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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2609/2021

ATAS/618/2022 du 27.06.2022 ( PC ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2609/2021 ATAS/618/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 27 juin 2022

6ème Chambre

 

En la cause

 

Monsieur A______, domicilié au PETIT-LANCY

 

 

recourant

contre

 

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES, sis route de Chêne 54, GENÈVE

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’intéressé), titulaire d’une demi-rente d’invalidité, est au bénéfice de prestations complémentaires fédérales (PCF) et cantonales (PCC).

b. Par décision du 27 avril 2020, l’office de l’assurance-invalidité (ci-après : OAI) a supprimé la demi-rente d’invalidité de l’intéressé, avec effet au 1er juin 2020. Cette décision a été annulée par la chambre de céans le 14 décembre 2020 (ATAS/1235/2020), sur recours de l’intéressé du 2 juin 2020, et la cause renvoyée à l’OAI pour instruction médicale complémentaire et nouvelle décision.

B. a. Par décision du 10 décembre 2020, le service des prestations complémentaires (ci-après : SPC) a interrompu le versement des PCF et PCC et réclamé à l’intéressé CHF 5'503.- versés en trop du 1er juin au 31 décembre 2020.

b. Par décision du 22 décembre 2020, le SPC a requis de l’intéressé la restitution de CHF 9'295.30 de réduction individuelle de primes d’assurance-maladie pour lui-même et sa famille du 1er juin au 31 décembre 2020.

c. Le 12 janvier 2021, l’intéressé a requis la remise de l’obligation de rembourser.

d. Par décision du 9 avril 2021, le SPC a refusé la remise de l’obligation de restituer CHF 14'798.30, au motif que l’intéressé n’avait pas informé le SPC de la suppression de la rente d’invalidité au 31 mai 2020, de sorte que la condition de la bonne foi n’était pas remplie.

e. Le 2 mai 2021, l’intéressé a informé le SPC qu’il parlait mal le français et qu’il ne savait pas écrire ; l’OAI lui avait effectivement notifié l’arrêt de ses prestations, mais il s’était opposé à cette décision ; il avait reçu de bonne foi les prestations du SPC ; sa situation financière était dramatique et également du point de vue de sa santé puisqu’il devait se soumettre à de multiples dialyses, en attente d’un don d’organe.

f. Par décision du 9 juillet 2021, le SPC a rejeté cette opposition et confirmé le refus de remise du 9 avril 2021.

C. a. Le 9 août 2021, l’intéressé a recouru auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice à l’encontre de la décision précitée, en faisant valoir que ni son épouse ni lui-même ne savaient lire ou écrire, de sorte qu’il était aidé par un ami pour le présent recours ; sa situation financière était catastrophique et son état de santé s’aggravait.

b. Le 6 septembre 2021, le SPC a conclu au rejet du recours.

c. Le 4 octobre 2021, l’intéressé a indiqué qu’il était suivi par le docteur B______, FMH néphrologie, médecin adjoint au service de néphrologie et hypertension des hôpitaux universitaires de Genève, qui pouvait être contacté pour donner des renseignements sur son état de santé.

d. A la demande de la chambre de céans, l’OAI a transmis une copie du dossier de l’intéressé le 14 octobre 2021 et indiqué le 14 juin 2022 que la demi-rente d’invalidité de l’intéressé avait été suspendue également après le renvoi de la chambre de céans, dès lors que la décision de suppression de la rente était exécutoire nonobstant recours.

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Toutefois, dans la mesure où le recours était, au 1er janvier 2021, pendant devant la chambre de céans, il reste soumis à l'ancien droit (cf. art. 82a LPGA ; RO 2020 5137 ; FF 2018 1597 ; erratum de la CdR de l’Ass. féd. du 19 mai 2021, publié le 18 juin 2021 in RO 2021 358).

1.3 Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]). Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

2.             Le litige porte sur le bien-fondé du refus de l’intimé d’accorder au recourant la remise de l’obligation de restituer CHF 14'798.30.

3.              

3.1 Selon l'art. 25 al. 1 LPGA, les prestations indûment touchées doivent être restituées. La restitution ne peut être exigée lorsque l'intéressé était de bonne foi et qu'elle le mettrait dans une situation difficile. Ces deux conditions matérielles sont cumulatives et leur réalisation est nécessaire pour que la remise de l'obligation de restituer soit accordée (ATF 126 V 48 consid. 3c ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_364/2019 du 9 juillet 2020 consid. 4.1).

L'art. 4 de l'ordonnance fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 11 septembre 2002 (OPGA - RS 830.11) précise que la restitution entière ou partielle des prestations allouées indûment, mais reçues de bonne foi, ne peut être exigée si l'intéressé se trouve dans une situation difficile (al. 1). Est déterminant, pour apprécier s'il y a une situation difficile, le moment où la décision de restitution est exécutoire (al. 2).

3.2 À teneur de l’art. 24 de la loi cantonale sur les prestations cantonales complémentaires du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25), les prestations indûment touchées doivent être restituées. La restitution ne peut être exigée lorsque l'intéressé était de bonne foi et qu'elle le mettrait dans une situation difficile (al. 1). Le règlement fixe la procédure de la demande de remise ainsi que les conditions de la situation difficile (al. 2).

