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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1407/2021

ATAS/568/2022 du 16.06.2022 ( AI ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1407/2021 ATAS/568/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 16 juin 2022

3ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée à CHÂTELAINE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Monique STOLLER FÜLLEMANN

 

recourante

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

 

intimé

 


 

EN FAIT

 

A. a. Le 9 octobre 2014, Madame A______ (ci-après : l’assurée), née en 1965, mariée et mère de deux enfants nés en 1988 et 1992, a déposé auprès de l’office de l’assurance-invalidité de Genève (ci-après : l’OAI) une demande de prestations en raison d’une dépression.

b. Après avoir rassemblé plusieurs pièces, dont notamment les rapports de la doctoresse B______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, des 24 octobre 2014, 10 février 2015 et 8 novembre 2016, les rapports du docteur C______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique, des 14 et 28 avril 2014, 27 octobre 2014 et 23 février 2016, ceux du docteur D______, spécialiste FMH en médecine interne, des 16 mars 2015 et 16 décembre 2016, ainsi que le compte-rendu opératoire de la neurolyse du nerf médian effectuée le 13 avril 2015, l’OAI a mandaté, pour expertise, le E______, soit pour lui les docteurs F______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, et G______, spécialiste FMH en rhumatologie.

Les médecins précités ont étudié les pièces du dossier et examiné l’assurée le 14 février 2019, avant d’établir leurs rapports respectifs et une évaluation consensuelle en date du 6 mars 2019 et de retenir les diagnostics d’arthrose tri-compartimentale des deux genoux, status après suture de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite le 5 mai 2017 par arthroscopie, avec persistance d’une atteinte de la coiffe, ostéophytose lombaire modérée sans discopathie (avec répercussion sur la capacité de travail), status après chirurgie du canal carpien gauche en juin 2015, status après chirurgie pour doigt à ressaut en octobre 2016, canal carpien droit, fibromyalgie (sans répercussion sur la capacité de travail) et trouble dépressif récurrent, épisode moyen avec syndrome somatique (F33.11). Ces atteintes entraînaient un certain nombre de limitations fonctionnelles, tant sur le plan psychique, avec une résistance au stress limitée, que sur le plan rhumatologique, avec des mesures d’épargne du dos, du membre supérieur droit et des genoux. La capacité de travail était par ailleurs nulle dans l’activité habituelle et entre 0 et 50%, selon les périodes, dans une activité adaptée.

c. Comme l’assurée allait se voir poser une prothèse totale de genou le lendemain de l’examen, le Service médical régional de l’OAI (SMR) n’a pu se prononcer sur les conclusions de l’expertise et a considéré qu’il fallait réinterroger les Drs D______ et C______, médecin traitant, respectivement orthopédiste de l’assurée (cf. avis du 25 mars 2019).

d. Le rapport rédigé par le Dr D______ le 3 septembre 2019 ne lui permettant toujours pas de se prononcer, le SMR a encore requis des informations complémentaires.

e. Après avoir obtenu un rapport du Dr D______ du 4 octobre 2020, des rapports du docteur H______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur, datés des 21 décembre 2018, 4 avril 2019, 15 mai 2019, 20 février 2020, 16 juin et 29 juillet 2020, des rapports du docteur I______, spécialiste FMH en rhumatologie, des 16 août, 19 octobre, 27 novembre 2017, 23 avril et 3 juillet 2018, la lettre de sortie rédigée le 17 mai 2017 suite à une arthroscopie de l’épaule droite, avec ténotomie du long chef du biceps, réparation de la coiffe des rotateurs, acromioplastie latérale et résection du centimètre externe de la clavicule, et les rapports opératoires relatifs à la pose d’une prothèse totale du genou à gauche le 15 février 2019 et du genou droit le 8 janvier 2020, le SMR a confirmé, en date du 9 novembre 2020, les conclusions des experts quant à la capacité de travail, tout en les complétant avec une incapacité de travail totale entre février 2012 (recte 2019) et juin 2020.

B. a. Le 26 novembre 2020, l’OAI a informé l’assurée qu’il entendait lui octroyer un quart de rente dès le 1er avril 2015, compte tenu d’un degré d’invalidité de 44% après comparaison des revenus.

b. Malgré les protestations de l’assurée, l’OAI a statué formellement en ce sens par décision du 9 mars 2021 pour la période courant dès le 1er avril 2021 et par décision du 11 mai 2021 pour la période du 1er avril 2015 au 31 mars 2021.

C. a. Le 21 avril 2021, l’assurée a interjeté recours contre la décision du 9 mars 2021 en concluant, sous suite de frais et dépens, après mise sur pied d’une expertise judiciaire rhumatologique et psychiatrique, à l’octroi d’une rente entière d’invalidité dès le 1er avril 2015. Concrètement, elle conteste la valeur probante du rapport du 6 mars 2021. Dans l’hypothèse où une incapacité de travail de 50% serait confirmée, elle remet en question la comparaison des revenus et plus particulièrement l’abattement de 5% appliqué par l’OAI.

Ce recours a été enregistré sous le numéro de cause A/1407/2021.

b. Le 3 juin 2021, l’assurée a interjeté recours contre la décision du 21 mai 2021 en concluant, sous suite de frais et dépens, préalablement, à la jonction de la cause avec celle portant le numéro A/1407/2021 et, après mise sur pied d’une expertise judiciaire rhumatologique et psychiatrique, à l’octroi d’une rente entière d’invalidité dès le 1er avril 2015. La recourante formule les mêmes critiques que celles déjà énoncées dans son écriture du 21 avril 2021.

