Skip to main content

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/3098/2021

ATAS/664/2022 du 11.07.2022 ( APG ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3098/2021 ATAS/664/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 11 juillet 2022

1ère Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié à GENÈVE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Catarina MONTEIRO SANTOS

 

 

recourant

 

contre

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE COMPENSATION, sise rue des Gares 12, GENÈVE

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant), né en 1975, est inscrit en tant qu’indépendant auprès de la caisse cantonale genevoise de compensation (ci-après : la caisse, la CCGC ou l’intimée).

b. Selon l’extrait du registre du commerce, son entreprise, B______, est active dans le domaine de l’achat, vente et location de véhicules et transport de personnes.

B. a. Il a formé, le 2 avril 2020, une demande d’allocations pour perte de gain en lien avec le Coronavirus (ci-après : APG-Covid) auprès de la caisse et a perçu l’APG-Covid du 17 mars au 16 septembre 2020, selon des décomptes d’allocation pour perte de gain Covid-19 des 18 mai, 7 juillet, 4 septembre et 1er octobre 2020.

b. Les allocations versées ont été calculées sur la base du revenu retenu pour le décompte des cotisations 2019, soit des acomptes de cotisations, sur un revenu annuel déterminant de CHF 12'000.-, la taxation de cette année-là n’ayant pas encore été effectuée par les autorités compétentes.

c. Le 7 décembre 2020, l’administration fiscale cantonale a procédé à ladite taxation, ensuite de laquelle la CCGC a, le 11 décembre 2020, fixé définitivement les cotisations personnelles de l’assuré pour l’année 2019, sur la base d’un revenu déterminant de CHF 31'900.-.

C. a. Le 18 janvier 2021, l’assuré a sollicité le recalcul des APG-Covid sur la base de la taxation 2019 désormais établie. Il a précisé avoir contacté téléphoniquement la CCGC en août 2020 pour modifier le montant de son revenu à hauteur de CHF 31'000.- mais que le collaborateur lui avait indiqué qu’il devait attendre sa taxation définitive, avant qu’un ajustement des APG-Covid soit effectué.

b. Par décision datée du 17 mars 2020 (recte : 2021), la caisse a rejeté cette demande au motif qu’elle avait été formulée postérieurement au 16 septembre 2020, l’adaptation ultérieure à cette date du revenu déterminant n’ayant pas d’influence sur le montant de l’allocation.

c. Le 30 mars 2021, complété le 30 juin 2021, l’assuré s’est opposé à cette décision en se référant aux motifs de sa demande de modification.

d. Par décision sur opposition du 14 juillet 2021, la caisse a rejeté l'opposition pour les motifs évoqués dans sa décision, en ajoutant que, le 18 juin 2021, le parlement fédéral avait modifié la loi Covid et prévu que, dès le 1er juillet 2021, la taxation définitive 2019 était prise en compte pour fixer les APG-Covid, si celle-ci était disponible et plus favorable aux requérants, dans le cadre des futures demandes.

D. a. Par acte du 14 septembre 2021, l’assuré a recouru auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : CJCAS) à l'encontre de la décision sur opposition précitée, en concluant, sous suite de frais et dépens, à son annulation et à ce que la chambre de céans dise et constate qu'il avait droit à des APG-Covid calculées sur la base de la décision de taxation définitive pour l’année 2019, soit un revenu déterminant de CHF 31'900.-. À titre préalable, il a sollicité son audition.

b. Par acte du 6 octobre 2021, la caisse a conclu au rejet du recours, au motif que le recourant était forclos dans sa demande d’adaptation de l'APG-Covid, pour la période du 17 mars 2020 au 16 septembre 2020, qui n'avait pas été demandée avant cette dernière date, et que la base de calcul pour la période du 17 septembre 2020 au 30 juin 2021 restait la même. Seule l'APG-Covid due dès le 1er juillet 2021 pouvait être adaptée à la taxation 2019. En tant qu’organe d’exécution tenu d’appliquer l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 et la circulaire sur l’allocation pour perte de gain en cas de mesures destinées à lutter contre le Coronavirus (ci-après : CCPG), elle ne pouvait que refuser la demande.

c. Par acte du 1er novembre 2021, le recourant a répliqué. Il a relevé que la fixation d’un délai au 16 septembre 2020 constituait une inégalité de traitement sans motif valable entre les justiciables, dont le sort dépendait exclusivement de la célérité de traitement du dossier par les autorités fiscales et non pas de leur devoir de collaborer et de renseigner.

