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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1234/2020

ATAS/510/2020 du 25.06.2020 ( CHOMAG ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1234/2020 ATAS/510/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 25 juin 2020

 

 

En la cause

A______ SÀRL, sise à Genève

recourante

contre

OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI, Service juridique, sis rue des Gares 16, Genève

 

 

intimé

 


EN FAIT

 

1.        A______ SÀRL (ci-après : la société), inscrite au registre du commerce de Genève depuis le 28 mai 2019, exploite une boutique de joaillerie ancienne.

2.        Suite aux mesures officielles prises dans le cadre de la pandémie de coronavirus, la boutique a été contrainte de fermer ses portes le 17 mars 2020.

3.        Le 14 avril 2020, la société a transmis à l'office cantonal de l'emploi (ci-après : OCE) un préavis de réduction de l'horaire de travail pour une personne, dès le 17 mars 2020, pour une durée indéterminée, en raison d'une perte de travail totale.

4.        Par décision du 16 avril 2020, l'OCE a accepté le paiement de l'indemnité en cas de réduction de l'horaire de travail (ci-après : RHT), toutefois uniquement à compter du 14 avril 2020.

5.        Le 22 avril 2020, l'OCE a confirmé, sur opposition, la décision précitée, compte tenu de la directive du Secrétariat d'État à l'économie (ci-après : SECO) du 9 avril 2020, selon laquelle, pour les demandes déposées en retard, le 17 mars 2020 est considéré comme date de réception si l'entreprise a dû fermer en raison des mesures prises par les autorités et qu'elle a déposé sa demande avant le 31 mars 2020 (date de réception/cachet de la Poste). Dès lors que la société a communiqué le préavis après le 31 mars 2020, c'est à juste titre que les indemnités lui ont été octroyées à compter du 14 avril 2020 uniquement.

6.        Par courrier du 24 avril 2020, la société (ci-après : la recourante) a interjeté recours contre la décision sur opposition précitée, concluant à ce que « l'OCE valide intégralement [sa] demande [d'indemnités] ». À l'appui de sa position, elle a notamment contesté la validité de la directive du SECO 2020/06 du 9 avril 2020. Pour la recourante, cette directive était elle-même tardive étant donné qu'elle avait été rendue postérieurement à la date qu'elle annonçait. La situation était hors norme et l'OCE (ci-après : l'intimé) devait retenir la date du 17 mars 2020 comme début du droit à l'indemnité, étant donné que c'était à compter de cette date qu'elle avait été contrainte de suspendre son activité. La recourante relevait également qu'il avait été très compliqué d'obtenir des informations sur l'indemnisation en cas de RHT et qu'elle avait fait sa demande dès que possible.

7.        Dans sa réponse du 12 mai 2020, l'intimé a persisté dans les termes de la décision sur opposition querellée, considérant que la recourante n'avait apporté aucun élément nouveau dans ses écritures.

8.        Par courrier du 20 mai 2020, la recourante a persisté dans les termes de son recours, rappelant que la fermeture de sa boutique, le 17 mars 2020, lui avait été imposée par les autorités. C'était par conséquent cette date, « réelle et nationale », qui devait être prise en considération.

9.        Le 9 juin 2020, l'intimé a repris ses précédents arguments s'agissant notamment de la directive 2020/06 du SECO.

10.    Sur ce, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

 

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l'assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d'espèce est ainsi établie.

