Skip to main content

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/4249/2021

ATAS/779/2022 du 06.09.2022 ( PC ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/4249/2021 ATAS/779/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 6 septembre 2022

15ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée avenue B______ à CHÂTELAINE, représentée par GROUPE SANTÉ GENÈVE

 

 

recourante

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES, sis route de Chêne 54, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : la requérante ou la recourante), née en 1975, est au bénéfice de prestations complémentaires depuis 2011.

b. Par décision du 23 juillet 2020, le service des prestations complémentaires (ci-après : SPC) a informé la requérante du calcul de ses droits qui prendrait compte, dès le 1er juillet 2020, d’un loyer de CHF 11'520.-, puis de CHF 11'772.- (au lieu de CHF 14'520.- jusqu’alors) en raison de changements consécutifs de domicile. L’adresse de la requérante dès le mois d’août 2020 était « avenue B______, 1219 Châtelaine ».

c. Le 5 décembre 2020, le SPC a informé l’assurée du montant de ses droits dès le 1er janvier 2021, lesquels tenaient compte du loyer de l’appartement à l’avenue B______.

d. Le 17 février 2021, le SPC a adressé une nouvelle feuille de calcul à la requérante compte tenu de la réforme des prestations complémentaires. Les droits de la requérante étaient inchangés.

e. Le 18 juin 2021, le SPC a écrit à la requérante qu’il procédait à un contrôle de domiciliation et l’invitait à remplir dans un délai de 10 jours un talon réponse à ce sujet. Ce courrier adressé à la requérante en recommandé n’a pas été réclamé.

f. Par décision du 7 juillet 2021, le SPC a indiqué à l’assurée avoir appris son départ de Genève et devoir dès lors interrompre le versement des prestations complémentaires dès le 31 juillet 2021. Cette décision a été envoyée par courrier B, de sorte qu’elle a été remise au plus tôt le 10 juillet 2021 dans la boîte aux lettres de la requérante.

B. a. Le 4 novembre 2021, le Groupe santé Genève a, pour le compte de la requérante, fait opposition à la décision du 7 juillet 2021, en sollicitant la restitution du délai d’opposition. La requérante avait été empêchée d’agir avant, dans la mesure où ayant perdu ou s’étant fait voler son permis C à l’aéroport de Genève le 11 juin 2021, elle avait été retenue en Ethiopie (où elle avait eu l’intention de rester jusqu’au 19 juillet 2021 selon son ticket d’avion de retour) dans l’attente de la délivrance d’un visa pour rentrer en Suisse, lequel lui avait été délivré le 23 septembre 2021. Elle avait ensuite pris le premier vol que ses ressources lui permettaient de payer et était arrivée en Suisse le 22 octobre 2021. Elle avait pris connaissance de la décision du 7 juillet 2021 à son retour en Suisse et avait agi le 4 novembre 2021 en faisant opposition à cette décision et en demandant la restitution du délai échu et a parallèlement agi en reconsidération.

b. Par décision du 11 novembre 2021, le SPC a déclaré l’opposition irrecevable, car tardive. La recourante n’avait pas informé le SPC du fait qu’elle était retenue en Ethiopie et n’avait pas entrepris les démarches administratives utiles pour recevoir son courrier du SPC notamment.

c. Les prestations complémentaires ont à nouveau été versées à la recourante dès le 1er novembre 2021.

C. a. Par acte du 15 décembre 2021, la requérante a interjeté recours contre cette décision devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : chambre de céans) en concluant, sous suite de frais et dépens, à la restitution du délai d’opposition, à l’annulation de la décision du 7 juillet 2021 et à ce que la chambre de céans reconnaisse le droit de la recourante à des prestations complémentaires du 1er août 2021 au 31 octobre 2021 ; subsidiairement, elle sollicitait la reconsidération de la décision attaquée.

b. Par acte du 12 janvier 2022, le SPC a conclu au rejet du recours.

c. La régie immobilière de la requérante a confirmé sur demande de la chambre de céans que tous les loyers de l’appartement de cette dernière avaient été acquittés dans le délai pour ce faire.

d. Par courrier du 29 mars 2022, le conseil de la requérante a indiqué que sa mandante avait souhaité mettre son courrier en Poste restante pour pallier les erreurs de la Poste dans la livraison de son courrier, un autre locataire de l’immeuble ayant un nom très similaire à cette dernière.

e. Par courrier du 19 avril 2022, le SPC a persisté dans ses conclusions.

f. Le 29 avril 2022, la requérante a adressé une dernière écriture à la chambre de céans en réitérant n’avoir pris connaissance de la décision du SPC que le 22 octobre 2021. Elle avait été empêchée sans sa faute de recevoir son courrier à temps et d’agir dans le délai d’opposition. Sans savoir qu’une décision lui était destinée, elle n’avait pas de raison d’informer le SPC du fait qu’elle était retenue en Ethiopie dans l’attente de son visa pour rentrer en Suisse.

g. À l’issue de l’instruction, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Le litige porte sur la recevabilité de l’opposition formée le 4 novembre 2021 contre la décision du 7 juillet 2021, que l’intimé a jugé tardive par décision du 11 novembre 2021.

