement sérieux.

Si l’enquêteur a conclu qu’il n’était pas en mesure d’affirmer que le recourant était domicilié chez sa sœur depuis le 15 février 2023, son enquête ne permet pas non plus d’établir le contraire.

Enfin, l’argumentation de l’intimé selon laquelle il ne paraissait pas vraisemblable que le recourant ne possède pas de compte bancaire, ni de téléphone avec un numéro de portable français, en France, alors qu’il y vivait depuis sa naissance, n’est pas convaincante, contrairement aux explications du recourant à ce sujet, à savoir qu’il devait avoir un numéro de téléphone suisse pour son travail et que depuis qu’il travaillait à Genève, son salaire était versé sur un compte suisse.

Au vu des considérations qui précèdent, la chambre de céans retient qu’il est établi au degré de la vraisemblance prépondérante que le recourant était domicilié à Genève dès le 15 février 2023 et qu’il a droit à l’indemnité de chômage dès le 16 mars 2023, date de son inscription auprès de l’intimé, pour autant que les autres conditions pour ouvrir ce droit soient remplies.

7.             Le recours doit en conséquence être admis et la décision attaquée annulée.

Il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure au recourant, qui n’était pas représenté et n’a pas fait valoir de frais engendrés par la procédure (art. 61 let. g LPGA).

La procédure est gratuite (art. 61 let. fbis a contrario LPGA).

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Annule la décision sur opposition du 16 octobre 2023.

4.        Dit que la procédure est gratuite.

5.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le