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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2194/2020

ATAS/1263/2021 du 09.12.2021 ( CHOMAG ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2194/2020 ATAS/1263/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 9 décembre 2021

5ème Chambre

 

En la cause

INSTITUT DE BEAUTÉ A______SA, sise à GENÈVE, représentée par Monsieur B______

 

 

recourante

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI, sis rue des Gares 16, GENÈVE

 

 

intimé

 


EN FAIT

A.      a. La société INSTITUT DE BEAUTÉ A______SA (ci-après : l’intéressée ou la recourante) exploite un établissement de beauté et de bien-être, employant deux personnes à plein temps.

b. En date du 18 juin 2020, l’intéressée a déposé un préavis de réduction de l’horaire de travail (ci-après : RHT) en raison des mesures prises par le Conseil fédéral pour lutter contre la pandémie COVID-19. Selon les indications qui figuraient sur le formulaire, la RHT devait être introduite pour toute l’entreprise, en raison du fait que cette dernière avait dû fermer à cause de la pandémie COVID-19, et concernait deux employés à 100 %, avec effet dès le 17 mars 2020.

B. a. Par décision du 19 juin 2020, l’office cantonal de l’emploi (ci-après : l’OCE ou l’intimé) a fait partiellement opposition au préavis de RHT du 18 juin 2020 n’acceptant d’octroyer à l’intéressée que l’indemnité en cas de RHT pour la période allant du 18 juin au 17 septembre 2020.

b. Par courrier du 22 juin 2020, le représentant de l’intéressée s’est opposé à la décision du 19 juin 2020 ; il a exposé, en substance, que l’institut de soins esthétiques avait été contraint de fermer en date du 17 mars 2020, suite à la décision du Conseil fédéral et que la RHT devait être octroyée à l’intéressée dès le jour de la fermeture, soit le 17 mars 2020, étant précisé qu’à la date du 18 juin 2020, le travail avait déjà repris normalement.

c. Par décision du 30 juin 2020, l’OCE a annulé et remplacé la décision du 19 juin 2020. Se fondant sur la directive du secrétariat d’État à l’économie (ci-après : SECO) du 1er juin 2020, l’OCE a considéré qu’il convenait de tenir compte de la date du dépôt du préavis, soit le 18 juin 2020 et d’appliquer un délai de préavis de dix jours avant d’autoriser l’octroi de la RHT ; dès lors, il était formé partiellement opposition au préavis du 18 juin 2020 de l’intéressée et l’OCE acceptait d’octroyer la RHT pour la période allant du 28 juin au 17 septembre 2020.

d. En date du 2 juillet 2020, l’OCE a rendu une décision sur opposition, se rapportant à l’opposition du 22 juin 2020 à la décision du 19 juin 2020 et a conclu qu’au vu de la décision du 30 juin 2020 qui annulait et remplaçait la décision du 19 juin 2020, l’opposition du 22 juin 2020 était devenue sans objet.

C. a. Par courrier du 15 juillet 2020, le représentant de l’intéressée a relevé que l’octroi des RHT pour la période du 28 juin au 17 septembre 2020 était inutile dès lors que l’institut avait été ré-ouvert dès le mois de mai 2020, conformément aux directives du Conseil fédéral. Par conséquent, l’intéressée maintenait sa demande d’octroi de la RHT, suite à la fermeture des locaux, dès le 17 mars 2020.

b. Par pli du 17 juillet 2020, l’OCE a transmis à la chambre des assurances sociales de la cour de justice (ci-après : CJCAS) l’écriture de l’intéressée du 15 juillet 2020, pour raisons de compétence.

