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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3219/2020

ATAS/1302/2021 du 16.12.2021 ( AI ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3219/2020 ATAS/1302/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 16 décembre 2021

5ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée ______, à Châtelaine, représentée par APAS-association pour la permanence de défense des patients et des assurés

recourante

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

A. a. Les 20 février 2009, 4 février 2010 et 9 février 2011, Madame A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante), née en ______1980, a déposé une demande de prestations auprès de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI ou l’intimé) en raison d’une discopathie lombaire, de trois hernies discales, respectivement de lombalgies chroniques avec douleurs du calcanéum gauche.

b. Après avoir recueilli plusieurs rapports, notamment ceux des docteurs B______, spécialiste FMH en rhumatologie et médecine interne générale, C______, spécialiste FMH en médecine physique et réadaptation, D______, généraliste FMH, ainsi que les rapports d’expertise établis, à la demande des assurances perte de gain, le 8 mars 2010 par la doctoresse E______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, le 16 mars 2010 par le docteur F______, spécialiste FMH en rhumatologie et médecine interne, le 10 mars 2011 par le docteur G______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, et le 8 mai 2011 par le docteur H______, spécialiste FMH en rhumatologie, l’OAI a, par décision du 20 novembre 2013, mis l’assurée au bénéfice d’une rente entière pour la période du 1er novembre 2009 au 31 mai 2010, puis à nouveau du 1er octobre 2010 au 31 août 2011.

B. a. Le 3 juillet 2015, l’assurée s’est coupé, avec un couteau, le pouce gauche, côté palmaire, avec ouverture millimétrique de la gaine du long fléchisseur. Cette blessure a nécessité, le même jour, une exploration sous anesthésie locale et, le 5 juillet 2015, une exploration sous anesthésie générale, en raison d’une impotence du pouce en flexion et en extension.

Par la suite, les diagnostics de syndrome douloureux régional complexe (SDRC appelé également maladie de Südeck ; en anglais, complex regional pain syndrome – CRPS) puis d’hémisyndrome sensitivo-moteur gauche de type fonctionnel ont été évoqués.

b. Le 5 janvier 2016, l’assurée a déposé une nouvelle demande de prestations auprès de l’OAI en raison de l’atteinte précitée au pouce gauche.

c. Après avoir récolté plusieurs rapports, l’OAI a octroyé à l’assurée des mesures d’orientation professionnelle, de formation et de stage, lesquelles se sont tenues entre le 8 août 2016 et le 25 mars 2020.

La mesure d’orientation professionnelle a montré une assurée mono-manuelle, pour laquelle seule une activité dans le domaine administratif était envisageable et réaliste. Le manque de compétences en français et en bureautique ne permettait toutefois pas l’accès à un stage en entreprise, sans formation préalable dans ces domaines. L’assurée était considérée comme lente dans la compréhension des consignes, semblait émotive et avait tendance à faire comme elle pensait et non comme demandé.

Lors du stage effectué dans le but de définir le rendement dans une activité administrative, l’assurée a travaillé au service hotline téléphonique RH et au service de la numérisation, lesquels comportaient des tâches administratives simples. Elle a montré un score moyen en raison des performances trop fluctuantes et des aptitudes d’apprentissage faibles. Malgré tout, une formation d’hôtesse d’accueil / réceptionniste lui a été accordée.

L’assurée a ensuite effectué, en automne-hiver 2018-2019, un stage pratique, dans lequel elle était entourée de personnes bienveillantes et n’avait pas la même pression que dans le marché premier. Cependant, pour les maîtres de stage, il semblait trop difficile et trop stressant pour elle d’intégrer un poste en tant qu’employée de bureau. Elle devait cibler un poste dans un pôle information, pour rediriger les gens par exemple, avec un minimum de tâches administratives, pour qu’elle soit vraiment à l’aise dans son environnement.

