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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2931/2021

ATAS/438/2022 du 17.05.2022 ( APG ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2931/2021 ATAS/438/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 17 mai 2022

15ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée LE GRAND-SACONNEX, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Daniela LINHARES

 

 

recourante

 

contre

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE COMPENSATION, sise rue des Gares 12, GENÈVE

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée), née le ______ 1973, est mère de deux enfants.

b. Le 27 janvier 2017, l'assurée a sollicité son inscription en tant que thérapeute indépendante (cabinet de kinésiologie) auprès de la caisse cantonale genevoise de compensation (ci-après : la caisse).

c. Le 17 juillet 2017, la caisse a adressé à l'assurée un décompte de cotisations sociales personnelles de CHF 601.40 pour la période du 1er février au 31 décembre 2017, sur la base d'un revenu nul pour l'année 2017 (tel que déclaré sur le formulaire d'affiliation). La caisse informait en outre l'assurée du fait qu'elle pouvait indiquer la modification de son revenu pour modifier ses acomptes de cotisations 2018, en complétant un formulaire annexé. L'assurée ne l'a pas fait.

d. Le 11 janvier 2018, la caisse a adressé à l'assurée une information concernant la fixation de ses cotisations 2018 (CHF 611.40). Celles-ci étaient fondées sur un revenu nul. En annexe, elle lui a transmis le formulaire en vue de l'éventuelle modification des acomptes pour 2019, que l'assurée n'a pas rempli.

e. Le 2 décembre 2018, la caisse a adressé une facture de CHF 152.85 à l'assurée à titre d'acompte de cotisations sociales pour la période du 1er octobre au 31 décembre 2018, toujours fondé sur un revenu nul.

f. Le 27 janvier 2019, la caisse a adressé à l'assurée une information concernant la fixation de ses cotisations 2019 (CHF 615.50). Celles-ci étaient fondées sur un revenu nul.

g. Le 6 septembre 2019, une décision de cotisations personnelles a été rendue pour l'année 2017 fondée sur un revenu de CHF 23'900.-, de sorte que les cotisations de l'assurée ont été augmentées de CHF 1'933.10. La caisse a en outre transmis à l'assurée le formulaire en vue de l'éventuelle modification des acomptes pour 2020, que l'assurée n'a pas rempli.

h. Le 6 janvier 2020, la caisse a adressé à l'assurée une information concernant la fixation de ses cotisations 2020 (CHF 629.90). Celles-ci étaient fondées sur un revenu nul. L'assurée était invitée à communiquer la modification de son revenu.

B. a. Le 25 mars 2020, l’assurée a formé une demande d’allocations pour perte de gain en lien avec le coronavirus (ci-après : APG-Covid).

b. Dans un courrier du 18 avril 2020, la caisse a indiqué à l'assurée que ses APG-Covid étaient nulles, dans la mesure où elles étaient fixées sur un revenu nul.

c. L'assurée a demandé une modification de ses acomptes courants par formulaire de contact du 28 avril 2020, en indiquant qu'elle estimait son revenu net annuel à CHF 65'000.-.

d. Le 28 avril 2020, la caisse a fixé les cotisations à CHF 8'271.50 pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2020, en se référant au revenu provisoire de CHF 65'000.- communiqué par l'assurée le même jour.

e. Par décision du 17 juillet 2020, les cotisations 2018 ont été fixées rétroactivement à CHF 1'377.95 sur la base d'un revenu déterminant de CHF 17'300.- tel que communiqué par l'administration fiscale cantonale (ci-après : l'AFC) le 14 octobre 2019.

f. À la suite d'une demande de l'assurée, la caisse a informé cette dernière, par courrier du 17 juillet 2020, avoir recalculé les APG-Covid pour la période du 17 mars au 16 septembre 2020 sur la base du revenu déterminant ressortant de la taxation définitive de 2018, soit CHF 17'300.-, correspondant au revenu communiqué à l'AFC par l'assurée le 4 septembre 2019 et ayant été l'objet de la taxation fiscale du 17 juillet 2020.