 

c. Par courrier du 28 juillet 2020, l'OCE a répondu au recours du 15 juillet 2020, précisant qu'il n’y avait aucun élément nouveau dans le recours et que le service juridique de l’OCE persistait intégralement dans les termes de sa décision sur opposition.

d. Par réplique du 21 septembre 2020, la recourante a admis que le délai pour le dépôt de la demande de RHT avait été dépassé, mais souhaitait « évoquer l’égalité de traitement avec tous les établissements du même secteur d’activité » car la fermeture obligatoire d’un institut de beauté « engendrait la mise en congé des employés du fait que le télétravail, dans cette activité, était impossible ». D'autre part, la recourante relevait que le droit octroyé pour la RHT commençait à courir alors que l’ensemble du personnel avait repris son travail et que les conséquences financières des mesures imposées par le Conseil fédéral étaient « très importantes ».

e. L'intimé n’a pas dupliqué.

f. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi (art. 89B al. 1 let. c de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]), le recours est recevable (art. 56 ss LPGA et 62 ss LPA).

3.        À titre préalable, il est nécessaire de préciser quelle est la décision dont est recours.

3.1 En procédure d'opposition, l'assureur reste compétent et il n'y a pas d'effet dévolutif (pas de transfert de compétence pour statuer sur l'opposition). La procédure d'opposition se termine par la décision sur opposition qui remplace la décision initiale (ATF 131 V 407 consid. 2.1.2.1). Elle permet à l'autorité administrative d'examiner sa décision initiale et cas échéant de l'annuler ou de la modifier.

3.2 L'autorité valablement saisie d'une opposition devra se prononcer une seconde fois sur tous les aspects du rapport juridique ayant fait l'objet de sa décision initiale, quand bien même la motivation de la nouvelle décision portera principalement sur les points critiqués par l'opposant. La décision sur opposition remplace la décision initiale et devient, en cas de recours à un juge, l'objet de la contestation de la procédure judiciaire (arrêt du Tribunal fédéral 9C_777/2013 consid. 5.2.1).

3.3 Comme le souligne la recourante, le travail de ses employés a repris dès la fin du mois de mai 2020, par conséquent, la décision de l’intimé du 30 juin 2020 annulant et remplaçant celle du 19 juin 2020 est dépourvue de sens dès lors qu’elle autorise l’octroi des RHT dès le 28 juin 2020 alors que les employés de la recourante ont repris leur travail et que l’intéressée n’a donc pas demandé de RHT dès le 28 juin 2020.

3.4 S’agissant de l’opposition de la recourante à la décision du 19 juin 2020 par laquelle l’OCE s’oppose au préavis d’octroi de l’indemnité RHT dès le 17 mars 2020, son sort a été réglé par la décision sur opposition du 2 juillet 2020 par laquelle l’intimé considère que l’opposition de la recourante est devenue « sans objet, au vu de la nouvelle décision du 30 juin 2020 ».

4.        L'objet du litige dans la procédure de recours est le rapport juridique qui, d'après les conclusions du recours, est remis en question par la partie recourante (ATF 144 II 359).

4.1 En l'occurrence, la recourante fait valoir, pour la période litigieuse débutant le 17 mars 2020, qu’elle n’a pas reçu les indemnités RHT pour ses deux employées empêchées de travailler à 100% en raison des mesures prises par le Conseil fédéral, de sorte que la question litigieuse sera limitée à ce point précis.

4.2 En prenant la décision sur opposition du 2 juillet 2020, par laquelle il considère que l’opposition est devenue sans objet, l’intimé erre, dès lors que le grief de l’opposition de la recourante, soit le refus d’accorder la RHT dès le 17 mars 2020, n’a pas été traité.

4.3 La chambre de céans considérera donc la décision du 2 juillet 2020, soit la décision querellée, comme une décision niant le droit de l’intéressée à obtenir le versement des indemnités RHT dès le 17 mars 2020.