Enfin, l’assurée a effectué un stage administratif (scannage, archivage et classement) dans l’économie normale, lequel a montré une personne consciencieuse, respectueuse, toujours en cours d’acquisition de la gestion du volume, de la rapidité et de la qualité du travail, qui nécessitait un effort considérable pour aller vers une autonomie relative et une persévérance dans le travail.

d. Compte tenu des conclusions des stages qui précèdent, l’OAI a considéré que les mesures d’orientation, de formation et de stage ne parlaient pas en faveur d’une intégration professionnelle dans l’économie normale vu le cumul des deux atteintes physique et psychiatrique, lesquelles ne permettaient pas une intégration professionnelle avec un rendement sans fluctuation.

e. Les conclusions des mesures d’ordre professionnel ont été soumises au service médical régional de l’assurance-invalidité (ci-après : le SMR), lequel a suggéré, par avis du 20 janvier 2020, la réalisation d’une expertise psychiatrique et neurologique, qui a été confiée à la doctoresse I______, spécialiste en neurologie et à la doctoresse J______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, médecins auprès du Bureau d’expertises médicales (BEM).

Dans leur rapport du 3 juin 2020, les médecins du BEM ont retenu les diagnostics de discopathie lombaire pluri-étagée L4-L5 et L5-S1 avec lombalgie récurrente (avec répercussion sur la capacité de travail), d’hémiparésie sensitivo-motrice gauche fonctionnelle depuis 2015 et de migraine sans aura (sans répercussion sur la capacité de travail). La capacité de travail était entière dans toute activité compatible avec les limitations fonctionnelles retenues en 2011.

f. Par projet de décision du 8 juillet 2020, confirmé le 30 septembre 2020, l’OAI a rejeté la demande de prestations de l’assurée, cette dernière étant capable de travailler dans toute activité respectant ses limitations fonctionnelles.

C. a. Agissant en personne, l’assurée a interjeté recours le 13 octobre 2020 et a conclu à l’annulation de la décision précitée et à l’octroi d’une demi-rente d’invalidité. À l’appui de son recours, elle a expliqué souffrir d’un épisode dépressif sévère et de discopathies, de lombalgies et de troubles moteurs, lesquels l’empêchaient de travailler à plus de 50%.

b. L’OAI a conclu au rejet du recours par réponse du 27 octobre 2020, la recourante n’ayant allégué aucun fait précis susceptible de remettre en cause la décision attaquée.

c. Sous la plume de son conseil, la recourante a complété son écriture du 13 octobre 2020, concluant préalablement, à la réalisation d’une expertise pluridisciplinaire en psychiatrie, neurologie, rhumatologie et médecine interne générale, avec consilium entre les experts, et, cela fait, principalement à l’annulation de la décision attaquée et à l’octroi, au moins, d’une demi-rente d’invalidité à compter du 1er juillet 2016, subsidiairement au renvoi de la cause pour instruction complémentaire. À l’appui de ses conclusions formelles, elle a notamment critiqué la valeur probante du rapport du BEM du 3 juin 2020 sur plusieurs points.

d. Quant à l’office intimé, il s’est prononcé sur les critiques de la recourante par courrier du 30 mars 2021 et a persisté dans ses conclusions en rejet du recours et maintien de la décision attaquée.

e. Le 29 octobre 2021, la recourante a encore produit les comptes-rendus des IRM de la colonne lombaire et cervicale, réalisées les 20 juin et 16 juillet 2021.

f. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément.

3.             Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Toutefois, dans la mesure où le recours était, au 1er janvier 2021, pendant devant la chambre de céans, il reste soumis à l'ancien droit (cf. art. 82a LPGA ; RO 2020 5137 ; FF 2018 1597 ; erratum de la CdR de l’Ass. féd. du 19 mai 2021, publié le 18 juin 2021 in RO 2021 358).

4.             Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

5.             Le litige porte sur le droit de la recourante à une demi-rente d’invalidité dès le 1er juillet 2016, singulièrement sur la valeur probante des rapports au dossier et le calcul du degré d’invalidité.

6.              

6.1. Selon l'art. 17 al. 1 LPGA, si le taux d'invalidité du bénéficiaire de la rente subit une modification notable, la rente est, d'office ou sur demande, révisée pour l'avenir, à savoir augmentée ou réduite en conséquence, ou encore supprimée. Il convient ici de relever que l'entrée en vigueur de l'art. 17 LPGA, le 1er janvier 2003, n'a pas apporté de modification aux principes jurisprudentiels développés sous le régime de l'ancien art. 41 LAI, de sorte que ceux-ci demeurent applicables par analogie (ATF 130 V 343 consid. 3.5).

