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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1569/2021

ATAS/846/2022 du 23.09.2022 ( APG ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1569/2021 ATAS/846/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 23 septembre 2022

5ème Chambre

 

En la cause

 

Monsieur A______, domicilié à ONEX, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître David PAPAUX

 

 

recourant

contre

 

CAISSE INTERPROFESSIONNELLE AVS DE LA FEDERATION DES ENTREPRISES ROMANDES FER-CIAM 106.1, sise rue de St-Jean 98, GENÈVE

 

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’intéressé ou le recourant), né en 1968, exerce une activité indépendante, en qualité de psychologue dans le domaine du sport.

b. Il est affilié auprès de la CAISSE INTERPROFESSIONNELLE AVS DE LA FEDERATION DES ENTREPRISES ROMANDES FER-CIAM 106.1 (ci-après : la caisse ou l’intimée) depuis plusieurs années.

c. À la suite des mesures prises par le Conseil fédéral afin de lutter contre la pandémie déclenchée par le COVID-19, les activités de l’intéressé dans le domaine de la formation, ainsi que ses revenus lucratifs, ont sensiblement diminué.

d. Afin de faire face à la baisse de ses revenus, l’intéressé s’est renseigné, dès le mois de mars 2020, sur ses droits à percevoir une allocation pour perte de gain liée aux mesures prises pour lutter contre le coronavirus COVID-19 (ci-après : APG coronavirus).

e. Il a contacté par téléphone, selon lui à quatre reprises et notamment en date du 23 avril 2020, la hotline mise en place par la caisse afin de se renseigner sur la situation et sur l’état de ses éventuels droits à percevoir une APG coronavirus.

f. A l’issue d’une conversation téléphonique du 28 septembre 2020 avec Monsieur B______, employé de la caisse, l’intéressé lui a envoyé un e-mail, en date du 1er octobre 2020, récapitulant les démarches qu’il avait entreprises auprès de la caisse pour se renseigner sur ses droits à l’APG coronavirus accompagné d’un formulaire de « Demande d’allocation perte de gain en cas de coronavirus à partir du 17 septembre 2020 », très partiellement rempli. La demande était accompagnée de quatre attestations faisant état de manifestations sportives, prévues à différentes dates fixées entre le 2 avril et le 15 juin 2020, lors desquelles l’intéressé devait dispenser une formation d’entrainement mental et qui avaient été annulées en raison de la pandémie COVID-19.

g. Par courriel du 20 novembre 2020, la caisse a informé l’intéressé que sa demande d’APG coronavirus était tardive.

h. Par courriel du 10 décembre 2020 adressé à la caisse, l’intéressé a demandé à cette dernière de rendre une décision formelle de refus de lui octroyer l’APG coronavirus pour la période antérieure au 17 septembre 2020.

B. a. En date du 18 décembre 2020, la caisse a rendu une décision de refus d’entrée en matière sur la demande d’APG coronavirus. Le refus de la caisse se fondait sur la décision prise par le Conseil fédéral, en date du 19 juin 2020, selon laquelle tous les droits à l’APG coronavirus s’éteindraient au plus tard le 16 septembre 2020, conformément à la circulaire sur l’allocation pour perte de gain en cas de mesures destinées à lutter contre le coronavirus, entrée en vigueur le 17 mars 2020 et dans sa teneur modifiée au 19 juin 2020. Au regard des démarches que l’intéressé avait accomplies, notamment en téléphonant aux employés de la caisse, cette dernière considérait que l’intéressée n’était pas parvenu à démontrer une violation du principe de la bonne foi, étant encore précisé que la caisse avait fourni régulièrement des informations aux personnes indépendantes affiliées, aussi bien par le truchement de son site Internet que par sa newsletter.