d. Le 16 novembre 2021, la caisse a dupliqué. Il n’y avait aucune inégalité de traitement dès lors que si le recourant avait déféré à son obligation de collaborer en fournissant les renseignements utiles pour fixer les cotisations selon l’art. 24 al. 2 du règlement sur l'assurance-vieillesse et survivants du 31 octobre 1947 (RAVS - RS 831.101), sur lequel sont calculées les allocations, leur montant n’aurait pas été erroné. Le recourant aurait pu procéder à une estimation provisoire de son revenu en 2019, puisqu’il n’était pas influencé par des difficultés inhérentes à la pandémie.

e. À l'issue de l'échange d'écritures, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.              

1.1 Les dispositions de la loi fédérale du 6 octobre 2000 sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA - RS 830.1) s’appliquent aux allocations pertes de gain en lien avec le Coronavirus, sous réserve de dérogations expresses (art. 1 de l’ordonnance sur les pertes de gain en lien avec le coronavirus du 20 mars 2020 [ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 - RS 830.31]). Les décisions sur opposition et celles contre lesquelles la voie de l’opposition n’est pas ouverte sont sujettes à recours auprès du tribunal des assurances compétent (art. 56 LPGA).

La CJCAS est ainsi compétente pour connaître du recours (cf. ATAS/1208/2020 du 10 décembre 2020).

1.2 Interjeté en temps utile et dans les formes légales par une personne directement touchée par la décision attaquée, le recours est recevable.

2.             Le litige porte sur le bien-fondé du refus de l'intimée de réviser le calcul des APG-Covid dues au recourant dès le 17 mars 2020, selon la demande de reconsidération que ce dernier a déposée le 18 janvier 2021.

2.1 En l'espèce, le recourant ayant perçu des APG-Covid antérieurement au 17 septembre 2020, il convient de déterminer le montant de celles-ci, selon les dispositions de l’ordonnance applicable dans sa teneur en vigueur jusqu’au 16 septembre 2020 (cf. art. 5 al. 2bis de l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 précitée), singulièrement d’examiner si, comme le prétend le recourant, l'intimée aurait dû recalculer les APG-Covid sur la base du revenu définitif 2019 qui n'était pas disponible au 16 septembre 2020.

2.2 Le 17 mars 2020 est entrée en vigueur l’ordonnance du 20 mars 2020 sur les mesures en cas de pertes de gain en lien avec le coronavirus (ci-après : COVID-19).

Selon l’art. 2 al. 3 en relation avec l’art. 2 al. 1bis let. c de l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19, dans sa teneur du 23 avril 2020 au 16 septembre 2020, les personnes qui exercent une activité lucrative indépendante au sens de l’art. 12 LPGA ont droit à l’allocation perte de gain si elles sont assurées obligatoirement au sens de la LAVS et si elles subissent une perte de gain en raison d’une mesure prévue à l’art. 6 al. 1 et 2 de l’ordonnance du 13 mars 2020 sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus (ordonnance 2 COVID-19 ; RS 818.101.24 ; abrogée au 22 juin 2020).

Visant les « cas de rigueur », l’art. 2 al. 3bis en relation avec l’art. 2 al. 1bis let. c de l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19, dans sa teneur en vigueur du 17 mars 2020 au 16 septembre 2020, prévoit que les personnes qui exercent une activité lucrative indépendante au sens de l’art. 12 LPGA, mais qui ne sont pas concernées par l’art. 2 al. 3 précité, ont droit à l’allocation perte de gain si elles sont assurées obligatoirement au sens de la LAVS, si elles subissent une perte de gain en raison des mesures prises par le Conseil fédéral afin de lutter contre le Coronavirus et si leur revenu déterminant pour le calcul des cotisations AVS de l’année 2019 se situe entre CHF 10'000.- et CHF 90'000.-.

En vertu de l’art. 5 de l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19, dans sa teneur selon le ch. I de l'ordonnance du 19 juin 2020, en vigueur depuis le 17 mars 2020 (RO 2020 2223), l’indemnité journalière est égale à 80 % du revenu moyen de l’activité lucrative obtenu avant le début du droit à l’allocation (al. 1).

Pour déterminer le montant du revenu, l’art. 11 al. 1 de la loi fédérale sur les allocations pour perte de gain en cas de service et de maternité du 25 septembre 1952 (LAPG - RS 834.1) s’applique par analogie.