6.2. À teneur de l'art. 87 du règlement sur l'assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI - RS 831.201), lorsqu'une demande de révision est déposée, celle-ci doit établir de façon plausible que l'invalidité, l'impotence ou l'étendue du besoin de soins ou du besoin d'aide découlant de l'invalidité de l'assuré s'est modifiée de manière à influencer ses droits (al. 2).

Lorsqu'elle est saisie d'une nouvelle demande, l'administration doit commencer par examiner si les allégations de l'assuré sont, d'une manière générale, plausibles. Si tel n'est pas le cas, l'affaire est liquidée d'entrée de cause et sans autres investigations par un refus d'entrée en matière. Lorsque l'administration entre en matière sur une nouvelle demande de prestations, elle doit examiner la cause au plan matériel - soit en instruire tous les aspects médicaux et juridiques - et s'assurer que la modification du degré d'invalidité rendue vraisemblable par l'assuré est effectivement survenue (arrêt du Tribunal fédéral 9C_142/2012 du 9 juillet 2012 consid. 4). Si elle constate que les circonstances prévalant lors de la dernière décision entrée en force et reposant sur un examen matériel du droit à la rente (cf. ATF 133 V 108) ne se sont pas modifiées jusqu'au moment de la nouvelle décision, et que le degré d'invalidité n'a donc pas changé, elle rejette la nouvelle demande. Dans le cas contraire, elle est tenue d'examiner s'il y a désormais lieu de reconnaître un taux d'invalidité ouvrant le droit à une prestation ou augmentant celle-ci. En cas de recours, le même devoir d'examen matériel incombe au juge (ATF 117 V 198 consid. 3a ; 109 V 114 consid. 2a et b).

6.3. Tout changement important des circonstances propre à influencer le degré d'invalidité, et donc le droit à la rente, peut motiver une révision selon l'art. 17 LPGA. La rente peut être révisée non seulement en cas de modification sensible de l'état de santé, mais aussi lorsque celui-ci est resté en soi le même, mais que ses conséquences sur la capacité de gain ont subi un changement important (ATF 134 V 131 consid. 3 ; ATF 130 V 343 consid. 3.5). Il n'y a pas matière à révision lorsque les circonstances sont demeurées inchangées et que le motif de la suppression ou de la diminution de la rente réside uniquement dans une nouvelle appréciation du cas (ATF 141 V 9 consid. 2.3 ; ATF 112 V 371 consid. 2b ; ATF 112 V 387 consid. 1b). Un motif de révision au sens de l'art. 17 LPGA doit clairement ressortir du dossier (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 559/02 du 31 janvier 2003 consid. 3.2 et les références). La réglementation sur la révision ne saurait en effet constituer un fondement juridique à un réexamen sans condition du droit à la rente (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 406/05 du 13 juillet 2006 consid. 4.1). Un changement de jurisprudence n'est pas un motif de révision (ATF 129 V 200 consid. 1.2).

Le point de savoir si un changement notable des circonstances s'est produit doit être tranché en comparant les faits tels qu'ils se présentaient au moment de la dernière révision de la rente entrée en force et les circonstances qui régnaient à l'époque de la décision litigieuse. C'est en effet la dernière décision qui repose sur un examen matériel du droit à la rente avec une constatation des faits pertinents, une appréciation des preuves et une comparaison des revenus conformes au droit qui constitue le point de départ temporel pour l'examen d'une modification du degré d'invalidité lors d'une nouvelle révision de la rente (ATF 133 V 108 consid. 5.4 ; ATF 130 V 343 consid. 3.5.2).

7.              

7.1. Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2).

7.2. En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois-quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28a al. 1 LAI).

Il y a lieu de préciser que selon la jurisprudence, la notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).

7.3 Selon les art. 28 al. 1 et 29 al. 1 LAI, le droit à la rente prend naissance à la date dès laquelle l’assuré a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne pendant une année sans interruption notable et qu’au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins, mais au plus tôt à l’échéance d’une période de six mois à compter de la date à laquelle l’assuré a fait valoir son droit aux prestations conformément à l’art. 29 al. 1 LPGA.

