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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2838/2022

ATAS/1057/2022 du 28.11.2022 ( LPP ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2838/2022 ATAS/1057/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 28 novembre 2022

6ème Chambre

 

En la cause

 

A______, sise ______, ZÜRICH

 

 

demanderesse

contre

 

B______, sise ______, CORSIER

 

 

 

défenderesse

 


EN FAIT

 

A. a. La société anonyme B______ (ci-après: la société) a été inscrite au registre du commerce de Genève (ci-après : RC) le 23 novembre 2017, avec notamment comme but social toute activité dans le domaine de la construction, de la promotion immobilière et de l'assistance à la maîtrise d'ouvrage, l’acquisition de prises de participation dans des sociétés suisses ou étrangères, notamment dans le domaine de l'immobilier, à l'exclusion de toutes opérations prohibées par la LFAIE.

Son siège est à Corsier, Genève.

b. Le 12 novembre 2002, la société suisse des entrepreneurs SSE, d'une part, et les syndicats SIB (UNIA depuis le 1er janvier 2005) et SYNA, d'autre part, ont conclu une convention collective de travail pour la retraite anticipée dans le secteur principal de la construction (ci-après : CCT RA). Cette convention a pour but de permettre aux travailleurs du secteur principal de la construction de prendre une retraite anticipée dès l'âge de 60 ans révolus. L'entrée en vigueur de la CCT RA a été fixée au 1er juillet 2003. Les parties à cette convention ont créé le 19 mars 2003 la A______, institution de prévoyance non enregistrée, dont le siège est à Zurich. Le Conseil fédéral a, par arrêté du 5 juin 2003 (ci-après : ACF CCT RA), prévu l'extension de la CCT RA à l'ensemble du territoire suisse, à l'exception du canton du Valais. Cette extension a ensuite été prolongée à plusieurs reprises. Le 4 juillet 2003, le conseil de fondation de la Fondation A______ a édicté, sur la base de la CCT RA, un règlement relatif aux prestations et aux cotisations (ci-après : règlement RA).

c. Par « décision » du 26 novembre 2018, la Fondation A______ a informé la société qu'elle considérait que celle-ci était assujettie à la CCT RA tant du point de vue du territoire que du genre d'entreprise. La société était tenue de cotiser depuis le 23 novembre 2017 pour ses collaborateurs assujettis selon l'ACF CCT RA. Un recours était possible auprès de la Fondation A______.

B. a. Le 5 juillet 2021, la Fondation A______ a adressé une facture à la société de CHF 3'500.-, soit CHF 3'000.- à titre de peine conventionnelle et CHF 500.- à titre de frais juridiques. Malgré plusieurs rappels, la société ne lui avait pas transmis sa masse salariale 2020, en violation de la CCT RA.

b. Les 17 août 2021 et 15 septembre 2021, la Fondation A______ a adressé à la société deux rappels pour le paiement d'un montant total de CHF 3'500.-.

c. Le 31 mars 2022, la Fondation A______ a dirigé contre la société une poursuite pour un montant de CHF 3'500.-. Un commandement de payer a ainsi été notifié à la société le 29 avril 2022. Il a été frappé d'opposition.

C. a. Le 2 septembre 2022, la Fondation A______ a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice d'une une action en reconnaissance de dette visant à ce que la société soit condamnée à lui verser une peine conventionnelle d'un montant de CHF 3'000.-, ainsi que CHF 500.- de frais de procédure, à ce que l'opposition à la poursuite soit levée, et la mainlevée définitive accordée.

b. Dans sa réponse du 26 septembre 2022, la société a indiqué qu'elle n'avait jamais eu d'employés et que par conséquent elle ne versait aucun salaire. Elle n'avait ainsi pas de masse salariale à déclarer. Par ailleurs, les démarches administratives de la société avaient été gérées par l'ancien administrateur, qui avait effectué des détournements et contre lequel la société était actuellement en litige.

c. Par réplique du 8 novembre 2022, la Fondation A______ a mentionné qu'en vertu de l'art. 8 CCT RA en relation avec l'art. 6 al. 2 du règlement RA, la société était tenue de remplir les formulaires de masse salariale avec CHF 0.- (sic), même si elle n'avait pas de masse salariale à enregistrer.

d. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. b de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations relatives à la prévoyance professionnelle opposant institutions de prévoyance, employeurs et ayants droit, y compris en cas de divorce ou de dissolution du partenariat enregistré, ainsi qu’aux prétentions en responsabilité (art. 331 à 331e du Code des obligations [CO - RS 220] ; art. 52, 56a, al. 1, et art. 73 de la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle, vieillesse, survivants et invalidité du 25 juin 1982 [LPP - RS 831.40] ; ancien art. 142 du Code civil [CC - RS 210]).