Ce recours a été enregistré sous le numéro de cause A/1915/2021.

c. Par courrier du 14 juin 2021, en la cause A/1407/2021, l’intimé a adhéré aux conclusions de la recourante tendant à la jonction des deux causes et demandé, en se fondant sur un avis du SMR du même jour, à ce que soit versé à la procédure un rapport de la clinique J______, où la recourante avait été prise en charge entre décembre 2014 et août 2015.

d. Le 21 juin 2021, la Chambre de céans a ordonné la jonction des causes A/1407/2021 et A/1915/2021 sous le numéro de cause A/1407/2021.

e. Le rapport requis par l’office intimé, daté du 13 août 2015, a été reçu le 30 juin 2021 et transmis aux parties.

f. Se fondant sur un avis du SMR du 13 juillet 2021, l’intimé a modifié ses conclusions, par écriture du 3 août 2021, et conclu à l’octroi d’une rente entière du 1er avril au 30 novembre 2015, d’un quart de rente (compte tenu d’un degré d’invalidité de 44%) du 1er décembre 2015 au 28 février 2017, d’une rente entière du 1er mars 2017 au 28 février 2018, d’un quart de rente (compte tenu d’un degré d’invalidité de 44%) du 1er mars 2018 au 1er (recte 31) mars 2019, d’une rente entière du 1er avril 2019 au 31 septembre 2020 et d’un quart de rente (compte tenu d’un degré d’invalidité de 44%) dès octobre 2020.

g. La recourante, par écriture du 21 octobre 2021, a quant à elle persisté dans ses conclusions tendant à l’octroi d’une rente entière, de manière ininterrompue, dès le 1er avril 2015. Produisant des pièces médicales complémentaires, elle reproche à l’intimé d’avoir statué sans avoir investigué complètement son état de santé.

h. Après avoir soumis au SMR les pièces nouvelles produites par la recourante l’intimé a persisté dans ses conclusions, considérant que l’instruction du dossier permettait de statuer sur l’état de santé et la capacité de travail de la recourante et que des mesures d’instruction complémentaires ne se justifiaient pas.

i. La recourante a persisté dans ses conclusions par courrier du 23 novembre 2021.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705).

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste, en principe, celle en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits et le juge se fonde, en règle générale, sur l'état de fait réalisé à la date déterminante de la décision litigieuse (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; ATF 132 V 215 consid. 3.1.1 et les références).

En l’occurrence, les décisions querellées, datées des 9 mars et 11 mai 2021, ont été rendues antérieurement au 1er janvier 2022, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur ancienne teneur, en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021.

3.             Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 de la de loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjetés dans la forme et le délai prévus par la loi, les recours sont recevables.

4.             Le litige porte sur le droit de la recourante à une rente entière dès le 1er avril 2015, singulièrement sur la valeur probante du rapport d’expertise des Drs F______ et G______ du 6 mars 2021 et l’abattement appliqué par l’OAI.

5.             Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

En vertu de l’art. 28 al. 2 aLAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois-quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28 al. 2 aLAI).

6.              

6.1. Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 127 V 294 consid. 4c; ATF 102 V 165 consid. 3.1; VSI 2001 p. 223 consid. 2b; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).

La reconnaissance de l’existence d’une atteinte à la santé psychique suppose la présence d’un diagnostic émanent d’un expert (psychiatre) et s’appuyant selon les règles de l’art sur les critères d’un système de classification reconnu, tel la CIM ou le DSM-IV (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 ; ATF 141 V 281 consid. 2.1 et 2.1.1; ATF 130 V 396 consid. 5.3 et 6). Par ailleurs, quand bien même le diagnostic de fibromyalgie est d'abord le fait d'un médecin rhumatologue, il convient ici aussi d'exiger le concours d'un médecin spécialiste en psychiatrie, d'autant plus que les facteurs psychosomatiques ont, selon l'opinion dominante, une influence décisive sur le développement de cette atteinte à la santé. Une expertise interdisciplinaire tenant à la fois compte des aspects rhumatologiques et psychiques apparaît donc la mesure d'instruction adéquate pour établir de manière objective si l'assuré présente un état douloureux d'une gravité telle - eu égard également aux critères déterminants - que la mise en valeur de sa capacité de travail sur le marché du travail ne peut plus du tout ou seulement partiellement être exigible de sa part. On peut réserver les cas où le médecin rhumatologue est d'emblée en mesure de constater, par des observations médicales concluantes, que les critères déterminants ne sont pas remplis, ou du moins pas d'une manière suffisamment intense, pour conclure à une incapacité de travail (ATF 132 V 65 consid. 4.2).

6.2. Dans sa jurisprudence récente (ATF 143 V 409 consid. 4.5 et ATF 143 V 418 consid. 6 et 7), le Tribunal fédéral a modifié sa pratique lors de l'examen du droit à une rente d'invalidité en cas de troubles psychiques. La jurisprudence développée pour les troubles somatoformes douloureux, selon laquelle il y a lieu d'examiner la capacité de travail et la capacité fonctionnelle de la personne concernée dans le cadre d'une procédure structurée d'administration des preuves à l'aide d'indicateurs (ATF 141 V 281), s'applique dorénavant à toutes les maladies psychiques. En effet, celles-ci ne peuvent en principe être déterminées ou prouvées sur la base de critères objectifs que de manière limitée. La question des effets fonctionnels d'un trouble doit dès lors être au centre. La preuve d'une invalidité ouvrant le droit à une rente ne peut en principe être considérée comme rapportée que lorsqu'il existe une cohérence au niveau des limitations dans tous les domaines de la vie. Si ce n'est pas le cas, la preuve d'une limitation de la capacité de travail invalidante n'est pas rapportée et l'absence de preuve doit être supportée par la personne concernée.