L’art. 15 al. 1 du règlement relatif aux prestations cantonales complémentaires à l'assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité du 25 juin 1999 (RPCC-AVS/AI - J 4 25.03) prévoit que la restitution entière ou partielle des prestations allouées indûment, mais reçues de bonne foi, ne peut être exigée si l'intéressé se trouve dans une situation difficile.

3.3 Au regard de la jurisprudence relative à l'art. 25 LPGA, la procédure de restitution des prestations implique trois étapes en principe distinctes : une première décision sur le caractère indu des prestations, soit sur le point de savoir si les conditions d'une reconsidération ou d'une révision procédurale de la décision par laquelle celles-ci ont été allouées sont réalisées (ATF 130 V 318 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 207/04 du 20 janvier 2006 consid. 4) ; une seconde décision sur la restitution en tant que telle des prestations, qui comprend en particulier l'examen des effets rétroactifs ou non de la correction à opérer en raison du caractère indu des prestations, à la lumière de l'art. 25 al. 1, 1ère phrase LPGA et des dispositions particulières et, le cas échéant, une troisième décision sur la remise de l'obligation de restituer au sens de l'art. 25 al. 1, 2ème phrase LPGA (cf. art. 3 et OPGA ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_678/2011 du 4 janvier 2012 consid. 5.1.1 et 5.2). Le délai de 30 jours prévu par l'art. 4 al. 4 OPGA pour le dépôt de la demande de remise est un délai d'ordre et non un délai de péremption (ATF 132 V 42 consid. 3).

3.4 Selon l’art. 24 de l’ordonnance sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 15 janvier 1971 (OPC-AVS/AI - RS 831.301), l'ayant droit ou son représentant légal ou, le cas échéant, le tiers ou l'autorité à qui la prestation complémentaire est versée, doit communiquer sans retard à l'organe cantonal compétent tout changement dans la situation personnelle et toute modification sensible dans la situation matérielle du bénéficiaire de la prestation. Cette obligation de renseigner vaut aussi pour les modifications concernant les membres de la famille de l'ayant droit.

À teneur de l’art. 11 al. 1 LPCC, le bénéficiaire ou son représentant légal doit déclarer au service tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations qui lui sont allouées ou leur suppression.

4.             Savoir si la condition de la bonne foi, présumée en règle générale (art. 3 du Code civil suisse, du 10 décembre 1907 - CC - RS 210), est réalisée doit être examiné dans chaque cas à la lumière des circonstances concrètes (arrêt du Tribunal fédéral 8C_269/2009 du 13 novembre 2009 consid. 5.2.1). La condition de la bonne foi doit être remplie dans la période où l’assuré concerné a reçu les prestations indues dont la restitution est exigée (arrêt du Tribunal fédéral 8C_766/2007 du
17 avril 2008 consid. 4.1 et les références).

La jurisprudence constante considère que l’ignorance, par le bénéficiaire, du fait qu’il n’avait pas droit aux prestations ne suffit pas pour admettre qu’il était de bonne foi. Il faut bien plutôt qu’il ne se soit rendu coupable, non seulement d’aucune intention malicieuse, mais aussi d’aucune négligence grave. Il s’ensuit que la bonne foi, en tant que condition de la remise, est exclue d'emblée lorsque les faits qui conduisent à l'obligation de restituer (violation du devoir d’annoncer ou de renseigner) sont imputables à un comportement dolosif ou à une négligence grave. En revanche, l'assuré peut invoquer sa bonne foi lorsque l'acte ou l'omission fautifs ne constituent qu'une violation légère de l'obligation d'annoncer ou de renseigner (ATF 138 V 218 consid. 4 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_43/2020 du 13 octobre 2020 consid. 3 et 9C_16/2019 du 25 avril 2019 consid. 4).

On parlera de négligence grave lorsque l'ayant droit ne se conforme pas à ce qui peut raisonnablement être exigé d'une personne capable de discernement dans une situation identique et dans les mêmes circonstances (ATF 110 V 176 consid. 3d ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_16/2019 du 25 avril 2019 consid. 4). La mesure de l'attention nécessaire qui peut être exigée doit être jugée selon des critères objectifs, où l'on ne peut occulter ce qui est possible et raisonnable dans la subjectivité de la personne concernée (faculté de jugement, état de santé, niveau de formation, etc. ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_413/2016 du 26 septembre 2016 consid. 3.1 ; Sylvie PÉTREMAND, in Commentaire romand, LPGA, 2018, n. 69 ad art. 25 LPGA). Il faut ainsi en particulier examiner si, en faisant preuve de la vigilance exigible, l’assuré aurait pu constater que les versements ne reposaient pas sur une base juridique. Il n’est pas demandé à un bénéficiaire de prestations de connaître dans leurs moindres détails les règles légales. En revanche, il est exigible de lui qu’il vérifie les éléments pris en compte par l’administration pour calculer son droit aux prestations. On peut attendre d'un assuré qu'il décèle des erreurs manifestes et qu'il en fasse l'annonce (arrêt du Tribunal fédéral 9C_498/2012 du 7 mars 2013 consid. 4.2). On ajoutera que la bonne foi doit être niée quand l’enrichi pouvait, au moment du versement, s’attendre à son obligation de restituer, parce qu’il savait ou devait savoir, en faisant preuve de l’attention requise, que la prestation était indue (art. 3 al. 2 CC ; ATF 130 V 414 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_319/2013 du 27 octobre 2013 consid. 2.2).