Après la fixation du montant de l’allocation, cette dernière ne peut faire l’objet d’un nouveau calcul que si une taxation fiscale plus récente est envoyée à l’ayant droit d’ici au 16 septembre 2020 et que celui-ci dépose une demande de nouveau calcul d’ici à cette date (al. 2).

2.3 Selon l’art. 11 al. 1 LAPG, le revenu moyen acquis avant l’entrée en service est le revenu déterminant pour le calcul des cotisations dues conformément à la LAVS. Le Conseil fédéral édicte des dispositions relatives au calcul de l’allocation et fait établir par l’Office fédéral des assurances sociales (ci-après : OFAS) des tables dont l’usage est obligatoire et dont les montants sont arrondis à l’avantage de l’ayant droit.

Selon l’art. 7 al. 1 du règlement du 24 novembre 2004 sur les allocations pour perte de gain (RAPG - RS 834.11), pour les personnes exerçant une activité indépendante, l’allocation est calculée d’après le revenu, converti en revenu moyen, qui a servi de base à la dernière décision de cotisations à l’AVS rendue avant l’entrée en service. L’allocation est ajustée sur demande si, par la suite, une nouvelle décision de cotisations est prise pour l’année pendant laquelle le service a été accompli (al. 1). Pour les personnes qui rendent vraisemblable qu’elles auraient entrepris une activité indépendante de longue durée pendant la période du service, l’allocation est calculée d’après le revenu qu’elles auraient pu obtenir (al. 2). Si une personne exerçant une activité indépendante n’est pas astreinte à payer des cotisations en vertu de la LAVS, son allocation est calculée d’après le revenu acquis au cours de l’année précédant celle de l’entrée en service (al. 3).

2.4 Aux termes de l’art. 9 al. 3 LAVS, le revenu provenant d’une activité indépendante et le capital propre engagé dans l’entreprise sont déterminés par les autorités fiscales cantonales et communiqués aux caisses de compensation.

La perception des acomptes de cotisations est régie par l’art. 24 du règlement sur l'assurance-vieillesse et survivants du 31 octobre 1947 (RAVS - RS 831.101). Ils sont fixés sur la base du revenu probable de l’année de cotisations (al. 2). S’il s’avère, pendant ou après l’année de cotisations, que le revenu diffère sensiblement du revenu probable, les caisses de compensation adaptent les acomptes de cotisations (al. 3). Les personnes tenues de payer des cotisations doivent fournir aux caisses de compensation les renseignements nécessaires à la fixation des cotisations, leur transmettre, sur demande, des pièces justificatives et leur signaler lorsque le revenu diffère sensiblement du revenu probable (al. 4).

3.              

3.1 L’OFAS a émis des lignes directrices relatives à l’application de l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 dans la CCPG. Il sera fait référence ci-après à la teneur de cette circulaire valable au 3 juillet 2020.

De telles directives de l'OFAS ne créent pas de nouvelles règles de droit, mais sont destinées à assurer l'application uniforme des prescriptions légales, en visant à unifier, voire à codifier, la pratique des organes d'exécution. Elles ont notamment pour but d'établir des critères généraux d'après lesquels sera tranché chaque cas d'espèce et cela aussi bien dans l'intérêt de la praticabilité que pour assurer une égalité de traitement des ayants droit. Selon la jurisprudence, ces directives n'ont d'effet qu'à l'égard de l’administration dont elles donnent le point de vue sur l'application d'une règle de droit et non pas une interprétation contraignante de celle-ci. Cela ne signifie toutefois pas que le juge n'en tienne pas compte. Au contraire, il doit les prendre en considération lors de sa décision lorsqu'elles offrent une interprétation satisfaisante des dispositions légales applicables et adaptée au cas d'espèce. Il ne s'en écarte que dans la mesure où les directives établissent des normes qui ne sont pas conformes aux dispositions légales applicables (voir ATF 145 V 84 consid. 6.1.1 et les références).

D’après le ch. 1065 CCPG, la base de calcul de l’indemnité pour les indépendants correspond en principe au revenu réalisé en 2019. Pour ce faire, c’est le revenu retenu pour le décompte des cotisations 2019 (acomptes de cotisations) qui est déterminant. Par contre, si, au moment où l’indemnité est déterminée, la taxation fiscale définitive pour 2019 est déjà disponible, celle-ci doit être prise comme base de calcul.