g. L'assurée a ainsi eu droit à des APG-Covid de CHF 1'113.95 pour la période du 17 mars au 15 avril 2020 (30 jours), de CHF 1'151.10 du 16 avril au 16 mai 2020, de CHF 742.65 du 17 mai au 5 juin 2020, de CHF 928.30 du 6 juin au 30 juin 2020, de CHF 1'151.10 du 1er juillet au 31 juillet 2020, de CHF 1'151.10 du 1er au 31 août 2020 et de CHF 594.10 du 1er au 16 septembre 2020.

h. Le 4 janvier 2021, l'AFC a communiqué à la caisse que le montant du revenu de l'activité indépendante de la recourante pour l'année 2019 était de CHF 65'075.-.

i. Par décision du 26 janvier 2021, les cotisations 2019 de l'assurée ont été fixées rétroactivement à CHF 8'939.65 sur la base d'un revenu déterminant de CHF 65'075.- tel que communiqué par l'AFC le 4 janvier 2021.

C. a. Par pli du 11 mars 2021, l'assurée a sollicité un nouveau calcul des APG-Covid sur la base de son revenu prévisionnel 2020. À l'appui de sa demande, elle a fait valoir qu'elle avait adressé son formulaire de demande de modification des acomptes de cotisations en vue d'obtenir la modification de la prise en compte de son revenu en mai 2020 avec un calcul estimatoire de son salaire (CHF 65'000.-).

b. Par décision du 15 avril 2021, la caisse a refusé d'adapter avec effet rétroactif les APG-COVID de 2020. Le revenu sur lequel avait été calculé l'acompte de cotisations 2019 était pertinent pour fixer les APG-Covid, à moins que la taxation fiscale définitive pour 2019 n'ait déjà été disponible au moment de statuer sur les APG-Covid ou qu'elle soit transmise à la caisse au plus tard le 16 septembre 2020. Dans le cas d'espèce, lors de la demande de prestations, les acomptes 2019 étaient fondés sur un revenu nul, de sorte que l'assurée n'avait pas droit à des APG-Covid. Cependant à sa demande, la caisse a accepté de prendre en compte le revenu définitive 2018. Elle ne pouvait pas se fonder sur la taxation définitive relative à l'année 2019 qui n'avait pas été établie au 16 septembre 2020. De ce fait, l'assurée a reçu des APG-Covid calculé sur le revenu de 2018. Après le 16 septembre 2020, le montant des APG-Covid ne pouvait plus être modifié sur la base d'un revenu définitif 2019. Le revenu journalier moyen devait être maintenu à CHF 39.20.

c. Le 4 mai 2021, l'assurée s'est opposée à cette décision en se référant aux motifs de sa demande de modification.

d. Par décision du 19 juillet 2021, la caisse a rejeté l'opposition pour les motifs évoqués dans sa décision, en ajoutant que l'adaptation ultérieure au 16 septembre 2020 du revenu de l'activité lucrative n'avait pas d'influence sur le montant des APG-Covid. Le 18 juin 2021, le parlement fédéral avait modifié la loi covid et prévu que dès le 1er juillet 2021, la taxation définitive 2019 était prise en compte pour fixer les APG-Covid, si celle-ci était disponible et plus favorable aux requérants, dans le cadre des futures demandes.

D. a. Par acte du 7 septembre 2021, l'assurée a recouru auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : CJCAS) à l'encontre de la décision précitée, en concluant sous suite de frais et dépens à son annulation et à ce que la chambre de céans dise et constate qu'elle avait droit à des APG-Covid de CHF 196.- par jour, soit au total CHF 41'160.- bruts pour la période du 17 mars au 20 novembre 2020, sous déduction de CHF 8'232.- déjà perçus. Elle a conclu, subsidiairement, à l'allocation de CHF 123.- par jour, soit au total CHF 25'830.- bruts pour la période du 17 mars au 20 novembre 2020, sous déduction de CHF 8'232.- déjà perçus. La caisse avait rendu le 6 septembre 2019 une décision de cotisations pour l'année 2017 fondée sur un revenu de CHF 23'900.-, le 17 juillet 2020, une décision relative aux cotisations 2018 sur la base d'un revenu de CHF 17'300.-, le 28 avril 2020, un décompte pour l'année 2020 sur la base d'un revenu de CHF 65'000.-, et le 26 janvier 2021, une décision de cotisations pour l'année 2019 fondée sur un revenu de CHF 72'000.-. Ainsi, selon la décision définitive pour l'année 2019, un revenu de 72'000.- donnait droit à la recourante à des APG-Covid journalières de CHF 200.- (pour une personne avec deux enfants), mais plafonnées à CHF 196.-. Si on prenait le revenu moyen des années 2017 à 2019 (CHF 37'733.35 arrondi à CHF 37'800.-), elle aurait droit à une APG-Covid journalière de CHF 123.-, alors qu'elle avait perçu l’APG-Covid journalière de CHF 39.20 (du 17 mars au 16 septembre 2020 et du 26 octobre au 20 novembre 2020), soit au total durant 210 jours (CHF 8'232.-).