b. L’intéressé s’est opposé à la décision du 18 décembre 2020 par courrier du 29 janvier 2021. Il a cité les différents entretiens téléphoniques qu’il avait eus avec des employés de la caisse en relatant les propos que ces derniers lui avaient prétendument tenus, notamment l’assurance que l’intéressé bénéficiait d’un délai de cinq ans pour demander l’octroi de l’APG coronavirus. Il concluait à l’annulation de la décision de non entrée en matière sur la demande et concluait à l’octroi de l’APG coronavirus pour la période allant du 17 septembre 2020 au 30 juin 2021.

c. Par décision sur opposition du 22 mars 2021, la caisse a rejeté l’opposition de l’intéressé et a confirmé sa décision du 18 décembre 2020 en reprenant, en substance, les motivations de sa précédente décision.

C. a. Par acte de son mandataire posté le 6 mai 2021, l’intéressé a recouru auprès de la chambre de céans contre la décision sur opposition du 22 mars 2021. Il a rappelé, en substance, les arguments déjà exposés dans son opposition et a conclu à l’annulation de la décision et à l’octroi de l’APG coronavirus pour la période allant du 17 septembre 2020 au 30 juin 2021. À titre préalable, il a demandé à être entendu en comparution personnelle par la chambre de céans et a demandé l’audition de Monsieur C______, l’un de ses interlocuteurs lors de ses contacts téléphoniques avec la caisse.

b. Par réponse du 18 juin 2021, la caisse a conclu au rejet du recours, reprenant la motivation figurant dans la décision attaquée, tout en faisant valoir qu’aucune assurance stricte n’avait été donnée à l’intéressé quant à l’application d’un délai de prescription de cinq ans pour déposer sa demande d’APG coronavirus.

c. Par réplique du 15 septembre 2021, le recourant a persisté dans son argumentation et dans ses conclusions.

d. La chambre de céans a procédé à l’audition du recourant ainsi que de Monsieur C______, en qualité de témoin, lors de l’audience du 1er septembre 2022.

Le recourant a précisé qu’il n’avait pas reçu la newsletter du 24 juin 2020 de FER-CIAM dans sa boîte email ; la dernière qu’il avait reçue était celle du 19 mai 2020, puis son épouse était partie en vacances du 15 au 25 juin 2020. En raison de la sensibilité de cette dernière à la situation sanitaire anxyogène, qui provoquait un stress nuisible à son état cardiaque, le recourant et son épouse avaient évité d'écouter les nouvelles qui pouvaient être stressantes pour elle et avoir des effets négatifs sur sa santé. De retour de vacances, le recourant avait considéré qu'il était important pour lui de s’intéresser à nouveau à ce qui pouvait changer en matière d'APG coronavirus à partir de la fin du mois d'août et du début du mois de septembre 2020. Il avait vu le tableau publié par l'intimée sur son site Internet (pièce 17 chargé recourant) mais il relevait qu’il avait interprété la colonne centrale « échéance », mentionnant le 16 septembre 2020, comme signifiant qu’il avait droit à des indemnités jusqu'à cette date, mais ne signifiant pas qu’il avait un délai jusqu'à cette date, au plus tard, pour déposer sa demande d'APG coronavirus.

Sur question du Président, qui lui demandait s’il n’avait pas l'impression d'avoir pris un risque de manquer une information lorsqu’il avait fait une « pause » dans sa recherche d’information au sujet de la situation des APG coronavirus, de fin juin à fin août 2020, le recourant a répondu qu’il était exact que le fait qu’il aille consulter le site Internet ou la newsletter de FER-CIAM sur son PC n’avait aucun effet négatif sur la santé de son épouse ou sur le stress qu'elle pouvait subir.

Il reconnaissait avoir effectivement, dans son email du 1er octobre 2020, remercié les employés de la FER-CIAM pour le travail d'information qui avait été déployé et l'écoute envers les personnes affiliées. Toutefois, avec le recul, il considérait que même si les employés ne pouvaient pas forcément, à ce moment-là, l'informer davantage, il y aurait eu matière à ce que l'information donnée soit meilleure.

