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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3116/2021

ATAS/627/2022 du 30.06.2022 ( LAA ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3116/2021 ATAS/627/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 30 juin 2022

3ème Chambre

 

En la cause

Monsieur Mohamed GAMRI, domicilié rue de la Gare 14, ANNEMASSE, France

 

 

 

recourant

 

contre

CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS – SUVA, sise Fluhmattstrasse 1, LUCERNE

 

 

 

intimé

 


 

 

EN FAIT

 

A. a. Monsieur Mohamed GAMRI (ci-après l’assuré), né en 1979, a travaillé en qualité de manœuvre dans le cadre de missions temporaires. À ce titre, il était assuré contre le risque d'accidents auprès de la CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS (ci-après la SUVA).

b. Le 24 juin 2020, l’assuré a été victime d'un accident sur un chantier : il se trouvait sur un plancher qui a cédé et a ainsi fait une chute verticale sur quelque 2 mètres 50.

c. Le docteur Alexandre ARMAINGAUD a examiné l’assuré le 26 juin 2020. Il a suspecté une lésion du tableau tibial et attesté une incapacité de travail d'une durée de 15 jours.

d. Différents médecins ont par la suite régulièrement prolongé l’arrêt de travail. Le docteur Daniele COLOSIMO, médecin généraliste, a notamment attesté une incapacité de travail totale jusqu’au 21 juillet 2021.

e. Des radiographies de la colonne cervicale du 29 juillet 2020 ont révélé l’absence d'anomalie morphologique ou de la segmentation vertébrale, une rectitude du rachis cervical, des murs antérieur et postérieur respectés, l'absence de disjonction intervertébrale ou de listhésis pathologique, une minéralisation osseuse conservée et une hauteur des corps vertébraux et des espaces intersomatiques respectée. Il n’y avait pas de lésion osseuse suspecte et les parties molles péri-vertébrales étaient sans anomalie visible.

f. Une imagerie par résonance magnétique (IRM) du genou droit du 3 août 2020 a mis en évidence une méniscopathie de grade III de la corne postérieure du ménisque interne. Il n’y avait ni lésion chondrale, ni d'épanchement intra-articulaire, mais quelques petites formations kystiques en regard de l'articulation tibio-péronière proximale.

g. L’assuré a vu son contrat de travail résilié pour le 16 septembre 2020.

h. Dans un rapport du 8 septembre 2020, le docteur Hadhemi DRIDI, médecin à l’unité de neurochirurgie du centre hospitalier de la région d’Annecy, a noté qu’après l’accident, l’assuré s’était relevé et avait ressenti des cervicalgies immédiatement. Il était rentré de sa consultation médicale sans immobilisation cervicale. Ses douleurs cervicales s’étaient accentuées au fil du temps. À l’examen, il n’y avait pas de déficit neurologique. Les radiographies du 29 juillet 2020 montraient une fracture du coin antéro-inférieur de la vertèbre C5, avec un très discret listhésis de 1.2 mm de C5-C6. Au vu des douleurs invalidantes de l’assuré et malgré des radiographies qui n’étaient globalement pas inquiétantes, un petit doute d'entorse cervicale persistait. Une IRM cervicale était programmée et l’arrêt de travail prolongé.

i. Le docteur Christophe CHARDON, médecin au service de chirurgie orthopédique du centre hospitalier de la région d’Annecy, a retenu dans son rapport du 7 septembre 2020 que l’assuré présentait une fracture du pôle inférieur de la vertèbre C5, possiblement en teardrop.

j. Lors d’un entretien avec la SUVA en date du 10 novembre 2020, l’assuré a indiqué avoir fait du sport pendant dix-huit ans (boxe, football et musculation), mais avoir mis un terme à ces activités huit ans plus tôt.

k. Une IRM du rachis cervical du 14 septembre 2020 a révélé une rectitude du rachis cervical avec inversion de courbure en C4-C5, un bon alignement des massifs articulaires et l’absence de listhésis.