b. Par acte du 5 octobre 2021, la caisse a conclu au rejet du recours, au motif que lors de la décision attaquée, la taxation fiscale 2019 n'était pas établie, de sorte que l'APG-Covid avait été calculée sur la base du revenu de 2018 ; l'adaptation de l'APG-Covid n'avait pas été demandée avant le 16 septembre 2020 ; seule l'APG-Covid due dès le 1er juillet 2021 pouvait être adaptée à la taxation 2019.

c. Par acte du 28 octobre 2021, la recourante a répliqué. Elle n'avait pas été informée du délai au 16 septembre 2020 pour demander une modification des APG-Covid, malgré le fait qu'elle était en contact avec sa caisse. Elle avait demandé des réadaptations des cotisations bien avant septembre 2020, jugeant son revenu plus élevé que celui retenu par la caisse. La caisse n'avait pas pris en compte le fait qu'elle avait deux enfants, dans le calcul des APG-Covid, ce qui aurait dû la conduire à lui allouer des allocations de CHF 123.- par jour.

d. Le 16 novembre 2021, la caisse a dupliqué. Elle-même avait dû s'informer de toutes les modifications des nombreuses circulaires de l’Office fédéral des assurances sociales - OFAS (20 versions) et ne pouvait pas assumer la responsabilité que la recourante voulait lui imputer de ne pas lui avoir dit de demander une adaptation avant le 16 septembre 2020. Cela étant, faute de décision de taxation définitive à cette dernière date, l'assurée ne pouvait pas faire modifier le APG-Covid. La caisse n'avait en outre pas à tenir compte de la situation familiale de la recourante, puisque ce n'était pas une condition à l'octroi des APG-Covid.

e. À l'issue de l'échange d'écritures, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Les dispositions de la loi fédérale du 6 octobre 2000 sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA - RS 830.1) s’appliquent aux allocations pertes de gain en lien avec le coronavirus, sous réserve de dérogations expresses (art. 1 de l’ordonnance sur les pertes de gain en lien avec le coronavirus du 20 mars 2020 [ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 - RS 830.31]). Les décisions sur opposition et celles contre lesquelles la voie de l’opposition n’est pas ouverte sont sujettes à recours auprès du tribunal des assurances compétent (art. 56 LPGA).

La CJCAS est ainsi compétente pour connaître du recours (cf. ATAS/1208/2020 du 10 décembre 2020).

1.2 Interjeté en temps utile et dans les formes légales par une personne directement touchée par la décision attaquée, le recours est recevable.

2.             Le litige porte sur le bien-fondé du refus de l'intimée de réviser le calcul des APG-Covid dues à la recourante dès le 17 mars 2020, selon la demande de reconsidération déposée par la recourante le 11 mars 2021.

2.1 En l'espèce, la recourante ayant perçu des APG-Covid antérieurement au 17 septembre 2020, il convient de déterminer le montant de celles-ci, selon les dispositions de l’ordonnance applicable dans sa teneur en vigueur jusqu’au 16 septembre 2020 (cf. art. 5 al. 2bis de l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 précité), singulièrement d’examiner si, comme le prétend la recourante, l'intimée aurait dû prendre en compte le revenu estimatif de CHF 65'000.- qu'elle lui avait communiqué en mai 2020 ou si elle aurait dû recalculer les APG-Covid sur la base du revenu définitif 2019 qui n'était pas disponible au 16 septembre 2020.