Même si un trouble psychique, pris séparément, n'est pas invalidant en application de la nouvelle jurisprudence, il doit être pris en considération dans l'appréciation globale de la capacité de travail, qui tient compte des effets réciproques des différentes atteintes. Ainsi, une dysthymie, prise séparément, n'est pas invalidante, mais peut l'être lorsqu'elle est accompagnée d’un trouble de la personnalité notable. Par conséquent, indépendamment de leurs diagnostics, les troubles psychiques entrent déjà en considération en tant que comorbidité importante du point de vue juridique si, dans le cas concret, on doit leur attribuer un effet limitatif sur les ressources (ATF 143 V 418 consid. 8.1).

6.3. Dans son ATF 141 V 281 du 3 juin 2015, le Tribunal fédéral a modifié sa pratique, en abandonnant la présomption qui prévalait jusqu'à ce jour, selon laquelle les syndromes du type troubles somatoformes douloureux et affections psychosomatiques assimilées pouvaient être surmontés en règle générale par un effort de volonté raisonnablement exigible (ATF 132 V 65; ATF 131 V 49; ATF 130 V 352). Désormais, la capacité de travail réellement exigible doit être évaluée dans le cadre d'une procédure d'établissement des faits structurée et sans résultat prédéfini, permettant de mettre en regard les facteurs extérieurs incapacitants d'une part et les ressources de compensation de la personne d'autre part (ATF 141 V 281 consid. 3.6 et 4). Il n'y a plus lieu de se fonder sur les critères de l'ATF 130 V 352, mais sur une grille d'analyse comportant divers indicateurs qui rassemblent les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique (ATF 141 V 281 consid. 4). Ces indicateurs concernent deux catégories, à savoir celle du degré de gravité fonctionnelle et celle de la cohérence.

Le point de départ de l'évaluation précitée est l'ensemble des éléments médicaux et constatations y relatives. Les experts doivent motiver le diagnostic psychique de telle manière que l'organe d'application du droit puisse comprendre non seulement si les critères de classification sont remplis mais aussi si, et comment, les limitations concrètes dans les fonctions de la vie quotidienne, qui sont présupposées dans la classification, doivent être prises en compte lors de l'évaluation de la capacité de travail (arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 consid. 5.2.1).

Dans ce cadre, il convient d'évaluer globalement, sur une base individuelle, les capacités fonctionnelles effectives de la personne concernée en tenant compte, d'une part, des facteurs contraignants extérieurs limitant les capacités fonctionnelles et, d'autre part, des potentiels de compensation (ressources).

Les indicateurs standard qui doivent être pris en considération en règle générale peuvent être classés selon leurs caractéristiques communes :

- Catégorie « Degré de gravité fonctionnel » (ATF 141 V 281 consid. 4.3),

A. Complexe « Atteinte à la santé » (consid. 4.3.1)

Expression des éléments pertinents pour le diagnostic (consid. 4.3.1.1), succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à cet égard (consid. 4.3.1.2), comorbidités (consid. 4.3.1.3).

B. Complexe « Personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles; consid. 4.3.2) 

C. Complexe « Contexte social » (consid. 4.3.3)

- Catégorie « Cohérence » (aspects du comportement; consid. 4.4) 

Limitation uniforme du niveau d'activité dans tous les domaines comparables de la vie (consid. 4.4.1), poids des souffrances révélé par l'anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation (consid. 4.4.2).

7.              

7.1. Pour pouvoir calculer le degré d'invalidité, l'administration (ou le juge, s'il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin, éventuellement aussi d'autres spécialistes, doivent lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1). La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. Dans le cas des maladies psychiques, les indicateurs sont importants pour évaluer la capacité de travail, qui - en tenant compte des facteurs incapacitants externes d’une part et du potentiel de compensation (ressources) d’autre part -, permettent d’estimer la capacité de travail réellement réalisable (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_286/2020 du 6 août 2020 consid. 4 et la référence).

7.2. Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3; ATF 125 V 351 consid. 3). Il faut en outre que le médecin dispose de la formation spécialisée nécessaire et de compétences professionnelles dans le domaine d’investigation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_555/2017 du 22 novembre 2017 consid. 3.1 et les références).

7.3. Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

7.3.1. Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

7.3.2. Un rapport du SMR a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu'il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d'une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d'un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 RAI; ATF 142 V 58 consid. 5.1; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l'office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5; ATF 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1). 

7.3.3. En application du principe de l'égalité des armes, l'assuré a le droit de présenter ses propres moyens de preuve pour mettre en doute la fiabilité et la validité des constatations du médecin de l'assurance. Il s'agit souvent de rapports émanant du médecin traitant ou d'un autre médecin mandaté par l'assuré. Ces avis n'ont pas valeur d'expertise et, d'expérience, en raison de la relation de confiance liant le patient à son médecin, celui-ci va plutôt pencher, en cas de doute, en faveur de son patient. Ces constats ne libèrent cependant pas le tribunal de procéder à une appréciation complète des preuves et de prendre en considération les rapports produits par l'assuré, afin de voir s'ils sont de nature à éveiller des doutes sur la fiabilité et la validité des constatations du médecin de l'assurance (arrêt 8C_408/2014 et 8C_429/2014 du 23 mars 2015 consid. 4.2). A noter, dans ce contexte, que le simple fait qu'un avis médical divergent - même émanant d'un spécialiste - ait été produit ne suffit pas à lui seul à remettre en cause la valeur probante d'un rapport médical (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 365/06 du 26 janvier 2007 consid. 4.1).