Selon l’art. 29 al. 3 LAI, la rente est versée dès le début du mois au cours duquel le droit prend naissance.

7.4 Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 127 V 294 consid. 4c ; ATF 102 V 165 consid. 3.1 ; VSI 2001 p. 223 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).

La reconnaissance de l’existence d’une atteinte à la santé psychique suppose la présence d’un diagnostic émanent d’un expert (psychiatre) et s’appuyant selon les règles de l’art sur les critères d’un système de classification reconnu, tel le CIM ou le DSM-IV (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 ; ATF 141 V 281 consid. 2.1 et 2.1.1; ATF 130 V 396 consid. 5.3 et 6).

8.              

8.1. La plupart des éventualités assurées (par exemple la maladie, l'accident, l'incapacité de travail, l'invalidité, l'atteinte à l'intégrité physique ou mentale) supposent l'instruction de faits d'ordre médical. Or, pour pouvoir établir le droit de l'assuré à des prestations, l'administration ou le juge a besoin de documents que le médecin doit lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est, à ce motif, incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).

Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3 ; ATF 125 V 351 consid. 3).

8.2 Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

8.2.1 Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

8.2.2. Un rapport du SMR a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu'il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d'une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d'un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 RAI ; ATF 142 V 58 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l'office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve ; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5 ; ATF 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1). 

8.2.3. En application du principe de l'égalité des armes, l'assuré a le droit de présenter ses propres moyens de preuve pour mettre en doute la fiabilité et la validité des constatations du médecin de l'assurance. Il s'agit souvent de rapports émanant du médecin traitant ou d'un autre médecin mandaté par l'assuré. Ces avis n'ont pas valeur d'expertise et, d'expérience, en raison de la relation de confiance liant le patient à son médecin, celui-ci va plutôt pencher, en cas de doute, en faveur de son patient. Ces constats ne libèrent cependant pas le tribunal de procéder à une appréciation complète des preuves et de prendre en considération les rapports produits par l'assuré, afin de voir s'ils sont de nature à éveiller des doutes sur la fiabilité et la validité des constatations du médecin de l'assurance (arrêts du Tribunal fédéral 8C_408/2014 et 8C_429/2014 du 23 mars 2015 consid. 4.2). À noter, dans ce contexte, que le simple fait qu'un avis médical divergent - même émanant d'un spécialiste - ait été produit ne suffit pas à lui seul à remettre en cause la valeur probante d'un rapport médical (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 365/06 du 26 janvier 2007 consid. 4.1).

8.2.4. On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2008 du 5 mars 2009 consid. 2.2).

8.2.5 Selon une jurisprudence constante, la qualification du médecin joue un rôle déterminant dans l'appréciation de documents médicaux. L'administration et le juge appelés à se déterminer en matière d'assurances sociales doivent pouvoir se fonder sur les connaissances spéciales de l'auteur d'un certificat médical servant de base à leurs réflexions. Il s'ensuit que le médecin rapporteur ou pour le moins le médecin signant le rapport médical doit en principe disposer d'une spécialisation dans la discipline médicale concernée ; à défaut, la valeur probante d'un tel document est moindre (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_826/2009 du 20 juillet 2010 consid. 4.2 portant sur les rapports des services médicaux régionaux au sens de l'art. 49 al. 2 RAI).

8.3. Les constatations médicales peuvent être complétées par des renseignements d’ordre professionnel, par exemple au terme d'un stage dans un centre d'observation professionnel de l'assurance-invalidité, en vue d'établir concrètement dans quelle mesure l'assuré est à même de mettre en valeur une capacité de travail et de gain sur le marché du travail. Il appartient alors au médecin de décrire les activités que l'on peut encore raisonnablement attendre de l'assuré compte tenu de ses atteintes à la santé (influence de ces atteintes sur sa capacité à travailler en position debout et à se déplacer ; nécessité d'aménager des pauses ou de réduire le temps de travail en raison d'une moindre résistance à la fatigue, par exemple), en exposant les motifs qui le conduisent à retenir telle ou telle limitation de la capacité de travail. En revanche, il revient au conseiller en réadaptation, non au médecin, d'indiquer quelles sont les activités professionnelles concrètes entrant en considération sur la base des renseignements médicaux et compte tenu des aptitudes résiduelles de l'assuré. Dans ce contexte, l'expert médical et le conseiller en matière professionnelle sont tenus d'exercer leurs tâches de manière complémentaire, en collaboration étroite et réciproque (ATF 107 V 17 consid. 2b; SVR 2006 IV n° 10 p. 39).