2.1 En vertu de l’art. 52 al. 1 LPGA, les décisions peuvent être attaquées dans les trente jours par voie d’opposition auprès de l’assureur qui les a rendues. Un délai compté en jours commence à courir le lendemain de la communication (art. 38 al. 1 LPGA). Les écrits doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai à l’assureur, ou, à son adresse, à la Poste suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 39 al. 1 LPGA).

2.2 Selon la jurisprudence, une décision ou une communication de procédure est considérée comme étant notifiée, non pas au moment où le justiciable en prend connaissance, mais le jour où elle est dûment communiquée. S'agissant d'un acte soumis à réception, la notification est réputée parfaite au moment où l'envoi entre dans la sphère de puissance de son destinataire. Point n'est besoin que celui-ci ait eu effectivement en mains le pli qui contenait la décision. Il suffit ainsi que la communication soit entrée dans sa sphère de puissance de manière qu'il puisse en prendre connaissance (ATF 122 III 319 consid. 4 et les références; GRISEL, Traité de droit administratif, p. 876 et la jurisprudence citée; KNAPP, Précis de droit administratif, 4ème éd., n°704 p. 153; KÖLZ/HÄNER, Verwaltungsverfahren und Verwaltungsrechtspflege des Bundes, 2ème éd., n°341 p. 123).

2.3 Le fardeau de la preuve de la notification d’un acte et de sa date incombe en principe à l’autorité qui entend en tirer une conséquence juridique (ATF 124 V 402 consid. 2a). En ce qui concerne plus particulièrement la notification d’une décision ou d’une communication de l’administration adressée par courrier ordinaire, elle doit au moins être établie au degré de la vraisemblance prépondérante requis en matière d’assurance sociale (ATF 124 V 402 consid. 2b). L’autorité supporte donc les conséquences de l’absence de preuve (ou de vraisemblance prépondérante) en ce sens que si la notification ou sa date sont contestées et qu’il existe effectivement un doute à ce sujet, il y a lieu de se fonder sur les déclarations du destinataire de l’envoi (arrêt du Tribunal fédéral 8C_621/2007 du 5 mai 2008 consid. 4.2).

2.4 L'autorité qui entend se prémunir contre le risque d'échec de la preuve de la notification doit communiquer ses actes judiciaires sous pli recommandé avec accusé de réception (ATF 129 I 8 consid. 2.2 p. 11; arrêt 1P.505/ 1998 du 28 octobre 1998 consid. 2b in SJ 1999 I p. 145). Il est en pratique difficile, pour ne pas dire impossible, d'établir la preuve qu'une communication est parvenue à son destinataire en cas d'envoi sous pli simple (voir Jean-Maurice FRÉSARD, Commentaire de la LTF, 2e éd. 2014, n° 29 ad. art. 44 LTF). L’envoi sous pli simple ne permet en général pas d’établir que la communication est parvenue au destinataire. La seule présence au dossier de la copie d’une lettre n’autorise pas à conclure avec un degré de vraisemblance prépondérante que cette lettre a été effectivement envoyée par son expéditeur et qu’elle a été reçue par le destinataire (ATF 101 Ia 8 consid. 1). En outre, la preuve de la date de réception d’un courrier expédié par pli simple ne peut être considérée comme rapportée par la seule référence aux délais usuels d’acheminement des envois postaux (ATF 142 IV 125 consid. 4.4 et les références citées). La preuve de la notification d’un acte peut néanmoins résulter d’autres indices ou de l’ensemble des circonstances, en particulier de la correspondance échangée ou de l’absence de protestation de la part d’une personne qui reçoit des rappels (cf. ATF 105 III 46 consid. 3 ; DTA 2000 n. 25 p. 121 consid. 1b ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 6/02 du 21 janvier 2003 consid. 3.2).

2.5 En l'occurrence, il n'est pas contesté que la décision attaquée datée du 7 juillet 2021 a bien été envoyée à la recourante par l'intimé. La recourante, alors en Ethiopie depuis le 11 juin 2021, en a eu connaissance au plus tard le 22 octobre 2021 tel qu'elle l'allègue. Cette décision est dès lors bien parvenue dans la sphère d'influence de la recourante en juillet 2021, quand bien même cette dernière n'en aurait eu connaissance qu'à son retour en Suisse. L'opposition formée le 4 novembre 2021 l'a été bien au-delà du délai d'opposition, de sorte qu'elle était tardive.

2.6 Reste à examiner si une restitution de délai peut être accordée.

2.7 Tel peut être le cas, de manière exceptionnelle, à condition que le requérant ait été empêché, sans sa faute, d’agir dans le délai fixé (art. 41 LPGA) et pour autant qu’une demande de restitution motivée, indiquant la nature de l’empêchement, soit présentée dans les 30 jours à compter de celui où il a cessé. Il s’agit là de dispositions impératives auxquelles il ne peut être dérogé (Jurisprudence des autorités administratives de la Confédération [JAAC] 60/1996, consid. 5.4, p. 367 ; ATF 119 II 87 consid. 2a; ATF 112 V 256 consid. 2a).