l. Dans un rapport de consultation du 26 janvier 2021, le Dr DRIDI a mentionné une fracture du coin antéro-inférieur de la vertèbre C5 traitée de manière conservatoire. Le fragment de fracture était tout à fait stable. Les douleurs n’étaient pas complètement résolues. Selon le médecin, l’assuré présentait une inflammation chronique cervicale. Il préconisait une kinésithérapie douce. Au vu de la situation, une reprise du travail ne devait pas avoir lieu dans l’immédiat. Il convenait d'éviter le port des charges lourdes, de limiter les positions debout ou assise prolongées et les manœuvres et les changements brusques de position. Un délai de deux à trois mois était nécessaire pour la remise en forme.

m. Le docteur Olivier GALLAND, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et médecin-conseil de la SUVA, a retenu dans son appréciation du 10 mars 2021 que l’assuré présentait des troubles antérieurs à l’accident sous forme de discopathies étagées. En l'absence de fracture, le médecin concluait que l’accident n’avait pas entraîné d’atteinte à la santé. Les troubles en lien de causalité naturelle avec l’accident avaient cessé.

n. Par décision du 11 mars 2021, la SUVA a mis un terme à sa prise en charge au 21 mars 2021, date au-delà de laquelle elle a estimé que les troubles persistant n’étaient plus en lien avec l’accident.

o. Dans son appréciation du 12 mars 2021, le Dr GALLAND a diagnostiqué des réactions inflammatoire et musculaire à la suite d’une chute aux niveaux dorsal et potentiellement cervical. L’assuré présentait avant l’accident des discopathies multi-étagées au niveau cervical et une atteinte méniscale dégénérative. L’accident du 24 juin 2020 n’avait pas entraîné d’atteinte, en particulier aucune fracture au niveau de la vertèbre C5, au vu de l’absence de description fracturaire à l’IRM. Les documents radiologiques ne révélaient pas d’atteinte ligamentaire ou du complexe disco-ligamentaire qui aurait pu être rattachée à l’événement au degré de la vraisemblance prépondérante. Ainsi, l’événement ne déployait plus d’effets après quelque huit mois.

p. Le 1er avril 2021, l’assuré s’est opposé à la décision de la Suva en alléguant que son incapacité de travail et sa rééducation se poursuivaient.

q. Dans un rapport du 15 mai 2021, le Dr COLOSIMO a diagnostiqué des cervicalgies hyperalgiques en raison du traumatisme de juin 2020. L’origine de la douleur était difficile à établir et pouvait être due à une inflammation persistante autour des fragments ou à des troubles cervicaux dégénératifs. L’assuré devait subir une intervention neurochirurgicale, dont il fallait attendre le compte-rendu. Ce médecin a ajouté, dans un rapport du 20 mai 2021, que les fragments cervicaux étaient vraisemblablement la cause des douleurs de l’assuré.

r. A la demande de la Suva, le professeur Nicolas THEUMANN, spécialiste FMH en radiologie, a examiné les documents d’imagerie. Dans son consilium du 17 juin 2021, il a noté que les médecins traitants avaient retenu une fracture du bord antéro-inférieur de la vertèbre C5, bien que le radiologue n’ait objectivé aucune atteinte osseuse. Le Prof. THEUMANN retrouvait sur les radiographies du 29 juillet 2020 un noyau épiphysaire non fusionné du listel marginal antéro-inférieur de la vertèbre C5, sans discopathie associée, sans arrachement osseux, sans épaississement des parties molles, sans subluxation articulaire ni lésion traumatique visible. L’examen de l’IRM réalisée le 14 septembre 2020 révélait de discrètes discopathies aux niveaux C3-C4, C4-C5 et C5-C6, non protrusives, non conflictuelles, venant jusqu'au contact de la moelle, sans signe de myélopathie et sans sténose canalaire. Il n’y avait pas d'évidence d'atteinte zygapophysaire postérieure ou de lésion évoquant un arrachement osseux. Le listel marginal non ossifié au niveau antéro-inférieur de la vertèbre C5 était difficilement visualisé. Il n’y avait toutefois aucune lésion traumatique ou post-traumatique visible à ce niveau. Il n’y avait ni anomalie dans les parties molles, ni effet de masse visible et pas d’évidence d'inflammation locorégionale. Sur des clichés du rachis cervical réalisés le 19 janvier 2021, le Prof. THEUMANN ne constatait ni trouble dégénératif, ni discopathie. Un petit noyau épiphysaire persistait. Il n'y avait aucune lésion séquellaire visible. En définitive, selon ce spécialiste, le fragment ossifié du listel marginal antéro-inférieur de la vertèbre C5 était très clairement un noyau épiphysaire, non fusionné, totalement bénin, sans discopathie, sans déchirure discale et sans argument évoquant une lésion traumatique sous-jacente.