2.        Interjeté dans les forme et délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 à 60 LPGA).

3.        Le litige porte sur la question de savoir si c'est à bon droit que l'intimé a refusé, pour la période du 17 mars au 13 avril 2020, le versement de l'indemnité en cas de RHT sollicitée par la recourante.

a. Afin de surmonter des difficultés économiques passagères, un employeur peut introduire, avec l'accord de ses employés, une RHT, voire une suspension temporaire de l'activité de son entreprise (Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l'assurance-chômage, 2014, ch. 1 relatif aux remarques préliminaires concernant les art. 31ss). L'indemnité s'élève à 80 % de la perte de gain prise en considération (art. 34 al. 1 LACI). L'indemnité en cas de RHT doit être avancée par l'employeur (art. 37 let. a LACI) et sera, par la suite, remboursée par la caisse de chômage à l'issue d'une procédure spécifique (art. 36 et 39 LACI), étant précisé qu'un délai d'attente de deux à trois jours doit être supporté par l'employeur (art. 32 al. 2 LACI et 50 al. 2 de l'ordonnance sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 31 août 1983 [ordonnance sur l'assurance-chômage, OACI - RS 837.02], étant précisé que l'art. 50 al. 2 OACI a été modifié temporairement en raison de la pandémie de coronavirus ; cf. consid. 4b infra). Enfin, le conjoint de l'employeur, employé dans l'entreprise de celui-ci, ainsi que les personnes occupant une position assimilable à celle d'un employeur ne peuvent pas prétendre à une indemnité en cas de RHT (art. 31 al. 3 let. b et c).

b. S'agissant plus particulièrement de la procédure, l'art. 36 al. 1 LACI prévoit que lorsqu'un employeur a l'intention de requérir une indemnité en faveur de ses travailleurs, il est tenu d'en aviser l'autorité cantonale par écrit dix jours au moins avant le début de la RHT. Le Conseil fédéral peut prévoir des délais plus courts dans des cas exceptionnels. Le préavis est renouvelé lorsque la RHT dure plus de trois mois.

Quant à l'art. 58 OACI, relatif aux délais de préavis plus courts, il précise que :

1 Le délai de préavis en cas de réduction de l'horaire de travail est exceptionnellement de trois jours lorsque l'employeur prouve que la réduction de l'horaire de travail doit être instaurée en raison de circonstances subites et imprévisibles.

2 Lorsque, au sein d'une entreprise, les possibilités de travail dépendent de l'entrée journalière des commandes et qu'il n'est pas possible de travailler pour constituer un stock, le préavis de réduction de l'horaire de travail peut être encore communiqué immédiatement avant qu'elle ne commence, au besoin, par téléphone. L'employeur est tenu de confirmer immédiatement par écrit la communication téléphonique.

3 L'al. 2 s'applique également, lorsque l'employeur a été empêché de donner le préavis dans le délai imparti.

4 Lorsque l'employeur n'a pas remis le préavis de réduction de son horaire de travail dans le délai imparti sans excuse valable, la perte de travail n'est prise en considération qu'à partir du moment où le délai imparti pour le préavis s'est écoulé.

5 L'art. 69, al. 1 et 2, sont applicables lorsque la perte de travail est due à des pertes de clientèle imputables aux conditions météorologiques.

Conformément à l'art. 29 al. 3 LPGA, l'employeur doit donc remettre le préavis à la Poste au plus tard le dixième jour qui précède le début de la RHT.

c. Compte tenu de l'art. 58 al. 4 OACI, il doit être considéré que le respect des délais de préavis est une condition formelle du droit. Il s'agit d'un délai de déchéance (ATF 110 V 335 ; RUBIN, op. cit., n° 11 ad art. 36 ; Bulletin LACI RHT G7 ad art. 36). Le délai de préavis ne peut être ni prolongé ni suspendu mais il peut être restitué en présence d'une raison valable (RUBIN, op. cit., n° 11 ad art. 36 ; Bulletin LACI RHT G7 ad art. 36). L'inobservation du délai n'entraîne toutefois pas la péremption générale du droit mais uniquement son extinction pour la période donnée, le début du droit étant reporté de la durée du retard (ATF 110 V 335 ; voir également arrêt du Tribunal fédéral des assurances C_20/98 du 15 septembre 2000 consid. 1c ; RUBIN, op. cit., n° 11 ad art. 36 ; Bulletin LACI RHT G7 ad art. 36). Dans l'hypothèse d'un préavis tardif, il appartient à l'autorité cantonale de s'opposer partiellement au versement de l'indemnité (RUBIN, op. cit., n° 11 ad art. 36 ; Bulletin LACI RHT G7 ad art. 36).