Le ch. 1065.1 CCPG précise que si l’indemnité a été fixée sur la base des revenus utilisés pour les acomptes de cotisations 2019 et que ceux-ci n’ont pas été adaptés depuis la dernière décision définitive de cotisations, les revenus de la dernière décision définitive de cotisations doivent être pris en compte sur demande du bénéficiaire. Si, au moment de la demande, la taxation fiscale pour 2019 est déjà disponible, c’est celle-ci qui doit être prise en compte. La demande de nouveau calcul, respectivement de révision ou de reconsidération, doit être adressée à la caisse de compensation au plus tard le 16 septembre 2020.

3.2 En l'occurrence, il n’est pas contesté que le recourant exerce une activité indépendante au sens de l’art. 12 LPGA et qu’il a subi une perte de gain en raison des mesures prises par le Conseil fédéral afin de lutter contre le Coronavirus. Dans ce cadre, il s’est vu reconnaître un droit à l’APG-Covid, dont le montant a été fixé sur la base du revenu retenu pour le décompte des cotisations pour l’année 2019, soit un revenu déterminant de CHF 12'000.-, la taxation définitive 2019 n'étant pas disponible. Le recourant n’a pas remis en cause à l’époque le montant de l’allocation.

La taxation définitive 2019 n’a été disponible que le 7 décembre 2021, soit postérieurement au 16 septembre 2020, de sorte que la première condition posée à l’art. 5 al. 2 de l’ordonnance précitée pour obtenir la modification de l’APG-Covid n'est pas remplie. La seconde condition n'est pas davantage réalisée puisque le recourant a demandé le recalcul de l’APG-Covid le 18 janvier 2021, soit tardivement, dès lors que le délai était échu depuis le 16 septembre 2020.

3.3 S’agissant de ce délai, les Tribunaux cantonaux des assurances des cantons de Vaud et de Zurich ont jugé que l'art. 5 al. 2 de l'ordonnance sur les pertes de gain COVID-19, en vigueur dès le 6 juillet 2020, ainsi que le chiffre 1065.1 CCPG, état au 3 juillet 2020, étaient manifestement contraires au principe de l'égalité de traitement, de sorte que le délai fixé au 16 septembre 2020 pour la prise en compte de la taxation fiscale des recourants n'était pas applicable (arrêts de la Cour des assurances sociales du canton de Vaud du 17 mai 2021 - APG 36/20 – 1 ; du 8 février 2022 – APG 6/21 – 8/2022 ; du 15 novembre 2020 - APG 35/20 – 21/2021 ; du 29 octobre 2020 - 15/21 – 19/2021 ; du 30 septembre 2021 - 13/21 – 16/2021 ; du 1er février 2022 – APG 16/21 – 7/2022 ; entrés en force faute d’avoir été contestés, et arrêt du Tribunal cantonal des assurances sociales du canton de Zurich du 29 octobre 2020 EE.2020. 00006, qui a fait l’objet d’un recours de l’OFAS, déclaré irrecevable par le Tribunal fédéral selon l’arrêt 9C_752/2020 du 9 mars 2021).

Ces considérations peuvent être reprises en l’espèce, ce d’autant que, par arrêt du 25 novembre 2021, le plénum de la chambre de céans a jugé dans le même sens (ATAS/1247/2021), principes repris dans ses arrêts postérieurs des 29 novembre 2021 (ATAS/1269/2021) et 17 mai 2022 (ATAS/438/2022) également entrés en force.

3.4 Selon la jurisprudence, une décision ou un arrêté viole le principe de l'égalité de traitement consacré à l'art. 8 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) lorsqu'il établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou qu'il omet de faire des distinctions qui s'imposent au vu des circonstances, c'est-à-dire lorsque ce qui est semblable n'est pas traité de manière identique et ce qui est dissemblable ne l'est pas de manière différente. Il faut que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante. L'inégalité de traitement apparaît ainsi comme une forme particulière d'arbitraire, consistant à traiter de manière inégale ce qui devrait l'être de manière semblable ou inversement (ATF 141 I 153 consid. 5.1 ; ATF 140 I 77 consid. 5.1 ; ATF 137 V 334 consid. 6.2.1 ; ATF 134 I 23 consid. 9.1).