7.3.4. On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2008 du 5 mars 2009 consid. 2.2).

8.              

8.1. La procédure dans le domaine des assurances sociales est régie par le principe inquisitoire d'après lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par l'assureur (art. 43 al. 1 LPGA) ou, éventuellement, par le juge (art. 61 let. c LPGA). Ce principe n'est cependant pas absolu. Sa portée peut être restreinte par le devoir des parties de collaborer à l'instruction de l'affaire. Celui-ci comprend en particulier l'obligation de ces dernières d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (ATF 125 V 193 consid. 2; VSI 1994, p. 220 consid. 4). Si le principe inquisitoire dispense les parties de l'obligation de prouver, il ne les libère pas du fardeau de la preuve, dans la mesure où, en cas d'absence de preuve, c'est à la partie qui voulait en déduire un droit d'en supporter les conséquences, sauf si l'impossibilité de prouver un fait peut être imputée à la partie adverse. Cette règle ne s'applique toutefois que s'il se révèle impossible, dans le cadre de la maxime inquisitoire et en application du principe de la libre appréciation des preuves, d'établir un état de fait qui correspond, au degré de la vraisemblance prépondérante, à la réalité (ATF 139 V 176 consid. 5.2 et les références).

8.2. Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3, ATF 126 V 353 consid. 5b, ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

8.3. Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, les autorités administratives et les juges des assurances sociales doivent procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raison pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Ils ne peuvent ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, ils doivent mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 283 consid. 4a; RAMA 1985 p. 240 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu'il considère que l'état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l'expertise administrative n'a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l’administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu'ici, lorsqu'il s'agit de préciser un point de l'expertise ordonnée par l'administration ou de demander un complément à l'expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4; SVR 2010 IV n. 49 p. 151, consid. 3.5; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).

9.              

9.1. En l’espèce, il ressort du dossier que la recourante a déposé, en date du 9 octobre 2014, une demande de prestations en raison d’une dépression. Les diagnostics posés par les médecins traitants sont les suivants : trouble dépressif récurrent, épisode sévère sans symptômes psychotique (F33.2) et état de stress post-traumatique différé (F43.1 ; cf. rapport de la Dresse B______ du 23 octobre 2014), gonalgies, status post-méniscectomie des genoux, gonarthrose bilatérale et syndrome du tunnel carpien des deux côtés (cf. rapport du Dr D______ du 16 mars 2015) ayant nécessité une neurolyse du nerf médian du côté gauche (cf. compte-rendu opératoire du 13 avril 2015). Pour les médecins traitants, ces atteintes entraînent une incapacité totale de travailler.

En mars 2019, les Drs F______ et G______ se sont livrée à une évaluation consensuelle, à laquelle ils ont annexé leurs rapports d’expertise psychiatrique et rhumatologique.

Il convient d’examiner la valeur probante de ces documents.

9.2. Force est de constater que les rapports précités remplissent, sur le plan formel, la majeure partie des exigences auxquelles la jurisprudence soumet la valeur probante de tels documents. En effet, ces expertises ont été menées par des médecins indépendants, spécialistes des domaines en question, sur la base d’observations approfondies. Ils contiennent les indications subjectives de la recourante, des observations cliniques, ainsi qu’une discussion générale du cas. Les conclusions des médecins sont claires et bien motivées.

Sur le fond, les Drs F______ et G______ ont retenu les diagnostics d’arthrose tri-compartimentale des genoux, status après suture de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite le 5 mai 2017 par arthroscopie, avec persistance d’une atteinte de la coiffe, ostéophytose lombaire modérée sans discopathie (avec répercussion sur la capacité de travail), status après chirurgie du canal carpien gauche en juin 2015, status après chirurgie pour doigt à ressaut en octobre 2016, canal carpien droit, fibromyalgie (sans répercussion sur la capacité de travail) et trouble dépressif récurrent, épisode moyen avec syndrome somatique (F33.11).

Les limitations fonctionnelles induites par ces atteintes sont selon eux les suivantes :

-          du point de vue psychiatrique : tristesse, humeur dépressive d’intensité moyenne, avec sentiments d’infériorité, de dévalorisation et de découragement, anhédonie, présence d’envies suicidaires, des troubles du sommeil ainsi qu’une anxiété et irritabilité, chez une personne présentant peu de ressources psychologiques, ce qui provoque une diminution de la capacité à gérer les situations vécues comme stressantes ;

-          du point de vue rhumatologique : pas d’effort de soulèvement, pas de porte-à-faux avant ou latéral, port de charges limité à 5 kg, pas de marche, pas de piétinement, pas d’escaliers, pas de position à genoux ou accroupie, pas de travail en hauteur (échelle, escabeau, tabouret), pas d’effort du bras droit au-delà de 90° d’abduction, pas de mouvement de pronation forcé de la main droite.

Les experts ont considéré qu’en raison des atteintes précitées et des limitations fonctionnelles, la capacité de travail de la recourante était nulle dans l’activité habituelle et entre 0 et 50%, selon les périodes, dans une activité adaptée.