5.        5.1 Afin de surmonter des difficultés économiques passagères, un employeur peut introduire, avec l’accord de ses employés, une RHT, voire une suspension temporaire de l’activité de son entreprise (Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, ch. 1 relatif aux remarques préliminaires concernant les art. 31ss). En effet, selon l’art. 31 al. 1 let. b et d LACI, les travailleurs dont la durée normale du travail est réduite ou l’activité suspendue ont droit à l’indemnité en cas de RHT lorsque la perte de travail doit être prise en considération et la réduction de l’horaire de travail est vraisemblablement temporaire, et si l’on peut admettre qu’elle permettra de maintenir les emplois en question. Une perte de chiffre d’affaires ne suffit pas à entraîner une indemnisation. Encore faut-il que cette perte se traduise par une diminution des heures travaillées (cf. RUBIN, op. cit., n. 4 ad art. 32 LACI). L’indemnité s’élève à 80 % de la perte de gain prise en considération (art. 34 al. 1 LACI). L’indemnité en cas de RHT doit être avancée par l’employeur (art. 37 let. a LACI) et sera, par la suite, remboursée par la caisse de chômage à l’issue d’une procédure spécifique (art. 36 et 39 LACI), étant précisé qu’un délai d’attente de deux à trois jours doit être supporté par l’employeur (art. 32 al. 2 LACI et 50 al. 2 de l’ordonnance sur l’assurance-chômage obligatoire et l’indemnité en cas d’insolvabilité du 31 août 1983 [ordonnance sur l’assurance chômage, OACI - RS 837.02], étant précisé que l’art. 50 al. 2 OACI a été supprimé temporairement en raison de la pandémie de coronavirus).

5.2 Le but de l’indemnité en cas de RHT consiste, d’une part, à garantir aux personnes assurées une compensation appropriée pour les pertes de salaire dues à des réductions de temps de travail et à éviter le chômage complet, à savoir des licenciements et résiliations de contrats de travail. D’autre part, l’indemnité en cas de RHT vise au maintien de places de travail dans l’intérêt tant des travailleurs que des employeurs, en offrant la possibilité de conserver un appareil de production intact au-delà de la période de réduction de l’horaire de travail (ATF 121 V 371 consid. 3a).

5.3 Une perte de travail est prise en considération lorsqu’elle est due, entre autres conditions, à des facteurs économiques et qu’elle est inévitable (art. 32 al. 1 let. a LACI). Ces conditions sont cumulatives (ATF 121 V 371 consid. 2a). Le recul de la demande des biens ou des services normalement proposés par l’entreprise concernée est caractéristique pour apprécier l’existence d’un facteur économique (DTA 1985 p. 109 c. 3a). L’art. 32 al. 3 phr. 1 LACI prévoit en outre que pour les cas de rigueur, le Conseil fédéral règle la prise en considération de pertes de travail consécutives à des mesures prises par les autorités, à des pertes de clientèle dues aux conditions météorologiques où à d’autres circonstances non imputables à l’employeur. L’art. 51 OACI concrétise l’art. 32 al. 3 LACI en énumérant, à son al. 2, de façon non exhaustive (cf. ATF 128 V 305 consid. 4), différentes situations (notamment des mesures d’autorités) permettant de prendre en considération une perte de travail (interdiction d’importer ou d’exporter des matières premières ou des marchandises (let. a) ; contingentement des matières premières ou des produits d’exploitation, y compris les combustibles (let. b) ; restrictions de transport ou fermeture des voies d’accès (let. c) ; interruptions de longue durée ou restrictions notables de l’approvisionnement en énergie (let. d) ; dégâts causés par les forces de la nature (let. e)). L’art. 51 al. 4 OACI précise encore que la perte de travail causée par un dommage n’est pas prise en considération tant qu’elle est couverte par une assurance privée.