s. Dans une appréciation du 15 juillet 2021, la doctoresse Marie-Pierre GRILLET, spécialiste FMH en chirurgie générale et médecin-conseil de la Suva, s’est ralliée à l’avis du Dr GALLAND : elle n’observait aucune atteinte structurelle récente, mais un fragment osseux à la hauteur du bord antéro-inférieur de la vertèbre C5. Sa forme bien arrondie sur les radiographies du 29 juillet 2020 était un signe en faveur d’une fracture ancienne, si fracture il y avait eu. Une deuxième lecture des images par le Prof. THEUMANN infirmait l’avis des médecins traitants qui retenaient une fracture de cette vertèbre. L’IRM du genou droit avait mis en évidence une atteinte méniscale de grade III, d’origine dégénérative et non traumatique. L’assuré avait exercé un métier contraignant et pratiqué différents sports durant 18 ans, ce qui avait certainement occasionné des microtraumatismes des genoux. De plus, seuls les troubles de la colonne cervicale étaient désormais mis en exergue. En résumé, l’événement du 24 juin 2020 n’avait entraîné aucune atteinte structurelle chez l’assuré, qui avait tout au plus présenté une contusion du genou droit et de la colonne cervicale, dont la guérison était obtenue entre trois et six mois. L’accident n’avait plus d’effet au moment de la décision de la SUVA.

t. Par décision du 19 juillet 2021, la Suva a écarté l’opposition, en se référant aux appréciations des Drs GALLAND et GRILLET.

B. a. Le 15 septembre 2021, l’assuré a interjeté recours auprès de la Cour de céans. Il considère qu'il a subi une fracture et diverses lésions méniscales lors de son accident.

b. Par écriture du 13 octobre 2021, la Suva a conclu au rejet du recours.

c. Par écriture du 8 novembre 2021, le recourant a déclaré ne pas comprendre la décision, intervenue alors qu’il était encore en convalescence. Il lui restait en effet de nombreuses séances de kinésithérapie à suivre. Il met en doute l’impartialité des médecins-conseils de l’intimée, dont il souligne qu'ils ne l'ont pas examiné personnellement.

d. Une audience de comparution personnelle a eu lieu à la demande du recourant, qui s'est tenue le 9 décembre 2021.

Le recourant a notamment exposé qu’on lui avait prescrit 65 séances de kinésithérapie.

Il s'est étonné du fait que l'intimée mette fin au versement de ses prestations en cours de traitement sur la base de l'avis d'un médecin-conseil qui ne l’a pas examiné physiquement et à une date qui lui paraît arbitraire.

Il a allégué qu'on lui a expliqué que le fragment de vertèbre fracturé lors de l’accident touche un nerf, ce qui explique ses douleurs. Une scintigraphie a révélé que la vertèbre C6 était également touchée. Il lui a été conseillé de retirer ce fragment, malgré le caractère délicat de cette intervention.

Le recourant a fait remarquer que tous les assurés n'ont pas le même délai de rétablissement.

À l’issue de l’audience, un délai a été imparti au recourant pour produire tout document utile, en particulier le rapport de scintigraphie évoqué.

e. Par écriture du 16 décembre 2021, le recourant a fait valoir qu’il n’avait pas les moyens de payer ses soins. Il a signalé rencontrer des problèmes au genou droit, qu’il ne peut faire traiter. Pour le surplus, il s’est plaint du délai de traitement de son opposition par la SUVA.