La Chambre de céans constate cependant que l’expert psychiatre admet avoir rédigé ses conclusions avant même d’avoir reçu les renseignements demandés au psychiatre (cf. rapport d’expertise psychiatrique du 6 mars 2019 p. 10). Or, si ces renseignements avaient été attendus, le Dr F______ aurait très vraisemblablement appris que la recourante avait été suivie à la clinique J______, en hôpital de jour, du 18 décembre 2014 au 5 août 2015 en raison d’un épisode dépressif moyen avec syndrome somatique. Il aurait alors pu demander la lettre de sortie du 13 août 2015 et aurait pu y lire qu’au mois d’août 2015, les médecins de la clinique J______ étaient déjà d’avis qu’une activité dans le marché premier du travail pouvait être trop stressante pour l’assurée, celle-ci ayant alors été encouragée à s’investir dans un projet de bénévolat. Ce document n’ayant pu être étudié par le Dr F______, son appréciation de la capacité de travail n’est pas convaincante. Constatant cette lacune, le SMR a modifié les conclusions relatives à la capacité de travail et retenu une incapacité de travail de 100% durant le suivi, soit entre janvier 2014 et août 2015 (cf. avis du SMR du 13 juillet 2021).

Par ailleurs, dans son rapport du 6 mars 2019, le Dr G______ a expliqué que la recourante allait bénéficier d’une prothèse totale du genou gauche le lendemain de l’examen, soit le 15 février 2019 et que, selon toute vraisemblance, une telle intervention serait également nécessaire, par la suite, du côté droit. Il a ainsi conclu à une incapacité de travail totale, quelle que soit l’activité, pendant trois à six mois après pose de la prothèse. Concrètement, le 15 février 2019, la recourante a bénéficié d’une prothèse au genou gauche et le 8 janvier 2020 au genou droit. Compte tenu de ce qui précède, le SMR a retenu, dans son avis du 13 juillet 2021, une incapacité de travail de 100% dans toute activité entre février 2019 (pose de la prothèse gauche) et juin 2020 (six mois après la pose de la prothèse droite).

Force est de constater, au vu de ce qui précède, que les conclusions des experts ont été rendues sur la base d’un dossier incomplet, concernant un état de santé non stabilisé, et qu’elles comprennent une appréciation de la capacité de travail, notamment sur le plan somatique, basée sur un pronostic qui n’a pas été vérifié par la suite. Après avoir récolté les pièces supplémentaires, l’intimé n’a pas demandé aux experts de compléter leur rapport. C’est en réalité le SMR qui a étendu les périodes d’incapacité de travail totale, qu’il a limitées sans donner d’explications.

Dans ces circonstances, la Chambre de céans ne saurait se fier au rapport d’expertise complété par l’avis du SMR du 13 juillet 2021 pour apprécier la validité des décisions de l’intimée concernant les périodes contestées par la recourante, à savoir celles pendant lesquelles seule une incapacité de travail de 50% a été retenue, entre septembre 2015 et novembre 2016, entre décembre 2017 et janvier 2019 et dès juillet 2020.

Se pose donc la question d’une instruction complémentaire.

L’opportunité d’une telle mesure dépendra toutefois des conclusions de l’OAI quant à l’existence d’une activité adaptée, comme cela ressort des considérations qui suivent.

10.          

10.1. Chez les assurés actifs, le degré d'invalidité doit être évalué sur la base d'une comparaison des revenus. Pour cela, le revenu que l'assuré aurait pu réaliser s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 8 al. 1 et art. 16 LPGA).

10.2. Lorsqu'il s'agit d'examiner dans quelle mesure un assuré peut encore exploiter économiquement sa capacité de gain résiduelle sur le marché du travail entrant en considération pour lui (art. 16 LPGA), on ne saurait subordonner la concrétisation des possibilités de travail et des perspectives de gain à des exigences excessives. Il s'ensuit que pour évaluer l'invalidité, il n'y a pas lieu d'examiner la question de savoir si un invalide peut être placé eu égard aux conditions concrètes du marché du travail, mais uniquement de se demander s'il pourrait encore exploiter économiquement sa capacité résiduelle de travail lorsque les places de travail disponibles correspondent à l'offre de la main d'œuvre (VSI 1998 p. 293). On ne saurait toutefois se fonder sur des possibilités de travail irréalistes. Il est certes possible de s'écarter de la notion de marché équilibré du travail lorsque, notamment l'activité exigible au sens de l'art. 16 LPGA, ne peut être exercée que sous une forme tellement restreinte qu'elle n'existe quasiment pas sur le marché général du travail ou que son exercice impliquerait de l'employeur des concessions irréalistes et que, de ce fait, il semble exclu de trouver un emploi correspondant (cf. RCC 1991 p. 329 ; RCC 1989 p. 328 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_286/2015 du 12 janvier 2016 consid. 4.2 et 9C_659/2014 du 13 mars 2015 consid. 5.3.2). Le caractère irréaliste des possibilités de travail doit alors découler de l'atteinte à la santé - puisqu'une telle atteinte est indispensable à la reconnaissance d'une invalidité (cf. art. 7 et 8 LPGA) - et non de facteurs psychosociaux ou socioculturels qui sont étrangers à la définition juridique de l'invalidité (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_175/2017 du 30 octobre 2017 consid. 4.2).

D'après ces critères, il y a lieu de déterminer dans chaque cas et de manière individuelle si l'assuré est encore en mesure d'exploiter une capacité de travail résiduelle sur le plan économique et de réaliser un salaire suffisant pour exclure une rente. Ni sous l'angle de l'obligation de diminuer le dommage, ni sous celui des possibilités qu'offre un marché du travail équilibré aux assurés pour mettre en valeur leur capacité de travail résiduelle, on ne saurait exiger d'eux qu'ils prennent des mesures incompatibles avec l'ensemble des circonstances objectives et subjectives (arrêt du Tribunal fédéral 9C_1066/2009 du 22 septembre 2010 consid. 4.1 et la référence).