2.2 Le 17 mars 2020 est entrée en vigueur l’ordonnance du 20 mars 2020 sur les mesures en cas de pertes de gain en lien avec le coronavirus (COVID-19).

Selon l’art. 2 al. 3 en relation avec l’art. 2 al. 1bis let. c de l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19, dans sa teneur du 23 avril 2020 au 16 septembre 2020, les personnes qui exercent une activité lucrative indépendante au sens de l’art. 12 LPGA) ont droit à l’allocation perte de gain si elles sont assurées obligatoirement au sens de la LAVS et si elles subissent une perte de gain en raison d’une mesure prévue à l’art. 6 al. 1 et 2 de l’ordonnance du 13 mars 2020 sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus (ordonnance 2 COVID-19; RS 818.101.24; abrogée au 22 juin 2020).

Visant les « cas de rigueur », l’art. 2 al. 3bis en relation avec l’art. 2 al. 1bis let. c de l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19, dans sa teneur en vigueur du 17 mars 2020 au 16 septembre 2020, prévoit que les personnes qui exercent une activité lucrative indépendante au sens de l’art. 12 LPGA, mais qui ne sont pas concernées par l’art. 2 al. 3 précité, ont droit à l’allocation perte de gain si elles sont assurées obligatoirement au sens de la LAVS, si elles subissent une perte de gain en raison des mesures prises par le Conseil fédéral afin de lutter contre le coronavirus et si leur revenu déterminant pour le calcul des cotisations AVS de l’année 2019 se situe entre CHF 10'000.- et CHF 90'000.-.

En vertu de l’art. 5 de l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19, dans sa teneur selon le ch. I de l'ordonnance du 19 juin 2020, en vigueur depuis le 17 mars 2020 (RO 2020 2223), l’indemnité journalière est égale à 80% du revenu moyen de l’activité lucrative obtenu avant le début du droit à l’allocation (al. 1).

Pour déterminer le montant du revenu, l’art. 11 al. 1 de la loi fédérale sur les allocations pour perte de gain en cas de service et de maternité du 25 septembre 1952 (LAPG - RS 834.1) s’applique par analogie.

Après la fixation du montant de l’allocation, cette dernière ne peut faire l’objet d’un nouveau calcul que si une taxation fiscale plus récente est envoyée à l’ayant droit d’ici au 16 septembre 2020 et que celui-ci dépose une demande de nouveau calcul d’ici à cette date (al. 2).

2.3 Selon l’art. 11 al. 1 LAPG, le revenu moyen acquis avant l’entrée en service est le revenu déterminant pour le calcul des cotisations dues conformément à la LAVS. Le Conseil fédéral édicte des dispositions relatives au calcul de l’allocation et fait établir par l’OFAS des tables dont l’usage est obligatoire et dont les montants sont arrondis à l’avantage de l’ayant droit.

Selon l’art. 7 al. 1 du règlement du 24 novembre 2004 sur les allocations pour perte de gain (RAPG - RS 834.11), pour les personnes exerçant une activité indépendante, l’allocation est calculée d’après le revenu, converti en revenu moyen, qui a servi de base à la dernière décision de cotisations à l’AVS rendue avant l’entrée en service. L’allocation est ajustée sur demande si, par la suite, une nouvelle décision de cotisation est prise pour l’année pendant laquelle le service a été accompli (al. 1). Pour les personnes qui rendent vraisemblable qu’elles auraient entrepris une activité indépendante de longue durée pendant la période du service, l’allocation est calculée d’après le revenu qu’elles auraient pu obtenir (al. 2). Si une personne exerçant une activité indépendante n’est pas astreinte à payer des cotisations en vertu de la LAVS, son allocation est calculée d’après le revenu acquis au cours de l’année précédant celle de l’entrée en service (al. 3).

2.4 Aux termes de l’art. 9 al. 3 LAVS, le revenu provenant d’une activité indépendante et le capital propre engagé dans l’entreprise sont déterminés par les autorités fiscales cantonales et communiqués aux caisses de compensation.