Les pertes de travail au sens de l’art. 51 OACI ne peuvent toutefois être prises en considération que si l’employeur ne peut les éviter par des mesures appropriées et économiquement supportables ou s’il ne peut faire répondre un tiers du dommage (cf. art. 51 al. 1 OACI ; RUBIN, op. cit, n. 15 et 18 ad art. 32 LACI et les références citées). Cette condition est l’expression de l’obligation de diminuer le dommage voulant que l’employeur prenne toutes les mesures raisonnables pour éviter la perte de travail. La caisse niera le droit à l’indemnité uniquement si des raisons concrètes et suffisantes démontrent que la perte de travail aurait pu être évitée et s’il existe des mesures que l’employeur a omis de prendre (ATF 111 V 379 consid. 2a ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 218/02 du 22 novembre 2002 consid. 2 ; Bulletin LACI RHT du SECO, état au 1er janvier 2021, C3 et C4).

5.4 La seule présence d’un motif de prise en considération de la perte de travail au sens des art. 31 et 32 LACI n’est pas suffisante pour conduire à une indemnisation. Lorsque la perte de travail est due à l’un des motifs de l’art. 33 LACI, l’indemnisation est exclue. Ainsi, lorsqu’en plus des mesures prises par les autorités ou des circonstances indépendantes de la volonté de l’employeur au sens de l’art. 51 al. 1 OACI, l’une des conditions de l’art. 33 LACI est réalisée, par exemple en présence d’un risque normal d’exploitation, l’indemnisation est exclue (RUBIN, op. cit., n. 18 ad art. 32 LACI et n. 4 ad art. 33 LACI et les références citées, notamment ATF 138 V 333 consid. 3.2 et ATF 128 V 305 consid. 4a).

5.5 Selon la jurisprudence, doivent être considérés comme des risques normaux d’exploitation au sens de l’art. 33 al. 1 let. a LACI les pertes de travail habituelles, c’est-à-dire celles qui, d’après l’expérience de la vie, surviennent périodiquement et qui, par conséquent, peuvent faire l’objet de calculs prévisionnels. Les pertes de travail susceptibles de toucher chaque employeur sont des circonstances inhérentes aux risques d’exploitation généralement assumés par une entreprise. Ce n’est que lorsqu’elles présentent un caractère exceptionnel ou extraordinaire qu’elles ouvrent droit à une indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail. La question du risque d’exploitation ne saurait par ailleurs être tranchée de manière identique pour tous les genres d’entreprises, ce risque devant au contraire être apprécié dans chaque cas particulier, compte tenu de toutes les circonstances liées à l’activité spécifique de l’exploitation en cause (ATF 119 V 498 consid. 1 ; cf. aussi RUBIN, op. cit, n. 10 ad art. 33 LACI et les références citées).

6.        6.1 Pour lutter contre l’épidémie de coronavirus qui a atteint la Suisse début 2020, le Conseil fédéral a pris une série de mesures urgentes, en se fondant sur les art. 184 al. 3 et 185 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) ainsi que sur plusieurs dispositions de la loi fédérale sur la lutte contre les maladies transmissibles de l’homme du 28 septembre 2012 (loi sur les épidémies, LEp - RS 818.101) et sur l’ordonnance sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus du 28 février 2020 (ordonnance COVID-19 - RS 818.101.24), laquelle a été abrogée et remplacée par l’ordonnance 2 sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus du 13 mars 2020 (ordonnance 2 COVID-19), dont l’art. 6 prévoit que les établissements publics sont fermés, notamment les magasins et les marchés (let. a), les restaurants (let. b), les bars, les discothèques, les boîtes de nuit et les salons érotiques (let. c), les établissements de divertissement et de loisirs, notamment les musées, les bibliothèques, les cinémas, les salles de concert, les théâtres, les casinos, les centres sportifs et de fitness, les piscines, les centres de bien-être et les domaines skiables, les jardins botaniques et zoologiques et les parcs zoologiques (let. d), les prestataires offrant des services impliquant un contact physique tels que salons de coiffure, de massage, de tatouage ou de beauté (let. e ; version au 28 mars 2020).

Parallèlement aux restrictions imposées par l’ordonnance 2 COVID-19, le Conseil fédéral a adopté plusieurs mesures en matière d’assurance-chômage.