Il a produit un rapport de la scintigraphie pratiquée en mai 2021, révélant l’absence d'anomalie à hauteur de la vertèbre C5, une activité modérée sur l'apophyse épineuse de C6 et sur l'articulation C1-odontoïde, l’absence de foyer arthrosique cervical actif et de fragment inflammatoire persistant, une gonarthrose bilatérale et une souffrance patellaire bilatérale.

f. Dans son écriture du 9 février 2022, l’intimée a persisté dans ses conclusions en se référant à l’avis de la Dresse GRILLET, laquelle a constaté que ce rapport montrait l'absence de pathologie majeure de la colonne cervicale et du genou droit. La gonarthrose ne pouvait être un état séquellaire de l’événement du 24 juin 2020. Cet examen ne modifiait ainsi pas son appréciation du 15 juillet 2021.

 

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             La modification du 21 juin 2019 de la LPGA est entrée en vigueur le 1er janvier 2021. Elle est ainsi applicable au recours, dès lors qu'il n'était pas pendant à cette date (art. 82a LPGA a contrario).

3.             Déposé dans les forme et délai prévus par la loi (art. 56ss LPGA), le recours est recevable.

4.             L'objet du litige dans la procédure administrative est le rapport juridique qui - dans le cadre de l'objet de la contestation déterminé par la décision - constitue, d'après les conclusions du recours, l'objet de la décision effectivement attaqué (arrêt du Tribunal fédéral 9C_197/2007 du 27 mars 2008 consid. 1.2). 

Partant, tel que défini par la décision attaquée, le litige porte exclusivement sur le droit du recourant à des prestations de l’intimée au-delà du 21 mars 2021. Il ne peut être étendu aux éventuelles prétentions du recourant à l’encontre du Groupe Mutuel, qui est apparemment l’assureur d’indemnités journalières en cas de maladie de son ancien employeur.

5.             Selon l'art. 6 al. 1 LAA, les prestations d'assurance sont allouées en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle. L'art. 4 LPGA dispose qu'est réputé accident toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort.

6.             Les prestations que l'assureur-accidents doit cas échéant prendre en charge comprennent le traitement médical approprié des lésions résultant de l'accident (art. 10 al. 1 LAA), les indemnités journalières en cas d'incapacité de travail partielle ou totale consécutive à l'accident (art. 16 LAA), la rente en cas d'invalidité de 10 % au moins à la suite d'un accident (art. 18 al. 1 LAA), ainsi qu'une indemnité pour atteinte à l'intégrité si l'assuré souffre par la suite de l'accident d'une atteinte importante et durable à son intégrité physique, mentale ou psychique (art. 24 al. 1 LAA).

7.             La responsabilité de l'assureur-accident s'étend, en principe, à toutes les conséquences dommageables qui se trouvent dans un rapport de causalité naturelle avec l'événement assuré (ATF 119 V 335 consid. 1). Un rapport de causalité naturelle doit être admis si le dommage ne se serait pas produit du tout ou ne serait pas survenu de la même manière sans l'événement assuré (arrêt du Tribunal fédéral 8C_726/2008 du 14 mai 2009 consid. 2.2).

Savoir si l'événement assuré et l'atteinte à la santé sont liés par un rapport de causalité naturelle est une question de fait que l'administration, ou le cas échéant le juge, examine en se fondant essentiellement sur des renseignements d'ordre médical, et qui doit être tranchée à la lumière de la règle du degré de vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à l'appréciation des preuves dans l'assurance sociale (ATF 142 V 435 consid. 1). La preuve de la disparition du lien de causalité naturelle ne doit pas être apportée par la preuve de facteurs étrangers à l'accident. Il est encore moins question d'exiger de l'assureur-accidents la preuve négative qu'aucune atteinte à la santé ne subsiste plus ou que la personne assurée est dorénavant en parfaite santé. Est seul décisif le point de savoir si les causes accidentelles d'une atteinte à la santé ne jouent plus de rôle et doivent ainsi être considérées comme ayant disparu (arrêt du Tribunal fédéral 8C_383/2018 du 10 décembre 2018 consid. 3.2). En revanche, le statu quo ante ne peut être exclu sans autre motivation uniquement en raison du fait que la personne assurée ne subissait aucune limitation ni douleur avant l’accident (arrêt du Tribunal fédéral 8C_861/2018 du 14 juin 2019 consid. 5.2.1). En effet, le seul fait que des symptômes douloureux ne se sont manifestés qu'après la survenance d'un accident ne suffit pas à établir un rapport de causalité naturelle avec cet accident (raisonnement post hoc, ergo propter hoc) (arrêt du Tribunal fédéral 8C_548/2018 du 7 novembre 2018 consid. 4 et les références).  