La perception des acomptes de cotisations est régie par l’art. 24 du règlement sur l'assurance-vieillesse et survivants du 31 octobre 1947 (RAVS - RS 831.101). Ils sont fixés sur la base du revenu probable de l’année de cotisation (al. 2). S’il s’avère, pendant ou après l’année de cotisation, que le revenu diffère sensiblement du revenu probable, les caisses de compensation adaptent les acomptes de cotisations (al. 3). Les personnes tenues de payer des cotisations doivent fournir aux caisses de compensation les renseignements nécessaires à la fixation des cotisations, leur transmettre, sur demande, des pièces justificatives et leur signaler lorsque le revenu diffère sensiblement du revenu probable (al. 4).

3.             L’OFAS a émis des lignes directrices relatives à l’application de l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 dans la circulaire sur l’allocation pour perte de gain en cas de mesures destinées à lutter contre le coronavirus (ci-après CCPG). Il sera fait référence ci-après à la teneur de cette circulaire valable au 3 juillet 2020.

De telles directives de l'OFAS ne créent pas de nouvelles règles de droit, mais sont destinées à assurer l'application uniforme des prescriptions légales, en visant à unifier, voire à codifier, la pratique des organes d'exécution. Elles ont notamment pour but d'établir des critères généraux d'après lesquels sera tranché chaque cas d'espèce et cela aussi bien dans l'intérêt de la praticabilité que pour assurer une égalité de traitement des ayants droit. Selon la jurisprudence, ces directives n'ont d'effet qu'à l'égard de l’administration dont elles donnent le point de vue sur l'application d'une règle de droit et non pas une interprétation contraignante de celle-ci. Cela ne signifie toutefois pas que le juge n'en tienne pas compte. Au contraire, il doit les prendre en considération lors de sa décision lorsqu'elles offrent une interprétation satisfaisante des dispositions légales applicables et adaptée au cas d'espèce. Il ne s'en écarte que dans la mesure où les directives établissent des normes qui ne sont pas conformes aux dispositions légales applicables (voir ATF 145 V 84 consid. 6.1.1 et les références).

D’après le ch. 1065 CCPG, la base de calcul de l’indemnité pour les indépendants correspond en principe au revenu réalisé en 2019. Pour ce faire, c’est le revenu retenu pour le décompte des cotisations 2019 (acomptes de cotisation) qui est déterminant. Par contre, si, au moment où l’indemnité est déterminée, la taxation fiscale définitive pour 2019 est déjà disponible, celle-ci doit être prise comme base de calcul.

Le ch. 1065.1 CCPG précise que si l’indemnité a été fixée sur la base des revenus utilisés pour les acomptes de cotisation 2019 et que ceux-ci n’ont pas été adaptés depuis la dernière décision définitive de cotisation, les revenus de la dernière décision définitive de cotisation doivent être pris en compte sur demande du bénéficiaire. Si, au moment de la demande, la taxation fiscale pour 2019 est déjà disponible, c’est celle-ci qui doit être prise en compte. La demande de nouveau calcul, respectivement de révision ou de reconsidération, doit être adressée à la caisse de compensation au plus tard le 16 septembre 2020.

4.             En l'occurrence, il n’est pas contesté que la recourante exerce une activité indépendante au sens de l’art. 12 LPGA et qu’elle a subi une perte de gain en raison des mesures prises par le Conseil fédéral afin de lutter contre le coronavirus. Elle s’est vue reconnaître un droit à l’APG-Covid. Son montant a été fixé par l’intimée le 17 juillet 2020, pour la période du 17 mars au 16 septembre 2020, à un montant journalier de CHF 39.20 sur la base du revenu 2018 définitivement fixé à cette même date.

La taxation définitive 2019 n'était pas disponible lorsque l’intimée a fixé le montant de l’APG-Covid initialement à 0.-, puis à CHF 39.20 par jour, selon le courrier du 17 juillet 2020. La recourante n’a pas contesté ce montant.