10.3. Ont notamment été considérées, par le Tribunal fédéral ou les offices de l'assurance-invalidité, comme étant des activités légères, ne requérant pas de formation particulière : les tâches simples de surveillance, de vérification, de contrôle ou encore les tâches d'approvisionnement de machines ou d'unités de production automatiques ou semi-automatiques (voir arrêt du Tribunal fédéral 9C_659/2014 du 13 mars 2015 consid. 5.3.3) ; les activités de vendeur(euse) / caissier(ère) dans un kiosque (arrêts du Tribunal fédéral 9C_502/2014 du 5 septembre 2014 ; 9C_659/2014 du 13 mars 2015 et 9C_474/2016 du 8 février 2017), les activités dans le domaine du bureau, réceptionniste, caissier(ère) en kiosque ou en station-service (arrêts du Tribunal fédéral 9C_502/2014 du 5 septembre 2014 et 9C_474/2016 du 8 février 2017), les emplois sur une chaîne de montage en position assise, les métiers de gardien de musée, de surveillant de parking, de vendeur de billets (arrêt du Tribunal fédéral 9C_21/2008 du 29 septembre 2008), les professions d'auxiliaires dans un magasin, dans une entreprise de lavage de voitures ou de gardien (de musée, de parking, sur un chantier) (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 836/02 du 14 février 2003) ; ou encore les métiers de surveillants de chantier, gardiens de musée, portiers, chauffeurs de taxi, opérateurs sur machines, garçons de course ou encore ouvriers à l'établi pour des travaux légers (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 482/00 du 21 mai 2001).

10.4. Le Tribunal fédéral a été amené à examiner à plusieurs reprises le caractère réaliste des activités adaptées envisageables.

Notre Haute Cour a ainsi considéré, dans un arrêt 9C_279/2008 du 16 décembre 2008 que les limitations fonctionnelles présentées par une assurée, souffrant de lombosciatalgies gauches irritatives L5 sur hernie intraforaminale L5-S1 gauche (pas de port de charges supérieures à 10 kg de façon répétitive, pas de position en antéflexion ou en porte-à-faux du tronc de façon répétitive ou contre résistance, pas de position statique assise au-delà de 40 minutes, diminution du périmètre de marche à 20 minutes, pas de position statique debout au-delà de 20 minutes, possibilité d'alterner les positions assise/debout au minimum deux fois par heure [de préférence à sa guise], pas d'activité en terrain instable, pas de montée ou descente d'escaliers à répétition, pas d'activité en hauteur, pas d'exposition à des machines ou outils provoquant des vibrations de 5 Herz ou moins) représentaient des mesures classiques d'épargne lombaire en vue d'éviter les douleurs provoquées par la pathologie susmentionnée. Pour le Tribunal fédéral, il convenait néanmoins d'admettre que le marché du travail offrait un éventail suffisamment large d'activités légères, dont on devait convenir qu'un nombre significatif étaient adaptées auxdites limitations et accessibles sans aucune formation particulière (consid. 4).

Dans un autre arrêt, le Tribunal fédéral a également considéré qu'il y avait suffisamment d'opportunités réalistes sur un marché du travail équilibré pour les personnes ne pouvant exercer que des travaux légers de type mono-manuel, à l'instar de simples activités de surveillance, d'essais et d'inspection, ainsi que du fonctionnement et de la surveillance de machines (semi-) automatiques ou d'unités de production qui ne nécessitent pas l'utilisation des deux bras et des deux mains. De tels emplois existent également dans les entreprises liées à la production, raison pour laquelle le Tribunal fédéral a jugé qu'une restriction du marché du travail à considérer ne s'imposait pas au secteur des services (arrêt du Tribunal fédéral 8C_100/2012 du 29 mars 2012 consid. 3.4 et les références).

En revanche, dans l'arrêt 9C_313/2007 du 8 janvier 2008, le Tribunal fédéral a estimé qu’une assurée qui devait éviter le port de charges supérieures à 1 kg et les mouvements de bras au-dessus de l'horizontale et ne disposait que d'une force de préhension et de serrage limitées, ne pourrait pas travailler dans le secteur de la vente. Il en allait de même des tâches de vérification ou de contrôle (par exemple de machines automatiques utilisées dans le travail à la chaîne) qui supposaient le maintien d'une même position pendant une certaine durée, ce qui était difficilement compatible avec la restriction mise en évidence par les médecins au niveau de la nuque. Enfin, les empêchements au niveau des bras et des mains limitaient également l'action de l'assurée sur des objets ou machines dont elle devrait contrôler la destination ou le fonctionnement. Quant à l'activité de surveillance proprement dite - exceptée celle de gardien de musée -, elle impliquait dans la plupart des situations la faculté de réagir physiquement à un imprévu (emploi de la force ou courir après quelqu'un), dont l'assurée était dépourvue. Le Tribunal fédéral avait donc considéré qu'il n'y avait pas d'activité adaptée à l'état de santé de l'assurée (consid. 5.3).