Le témoin C______ a expliqué qu’en mars 2020, suite à l'explosion de la pandémie COVID-19, la caisse avait créé une hotline concernant cette problématique. Cette hotline avait été créée du jour au lendemain, pour répondre à l'urgence et rassemblait des personnes venant de différents services, lui-même venant du service contentieux. Ils étaient tous confinés chez eux et en télétravail et ils disposaient d’un PC avec une ligne directe par laquelle circulaient les informations sur les changements dans la situation sanitaire. Ils recevaient les informations topiques directement, afin d’être informés avant les assurés, puis lesdites informations étaient mises en ligne sur le site Internet. Les informations étaient présentées sous la forme d'un tableau qui expliquait toutes les problématiques et, souvent, les changements étaient mis surlignés de manière à ce que l’on sache en quoi le nouveau tableau se distinguait du précédent. Presque chaque soir, le témoin et les autres membres de la hotline participaient à une séance en visioconférence pour faire le débriefing de la journée et pour remonter à la hiérarchie les questions pour lesquelles il s’étaient trouvés dans l'incapacité de répondre. Le témoin ne donnait que des informations générales et ne se déterminait jamais par rapport à un cas particulier qui lui aurait été exposé au téléphone, car il n’avait pas de formation juridique et n’était pas spécialisé dans les APG.

En dépit du fait qu’il recevait entre 25 et 30 demandes téléphoniques par jour, il se souvenait que le recourant l’avait contacté au début de la pandémie. Il confirmait qu'au début de la pandémie, lui-même et les autres membres de la hotline s’étaient fondés sur le système en vigueur pour les APG « standard » et le délai de cinq ans prévu par la LPGA. Toutefois, lorsque l'ordonnance du Conseil fédéral sur les pertes de gain COVID-19 était entrée en vigueur et que le délai pour déposer une demande d’APG coronavirus avait changé, il avait, comme ses collègues, dès ce moment-là donné des informations concernant le délai qui était applicable au moment du contact. Il admettait que si, par hypothèse, un affilié avait appelé la « hotline » au début de la pandémie puis n'avait plus jamais requis de renseignements, il lui aurait été répondu que le délai pour déposer une demande d’APG était de cinq ans. Toutes les informations qui étaient données se retrouvaient ensuite sur le site Internet FER-CIAM accessible à tout le monde.

Il n’informait pas systématiquement ses interlocuteurs du fait que l'art. 1 de l'ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 pouvait déroger à la LPGA, si cela n’était pas demandé. Il précisait qu’il ne répondait qu’aux questions qui lui étaient posées et que s’il n’était pas capable d’y répondre, il invitait son interlocuteur à consulter les informations figurant sur le site Internet.

Il considérait qu’il était clair que si le recourant l’avait appelé au début de la pandémie et plus particulièrement le 23 avril 2020, comme il le soutenait, soit avant que le délai pour déposer une demande d’APG coronavirus ne soit modifié, il aurait probablement donné comme réponse au recourant, l’information du délai de cinq ans fondé sur la LPGA, applicable à ce moment.

La représentante de l’intimé a confirmé qu’il était exact qu’au moment où le recourant avait appelé la « hotline », soit le 23 avril 2020, la modification de l'ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 du 19 juin 2020 n'était pas encore entrée en vigueur et que c'était donc bien le délai de cinq ans, par renvoi de l'art. 24 LPGA, qui était applicable. Par conséquent, c'était bien l'information qui devait être donnée par la hotline.

Le recourant a confirmé qu’il n’avait pas rappelé la « hotline » après le 23 avril 2020 et était donc resté sur la dernière information qui lui avait été donnée, soit qu’il y avait un délai de cinq ans, selon la LPGA, pour déposer une demande d’APG coronavirus.