8.              

8.1 Pour pouvoir trancher le droit aux prestations, l'administration ou l'instance de recours a besoin de documents que le médecin ou d'autres spécialistes doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l'assuré (ATF 125 V 256 consid. 4; ATF 115 V 133 consid. 2). Ces données médicales permettent généralement une appréciation objective du cas. Elles l'emportent sur les constatations qui peuvent être faites à l'occasion d'un stage d'observation professionnelle, lesquelles sont susceptibles d'être influencées par des éléments subjectifs liés au comportement de l'assuré pendant le stage (arrêt du Tribunal fédéral 8C_713/2019 du 12 août 2020 consid. 5.2).

8.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales, le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il convient que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 125 V 351 consid. 3a, ATF 122 V 157 consid. 1c). Une expertise médicale établie sur la base d'un dossier peut avoir valeur probante pour autant que celui-ci contienne suffisamment d'appréciations médicales qui, elles, se fondent sur un examen personnel de l'assuré (RAMA 2001 n° U 438 p. 346 consid. 3d).

8.3 Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux. Ainsi, lorsqu'au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu’en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien- fondé (ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

8.4 S'agissant de la valeur probante des rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier. Ainsi, la jurisprudence accorde plus de poids aux constatations faites par un spécialiste qu'à l'appréciation de l'incapacité de travail par le médecin de famille (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc et les références). Au surplus, on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou un juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_405/2008 du 29 septembre 2008 consid. 3.2).

9.             En l’espèce, l’intimée a mis fin au droit aux prestations pour accident au 21 mars 2021, au motif que les troubles du recourant après cette date n’étaient plus causés par l’événement de juin 2020.

9.1 Il convient en premier lieu d’examiner le grief du recourant s’agissant du délai de traitement de son opposition. Contrairement à ce qu’il semble affirmer, la loi n’impose aucun délai à l’assureur-accidents pour trancher une opposition et en particulier pas un délai de trois mois. L’art. 29 de la Constitution (Cst. - RS 101) prévoit certes que toute personne a droit à ce que sa cause soit tranchée dans un délai raisonnable. En l’espèce, l’intimée a statué sur l’opposition du recourant en quatre mois. Si on peut comprendre que ce laps de temps a pu paraître long au recourant, notamment compte tenu de ses difficultés en lien avec la prise en charge de ses soins, il n’en reste pas moins qu'il reste plus que raisonnable au vu des circonstances. De plus, l’intimée n’est pas restée inactive durant cette période, puisqu’elle a sollicité l’avis d’un spécialiste en radiologie, qu’elle a ensuite fait analyser par son médecin-conseil, afin de trancher le droit aux prestations du recourant. A titre de comparaison, le Tribunal fédéral a considéré qu’un délai de quinze mois était admissible pour trancher le droit aux prestations dans une procédure administrative (arrêt du Tribunal fédéral 9C_190/2007 du 24 septembre 2007 consid. 4.1).

9.2 Sur le fond, l’intimée fonde sa décision sur l’avis du Dr GALLAND, qui a considéré que l’accident n’entraînait plus d’effet huit mois après sa survenance, en l’absence d’atteinte physique causée par l’événement et persistant à cette date. La Dresse GRILLET a émis le même avis, en soulignant que le délai de guérison des contusions subies était de six mois au plus. Certes, déterminer l'avènement du statu quo sine d'une manière abstraite et théorique en se référant au délai de guérison habituel d’une lésion ne suffit selon la jurisprudence pas à établir au degré de la vraisemblance prépondérante l'extinction du lien de causalité, à défaut d'autres éléments objectifs dans le dossier médical (arrêt du Tribunal fédéral 8C_481/2019 du 7 mai 2020 consid. 3.4). Cela étant, la Dresse GRILLET ne se fonde pas uniquement sur ce délai théorique, mais également sur l’analyse des éléments objectifs ressortant du dossier médical et, notamment, l’absence d’atteinte organique d’origine accidentelle.

