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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2430/2021

ATAS/126/2022 du 16.02.2022 ( APG ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2430/2021 ATAS/126/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 16 février 2022

4ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée c/o B______, à GENÈVE

 

 

recourante

 

contre

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE COMPENSATION, sise rue des Gares 12, GENÈVE

 

 

intimée

 


EN FAIT

A. a. Madame A______ (ci-après : l’intéressée ou la recourante) exploite en qualité d’indépendante un salon de coiffure à Genève.

b. Par décision du 8 février 2021, la caisse cantonale genevoise de compensation (ci-après : la caisse ou l’intimée) a fixé définitivement les cotisations personnelles de l’intéressée pour l’année 2019, selon un revenu déterminant de CHF 8'700.-.

c. Le 30 avril 2021, l’intéressée a demandé l’allocation de perte de gain en cas de coronavirus (ci-après : APG Covid), en raison de la réduction de son activité pendant le mois d’avril 2021.

d. Par décision du 11 mai 2021, la caisse a rejeté la demande, au motif que le revenu AVS réalisé par l’intéressée en 2019 était inférieur à CHF 10'000.-.

e. L’intéressée a formé opposition à la décision précitée le 26 mai 2021.

B. a. Par décision sur opposition du 24 juin 2021, la caisse a confirmé sa décision du 11 mai 2021.

b. L’intéressée a formé recours contre la décision sur opposition précitée le 15 juillet 2021, faisant valoir que la loi appliquée par l’intimée traitait de manière inégale les PME en fixant arbitrairement à CHF 10'000.- le seuil de revenu pour l’année 2019 à prendre en considération. Ce seuil avait été justifié pour ne pas soutenir des entreprises qui seraient en voie de faillite, mais il n’indiquait strictement rien sur l’évolution d’une PME vers une faillite. Il était injuste et arbitraire et pouvait avoir pour conséquence la faillite d’une PME, qui n’avait pu être soutenue.

c. Le 11 août 2021, l’intimée a conclu au rejet du recours, faisant valoir qu’en tant qu’organe d’exécution, elle appliquait l’ordonnance du Conseil fédéral ainsi que la circulaire sur l’APG Covid et qu’elle n’avait pas à interpréter une réglementation sans équivoque.

EN DROIT

1.         Les dispositions de la loi fédérale du 6 octobre 2000 sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA - RS 830.1) s'appliquent aux allocations perte de gain en lien avec le coronavirus, sous réserve de dérogations expresses (art. 1 de l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19). Les décisions sur opposition et celles contre lesquelles la voie de l'opposition n'est pas ouverte sont sujettes à recours auprès du tribunal des assurances compétent (art. 56 LPGA).

La chambre de céans est ainsi compétente pour connaître du recours (ATAS/1208/2020 du 10 décembre 2020).

2.             Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, compte tenu de la suspension des délais pour la période du 15 juillet au 15 août inclusivement (art. 38 al. 4 let. b LPGA et art. 89C let. b LPA), le recours est recevable.

3.         Le litige porte sur le bien-fondé de la décision de l’intimée niant à la recourante le droit à l’APG pour le mois d’avril 2021.

4.              

4.1 En raison de la propagation de la COVID-19, le Conseil fédéral a, le 28 février 2020, qualifié la situation prévalant en Suisse de « situation particulière » au sens de l’art. 6 al. 2 let. b de la loi fédérale sur la lutte contre les maladies transmissibles de l’homme (loi sur les épidémies ; LEP - RS 818.101).

Sur cette base, le Conseil fédéral a arrêté l’ordonnance sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus du 28 février 2020 (RO 2020 573) puis l’ordonnance 2 sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus du 13 mars 2020 (ordonnance 2 COVID-19 ; RO 2020 773) qui interdisait les manifestations publiques ou privées accueillant simultanément cent personnes (art. 6 al. 1) et limitait l’accueil dans les restaurants, les bars, les discothèques et les boîtes de nuit à cinquante personnes (art. 6 al. 2). Le Conseil fédéral a procédé à des modifications de cette ordonnance, notamment en interdisant toutes les manifestations publiques ou privées et en ordonnant la fermeture des magasins, des marchés, des restaurants, des bars, des discothèques, des boîtes de nuit et des salons érotiques (art. 6 al. 1 et 2), ainsi que notamment des fitness, piscines et centres de bien-être (art. 6 al. 2 let. d). Par ailleurs étaient également fermés les prestataires offrant des services impliquant un contact physique tel que les salons de coiffure, de massage, de tatouage ou de beauté (art. 6 al. 2 let. e). Cette modification est entrée en vigueur le 17 mars 2020 (RO 2020 783).

Dès le 27 avril 2020, les prestataires proposant des services impliquant un contact physique comme les salons de coiffure, de massage, de tatouage et de beauté ont pu rouvrir moyennant la mise en place d’un plan de protection (art. 6 al. 3 let. p selon la modification du 27 avril 2020 ; modification du 16 avril 2020, entrée en vigueur le 27 avril 2020 ; RO 2020 1249).

4.2 Parallèlement aux restrictions imposées par l'ordonnance 2 COVID-19, le Conseil fédéral a adopté, le 20 mars 2020, l’ordonnance sur les mesures en cas de perte de gain en lien avec le coronavirus (ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 - RS 830.31), laquelle est entrée en vigueur rétroactivement au 17 mars 2020.