Le témoin a encore précisé que lorsque l'interlocuteur hésitait et qu’il avait suffisamment d'informations pour lui répondre, il invitait son interlocuteur à déposer sans tarder sa demande d'APG coronavirus, car cela ne pouvait pas nuire à sa situation. À cet égard, si on l’avait appelé au mois de juillet ou au mois d'août 2020, pour lui poser une telle question, il était certain qu’il aurait conseillé à la personne qui hésitait à déposer une demande d’APG coronavirus qu'il fallait qu'elle se dépêche, pour la déposer avant le 16 septembre 2020.

e. A l’issue de l’audience, les parties n’ont pas requis d’autres actes d’instruction et ont été informées que la cause était gardée à juger.

f. Les autres faits seront cités, en tant que de besoin, dans la partie « en droit » du présent arrêt.

 

 

EN DROIT

 

1.             Les dispositions de la loi fédérale du 6 octobre 2000 sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA - RS 830.1) s'appliquent aux allocations perte de gain en lien avec le coronavirus, sous réserve de dérogations expresses (art. 1 de l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19). Les décisions sur opposition et celles contre lesquelles la voie de l'opposition n'est pas ouverte sont sujettes à recours auprès du tribunal des assurances compétent (art. 56 LPGA).

La chambre de céans est ainsi compétente pour connaître des recours (ATAS/1208/2020 du 10 décembre 2020).

2.             Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, compte tenu de la suspension des délais du 7e jour avant Pâques au 7e jour après Pâques inclusivement (art. 38 al. 4 let. a LPGA et art. 89C let. a LPA), le recours est recevable.

3.             Le litige porte sur le bien-fondé de la décision de l’intimée de non entrée en matière sur la demande d’APG coronavirus déposée par le recourant, pour la période allant du 17 mars au 16 septembre 2020.

4.              

4.1 Pour lutter contre l'épidémie de coronavirus qui a atteint la Suisse début 2020, le Conseil fédéral a pris une série de mesures urgentes.

Ainsi, le 28 février 2020, il a adopté, en se fondant sur la loi fédérale sur la lutte contre les maladies transmissibles de l'homme du 28 septembre 2012 (loi sur les épidémies, LEp - RS 818.101), l'ordonnance sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus (ordonnance COVID-19 ; RS 818.101.24), dont le but est de prévoir des mesures devant permettre de diminuer le risque de transmission du COVID-19 (art. 1), remplacée par l’ordonnance 2 sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus (COVID-19) (ci-après : ordonnance 2 COVID-19 ; RS 818.101.24) du 13 mars 2020. L’ordonnance 2 COVID-19 a été abrogée le 22 juin 2020.

4.2 L’ordonnance sur les mesures destinées à lutter contre l’épidémie de COVID-19 en situation particulière (ordonnance COVID-19 situation particulière RS 818.101.26) du 19 juin 2020, a pris d’autres mesures de protection visant la population, les organisations, les institutions et les cantons dans le but de lutter contre l’épidémie de COVID-19, de prévenir la propagation du coronavirus (COVID-19) et d’interrompre les chaînes de transmission (art. 1 al. 1 et 2).

 

5.              

5.1 Le Conseil fédéral a adopté, le 20 mars 2020, l’ordonnance sur les mesures en cas de perte de gain en lien avec le coronavirus  (ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 - RS 830.31), laquelle est entrée en vigueur rétroactivement au 17 mars 2020.

Selon l’art. 2 al. 3 de cette ordonnance, pour autant qu’elles remplissent la condition prévue à l’al. 1bis let. c (à savoir qu’elles soient assurées obligatoirement au sens de la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 [LAVS - RS 831.10]), les personnes qui exercent une activité lucrative indépendante au sens de l’art. 12 LPGA ont droit à l'allocation si elles doivent interrompre leur activité lucrative en raison de mesures de lutte contre l’épidémie de COVID-19 ordonnées par une autorité (let. a) et si elles subissent une perte de gain ou une perte de salaire (let. b).

L’art. 1 de l’ordonnance sur les pertes de gain COVID prévoit que les dispositions de la LPGA s’appliquent aux allocations prévues dans la présente ordonnance, à moins que les dispositions qui suivent ne dérogent expressément à la LPGA.