6.2 C’est ainsi que le 13 mars 2020, le Conseil fédéral a modifié l’art. 50 al. 2 OACI, lequel prévoit, jusqu’au 30 septembre 2020, que pour chaque période de décompte, seul un délai d’attente d’un jour est déduit de la perte de travail à prendre en considération.

6.3 Le 20 mars 2020, se fondant sur l’art. 185 al. 3 Cst., le Conseil fédéral a adopté l’ordonnance sur les mesures dans le domaine de l’assurance-chômage en lien avec le coronavirus (ordonnance COVID-19 assurance-chômage - RS 837.033), entrée en vigueur avec effet rétroactif au 17 mars 2020. En substance, dès le 17 mars 2020, le cercle des bénéficiaires des indemnités RHT a notamment été élargi : le conjoint ou le partenaire enregistré de l’employeur (art. 1) ainsi que les personnes fixant les décisions prises par l’employeur (art. 2) peuvent également prétendre à une indemnité en cas de RHT. Par ailleurs, plus aucun délai d’attente ne doit être déduit de la perte de travail à prendre en considération (art. 3) et l’employeur peut demander le versement de l’indemnité en cas de RHT sans devoir l’avancer (art. 6).

6.4 L’ordonnance COVID-19 assurance-chômage a ensuite été modifiée le 26 mars 2020, avec effet rétroactif au 17 mars 2020 également (art. 9). À teneur du nouvel art. 8b, en dérogation aux art. 36 al. 1 LACI et 58 al. 1 à 4 OACI, l’employeur n’est pas tenu de respecter un délai de préavis lorsqu’il a l’intention de requérir l’indemnité RHT en faveur de ses travailleurs (al. 1). Le préavis de RHT peut également être communiqué par téléphone. L’employeur est tenu de confirmer immédiatement, par écrit, la communication téléphonique (al. 2).

6.5 Dans la directive 2020/6, le SECO a précisé que pour les demandes déposées en retard, le 17 mars 2020 est considéré comme la date de réception si l’entreprise a dû fermer en raison des mesures prises par les autorités et qu’elle a déposé sa demande avant le 31 mars 2020 (date de réception / cachet de la Poste, faisant foi).

En date du 1er juin 2020, les art. 1, 2 et 8b de l’ordonnance COVID-19 assurance-chômage ont été abrogés.

6.6 Dans un arrêt de principe (ATAS/510/2020) du 25 juin 2020, répondant à la question de savoir si l’art. 8b de l’ordonnance COVID-19 assurance-chômage avait suspendu, tant que durait la pandémie, le principe de la non-rétroactivité des indemnités RHT tel que prévu par l’art. 36 LACI, la CJCAS a interprété ledit art. 8b conformément aux diverses méthodes d’interprétation applicables en la matière. Selon elle, force est de constater, en premier lieu, que l’al. 1 de cette disposition prévoit que l’employeur n’est pas tenu de respecter un délai de préavis. Ceci signifie qu’un préavis est toujours requis, ce qui est au demeurant confirmé par l’al. 2 qui porte sur la possibilité de communiquer son préavis par téléphone, de sorte que seul le délai - au sens de l’art. 36 al. 1 en lien avec l’art. 58 al. 1 à 4 OACI - a été supprimé, entre le 17 mars et le 31 mai 2020 et non l'exigence d’un préavis (consid. 5 et 6 a et b). Dans le cadre de l’examen de la question de savoir si, compte tenu de la référence à l’art. 58 al. 4 OACI et vu la suppression du délai, le préavis doit en réalité être considéré comme un avis, la CJCAS a conclu qu’une RHT, pour laquelle une indemnisation est demandée, doit toujours être annoncée à l’avance, même en application de l’art. 8b de l’ordonnance COVID-19 assurance-chômage (consid. 6c à e). En définitive, jusqu’au 31 mai 2020, seul le délai de préavis de dix jours a été supprimé (cf. art. 8b de l’ordonnance COVID-19 assurance-chômage). Ainsi, pendant cette période, un employeur pouvait appliquer une RHT dès réception, par l’intimé, du préavis, et être indemnisé dès cette date, mais non avant (consid. 8).