La taxation définitive 2019 n’a été disponible que le 4 janvier 2021, soit postérieurement au 16 septembre 2020, de sorte que la première condition posée à l’art. 5 al. 2 de l’ordonnance précitée pour obtenir la modification de l’APG-Covid n'est pas remplie. La deuxième condition n'est pas davantage remplie étant donné que la recourante a demandé l'adaptation de l’APG-Covid tardivement, soit le 11 mars 2021, alors que le délai arrivait à échéance le 16 septembre 2020.

4.1 S’agissant de ce délai, les Tribunaux cantonaux des assurances des cantons de Vaud et de Zürich ont jugé que l'art. 5 al. 2 de l'ordonnance sur les pertes de gain COVID-19, en vigueur dès le 6 juillet 2020, ainsi que le chiffre 1065.1 CCPG, état au 3 juillet 2020, étaient manifestement contraires au principe de l'égalité de traitement, de sorte que le délai fixé au 16 septembre 2020 pour la prise en compte de la taxation fiscale des recourants n'était pas applicable (arrêt de la cour des assurances sociales du canton de Vaud du 17 mai 2021 - APG 36/20 - 1, entré en force, et arrêt du Tribunal cantonal des assurances sociales du canton de Zürich du 29 octobre 2020 EE.2020. 00006, qui a fait l’objet d’un recours de l’OFAS, déclaré irrecevable par le Tribunal fédéral selon l’arrêt 9C_752/2020 du 9 mars 2021).

Ces considérations peuvent être reprises en l’espèce, ce d’autant que par arrêt du 25 novembre 2021, le plénum de la chambre de céans a jugé dans le même sens (ATAS/1247/2021).

4.2 Selon la jurisprudence, une décision ou un arrêté viole le principe de l'égalité de traitement consacré à l'art. 8 al. 1 Cst. lorsqu'il établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou qu'il omet de faire des distinctions qui s'imposent au vu des circonstances, c'est-à-dire lorsque ce qui est semblable n'est pas traité de manière identique et ce qui est dissemblable ne l'est pas de manière différente. Il faut que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante. L'inégalité de traitement apparaît ainsi comme une forme particulière d'arbitraire, consistant à traiter de manière inégale ce qui devrait l'être de manière semblable ou inversement (ATF 141 I 153 consid. 5.1 ; 140 I 77 consid. 5.1 ; 137 V 334 consid. 6.2.1 ; 134 I 23 consid. 9.1).

4.3 En édictant l'ordonnance sur les pertes de gain COVID-19, le Conseil fédéral a posé le principe que la base de calcul de l'allocation pour les indépendants devait correspondre en principe au revenu réalisé en 2019. En limitant dans le temps la possibilité de se prévaloir de la décision définitive de taxation pour 2019 pour fixer le montant du revenu moyen de l'activité lucrative déterminant pour le calcul de l'allocation, l'art. 5 al. 2 de l'ordonnance sur les pertes de gain COVID-19, ainsi que le ch. 1065.1 de la CCPG, sont manifestement contraires au principe de l'égalité de traitement, tel qu'il est consacré à l'art. 8 al. 1 Cst. En effet, la faculté pour la personne exerçant une activité indépendante qui requiert le versement de l'allocation pour perte de gain en lien avec le coronavirus de se prévaloir de la décision définitive de taxation pour 2019 dépend d'un facteur purement aléatoire, à savoir la célérité mise par les autorités fiscales pour établir ladite taxation. La personne concernée n'a toutefois aucune prise sur la procédure de taxation, car elle ne dispose d'aucun moyen pour contraindre les autorités fiscales à rendre une décision de taxation dans un délai précis. De fait, l'introduction d'une limite temporelle au 16 septembre 2020 pour la production de la décision définitive de taxation pour 2019 – laquelle constitue d'ailleurs une dérogation au régime général des allocations pour perte de gain (cf. art. 7 al. 1 RAPG) – revient à privilégier, arbitrairement et sans motif légitime, les personnes dont le dossier a été traité par les autorités fiscales avant cette date par rapport à celles dont la taxation n'a été entreprise que postérieurement. La crainte d'une éventuelle surcharge de l'autorité administrative liée aux demandes de réexamen des décisions d'allocation afin de tenir compte des décisions définitives de taxation pour 2019 ne saurait justifier une violation de ce principe fondamental de l'état de droit qu'est l'égalité de traitement.