En cas d'appréciation divergente entre les organes d'observation professionnelle et les données médicales, l'avis dûment motivé d'un médecin prime pour déterminer la capacité de travail raisonnablement exigible de l'assuré (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 531/04 du 11 juillet 2005 consid. 4.2). En effet, les données médicales permettent généralement une appréciation plus objective du cas et l'emportent, en principe, sur les constatations y compris d’ordre médical qui peuvent être faites à l'occasion d'un stage d'observation professionnelle, qui sont susceptibles d’être influencées par des éléments subjectifs liés au comportement de l'assuré pendant le stage (arrêts du Tribunal fédéral 9C_65/2019 du 26 juillet 2019 consid. 5 et 9C_329/2015 du 20 novembre 2015 consid. 7.3). Au regard de la collaboration, étroite, réciproque et complémentaire selon la jurisprudence, entre les médecins et les organes d'observation professionnelle (cf. ATF 107 V 17 consid. 2b), on ne saurait toutefois dénier toute valeur aux renseignements d'ordre professionnel recueillis à l'occasion d'un stage pratique pour apprécier la capacité résiduelle de travail de l'assuré en cause. Au contraire, dans les cas où l'appréciation d'observation professionnelle diverge sensiblement de l'appréciation médicale, il incombe à l'administration, respectivement au juge - conformément au principe de la libre appréciation des preuves - de confronter les deux évaluations et, au besoin de requérir un complément d'instruction (ATF 9C_1035/2009 du 22 juin 2010 consid. 4.1, in SVR 2011 IV n° 6 p. 17 ; ATF 9C_833/2007 du 4 juillet 2008, in Plädoyer 2009/1 p. 70 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 35/03 du 24 octobre 2003 consid. 4.3 et les références, in Plädoyer 2004/3 p. 64 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_512/2013 du 16 janvier 2014 consid. 5.2.1).

9.             En ce qui concerne les facteurs psychosociaux ou socioculturels et leur rôle en matière d'invalidité, ils ne figurent pas au nombre des atteintes à la santé susceptibles d'entraîner une incapacité de gain au sens de l'art. 4 al. 1 LAI. Pour qu'une invalidité soit reconnue, il est nécessaire, dans chaque cas, qu'un substrat médical pertinent, entravant la capacité de travail (et de gain) de manière importante, soit mis en évidence par le médecin spécialisé. Plus les facteurs psychosociaux et socioculturels apparaissent au premier plan et imprègnent l'anamnèse, plus il est essentiel que le diagnostic médical précise s'il y a atteinte à la santé psychique qui équivaut à une maladie. Ainsi, il ne suffit pas que le tableau clinique soit constitué d'atteintes qui relèvent de facteurs socioculturels ; il faut au contraire que le tableau clinique comporte d'autres éléments pertinents au plan psychiatrique tels, par exemple, une dépression durable au sens médical ou un état psychique assimilable, et non une simple humeur dépressive. Une telle atteinte psychique, qui doit être distinguée des facteurs socioculturels, et qui doit de manière autonome influencer la capacité de travail, est nécessaire en définitive pour que l'on puisse parler d'invalidité. En revanche, là où l'expert ne relève pour l'essentiel que des éléments qui trouvent leur explication et leur source dans le champ socioculturel ou psychosocial, il n'y a pas d'atteinte à la santé à caractère invalidant (ATF 127 V 294 consid. 5a in fine).

10.          