Selon l’art. 2 al. 1 et 3 de cette ordonnance, dans sa teneur au 1er mai 2021, ont droit à l’allocation en cas de mesures destinées à lutter contre le coronavirus, les personnes qui exercent une activité lucrative indépendante au sens de l’art. 12 LPGA et les personnes visées à l’art. 31 al. 3 let. b et c de la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 25 juin 1982 (LACI) pour autant qu’elles remplissent la condition prévue à l’al. 1bis let. c, à savoir qu’elles soient assurées obligatoirement au sens de la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (LAVS) :

a. si elles doivent interrompre leur activité lucrative en raison de mesures de lutte contre l’épidémie de COVID-19 ordonnées par une autorité, et

b. si elles subissent une perte de gain ou une perte de salaire.

Selon l’al. 3bis de l’art. 2 de l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19, les personnes qui exercent une activité lucrative indépendante au sens de l’art. 12 LPGA et les personnes visées à l’art. 31, al. 3 let. b et c LACI, pour autant qu’elles ne soient pas concernées par l’al. 3 et qu’elles remplissent la condition prévue à l’al. 1bis, let. c, ont droit à l’allocation :

a. si leur activité lucrative est significativement limitée en raison de mesures de lutte contre l’épidémie de COVID-19 ordonnées par une autorité;

b. si elles subissent une perte de gain ou une perte de salaire, et

c. si elles ont touché pour cette activité au moins CHF 10'000.- à titre de revenu soumis aux cotisations AVS en 2019; cette condition s’applique par analogie si l’activité a débuté après 2019; si celle-ci n’a pas été exercée pendant une année complète, cette condition s’applique proportionnellement à sa durée.

Dans un communiqué de presse du 1er avril 2020, le Conseil fédéral a indiqué avoir chargé le DFI (OFAS) d’étudier d’ici au 8 avril 2020, en collaboration avec le DFF (AFF) et le DEFR (SECO), la mise en place d’un soutien destiné à remédier à la situation difficile des indépendants dont l’activité n’avait pas été interdite, mais qui voyaient leurs revenus fondre en raison de la paralysie de l’économie. Ces indépendants n’avaient pour l’heure pas droit aux APG. D’autres mesures concernant les agences de voyages et les secteurs de la culture et du sport devaient également être examinées. Enfin, il s’agirait d’évaluer les conséquences économiques à moyen et à long terme et d’élaborer une stratégie pour la période qui suivra l’assouplissement des mesures sanitaires. Le Conseil fédéral estimait par contre qu’il serait irréalisable d’octroyer l’ensemble des indemnités demandées à l’échelle nationale sous la forme de contributions à fonds perdu. D’une part, cela excéderait les capacités des organes d’exécution fédéraux et cantonaux, lesquelles avaient déjà été renforcées. D’autre part, des dédommagements ciblés supposaient que l’on puisse prouver et vérifier les dommages subis, ce qui était difficilement imaginable au vu des centaines de milliers de demandes potentielles ; quant à verser des dédommagements à l’échelle du pays sans exiger la preuve du dommage subi, cela entraînerait des risques bien trop importants pour les pouvoirs publics et compromettrait la stabilité du budget de l’État.

Afin d’atténuer les conséquences économiques du COVID-19, le Conseil fédéral misait sur un soulagement rapide et ciblé des secteurs directement touchés par la crise ainsi que des travailleurs et des indépendants confrontés à une situation difficile. Il n’avait donc clairement pas envisagé jusqu’ici une compensation générale accordée au titre de dommages et intérêts pour les pertes subies au niveau du chiffre d’affaires ou des recettes. La stratégie adoptée par le Conseil fédéral visait à lui permettre de faire face à une crise qui était appelée à se prolonger durant plusieurs mois (www.bsv.admin.ch/bsv/fr/home/publications-et-services/ medien-informationen/ nsb-anzeigeseite-unter-aktuell.msg-id-78648. Html).

4.3 Selon la jurisprudence, une décision ou un arrêté viole le principe de l'égalité de traitement consacré à l'art. 8 al. 1 Cst. lorsqu'il établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou qu'il omet de faire des distinctions qui s'imposent au vu des circonstances, c'est-à-dire lorsque ce qui est semblable n'est pas traité de manière identique et ce qui est dissemblable ne l'est pas de manière différente. Il faut que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante. L'inégalité de traitement apparaît ainsi comme une forme particulière d'arbitraire, consistant à traiter de manière inégale ce qui devrait l'être de manière semblable ou inversement (ATF 141/153 consid. 5.1 ; 140 I 77 consid. 5.1 ; 137 V 334 consid. 6.2.1 ; 134 I 23 consid. 9.1).

5.             En l’espèce, la recourante estime que le seuil de revenu pour l’année 2019 de CHF 10'000.- prévu par l’art. 2 al. 3ter de l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19, qui conditionne le droit à l’APG Covid-19, viole le principe de l’égalité de traitement.

Il ressort du communiqué de presse du 1er avril 2020 précité que le Conseil fédéral a décidé de limiter l’aide financière aux indépendants indirectement touchés par la pandémie, considérant qu’il serait irréalisable d’octroyer l’ensemble des indemnités demandées à l’échelle nationale. La distinction entre les indépendants selon le revenu obtenu en 2019 faite par l’art. 2 al. 3ter de l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 résulte ainsi d’un choix du Conseil fédéral qui apparaît légitime et elle ne peut dès lors être qualifiée d’arbitraire. Il en résulte que cette disposition ne viole pas le principe de l’égalité de traitement.

6.             Infondé, le recours doit être rejeté.

La procédure est gratuite (art. 61 let. fbis a contrario LPGA).


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le