1.2 Le litige porte sur la mise à la charge de la défenderesse d'une peine conventionnelle de CHF 3'000.- et de CHF 5'00.- de frais de procédure, ainsi que sur la levée de l'opposition et l'octroi d'une mainlevée définitive dans le cadre de la poursuite y relative.

1.3 A titre liminaire, il convient d’examiner si la chambre de céans est matériellement compétente pour statuer sur les différentes prétentions réclamées.

2.              

2.1 La Fondation A______ a été créée le 19 mars 2003 en vue de l'application commune de la CCT RA conformément à l'art. 357b CO. Il s'agit d'une institution de prévoyance non enregistrée (ch. 1.1 Acte de fondation). Elle ne participe en effet pas à l'application du régime de l'assurance obligatoire au sens de la LPP.

2.2 Cependant, les fondations de prévoyance en faveur du personnel non enregistrées, dont l'activité s'étend au domaine de la prévoyance professionnelle, sont soumises à la réglementation des art. 73 et 74 LPP en vertu de l'art. 89a al. 6 CC (ATF 127 V 35 consid. 3b et les références). Lorsque l’institution prévue par une convention collective entre dans le champ de la prévoyance professionnelle au sens de la LPP ou des art. 331ss CO et 89a CC, ce qui est le cas des régimes conventionnels de retraite anticipée, les litiges opposant l’institution aux employeurs (en paiement des cotisations) ou aux travailleurs (en paiement de prestations) relèvent des tribunaux compétents en matière de prévoyance professionnelle (Jean-Philipe DUNAND / Pascal MAHON [éd.], Commentaire du contrat de travail, 2013, n. 46 ad art. 357b CO).

3.              

3.1 Dans le cadre de contestations opposant institutions de prévoyance, employeurs et ayants droit, la compétence des autorités visées par l'art. 73 LPP est doublement définie.

3.2 Elle l'est, tout d'abord, quant à la nature du litige : il faut que la contestation entre les parties porte sur des questions spécifiques de la prévoyance professionnelle, au sens étroit ou au sens large. Ce sont donc principalement des litiges qui portent sur des prestations d'assurance, des prestations de libre passage (actuellement prestations d'entrée ou de sortie) et des cotisations. En revanche, les voies de droit de l'art. 73 LPP ne sont pas ouvertes lorsque la contestation a un fondement juridique autre que le droit de la prévoyance professionnelle, même si elle devait avoir des effets relevant du droit de ladite prévoyance. Le Tribunal fédéral des assurances a notamment jugé que le tribunal désigné par l’art. 73 LPP était incompétent pour connaître d’une action d’un salarié, devenu invalide, visant à obtenir de son ex-employeur le paiement de la différence entre les prestations servies par sa caisse de pension et le montant minimum prévu par une convention collective de travail. En effet, les juges fédéraux ont retenu que lorsque l'employeur omettait de conclure une assurance plus étendue que le minimum légal, en violation de ses devoirs découlant d'une convention collective de travail ou du contrat de travail, le travailleur pouvait exiger, aux conditions de l'art. 97 CO, le paiement de dommages-intérêts correspondant au montant des prestations manquantes. En pareil cas, la prétention du travailleur – de nature civile – ne découlait pas de la prévoyance professionnelle au sens étroit ou au sens large (ATF 120 V 26). En revanche, dans un litige qui opposait une institution de prévoyance à un employeur, notre Haute Cour a considéré que lorsqu’une prétention à la réparation d’un dommage résultait d’une violation du contrat d’affiliation au sens d’une lésion d’obligations ressortant typiquement du domaine de la prévoyance professionnelle, le tribunal désigné à l’art. 73 LPP était compétent (ATF 136 V 73 consid. 5.3).