L’art. 6 de l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 (prescription) prévoit qu’en dérogation à l’art. 24 LPGA, le droit à des allocations non perçues s’éteint cinq ans après l’abrogation des mesures, alors que l’art. 24 al. 1 LPGA stipule que le droit à des prestations ou à des cotisations arriérées s’éteint cinq ans après la fin du mois pour lequel la prestation était due et cinq ans après la fin de l’année civile pour laquelle la cotisation devait être payée.

5.2 Ce même art. 6 de l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 a été modifié en date du 19 juin 2020 (RO 2020 2223), stipulant qu’en dérogation à l’art. 24 LPGA, le droit aux allocations s’éteint le 16 septembre 2020 et ceci avec effet rétroactif au 17 mars 2020 (art. 11 al. 2). Ce texte est resté en vigueur jusqu’au 16 septembre 2020.

A cette même date du 19 juin 2020, un nouvel al. 3bis complétant l’art. 2 de l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19, est entré en vigueur, prévoyant que les personnes considérées comme indépendantes au sens de l’art. 12 LPGA qui ne sont pas concernées par l’al. 3 [de l’art. 2] ont droit à l’allocation pour autant qu’elles subissent une perte de gain en raison des mesures prises par le Conseil fédéral afin de lutter contre le coronavirus et que leur revenu déterminant pour le calcul des cotisations AVS de l’année 2019 se situe entre 10 000 et 90 000 francs; l’art. 5, al. 2, 2e phrase, s’applique par analogie au calcul du revenu déterminant de l’année 2019. La condition prévue à l’al. 1bis, let. c, s’applique aussi à ces personnes.

La circulaire sur l’allocation pour perte de gain en cas de mesures destinées à lutter contre le coronavirus (ci-après : CCPG), édictée par l’office fédéral des assurances sociales (ci-après : OFAS), dans sa version au 19 juin 2020 (06/20) - mais valable rétroactivement, dès le 17 mars 2020 - stipule en page 6 que « Lors de sa séance du 19 juin 2020, le Conseil fédéral a décidé que tous les droits à l’allocation pour perte de gain COVID-19 s’éteindraient au plus tard le 16 septembre 2020. Ainsi, en dérogation à l’art. 24 LPGA, tout droit à cette allocation sera réputé intégralement acquitté à cette date et il sera impossible de le faire valoir ultérieurement ».

Ce changement est confirmé sous ch. 1020.1 qui prévoit qu’un droit à l’allocation pour perte de gain COVID-19 peut prendre naissance jusqu’au 16 septembre 2020 au plus tard et que l’assuré doit le faire valoir jusqu’à cette date.

6.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible ; la vraisemblance prépondérante suppose que, d’un point de vue objectif, des motifs importants plaident pour l’exactitude d’une allégation, sans que d’autres possibilités ne revêtent une importance significative ou n’entrent raisonnablement en considération (ATF 139 V 176 consid. 5.3 et les références). Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 360 consid. 5b ; 125 V 195 consid. 2 et les références ; cf. ATF 130 III 324 consid. 3.2 et 3.3). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).

7.             Dans le cas d’espèce, l’éventuel droit de fond du recourant à l’octroi d’APG coronavirus n’a pas été examiné par la caisse ; l’autorité s’est contentée de constater et de confirmer dans la décision querellée, que le délai pour déposer la demande d’APG coronavirus était échu, étant précisé qu’en dépit de la dénomination du formulaire de demande d’APG coronavirus remplie par le recourant, ses prétentions portent sur la période antérieure, allant du 20 mars au 16 septembre 2020.

Le recourant ne conteste pas avoir déposé tardivement sa demande mais considère que l’autorité n’a pas fourni une information juste et que, par application du principe de la bonne foi, sa demande d’APG coronavirus doit être examinée, au fond, par l’autorité, même si le délai n’a pas été respecté, dès lors que le recourant s’est fondé sur les informations fournies par la hotline jusqu’au 23 avril 2020, à savoir qu’il disposait d’un délai de cinq ans pour déposer sa demande de prestations.