10.1 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

10.2 Si l’administration ou le juge, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles ils doivent procéder d’office, sont convaincus que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d’autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d’administrer d’autres preuves (appréciation anticipée des preuves ; ATF 122 II 464 consid. 4a ; ATF 122 III 219 consid. 3c). Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d’être entendu selon l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (RS 101 – Cst ; SVR 2001 IV n. 10 p. 28 consid. 4b), la jurisprudence rendue sous l’empire de l’art. 4 aCst. étant toujours valable (ATF 124 V 90 consid. 4b ; ATF 122 V 157 consid. 1d).

11.          

11.1 En l’espèce, l’intimé est entré en matière sur la nouvelle demande de la recourante et a refusé de la mettre au bénéfice d’une demi-rente d’invalidité en se fondant sur le rapport d’expertise du BEM du 3 juin 2020, concluant à une capacité de travail entière dans toute activité respectant les limitations fonctionnelles de 2011. De son côté, la recourante conteste les conclusions du rapport d’expertise précité.

Il convient donc d’examiner la valeur probante du rapport précité des médecins du BEM.

11.2 Force est tout d’abord de constater que le rapport du 3 juin 2020 remplit plusieurs des exigences auxquelles la jurisprudence soumet la valeur probante d’un tel document. En effet, il contient une anamnèse, le résumé des pièces principales du dossier, les indications subjectives de la recourante, des observations cliniques, ainsi qu'une discussion générale du cas.

Sur le fond, la Dresse I______, neurologue, a retenu, à titre de diagnostic incapacitant, une discopathie lombaire pluriétagée L4-L5 et L5-S1 avec lombalgie récurrente et, à titre de diagnostics non incapacitants, une hémiparésie sensitivo-motrice gauche fonctionnelle depuis 2015. Dans son appréciation du cas, la neurologue précitée a principalement discuté de l’immobilité du bras et de la main gauches ainsi que de la mobilisation fortement fluctuante de la jambe gauche, pour lesquels elle a retenu le diagnostic susmentionné d’hémiparésie. Sur le plan neurologique, le status ne présentait aucun indice de conflit nerveux ou chronique s’agissant des douleurs lombaires.

Quant à la Dresse J______, elle a essentiellement examiné les diagnostics d’épisode dépressif, de trouble anxieux ou encore de trouble affectif bipolaire, diagnostics posés par les médecins traitants de la recourante. Considérant que les critères pour retenir de tels diagnostics n’étaient pas remplis, la Dresse J______ n’a pas retenu de diagnostics incapacitants sur le plan psychique.

11.3.1 À titre liminaire, la chambre de céans constate que le dossier comporte plusieurs références aux diagnostics d’hémi-syndrome sensitivomoteur gauche de type fonctionnel (rapport de la CRR du 15 mars 2016 ; appréciation du docteur K______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique, médecin d’arrondissement de la SUVA), trouble neurologique fonctionnel avec hémi-syndrome sensitivomoteur gauche (F44.4/F44.6) (rapports de la doctoresse L______, neurologue aux hôpitaux universitaires de Genève des 10 mai, 26 juin, 26 juillet et 8 août 2016 ; rapport de la doctoresse M______, spécialiste FMH en psychiatrie, du 27 octobre 2016), troubles neurologiques fonctionnels avec hémi-syndrome sensitif et moteur facio-brachio-crural gauche (rapport du docteur N______, neurologue aux HUG, du 10 novembre 2016) ou encore trouble neurologique fonctionnel (rapport de la doctoresse O______, psychiatre aux HUG, du 9 août 2017 ; rapport de la Dresse M______ du 27 mars 2019).

En rapport avec ces diagnostics, les codes F44.4, voire F44.6 selon la CIM-10, ont notamment été évoqués.

Le code F44.4 de la CIM-10 se réfère à un trouble moteur dissociatif. Quant au code F44.6 de la CIM-10, il est intitulé anesthésie dissociative et atteintes sensorielles.