4.        Pour lutter contre l'épidémie de coronavirus (ci-après : COVID-19) qui a atteint la Suisse début 2020, le Conseil fédéral a pris une série de mesures urgentes.

a. Ainsi, le 28 février 2020, le gouvernement suisse a adopté, en se fondant sur la loi fédérale sur la lutte contre les maladies transmissibles de l'homme du 28 septembre 2012 (Loi sur les épidémies, LEp - RS 818.101), l'ordonnance sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus (Ordonnance COVID-19 - RS 818.101.24), dont le but est de prévoir des mesures devant permettre de diminuer le risque de transmission du COVID-19 (art. 1). Le Conseil fédéral a ainsi interdit les manifestations publiques ou privées de plus de 1'000 personnes jusqu'au 15 mars 2020 (art. 2).

Le 13 mars 2020, se fondant sur les art. 184 al. 3 et 185 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) ainsi que sur plusieurs dispositions de la loi sur les épidémies précitée, le Conseil fédéral a adopté l'ordonnance 2 sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus (COVID-19) (Ordonnance 2 COVID-19 - RS 818.101.24), laquelle a abrogé l'ordonnance du 28 février 2020 précitée (art. 11). Par cette nouvelle ordonnance, - modifiée à plusieurs reprises depuis son adoption - le Conseil fédéral a notamment limité le franchissement de la frontière et imposé des contrôles (art. 3), interdit les activités présentielles dans les écoles, les hautes écoles et les autres établissements de formation (art. 5) et interdit les manifestations publiques ou privées de plus de 100 personnes (art. 6 al. 1), les manifestations privées étant soumises à certaines restrictions (art. 6 al. 2). Par ailleurs, les restaurants et les bars ainsi que les discothèques et les boîtes de nuit ne pouvaient plus accueillir plus de 50 personnes en même temps (art. 6 al. 4).

Le 17 mars 2020, les manifestations publiques ou privées ont été interdites et les établissements publics, tels que les magasins et les restaurants, fermés (art. 6 al. 1 et 2 ; cf. ch. I de l'ordonnance du 16 mars 2020, en vigueur depuis le 17 mars 2020), mesures initialement prévues jusqu'au 19 avril 2020 et prolongées par la suite.

Dès le 21 mars 2020, les rassemblements de plus de 5 personnes ont été interdits dans les lieux publics (art. 7c al. 1). Dans le cas d'un rassemblement de 5 personnes au plus, celles-ci devaient désormais se tenir à au moins deux mètres les unes des autres (art. 7c al. 2).

Cette situation a duré plusieurs semaines.

À compter du 27 avril 2020, le Conseil fédéral a progressivement assoupli les mesures restrictives qu'il avait imposées en mars.

Ainsi, dès le 27 avril 2020, certains établissements, tels que par exemple les salons de coiffure, les magasins de bricolage ou encore les jardineries, ont pu rouvrir leurs portes (art. 6).

Puis, dès le 11 mai 2020, les écoles obligatoires et la plupart des établissements publics, tels que notamment les magasins, ont pu rouvrir (art. 6 et 6a).

Les rassemblements de moins de 30 personnes ont été autorisés dans l'espace public dès le 30 mai 2020 (art. 7c al. 1) puis, dès le 6 juin 2020, les manifestations de moins de 300 personnes ont été autorisées, pour autant qu'il y existe un plan de protection (art. 6).

b. Parallèlement aux restrictions imposées par l'ordonnance 2 COVID-19, le Conseil fédéral a adopté plusieurs mesures en matière d'assurance-chômage.

C'est ainsi que le 13 mars 2020, le Conseil fédéral a modifié l'art. 50 al. 2 OACI, lequel prévoit, jusqu'au 30 septembre 2020, que pour chaque période de décompte, seul un délai d'attente d'un jour est déduit de la perte de travail à prendre en considération.