De son côté, l’intimée considère que l’information qui a été donnée par la hotline en date du 23 avril 2020 était exacte vu l’état du droit en vigueur au moment où l’information avait été sollicitée par le recourant. Selon la caisse, il fallait notamment tenir compte du contexte d’urgence et des modifications régulières des dispositions applicables, au fur et à mesure, en fonction de l’évolution de la pandémie et de la situation économique. Il appartenait ainsi au recourant de se renseigner régulièrement sur les aides auxquels il aurait pu prétendre.

A teneur des déclarations des parties et du témoin, lors de l’audience du 1er septembre 2022, la chambre de céans considère qu’il est établi, au degré de vraisemblance prépondérante, qu’au moment où le recourant a contacté pour la dernière fois la hotline de l’intimée, en date du 23 avril 2020, l’information qui lui a été donnée concernant le délai pour déposer une demande ne pouvait être que le délai de cinq ans prévu par l’article 24 LPGA, avec les modifications mineures (prescription de cinq ans débutant dès l’abrogation des mesures) figurant dans l’art. 6 de l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 en vigueur à cette date.

Il est, dès lors, nécessaire d’examiner la portée du devoir d’information de l’intimée ainsi que les éventuelles conditions d’application du principe de la bonne foi.

8.              

8.1 L’art. 27 LPGA prévoit que, dans les limites de leur domaine de compétence, les assureurs et les organes d’exécution des diverses assurances sociales sont tenus de renseigner les personnes intéressées sur leurs droits et obligations (al. 1er). Chacun a le droit d’être conseillé, en principe gratuitement, sur ses droits et obligations. Sont compétents pour cela les assureurs à l’égard desquels les intéressés doivent faire valoir leurs droits ou remplir leurs obligations (al. 2).

L’alinéa premier ne porte que sur une information générale des assurés, par le biais par exemple de brochures d’informations ou de lettres-circulaires. En revanche, l’alinéa 2 prévoit l’obligation de donner une information précise ou un conseil dans un cas particulier, de sorte qu’il peut conduire à l’obligation de verser des prestations sur la base du principe de la bonne foi.

Plus particulièrement, le devoir de conseil de l'assureur social au sens de l'art. 27 al. 2 LPGA comprend l'obligation d'attirer l'attention de la personne intéressée sur le fait que son comportement pourrait mettre en péril la réalisation de l'une des conditions du droit aux prestations (ATF 131 V 472 consid. 4.3). Les conseils ou renseignements portent sur les faits que la personne qui a besoin de conseils doit connaître pour pouvoir correctement user de ses droits et obligations dans une situation concrète face à l'assureur (cf. EUGSTER, ATSG und Krankenversicherung : Streifzug durch Art. 1-55 ATSG, RSAS 2003 p. 226). Le devoir de conseil s'étend non seulement aux circonstances de faits déterminants, mais également aux circonstances de nature juridique (SVR 2007 KV n° 14 p. 53 et la référence). Son contenu dépend entièrement de la situation concrète dans laquelle se trouve l'assuré, telle qu'elle est reconnaissable pour l'administration (MEYER, Grundlagen, Begriff und Grenzen der Beratungspflicht der Sozialversicherungsträger nach Art. 27 Abs. 2 ATSG, in : Sozialversicherungsrechtstagung 2006, St-Gall 2006, p. 27 n° 35).

À ce titre, l'art. 19a OACI, en vigueur depuis le 1er janvier 2003, précise que les organes d'exécution mentionnés à l'art. 76 al. 1 let. a à d LACI, soit notamment les caisses de chômage (art. 76 al. 1 let. a et art. 19a al. 2 OACI), renseignent les assurés sur leurs droits et obligations, entrant dans leur domaine d’activité (art. 81 LACI).