6.7 Dans ce même arrêt (ATAS/510/2020 précité), la CJCAS a rappelé que, destinées à assurer l'application uniforme des prescriptions légales, les directives de l'administration n'ont pas force de loi et, par voie de conséquence, ne lient ni les administrés ni les tribunaux ; elles ne constituent pas des normes de droit fédéral au sens de l'art. 95 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) et n'ont pas à être suivies par le juge. Elles servent, tout au plus, à créer une pratique administrative uniforme et présentent à ce titre une certaine utilité ; elles ne peuvent, en revanche, sortir du cadre fixé par la norme supérieure qu'elles sont censées concrétiser. En d'autres termes, à défaut de  lacune, les directives ne peuvent prévoir autre chose que ce  qui  découle  de  la  législation  ou de la jurisprudence
(ATF 132 V 121 consid. 4.4 et les références ; ATF 131 V 42 consid. 2.3 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_283/2010 du 17 décembre 2010 consid. 4.1 ; consid. 9a). Selon la CJCAS, en admettant dans la directive 2020/06 – à teneur de laquelle, pour les demandes déposées en retard, le 17 mars 2020 était considéré comme la date de réception si l’entreprise avait dû fermer en raison des mesures prises par les autorités et qu’elle avait déposé sa demande avant le 31 mars 2020 (date de réception / cachet de la poste) – la rétroactivité des demandes déposées avant le 31 mars 2020, le SECO a adopté une pratique contraire à l’art. 8b de l’ordonnance COVID-19 assurance-chômage et à la non-rétroactivité des indemnités RHT au sens des art. 36 LACI et 58 OACI. « Cela étant, pour pouvoir invoquer une inégalité de traitement dans l’illégalité, il faut encore que la recourante rende vraisemblable le fait que l’administration persévérera dans l’inobservation de la loi et que les situations à considérer sont identiques ou du moins comparables. Or, la pratique contestée par la recourante ne concerne que les demandes déposées entre le 17 et le 31 mars 2020, pour lesquelles l’intimé s’est selon toute vraisemblance déjà prononcé par décision. Il paraît ainsi peu probable qu’il soit amené, à l’avenir, à se prononcer sur une demande déposée en mars. Par conséquent, on ne peut pas prévoir que l’intimé persévérera dans l’inobservation de l’art. 8b de l’ordonnance COVID-19 assurance-chômage. De plus, la situation de la recourante n’est pas comparable à celles visées par la pratique en vigueur. Certes, comme d’autres, la recourante a été contrainte de fermer, le 17 mars 2020, la boutique qu’elle exploitait. Cependant, contrairement aux situations prévues par la pratique du SECO, elle a attendu le 14 avril 2020 pour déposer sa demande, sortant par-là du champ d’application de la pratique du SECO. On ne se retrouve dès lors pas dans le cas de deux employeurs ayant déposé leurs demandes respectives avant le 31 mars 2020, dont l’un aurait bénéficié de la pratique illégale du SECO alors que l’autre non » (consid. 9c).

7.        En l’espèce, dans un premier grief, la recourante reproche à l’intimé de ne pas lui avoir accordé la RHT avec effet rétroactif au 17 mars 2020, suite à sa demande déposée le 18 juin 2020.

Or, comme cela a été exposé supra, les dispositions de l’ordonnance COVID-19 assurance-chômage en vigueur dès le 1er juin 2020 (RO 220 877) ne permettent pas de faire rétroagir au 17 mars 2020 la demande de préavis déposée le 18 juin 2020.

C’est donc à bon droit que l’intimé a refusé d’accorder la RHT avec effet rétroactif à la recourante.