Les troubles regroupés sous F44 ont en commun une perte partielle ou complète des fonctions normales d'intégration des souvenirs, de la conscience de l'identité ou des sensations immédiates et du contrôle des mouvements corporels. On admet que ces troubles sont psychogènes, dans la mesure où ils surviennent en relation temporelle étroite avec des événements traumatiques, des problèmes insolubles et insupportables, ou des relations interpersonnelles difficiles. L'examen médical et les examens complémentaires ne permettent pas de mettre en évidence un trouble physique (en particulier neurologique) connu. Par ailleurs, on dispose d'arguments pour penser que la perte d'une fonction est, dans ce trouble, l'expression d'un conflit ou d'un besoin psychique (https://icd.who.int/browse10/2008/fr#/F40-F48).

S’agissant plus particulièrement du trouble moteur dissociatif, classé sous F44.4, il consiste en une perte de la capacité à bouger une partie ou la totalité d'un membre ou de plusieurs membres. Les manifestations de ce trouble peuvent ressembler à celles de pratiquement toutes les formes d'ataxie, d'apraxie, d'akinésie, d'aphonie, de dysarthrie, de dyskinésie, de convulsions ou de paralysie.

Les troubles neurologiques fonctionnels et autres diagnostics similaires évoqués par les médecins traitants de la recourante doivent donc être classés dans la catégorie des troubles psychiques (voir dans le même sens l’ATAS/12/2019 du 14 janvier 2019). Par conséquent, il appartient à un psychiatre de se déterminer à leur propos (cf. consid. 6.4 §2 supra).

Or, force est de constater que seule l’experte neurologue s’est prononcée sur l’existence d’un trouble neurologique fonctionnel, à l’exclusion de l’experte psychiatre. En effet, l’expertise psychiatrique, détaillée sous point 6 du rapport du 3 juin 2020, n’examine à aucun moment le diagnostic de trouble fonctionnel. Si elle explique, certes, pour quels motifs elle exclut un diagnostic incapacitant, notamment en lien avec la symptomatologie d’allure dépressive ou un trouble affectif bipolaire, la Dresse J______ ne se prononce pas sur les troubles fonctionnels classés sous F44.4, voire F44.6. Partant, les considérations de la neurologue sur le trouble d’origine psychogène qu’est l’hémiparésie sensitivo-motrice gauche fonctionnelle sortent de son domaine de spécialisation et la chambre de céans ne saurait s’y fier pour apprécier le caractère incapacitant du trouble fonctionnel.

11.3.2 Des remarques similaires peuvent être faites en lien avec le diagnostic de discopathie lombaire pluri-étagée.

En tant que neurologue, la Dresse I______ a été mandatée pour déterminer si la recourante présente une atteinte touchant son système nerveux central (cerveau, moelle épinière) ou périphérique (racines et nerfs) (cf. www.larousse.fr pour une définition de la neurologie). L’examen neurologique effectué en lien avec les douleurs lombaires n’a pas montré d’indice d’un conflit nerveux ou chronique. En d’autres termes, l’examen neurologique était sans particularité. Dans de telles circonstances, en retenant le diagnostic de discopathie lombaire pluri-étagée L4-L5 et L5-S1 avec lombalgie récurrente et en se référant aux limitations de 2011, la Dresse I______ s’est prononcée sur une atteinte qui ne relève pas de sa spécialisation, mais de celle d’un médecin rhumatologue ou d’un orthopédiste.

11.3.3 En somme, chacune des expertes mandatées par l’intimé a retenu des diagnostics qui sortent de son domaine de spécialisation.

Partant, le rapport d’expertise a une valeur probante amoindrie sur plusieurs points (cf. consid. 7.2.5 supra) et est lacunaire sur d’autres.

11.4 La recourante a encore critiqué le rapport d’expertise du 3 juin 2020 sur d’autres points. Ces critiques ne permettent toutefois pas de remettre en cause la valeur probante du rapport d’expertise du 3 juin 2020 dans son entier pour les motifs suivants :

-          la recourante a tout d’abord critiqué le fait que l’expert psychiatre se soit prononcé sur la base d’un seul et unique entretien.

S’agissant de ce point,il y a lieu de rappeler que le rôle de l’expert consiste à se faire une idée de l’état de santé du patient dans un délai relativement bref (arrêts du Tribunal fédéral 9C_386/2010 du 15 novembre 2010 consid. 3.2) et que la durée de l’examen n’est pas en soi un critère permettant de juger la valeur probante d’un rapport médical (P______, Appréciation des rapports médicaux et expertises médicales par les juges en assurances sociales in RFJ 2020 p. 221).