8.2 D'après la jurisprudence, le défaut de renseignement dans une situation où une obligation de renseigner est prévue par la loi, ou lorsque les circonstances concrètes du cas particulier auraient commandé une information de l'assureur, est assimilé à une déclaration erronée de l'administration qui peut obliger celle-ci à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur en vertu du principe de la protection de la bonne foi découlant de l'art. 9 Cst., à condition que (a) l'autorité soit intervenue dans une situation concrète à l'égard de personnes déterminées, (b) qu'elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de ses compétences et (c) que l'administré n'ait pas pu se rendre compte immédiatement de l'inexactitude du renseignement obtenu. Il faut encore qu'il se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour (d) prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice, et (e) que la réglementation n'ait pas changé depuis le moment où l'assurance a été donnée (ATF 131 II 627 consid. 6.1 et les références citées). Ces principes s'appliquent par analogie au défaut de renseignement, la condition (c) devant toutefois être formulée de la façon suivante : que l'administré n'ait pas eu connaissance du contenu du renseignement omis ou que ce contenu était tellement évident qu'il n'avait pas à s'attendre à une autre information (ATF 131 V 472 consid. 5 ; ATF non publié 8C_601/2009 du 31 mai 2010, consid. 4.2).

Selon la jurisprudence, la restitution du délai de trois mois de l'art. 20 al. 3 LACI peut être accordée s'il y a eu violation du droit à la protection de la bonne foi qui permet au citoyen (assuré) d'exiger que l'autorité (assureur social) qu'elle restitue un délai parvenu à échéance par un manquement de sa part. Le grief de violation d'une obligation de renseigner plus générale apparaît toutefois infondé tant qu'il n'existe pas de circonstances particulières qui obligeraient l'administration à fournir des renseignements dans une mesure plus étendue que celle qui découle de la loi (ATF 124 V 220s. consid. 2b/aa).

Le Tribunal fédéral a ainsi précisé qu'aucun devoir de renseignement ou de conseil, au sens de l'art. 27 LPGA, n'incombe à l'institution d'assurance tant qu'elle ne peut pas, en prêtant l'attention usuelle, reconnaître que la personne assurée se trouve dans une situation dans laquelle elle risque de perdre son droit aux prestations (ATF 133 V 249 consid. 7.2).

Dans un arrêt rendu le 20 septembre 2006 (C_318/2005), le Tribunal fédéral des assurances s’est penché sur le cas d'un assuré qui reprochait à l'assurance de ne pas l'avoir informé de ce qu'il devait continuer à effectuer des recherches d'emploi alors qu'il avait été engagé par une organisation internationale à plein temps pour un salaire inférieur à ses indemnités de chômage. Il a jugé qu'il incombait à cet assuré, en cas de doute, de se renseigner ; en effet, dès lors qu’il était au bénéfice d'indemnités compensatoires, il ne pouvait raisonnablement considérer qu'il était délié de son obligation de trouver un emploi convenable. Le Tribunal fédéral des assurances a ainsi retenu, dans le cadre de l'application de l'art. 27 LPGA, le devoir pour l'assuré de faire preuve de diligence.

9.             Dans le cas d’espèce il est établi que lors de l’entretien téléphonique du 23 avril 2020, l’employé de la hotline de l’intimée n’a pas donné un renseignement erroné au recourant mais lui a fourni les informations qui concernaient ses droits, au moment de la demande d’information, soit le délai de cinq ans prévu par l’art. 24 LPGA pour faire valoir ses prétentions.

Or, il faut qu’il y ait eu un manquement de la part de l’autorité pour qu'elle soit tenue de restituer un délai parvenu à échéance.

Il n’existait, au 23 avril 2020, aucun indice qui aurait pu faire penser aux employés de la hotline de l’intimée qu’une nouvelle disposition dérogeant au délai de prescription de cinq ans allait entrer en vigueur deux mois plus tard ; on ne peut donc pas déduire de l’état de fait que l’intimée a omis de renseigner le recourant sur une situation qu’elle connaissait ou qui était raisonnablement prévisible.