Aussi faut-il retenir que la limitation dans le temps de la possibilité de se prévaloir de la décision définitive de taxation pour 2019 ne repose sur aucun motif sérieux et objectif et est, partant, contraire au principe de l'égalité de traitement (arrêt de la Cour des assurances sociales du canton de Vaud - APG 36/20 du 17 mai 2021).

En l’occurrence, au vu des considérations qui précèdent, l’intimée aurait dû procéder au recalcul des APG-Covid de la recourante, depuis le 17 mars 2020, sur la base du revenu 2019 retenu dans la taxation fiscale de la recourante du 4 janvier 2021, nonobstant le fait que celle-ci a été émise postérieurement au 16 septembre 2020 et ce d’autant plus que le 28 avril 2020, la recourante avait sollicité la modification de ses acomptes en indiquant le revenu qui sera finalement retenu dans la décision de taxation définitive. Par ailleurs, force est de constater que le courrier du 18 avril 2020 que la caisse a adressé à l'assurée pour l’informer que le montant de son APG-Covid était nul, le revenu pris en compte comme dans le cadre du calcul des cotisations étant nul, ne portait pas la mention de décision et n’indiquait pas de voie de droit. L’assurée en a néanmoins compris qu’elle devait faire modifier ses acomptes, ce qu’elle a tenté de faire en adressant un formulaire de demande à l’intimée le 28 avril 2020, en indiquant qu'elle estimait son revenu net annuel à CHF 65'000.-. Par décision du 17 juillet 2020, la caisse a fait droit à la demande de modification d’acomptes et fixé les cotisations à CHF 8'271.50 pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2020, en se référant au revenu provisoire de CHF 65'000.- communiqué par l'assurée le même jour. La caisse n’a en revanche pas revu sa décision en matière d’APG-Covid du 18 avril 2020 (courrier précité) en se fondant sur ce montant, mais a adressé un autre courrier à l'assurée, le 17 juillet 2020, dans lequel elle indiquait que les APG-Covid pour la période du 17 mars au 16 septembre 2020, fondée désormais sur un revenu de CHF 17'300.- ressortant de la taxation définitive de 2018, ayant été l'objet de la taxation fiscale du 17 juillet 2020. À réception de cette lettre, l’assurée a ainsi pu constater que la caisse pouvait modifier le montant de l’APG-Covid, sur la base d’une décision de taxation en l’occurrence de 2018. Compte tenu de ce qui précède et en l’absence d’indication de voie droit dans ce dernier courrier ou de mention selon laquelle l’assurée pouvait obtenir une modification de l’APG-Covid sur la base d’une nouvelle décision de taxation définitive 2019, l’on ne peut reprocher à cette dernière d’avoir fait valoir, par courrier du 11 mars 2021, sa décision de taxation définitive 2019 pour obtenir la modification de l’APG-Covid fixée par lettre du 17 juillet 2020.

S’agissant du montant de l’indemnité, il devra être chiffré par la caisse, de sorte que le dossier lui sera renvoyé.

Le recours sera admis, la décision litigieuse annulée et la cause renvoyée à l'intimée pour nouveau calcul des APG-Covid de la recourante, dès le 17 mars 2020, en tenant compte de la taxation fiscale 2019 du 4 janvier 2021.

4.4 La recourante étant représentée, elle se verra allouer un montant de CHF 1'500.- à titre de dépens (art. 61 let. g LPGA).

4.5 Pour le surplus, la procédure est gratuite.

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet et annule la décision du 19 juillet 2021.

3.        Renvoie la cause à l’intimée pour qu’elle fixe l’APG-Covid due à la recourante du 17 mars 2020 au 20 novembre 2020.

4.        Alloue à la recourante un montant de CHF 1'500.- à titre de dépens à charge de l’intimée (art. 61 let. g LPGA).

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie LOCHER

 

La présidente

 

 

 

 

Marine WYSSENBACH

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le