-          La recourante a ensuite contesté l’anamnèse effectuée par les experts, laquelle ne mentionne pas l’expertise psychiatrique de la Dresse E______ du 8 mars 2010.

Cette critique est également insuffisante pour remettre en question la valeur probante de l’intégralité du rapport, dès lors que le SMR a repris les conclusions du rapport du 8 mars 2010 dans un avis du 17 août 2010, résumé par les experts dans leur rapport du 3 juin 2020. En tout état, il s’agit d’un rapport ancien, largement antérieur à la demande de prestations et déjà pris en considération dans la première demande de prestations.

-          La recourante reproche en outre aux experts de ne pas avoir pris en considération les problèmes de couple et, notamment, le fait son époux ait fait l’objet d’une mesure d’éloignement.

Force est toutefois de constater que les experts ont évoqué à plusieurs reprises les problèmes de couple dans le rapport, étant encore précisé que la mesure d’éloignement du domicile conjugal a été prise à l’encontre de l’époux de la recourante postérieurement à l’expertise, de sorte que cet élément ne pouvait être intégré au rapport.

-          Enfin, la recourante regrette que les expertes n’aient pas examiné le diagnostic de CRPS. Force est toutefois de constater que celui-ci a été retenu pour la dernière fois le 20 janvier 2016. Depuis lors, seul le diagnostic de troubles fonctionnels a été posé. On ne saurait ainsi reprocher aux expertes de ne pas s’être prononcées sur un diagnostic qui n’a plus été posé une seule fois en quatre ans et qui a été remplacé par celui de troubles fonctionnels.

11.5 Il ressort par conséquent de ce qui précède que le rapport d’expertise est lacunaire, l’expert psychiatre ne s’étant pas prononcé sur le trouble neurologique fonctionnel évoqué par l’expert neurologue et aucun orthopédiste ou rhumatologue n’ayant examiné l’atteinte lombaire. S’agissant de cette dernière, la question d’une aggravation de l’état de santé de la recourante se pose, dès lors qu’il est question d’une infiltration en 2018.

Compte tenu de ce qui précède, la chambre de céans ne peut se fier au rapport du 3 juin 2020 pour se prononcer sur la validité de la décision querellée de l’OAI. Cependant, on ne saurait non plus lui nier toute valeur probante, l’expert psychiatre ne s’étant tout simplement pas prononcé sur la question du trouble fonctionnel et aucun expert rhumatologue ou orthopédiste n’ayant été mandaté pour examiner l’atteinte lombaire.

S'agissant essentiellement là d'aspects n'ayant pas été investigués plus avant par l'office intimé, la cause lui sera renvoyée pour instruction complémentaire afin de respecter le principe du double degré de juridiction. Il lui appartiendra alors, d’une part, de demander à l’expert psychiatre de se prononcer sur la question du trouble fonctionnel et, d’autre part, de mandater un rhumatologue ou un orthopédiste pour expertise sur la question de l’atteinte lombaire.

Ce n’est que lorsque ces points auront été investigués et que les trois experts se seront prononcés de manière consensuelle sur la capacité de travail de la recourante que le rapport pourra être considéré comme complet et que sa valeur probante pourra être examinée.

12.         Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis et la décision du 30 septembre 2020 sera annulée. La cause sera renvoyée à l’OAI pour instruction complémentaire au sens des considérants et nouvelle décision.

13.         La recourante obtenant gain de cause, une indemnité de CHF 1'000.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

14.         Étant donné que, depuis le 1er juillet 2006, la procédure n'est plus gratuite (art. 69 al. 1bis LAI), au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l'intimé au paiement d'un émolument de CHF 200.-.


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement et annule la décision du 30 septembre 2020.

3.        Renvoie la cause à l’intimé pour instruction complémentaire au sens des considérants et nouvelle décision.

4.        Condamne l’intimé à verser à la recourante un montant de CHF 1'000.- à titre de dépens.

5.        Met un émolument de CHF 200.- à charge de l’intimé.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le