De même, il n’est pas établi, ni même allégué, que les employés de la hotline ont donné une quelconque assurance au recourant sur le fait que le délai de cinq ans s’appliquerait quoi qu’il arrive dans les mois à venir ; on ne peut donc pas conclure que l’intimée a donné des garanties au recourant sur la pérennité du délai de cinq ans.

En se fondant sur la jurisprudence du Tribunal fédéral des assurances, citée supra, il apparait que le fait de se renseigner régulièrement sur l’évolution des dispositions en matière d’APG coronavirus incombait au recourant, dès lors qu’il était notoire, depuis les premières mesures prises par le Conseil fédéral pour lutter contre la pandémie, que lesdites mesurent évoluaient régulièrement et rapidement. Ces mesures avaient des répercussions sur presque tous les actes de la vie quotidienne, qu’il s’agisse de rassemblements, de travail, d’école, de fermeture des magasins, de déplacement en dehors de la Suisse pour n’en citer que quelques-uns.

Par conséquent, il tombait sous le sens que les mesures relatives aux APG coronavirus pouvaient être modifiées au même rythme que les autres mesures prises par le Conseil fédéral ou par les cantons et que l’on ne pouvait dès lors pas se fonder sur un renseignement général, donné en date du 23 avril 2020, pour en conclure que le délai de cinq ans pour déposer une demande d’APG allait perdurer.

Dès le 19 juin 2020, le recourant aurait pu être informé de la modification du délai pour introduire sa demande d’APG coronavirus, s’il avait contacté la hotline, ou consulté le site Internet de l’intimée, ce qu’il n’a pas fait.

En omettant de se renseigner sur ce point, depuis son ultime contact téléphonique du 23 avril 2020, le recourant a violé son devoir de diligence.

Les explications qu’il a fournies quant à la maladie de son épouse et au fait qu’il n’avait pas reçu la newsletter de l’intimée pour le mois de juin 2020 ne constituent pas des justifications pouvant excuser son manque de diligence. Ce d’autant moins que, comme il l’a admis en audience, il pouvait, dès le mois de juillet 2020, consulter le site Internet de l’intimée, qui affichait clairement la date du 16 septembre 2020 comme échéance pour le dépôt des demandes APG coronavirus.

Ses explications quant à la manière dont il a compris la signification de cette date, lorsqu’il a reçu la newsletter et qu’il a consulté le tableau des modifications publié par l’intimée, ne sont guère convaincantes ; la mention de la date du 16 septembre 2020 dans la colonne « échéance » du tableau aurait dû le conduire, a minima, à s’interroger et à vérifier si son interprétation était correcte en appelant la hotline de l’intimée, ce qu’il n’a pas fait.

Dès lors, il convient d’admettre que l’intimée n’a pas donné au recourant un renseignement erroné, ni n’a omis fautivement de le renseigner, mais qu’il appartenait à ce dernier de s’informer régulièrement de l’évolution de la situation.

S’y ajoute le fait que, même si – par hypothèse - une assurance formelle avait été donnée au recourant par l’intimée, en date du 23 avril 2020, la cinquième condition nécessaire à l’application du principe de la bonne foi aurait fait défaut, dès lors que dans le cas d’espèce la réglementation a changé en date du 19 juin 2020, depuis le moment où – par hypothèse - l'assurance aurait été donnée (ATF 131 II 627 consid. 6.1 et les références citées)

L’absence de violation du devoir d’information de la part de l’intimée et le changement de règlementation intervenu en date du 19 juin 2020 font ainsi obstacle à l’application du principe de la bonne foi en faveur du recourant ; il en résulte que le refus de l’intimée de restituer le délai est justifié et sa décision de non entrée en matière est bien fondée.

10.         Compte tenu de ce qui précède, la chambre de céans ne peut que rejeter le recours.

11.         Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis a contrario LPGA).


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le