3.3 Lorsque la compétence matérielle entre les juridictions civiles et les autorités visées par l’art. 73 LPP prête à discussion, le point de savoir si une question spécifique de la prévoyance professionnelle se pose doit être résolu – conformément à la nature juridique de la demande – en se fondant sur les conclusions de la demande et sur les faits invoqués à l’appui de ces conclusions, le fondement de la demande étant alors un critère décisif de distinction (ATF 141 V 170 consid. 3, 128 V 254 consid. 2a ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_34/2013 du 17 juin 2013 cons. 2.2).

3.4 Les amendes conventionnelles sont des prétentions qui ne sont pas fondées sur le droit de la prévoyance professionnelle (ATAS/1136/2020 du 16 novembre 2020 consid. 4.c). En effet, ces amendes (prévues par l’art. 25 CCT RA) visent à sanctionner le non-respect de la CCT RA et relèvent, dès lors, de l’exécution commune d’une convention collective de travail au sens de l’art. 357b al.1 CO (ATF 116 II 302 in JdT 1991 I 170 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_283/2008 du 12 septembre 2008). Sur cet aspect, le litige ressortit exclusivement au droit privé et donc à la compétence du juge civil (Christian BRUCHEZ, in Commentaire du contrat de travail, 2013, nn. 7 et 36 ad art. 357b CO). En ce qui concerne plus particulièrement le canton de Genève, les contentieux en matière d’exécution commune relèvent matériellement de la compétence de la Chambre des relations collectives de travail et du Tribunal des prud’hommes, qui connaissent desdits litiges respectivement en tant qu’autorité de conciliation et en tant qu’autorité de jugement (art. 1 al. 1 let. e et 11 al. 4 de la loi sur le Tribunal des prud’hommes du 11 février 2010 [LTPH – RS E 3 10] ; arrêt de la chambre des prud'hommes de la Cour de justice CAPH/121/2016 du 24 juin 2016). Il en est de même des frais de contrôle par l’office de révision des caisses de compensation et des frais de procédure interne relevant de la même norme conventionnelle (ATAS/1136/2020 du 16 novembre 2020).

4.              

4.1 En l’espèce, l’art. 23 al. 1 CCT RA dispose que les parties conviennent de l’application commune au sens de l’art. 357b CO. La Fondation A______ est constituée à cet effet. Elle est chargée de faire appliquer la CCT dans son intégralité. Elle est en particulier autorisée a effectuer auprès des parties soumises a la convention les contrôles requis, ainsi qu’à engager des poursuites et porter plainte en son nom, en qualité de représentante des parties contractantes.

L’art. 6 al. 2 règlement RA prévoit que l´employeur doit remettre jusqu´au 31 janvier au plus tard à la Fondation A______ une attestation de salaire nominative des personnes assujetties à la CCT RA, numéros AVS inclus, pour l´année civile écoulée.

L’art. 25 CCT RA dispose que les atteintes aux obligations découlant de cette convention peuvent être sanctionnées par les instances d’application d’une amende conventionnelle jusqu’à CHF 50'000.-. L’al. 2 demeure réservé. Les contrevenants peuvent également avoir à supporter les frais de contrôle et de procédure (al. 1). Les violations conventionnelles consistant en l’absence de décompte de cotisations ou un décompte insuffisant peuvent être sanctionnées par une amende conventionnelle allant jusqu’au double des montants manquants (al. 2).

4.2 La Fondation A______ poursuit la défenderesse pour non-paiement d'une peine conventionnelle et des frais judiciaires. Or, les prétentions tendant au paiement d’amendes conventionnelles et de frais de procédure interne, comme c’est le cas en l’espèce, ne trouvent pas leur source dans le droit de la prévoyance professionnelle mais dans une convention collective, de sorte que la demande est irrecevable.

5.             Au vu de ce qui précède, il convient de déclarer la demande irrecevable et de la transmettre d'office et sans instruction supplémentaire, au Tribunal des prud’hommes, comme objet de sa compétence.

La procédure est gratuite (art. 73 al. 2 LPP et 89H al. 1 LPA).

 

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare la demande irrecevable.

Au fond :

2.        La transmet au Tribunal des prud'hommes.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le