3.5 En édictant l'ordonnance sur les pertes de gain COVID-19, le Conseil fédéral a posé le principe que la base de calcul de l'allocation pour les indépendants devait correspondre en principe au revenu réalisé en 2019. En limitant dans le temps la possibilité de se prévaloir de la décision définitive de taxation pour 2019 pour fixer le montant du revenu moyen de l'activité lucrative déterminant pour le calcul de l'allocation, l'art. 5 al. 2 de l'ordonnance sur les pertes de gain COVID-19, ainsi que le ch. 1065.1 de la CCPG, sont manifestement contraires au principe de l'égalité de traitement, tel qu'il est consacré à l'art. 8 al. 1 Cst. En effet, la faculté pour la personne exerçant une activité indépendante qui requiert le versement de l'allocation pour perte de gain en lien avec le Coronavirus de se prévaloir de la décision définitive de taxation pour 2019 dépend d'un facteur purement aléatoire, à savoir la célérité mise par les autorités fiscales pour établir ladite taxation. La personne concernée n'a toutefois aucune prise sur la procédure de taxation, car elle ne dispose d'aucun moyen pour contraindre les autorités fiscales à rendre une décision de taxation dans un délai précis. De fait, l'introduction d'une limite temporelle au 16 septembre 2020 pour la production de la décision définitive de taxation pour 2019 – laquelle constitue d'ailleurs une dérogation au régime général des allocations pour perte de gain (cf. art. 7 al. 1 RAPG) – revient à privilégier, arbitrairement et sans motif légitime, les personnes dont le dossier a été traité par les autorités fiscales avant cette date par rapport à celles dont la taxation n'a été entreprise que postérieurement. La crainte d'une éventuelle surcharge de l'autorité administrative liée aux demandes de réexamen des décisions d'allocation afin de tenir compte des décisions définitives de taxation pour 2019 ne saurait justifier une violation de ce principe fondamental de l'état de droit qu'est l'égalité de traitement.

Aussi faut-il retenir que la limitation dans le temps de la possibilité de se prévaloir de la décision définitive de taxation pour 2019 ne repose sur aucun motif sérieux et objectif et est, partant, contraire au principe de l'égalité de traitement (arrêt de la Cour des assurances sociales du canton de Vaud - APG 36/20 du 17 mai 2021).

3.6 En l’occurrence, au vu des considérations qui précèdent, l’intimée aurait dû procéder au recalcul des APG-Covid du recourant, depuis le 17 mars 2020, sur la base du revenu 2019 retenu dans sa taxation fiscale du 7 décembre 2020, nonobstant le fait que celle-ci a été émise postérieurement au 16 septembre 2020.

S’agissant du montant de l’indemnité, il devra être chiffré par la caisse, de sorte que le dossier lui sera renvoyé.

3.7 Les principes exposés au considérant qui précède s'imposent également pour le calcul des allocations pour perte de gain en cas de Coronavirus versées à compter du 17 septembre 2020 jusqu’au 30 juin 2021. Dans leur teneur en vigueur depuis cette date, les art. 5 al. 2bis et 2ter, ainsi que les ch. 1065, 1065.1 et 1065.2 de la CCPG consacrent également une inégalité de traitement au sens de l’art. 8 al. 1 Cst., dans la mesure où ils ne permettent pas à un certain nombre de bénéficiaires de se prévaloir de la décision définitive de taxation relative à la période fiscale 2019. Certes, le Conseil fédéral a, par ce biais, voulu exclure qu’une décision d’allocation puisse être révisée après le 16 septembre 2020 ou après le calcul de l’allocation. Ce faisant, il a adopté une solution législative qui n’est manifestement pas compatible avec les principes constitutionnels qui doivent guider l’action de l’État.

4.             Le recours sera admis, la décision litigieuse annulée et la cause renvoyée à l'intimée pour nouveau calcul des APG-Covid du recourant, dès le 17 mars 2020, en tenant compte de la taxation fiscale 2019 du 7 décembre 2020.

5.             Le recourant a conclu à titre préalable à son audition.

Au vu de ce qui précède, cette mesure s’avère inutile, par appréciation anticipée des preuves (ATF 130 II 425 consid. 2.1).

6.             Le recourant étant représenté, il se verra allouer un montant de CHF 1'500.- à titre de dépens (art. 61 let. g LPGA).

7.             Pour le surplus, la procédure est gratuite.

* * * * * *

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Annule la décision sur opposition du 14 juillet 2021.

4.        Renvoie la cause à l'intimée pour nouvelle décision, dans le sens des considérants.

5.        Alloue au recourant un montant de CHF 1'500.- à titre de dépens à charge de l’intimée.

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Marie NIERMARÉCHAL

 

La présidente

 

 

 

 

Fabienne MICHON RIEBEN

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le