Le 20 mars 2020, sur la base de l'art. 185 al. 3 Cst., le Conseil fédéral a adopté l'ordonnance sur les mesures dans le domaine de l'assurance-chômage en lien avec le coronavirus (COVID-19) (Ordonnance COVID-19 assurance-chômage - RS 837.033), entrée en vigueur avec effet rétroactif au 17 mars 2020. En substance, dès le 17 mars 2020, le cercle des bénéficiaires des indemnités RHT a notamment été élargi : le conjoint ou le partenaire enregistré de l'employeur (art. 1) ainsi que les personnes fixant les décisions prises par l'employeur (art. 2) peuvent également prétendre à une indemnité en cas de RHT. Par ailleurs, plus aucun délai d'attente ne doit être déduit de la perte de travail à prendre en considération (art. 3) et l'employeur peut demander le versement de l'indemnité en cas de RHT sans devoir l'avancer (art. 6).

L'ordonnance COVID-19 assurance-chômage a ensuite été modifiée le 26 mars 2020, avec effet rétroactif au 17 mars 2020 également (art. 9). Le nouvel art. 8b prévoit que :

1 En dérogation aux art. 36, al. 1, LACI et 58 al. 1 à 4, de l'ordonnance du 31 août 1983 sur l'assurance-chômage (OACI), l'employeur n'est pas tenu de respecter un délai de préavis lorsqu'il a l'intention de requérir l'indemnité en cas de réduction de l'horaire de travail en faveur de ses travailleurs.

2 Le préavis de réduction de l'horaire de travail peut également être communiqué par téléphone. L'employeur est tenu de confirmer immédiatement par écrit la communication téléphonique.

Dans sa directive 6 du 9 avril 2020, le SECO a précisé que pour les demandes déposées en retard, le 17 mars 2020 est considéré comme la date de réception si l'entreprise a dû fermer en raison des mesures prises par les autorités et qu'elle a déposé sa demande avant le 31 mars 2020 (date de réception / cachet de la poste).

Le 1er juin 2020, les art. 1, 2 et 8b de l'ordonnance COVID-19 assurance-chômage ont été abrogés.

5.        La question qui se pose dans ce contexte est celle de savoir si l'art. 8b de l'ordonnance COVID-19 assurance-chômage a suspendu, tant que dure la pandémie, le principe de la non-rétroactivité des indemnités en cas de RHT tel que prévu par l'art. 36 LACI (Boris RUBIN, op. cit. n° 11 ad art. 36 LACI, Bulletin LACI RT, G7 ad art. 36 LACI ; Jean-Philippe DUNAND / Rémy WYLER, Quelques implications du coronavirus en droit suisse du travail, in Newsletter DroitduTravail.ch du 9 avril 2020 de l'Université de Neuchâtel, let. e pp. 15 et 16).

En matière d'interprétation, il faut, en premier lieu, se fonder sur la lettre de la disposition en cause (interprétation littérale). Si le texte de cette dernière n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, le juge recherchera la véritable portée de la norme en la dégageant de sa relation avec d'autres dispositions, de son contexte (interprétation systématique), du but poursuivi, singulièrement de l'intérêt protégé (interprétation téléologique), ainsi que de la volonté de son auteur telle qu'elle ressort notamment des travaux préparatoires (interprétation historique). Le sens que prend la disposition dans son contexte est également important (ATF 128 II 347 consid. 3.5 ; ATF 128 V 105 consid. 5 ; ATF 128 V 207 consid. 5b ; ATF 125 II 484 consid. 4). Le Tribunal fédéral ne privilégie aucune méthode d'interprétation, mais s'inspire d'un pluralisme pragmatique pour rechercher le sens véritable de la norme; en particulier, il ne se fonde sur la compréhension littérale du texte que s'il en découle sans ambiguïté une solution matériellement juste (ATF 143 II 202 consid. 8.5 ; ATF 143 I 109 consid. 6.1 ; ATF 134 I 184 consid. 5.1). Par ailleurs, les dispositions d'exception ne doivent être interprétées ni restrictivement ni extensivement, mais conformément à leur sens et à leur but, dans les limites de la règle générale (ATF 131 V 279 consid. 2.4 ; ATF 130 V 229 consid. 2.2 ; ATF 130 V 472 consid. 6.5.6 ; ATF 118 Ia 175 consid. 2d ; ATF 117 Ib 114 consid. 7c ; ATF 114 V 298 consid. 3e).