2.8 Entrent en ligne de compte non seulement l'impossibilité objective ou la force majeure, mais aussi l'impossibilité due à des circonstances personnelles ou à une erreur excusable. Ces circonstances doivent être appréciées objectivement en ce sens qu'est non fautive toute circonstance qui aurait empêché un intéressé, respectivement son représentant, consciencieux d'agir dans le délai fixé (arrêts 5A_149/2013 du 10 juin 2013 consid. 5.1.1 et les références citées; 5A_896/2012 du 10 janvier 2013 consid. 3.2; 5A_30/2010 du 23 mars 2010 consid. 4.1 et les références citées; GILLIÉRON, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, t. I, 1999, n° 40 ad art. 33 LP). La faute du représentant est assimilée à la faute de l'intéressé conformément aux règles sur la représentation directe (GILLIÉRON, op. cit., n° 42 ad art. 33 LP). De même, s'agissant des auxiliaires, l'application des motifs exonérant la responsabilité de l'employeur selon l'art. 55 CO est exclue (arrêts 5A_30/2010 précité; 2P.264/2003 du 29 octobre 2003 consid. 2.1 et les références).

2.9 La recourante allègue qu'elle a été retenue à l'étranger faute de permis pour rentrer en Suisse jusqu'au 23 septembre 2021, puis qu’elle a pris le premier billet d’avion dans ses moyens, de sorte qu’elle est arrivée en Suisse le 22 octobre 2022. Elle ne savait pas qu’une décision sujette à opposition lui avait été adressée, personne ne relevant son courrier en son absence.

2.10 Selon la jurisprudence, des vacances à l’étranger ne justifient pas la restitution d’un délai de procédure, contrairement, par exemple, à une maladie d'une certaine gravité ou d'un accident, attestés par un certificat médical, une période de service militaire ou le décès inattendu d'un proche parent (ATAS/535/2004 du 6 juillet 2004).

Dans le cas particulier, la recourante a cependant été empêchée dès le début de ses vacances en Ethiopie de rentrer en Suisse, son retour étant initialement prévu pour le 19 juillet 2021, puisqu’elle a perdu ou s’est fait voler son permis C. Ce fait apparaît établi, dans la mesure où la recourante a rapidement porté plainte et a fait des démarches en vue d’obtenir un nouveau permis dès son arrivée en Ethiopie, ce qui ressort des échanges qu’elle a eus avec les autorités suisses figurant au dossier. La recourante n’a été informée que le 23 septembre 2021 du fait qu’elle pourrait recevoir un visa pour son retour en Suisse, de sorte que ce n’est qu’à partir de cette date qu’elle a pu chercher un billet de retour. Elle allègue, et cela paraît vraisemblable au vu de sa situation financière précaire, qu’elle a acheté le premier billet dans ses moyens pour rentrer en Suisse. Elle est dès lors arrivée le 22 octobre 2021 et a pu prendre connaissance de la décision litigieuse.

Force est de constater que la recourante n’a par ailleurs pas pu prendre connaissance du courrier du 18 juin 2021 par lequel le SPC lui demandait de remplir un formulaire pour s’assurer de son domicile en Suisse puisqu’elle s’était rendue en Ethiopie le 11 juin 2021. Elle ne pouvait dès lors pas s’attendre à recevoir une décision la privant de tout droit à des prestations complémentaires courant du mois de juillet 2021. Par ailleurs, si elle était rentrée comme prévu le 19 juillet 2021, elle aurait pu agir dans le délai pour rétablir son droit. Son loyer a continué à être payé par prélèvement automatique et son courrier a été conservé en son absence. Dans ces circonstances exceptionnelles, l’on ne saurait lui reprocher de négligence.

L’on ne peut pas davantage lui reprocher d’être rentrée en Suisse que le 22 octobre 2021, dans la mesure où elle ignorait tout de la décision qu’il lui avait été adressée.

Ayant ensuite agi dans les trente jours consécutifs à la prise de connaissance de la décision, la recourante a fait valoir à bon droit sa demande de restitution.

En conclusion, les conditions de la restitution sont remplies. L’opposition doit dès lors être considérée comme recevable.

3.             Au vu de ce qui précède, le recours est admis et la cause sera renvoyée à l’intimé pour qu’il statue sur l’opposition de la recourante.

Au vu du sort du recours, la recourante, qui est représentée, à droit à une indemnité de CHF 1'000.-, à charge de l’intimé.

Pour le surplus, la procédure est gratuite.

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Annule la décision sur opposition du 11 novembre 2021.

4.        Renvoie la cause à l'intimé pour qu'il statue sur le fond de l'opposition interjetée par la recourante en date du 4 novembre 2021.

5.        Alloue une indemnité de CHF 1'000.- à la recourante, à charge de l’intimé.

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie LOCHER

 

La présidente

 

 

 

 

Marine WYSSENBACH

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le