De même, dans un arrêt 9C_1035/2009 du 22 juin 2010, le Tribunal fédéral a considéré que compte tenu des limitations fonctionnelles retenues (pas de port de charges de plus de 10 kg de façon répétitive, pas de travail nécessitant le port de charges avec respiration bloquée et activité en force, pas de position statique assise au-delà de 40 minutes sans possibilité de varier les positions assise et debout, diminution du périmètre de marche à environ 20 minutes, pas de marche sur terrain instable, ni de montées ou descentes d'escaliers à répétition, pas de position en génuflexion ou accroupie, pas d'activité requérant un rendement imposé au niveau des membres supérieurs ou la pince pouce-index au niveau du membre supérieur droit contre résistance, pas d'activité minutieuse au niveau du membre supérieur droit), on devait admettre que, même en prenant en considération le large éventail d'activités simples et répétitives ne nécessitant pas de formation dans les secteurs de la production et des services, les possibilités d'un emploi adapté aux importantes limitations (en particulier au niveau des membres supérieurs) de l'assuré n'apparaissaient pas suffisantes pour qu'il put mettre en valeur sa capacité de travail résiduelle sur le plan économique dans une mesure significative (consid. 3 et 4.2.4).

Enfin, le Tribunal fédéral a considéré, dans un arrêt 9C_984/2008 du 4 mai 2009, que l’assuré, qui souffrait d’une personnalité borderline et qui avait besoin de pouvoir fonctionner de manière parfaitement autonome et en dehors de toute pression extérieure, dans un environnement protégé et confiné, ne pouvait offrir ce que l’on est en droit d’attendre d’un travailleur dans des rapports de travail qualifiés de normaux. Bien plus, notre Haute Cour a rappelé qu’à la différence de simples fluctuations conjoncturelles (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 198/76 du 4 octobre 1976 consid. 2, in RCC 1977 p. 206), les modifications structurelles que peut connaître le marché du travail sont des circonstances dont il y a lieu de tenir compte en matière d'assurance-invalidité (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 436/92 du 29 septembre 1993 consid. 4c et 5b). La structure actuelle du marché du travail n'offrait plus les conditions qui permettaient encore à une personne comme l’assuré, à l'aube des années nonante, de trouver un emploi et d'exercer par intermittence une activité lucrative. L'augmentation de la productivité au sein des entreprises, la pression sur la rentabilité ou encore les nécessités liées à la maîtrise des coûts salariaux pesaient sur les salariés qui devaient désormais faire preuve d'engagement et d'efficacité, s'intégrer dans une structure d'entreprise et, partant, montrer des facultés d'adaptation importantes. Si le marché du travail présentait par le passé une souplesse suffisante permettant, tant bien que mal, d'intégrer en son sein l’assuré, la nature et l'importance du trouble de la personnalité constituait, au regard des conditions actuelles du marché du travail, des obstacles irrémédiables à la reprise d'une activité lucrative salariée.

11.         En l’espèce, la recourante conteste essentiellement l’appréciation de la capacité de travail faite par les experts, considérant que celle-ci devrait être estimée à 100% depuis le 1er avril 2015 et ce, sans interruption. En d’autres termes, les conclusions relatives à la capacité de travail énoncées dans le rapport d’expertise du 6 mars 2021, telles que complétées par le SMR dans son avis du 13 juillet 2021, constituent un minimum.

La recourante ne critique en revanche pas les limitations fonctionnelles telles que définies. A cet égard, il y a lieu de relever que les experts et le SMR ont considéré que l’activité adaptée à l’état de santé de la recourante devait épargner les genoux, le dos et le bras droit. Concrètement, l’activité encore exigible de l’assurée ne doit pas comporter d’efforts de soulèvement, de porte-à-faux avant ou latéral, de port de charges supérieures à 5 kg, de marche, de piétinement, de montées et de descentes d’escaliers, de position agenouillée ou accroupie, de travail en hauteur (échelle, escabeau, tabouret), d’efforts du bras droit au-delà de 90° d’abduction, ou encore de mouvement de pronation forcé de la main droite. De plus, elle ne doit impliquer aucun stress.

Au regard des nombreuses limitations et vu l'absence de formation de la recourante, seules des activités simples et répétitives sont susceptibles d'entrer en considération à titre d'activités adaptées.

La Chambre de céans voit toutefois mal comment une assurée qui ne peut marcher et ne peut piétiner pourrait exercer des activités de surveillance, lesquelles impliquent notamment des positions debout statiques et du piétinement (gardien de musée, etc.) ou de la marche (rondes), voire, comme l'a retenu le Tribunal fédéral, la faculté de réagir physiquement à un imprévu. Il en va de même des tâches de bureau, de réceptionniste, de vérification ou de contrôle, lesquelles supposent le port de charges ou à tout le moins des manœuvres de pronation forcée de la main. En outre, il paraît difficile pour une assurée qui ne saurait porter des charges de plus de 5 kg et exercer des activités nécessitant une pronation forcée de la main, de travailler dans le secteur de la vente, en tant qu'ouvrière en usine, à l'établi ou encore sur une chaîne de montage, en tant qu'opératrice sur machines ou encore d'effectuer des tâches d'approvisionnement de machines ou d'unités de production automatiques ou semi-automatiques, ces activités nécessitant par définition des mouvements de pronation. S’y ajoute encore le fait le trouble dépressif de la recourante et ses conséquences sur son fonctionnement au quotidien exigent qu'elle puisse travailler dans une activité limitant le stress professionnel.