Le recourant met en doute les conclusions de ces médecins, au motif qu’ils ne l’ont pas examiné personnellement. Toutefois, comme l’a souligné le Tribunal fédéral, un examen personnel n’est pas indispensable pour reconnaître valeur probante à un rapport médical, a fortiori lorsque comme dans le cas du recourant, l’analyse du droit aux prestations exige de déterminer quelles lésions l’accident a entraînées. En effet, cette question peut souvent être résolue par l’étude de l’historique et du dossier médical, en particulier des documents d’imagerie, sans qu’un examen clinique de la personne assurée soit indispensable.

Sur le fond, force est de constater que les rapports des Drs GALLAND et GRILLET sont motivés, qu’ils ont été établis en connaissance du dossier médical du recourant, après examen des images radiologiques à disposition, et en ayant de surcroît requis l’avis d’un spécialiste externe, le Prof. THEUMANN. Ce dernier a exposé de manière détaillée les résultats de son analyse et sa conclusion est convaincante.

Partant, la Cour de céans n’a pas de motif de s’écarter des avis des Drs GALLAND et GRILLET, que les rapports des médecins traitants du recourant ne suffisent de plus pas à remettre en cause.

Le Dr DRIDI a bien retenu une fracture du coin antéro-inférieur de la vertèbre C5. Cet avis suscite cependant certains doutes, puisque ce faisant, il se réfère aux radiographies du 29 juillet 2020, alors même que celles-ci ne mentionnent précisément aucune fracture et soulignent l’absence de lésion osseuse. On relèvera d’ailleurs que le Dr DRIDI a fait état d’un discret listhésis, que le radiologue semblait avoir exclu dans son rapport relatif à ces radiographies, et qui est également écarté dans le rapport d’IRM du 14 septembre 2020.

Quant au Dr CHARDON, s’il a mentionné une fracture de la vertèbre C5, son certificat n’est aucunement motivé et on ignore sur quels éléments il se fonde pour retenir une telle atteinte. Le rapport de scintigraphie produit durant la procédure judiciaire indiquant l’absence d’anomalie au niveau C5, il paraît également conforter la position des médecins-conseils de l’intimée.

Il n’est ainsi pas établi au degré de la vraisemblance prépondérante que le recourant a subi une fracture de la vertèbre C5 lors de l’événement de juin 2020. Par surabondance, on relèvera que même s’il fallait admettre qu’une telle fracture s’est bien produite, il n’est pas certain que cela soit suffisant pour fonder un droit aux indemnités journalières et à la prise en charge du traitement médical. En effet, d’une part, il n’apparaît pas clairement établi que cette fracture est bien à l’origine des troubles du recourant : le Dr COLOSIMO soulignait en effet que les douleurs cervicales pourraient être causées par des troubles d’origine dégénérative en mai 2021. Or, l’intimée ne répond pas de tels troubles, puisqu’ils n’ont pas été causés par l’accident. Le Dr DRIDI semblait en septembre 2020 ne pas mettre les douleurs sur le compte de la fracture, puisqu’il relevait que les radiographies de juillet 2020 étaient rassurantes et qu’il émettait l’hypothèse d’une entorse cervicale. Ce neurochirurgien a en outre qualifié la fracture de stable en janvier 2021. Enfin, à cette date, il paraissait pronostiquer une reprise du travail deux à trois mois plus tard, ce qui correspond à peu près à la date dès laquelle le Dr GALLAND a considéré que l’accident n’entraînait plus d’effet.

En ce qui concerne les troubles du genou, aucun médecin traitant n’a signalé de répercussions particulières, ni même de traitement en lien avec cette atteinte. En outre, il n’existe aucun avis divergent permettant de s’écarter de la conclusion des Drs GRILLET et GALLAND, selon laquelle la méniscopathie n’est pas d’origine accidentelle, mais dégénérative.

Partant, l’intimée ne doit pas non plus verser de prestations pour cette pathologie.

Compte tenu de ces éléments, la décision de l’intimée mettant fin aux prestations au 21 mars 2021 doit être confirmée.

10.         Le recours est rejeté.

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis a contrario).


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

 

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

Marie-Catherine SECHAUD

 

 

 

La présidente

 

 

Karine STECK

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le