8.        Dans un second grief, la recourante reproche à l’intimé de n’avoir pas tenu compte de la situation particulière des instituts de beauté pour lesquels le télétravail est impossible, évoquant une inégalité de traitement « avec tous les établissements du même secteur d’activité ».

Consacré à l’art. 8 al. 1 Cst., le principe de l’égalité de traitement commande que le juge traite de la même manière des situations semblables et de manière différente des situations dissemblables (ATF 131 V 107 consid. 3.4.2). Bien que l’art. 8 al. 1 Cst. ne parle que d’égalité « devant » la loi, le principe d’égalité s’applique au législateur. Il concerne donc aussi l’égalité « dans » la loi. Le Tribunal fédéral réitère dans ce contexte le principe de base, imposant un traitement identique des situations semblables et un traitement différencié des situations différentes, tout en insistant sur le large pouvoir d’appréciation du législateur, notamment en fonction de l’époque et des idées dominantes (cf. Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, n. 594, p. 212). Le principe de l’égalité de traitement vaut pour l’ensemble du droit public, dont fait partie le droit des assurances sociales.

La recourante se contente d’évoquer le principe d’égalité de traitement avec les établissements du même secteur d’activité, sans développer les raisons pour lesquelles ledit principe aurait été violé.

En adoptant l’ordonnance 2 – COVID-19, le Conseil fédéral a décidé de fermer, avec effet au 17 mars 2020 (RO 2020 783), les prestataires offrant des services impliquant un contact physique tels que les salons de coiffure, de massage, de tatouage ou de beauté (art. 6 al. 2 let. e). Il a néanmoins décidé que les cabinets médicaux et ceux gérés par des professionnels de la santé pouvaient rester ouverts moyennant la mise en place d’un plan de protection, mais ces derniers ont dû renoncer à tous les traitements et interventions médicaux non urgents jusqu’au 27 avril 2020 (art. 10).

Par cette règlementation, le Conseil fédéral a traité d’une manière identique tous les prestataires qui offraient des services impliquant un contact physique mais qui n’étaient pas des professionnels de la santé, à savoir les salons de coiffure, les salons de massage, de tatouage ou de beauté. Ces différents prestataires ont été mis sur le même plan et ont subi les mêmes restrictions, on ne saurait donc y voir une inégalité de traitement.

En revanche, le Conseil fédéral a traité d’une manière différente les professionnels de la santé et les cabinets médicaux tout en mettant des conditions particulières à leurs activités, à savoir la mise en place d’un plan de protection et le report des traitements et interventions médicales non urgents.

Cette distinction entre prestataires de services impliquant un contact physique et cabinets médicaux et professionnels de la santé est admissible en ce sens que les premiers offrent des soins esthétiques, dont l’interruption n’a pas d’effet sur la santé, alors que les seconds offrent des soins relatifs à la santé ; une telle distinction est admissible dès lors que l’intérêt public visé par les uns et les autres est clairement différent, étant encore précisé que dans les deux cas, la nature même des soins implique un contact physique qui ne peut s’effectuer par le biais du télétravail, comme c’est le cas pour les sociétés de services.

Il est encore précisé que dès le 27 avril 2020, les prestataires proposant des services impliquant un contact physique comme les salons de coiffure, de massage, de tatouage et de beauté ont pu ré-ouvrir moyennant la mise en place d’un plan de protection (art. 6 al. 3 let. p selon la modification du 27 avril 2020). Dès le 6 juin 2020, les fitness, piscine et centre de bien-être ont pu ré-ouvrir, moyennant la mise en place d’un plan de protection (art. 6a, selon modification du 6 juin 2020).

Il résulte de ce qui précède que le grief d’inégalité de traitement ne peut être retenu.

9.        Partant, la chambre de céans n’a d’autre choix que de rejeter le recours.

10.    Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA, dans sa version – applicable en l’occurrence – en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020 en lien avec l’art. 1 al. 1 LACI).

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le