En revanche, l’intéressé peut invoquer sa bonne foi si son défaut de conscience du caractère indu de la prestation ne tient qu’à une négligence légère, notamment, en cas d’omission d’annoncer un élément susceptible d’influer sur le droit aux prestations sociales considérées, lorsque ladite omission ne constitue qu’une violation légère de l’obligation d’annoncer ou de renseigner sur un tel élément (ATF 112 V 97 consid. 2c ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_16/2019 précité consid. 4 et 9C_14/2007 du 2 mai 2007 consid. 4 ; DTA 2003 n° 29 p. 260 consid. 1.2 et les références ; RSAS 1999 p. 384 ; Ueli KIESER, Kommentar zum Bundesgesetz über den Allgemeinen Teil des Sozialversicherungsrechts - ATSG, 2020, n. 65 ad art. 25 LPGA).

5.             Les directives concernant les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI
(ci-après : DPC), valables dès le 1er avril 2011 (état au 1er janvier 2021), énoncent que si une PC est versée à tort et que l'assuré ne pouvait s'en rendre compte en faisant preuve de l'attention minimale exigible au vu des circonstances et du cas d'espèce, force est d'admettre la bonne foi (DPC n° 4652.01). À l'inverse, nul ne peut invoquer sa bonne foi si elle est incompatible avec l'attention que les circonstances permettaient d'exiger de lui. Ainsi, la condition de la bonne foi n'est pas réalisée lorsque le versement à tort d'une PC est dû à une grave négligence ou au dol de la personne tenue à restitution. Tel est le cas si, lors de la demande ou de l'examen des conditions économiques, certains faits n'ont pas été annoncés ou que des indications fausses ont été fournies intentionnellement ou par négligence grave ; il en est de même lorsqu'un changement dans la situation personnelle ou matérielle n'a, intentionnellement ou par grave négligence, pas été annoncé ou l'a été avec retard, ou lorsque des PC indues ont été acceptées en connaissance de leur caractère indu (DPC n° 4652.02).

Commet une négligence grave celui qui, lors de la demande de prestation, de l'examen des conditions du droit, ou du paiement de la prestation complémentaire indûment versée, ne fait pas preuve du minimum d'attention que l'on est en droit d'exiger de lui en fonction de ses compétences et de son degré de formation. Fait preuve de négligence grave la personne qui omet d'annoncer une modification de son revenu, qu'il soit obtenu sous forme de rente ou en vertu de l'exercice d'une activité lucrative, ou qui ne contrôlant pas - ou seulement à la légère - la feuille de calcul des prestations complémentaires, n'annonce pas une erreur de calcul qu'elle aurait facilement pu reconnaître (DPC n° 4652.03).

6.              

6.1 En l’occurrence, en omettant de signaler à l’intimé la décision de l’OAI du 27 avril 2020, le recourant n’a commis qu’une négligence légère et non pas grave.

En effet, la décision précitée n’est pas claire dès lors qu’elle mentionne en première page qu’un recours n’aura pas d’effet suspensif et en dernière page qu’elle ne prendra effet qu’après écoulement du délai de recours ; or le recourant a formé un recours à son encontre auprès de la chambre de céans le 2 juin 2020. Même si sa rente d’invalidité a effectivement été supprimée dès juin 2020, il pouvait partir du principe que la contestation de la décision de l’OAI impliquait que la cessation du versement de sa rente d’invalidité n’était pas définitive, ce d’autant que l’arrêt du 14 décembre 2020 de la chambre de céans a purement et simplement annulé la décision de l’OAI.

Dans ces circonstances, l’omission d’annoncer à l’intimé la décision de l’OAI du 27 avril 2020 ne constitue qu’une violation légère de l’obligation de renseigner et il convient d’admettre que l’intéressé n’a pas pu se rendre compte que les PCF et les PCC lui étaient versées à tort et qu’elles ne reposaient pas sur une base juridique.

La condition de la bonne foi est ainsi réalisée.

La situation financière difficile du recourant doit par ailleurs être admise, celui-ci étant au bénéfice de PCF et de PCC (art. 16 RPCC - AVS/AI)

6.2 Au vu de ce qui précède, le recours sera admis et la décision de l’intimé du 9 juillet 2021 sera annulée. Il sera dit que le recourant a droit à la remise de l’obligation de restituer CHF 14'798.30.

 

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Annule la décision de l’intimé du 9 juillet 2021.

4.        Dit que le recourant a droit à la remise de l’obligation de restituer CHF 14'798.30.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le