D’ailleurs, en 2015 déjà, les médecins de la clinique J______ émettaient des doutes quant l’exigibilité d’une activité dans le marché premier du travail et préconisaient une activité de bénévolat. On peut donc légitimement se demander si la recourante est effectivement en mesure d'offrir ce que l'on est en droit d'attendre d'un travailleur dans des rapports de travail qualifiés de normaux. En effet, comme cela a été relevé supra, de nos jours, l'augmentation de la productivité au sein des entreprises, la pression sur la rentabilité ou encore les nécessités liées à la maîtrise des coûts salariaux pèsent sur les salariés, qui doivent désormais faire preuve d'engagement et d'efficacité, s'intégrer dans une structure d'entreprise et, partant, montrer des facultés d'adaptation importantes dont la recourante est manifestement dépourvue, ainsi que l’a souligné l’expert à plusieurs reprises.

Au vu des considérations qui précèdent, se pose la question de l’existence de suffisamment d’activités simples et répétitives ne nécessitant pas de formation dans les secteurs de la production et des services adaptées aux nombreuses limitations fonctionnelles - notamment au niveau des membres supérieurs, du dos et des membres inférieurs -, et n’impliquant pas de stress. La Chambre de céans est d’avis que, dans un cas aussi particulier et compte tenu des nombreuses limitations fonctionnelles et de l'âge de l'assurée, l’OAI aurait dû déterminer si la recourante était concrètement encore en mesure d’exploiter une capacité de travail résiduelle sur le plan économique et de réaliser un salaire suffisant pour exclure une rente (cf. supra). Or, de toute évidence, l’intimé n’a pas procédé à cet examen. C’est pourquoi, la Chambre de céans lui renverra la cause afin qu’il détermine les activités concrètement envisageables au vu de la situation particulière de la recourante et des limitations fonctionnelles retenues. Si l’office intimé devait arriver à la conclusion qu’il en existe suffisamment, un complément d’expertise devra être ordonné pour combler les lacunes constatées précédemment. En revanche, si l’OAI devait arriver à la conclusion qu’il n’existe pas suffisamment d’activités raisonnablement envisageables, une rente entière devra être accordée à la recourante et une instruction médicale complémentaire s’avérera superflue.

12.          

12.1. Par écriture du 3 août 2021, se référant à plusieurs avis de son SMR, l’intimé a modifié ses conclusions et conclu à l’octroi d’une rente entière du 1er avril au 30 novembre 2015, du 1er mars 2017 au 28 février 2018 et du 1er avril 2019 au 31 septembre 2020, afin de tenir compte des incapacités de travail totales motivées par le séjour à la clinique J______ du 18 décembre 2014 au 5 août 2015, l’atteinte à l’épaule droite et l’intervention y relative (décembre 2016 jusqu’à novembre 2017), ainsi que la pose de la prothèse aux genoux en 2019 et 2020.

Par conséquent, quand bien même la cause est renvoyée à l’intimé pour instruction complémentaire sur l’existence d’activités adaptées et, éventuellement complément d’expertise, la décision peut d'ores est déjà être réformée afin de tenir compte des périodes d’incapacité de travail totales finalement admises par le SMR, périodes pour lesquelles la recourante a droit à une rente entière.

12.2. Au vu de ce qui précède, le recours est partiellement admis et les décisions des 9 mars et 11 mai 2021 annulées. La recourante est mise au bénéfice des rentes suivantes :

-        rente entière du 1er avril au 30 novembre 2015,

-        quart de rente, compte tenu d’un degré d’invalidité de 44%, du 1er décembre 2015 au 28 février 2017,

-        rente entière du 1er mars 2017 au 28 février 2018,

-        quart de rente, compte tenu d’un degré d’invalidité de 44%, du 1er mars 2018 au 1er (recte 31) mars 2019,

-        rente entière du 1er avril 2019 au 31 septembre 2020,

-        quart de rente, compte tenu d’un degré d’invalidité de 44%, dès octobre 2020.

La cause est par ailleurs renvoyée à l’intimé pour instruction complémentaire quant à l’existence de suffisamment d’activités adaptées aux limitations fonctionnelles retenues et, en cas de réponse positive, complément d’expertise au sens des considérants avant nouvelle décision, voire, en cas de réponse négative, augmentation à une rente entière dès le 1er décembre 2015.

13. La recourante, qui obtient partiellement gain de cause, a droit à des dépens, fixés à CHF 3'000.- (art. 61 let. g LPGA).

La procédure en matière d'assurance-invalidité n'étant pas gratuite (art. 69 al. 1bis LAI), un émolument de CHF 200.- est mis à la charge de l'intimé.

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

 

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement au sens des considérants.

3.        Annule les décisions des 9 mars et 11 mai 2021.

4.        Dit que la recourante a droit aux rentes suivantes :

-        rente entière du 1er avril au 30 novembre 2015,

-        quart de rente compte tenu d’un degré d’invalidité de 44%, du 1er décembre 2015 au 28 février 2017,

-        rente entière du 1er mars 2017 au 28 février 2018,

-        quart de rente, compte tenu d’un degré d’invalidité de 44%, du 1er mars 2018 au 1er (recte 31) mars 2019,

-        rente entière du 1er avril 2019 au 31 septembre 2020,

-        quart de rente, compte tenu d’un degré d’invalidité de 44%, dès octobre 2020.

5.        Renvoie la cause à l’intimé pour instruction complémentaire sur l’existence d’activités adaptées aux limitations fonctionnelles retenues et, cas échant, complément d’expertise avant une nouvelle décision au sens des considérants.

6.        Condamne l’intimé à verser à la recourante une indemnité de dépens de CHF 3'000.-.

7.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé.

8.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de

son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

 

 

 

 

 

La greffière

 

 

 

 

Marie-Catherine SECHAUD

 

 

 

 

 

La présidente

 

 

 

 

Karine STECK

 

 

 

 

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le