L'interprétation littérale consiste en substance à tirer tous les renseignements possibles du sens littéral de la règle. Il s'agit ainsi de comprendre la signification de chaque mot pris individuellement et de se concentrer sur les relations grammaticales entre les mots telles que résultant de la syntaxe (accords, objet d'une négation) ainsi que de l'usage de la ponctuation. En outre, la manière dont le législateur a ordonné les alinéas d'un article, dont il a divisé le texte (au moyen de titres, sous-titres, etc.) et structuré les notes marginales relève également de l'interprétation littérale. Quant à l'interprétation systématique, elle vise à prendre la mesure de la structure formelle dans laquelle la règle s'intègre : l'ordonnancement des titres, des notes marginales, des alinéas et des phrases donnant un rapport hiérarchique aux règles, ce qui permet souvent d'en déterminer le champ d'application. Il y a également lieu d'examiner les liens établis par le texte légal entre certaines règles, au moyen de renvois plus ou moins explicites à d'autres dispositions. Relève également de l'interprétation systématique le fait de comparer des normes et, lorsqu'elles ont des éléments communs et des différences, d'en tirer des conclusions sur les intentions du législateur (Paul-Henri STEINAUER, Le Titre préliminaire du Code civil et Droit des personnes, 2e éd., 2009, n° 262 et ss, p. 87 et ss).

6.        a. Comme cela ressort de la jurisprudence susmentionnée, il convient d'interpréter l'art. 8b de l'ordonnance COVID-19 assurance-chômage conformément aux diverses méthodes d'interprétation applicables en la matière.

C'est le lieu de rappeler que l'art. 8b de l'ordonnance précitée est libellé de la manière suivante :

1 En dérogation aux art. 36, al. 1, LACI et 58 al. 1 à 4, de l'ordonnance du 31 août 1983 sur l'assurance-chômage (OACI), l'employeur n'est pas tenu de respecter un délai de préavis lorsqu'il a l'intention de requérir l'indemnité en cas de réduction de l'horaire de travail en faveur de ses travailleurs.

2 Le préavis de réduction de l'horaire de travail peut également être communiqué par téléphone. L'employeur est tenu de confirmer immédiatement par écrit la communication téléphonique.

Soit en allemand :

1 In Abweichung von Artikel 36 Absatz 1 AVIG4 und Artikel 58 Absätze 1-4 der Arbeitslosenversicherungsverordnung vom 31. August 1983 (AVIV) muss der Arbeitgeber keine Voranmeldefrist abwarten, wenn er beabsichtigt, für seine Arbeitnehmerinnen und Arbeitnehmer Kurzarbeitsentschädigung geltend zu machen.

2 Die Kurzarbeit kann auch telefonisch vorangemeldet werden. Der Arbeitgeber muss die telefonische Voranmeldung unverzüglich schriftlich bestätigen.

b. Force est de constater, en premier lieu, que l'al. 1 de la disposition précitée prévoit que l'employeur n'est pas tenu de respecter un délai de préavis. Cela signifie, qu'un préavis est toujours requis, ce qui est au demeurant confirmé par l'al. 2 qui porte sur la possibilité de communiquer son préavis par téléphone. Par conséquent, l'interprétation littérale et systématique de la disposition précitée permet de considérer que ce n'est que le délai - au sens de l'art. 36 al. 1 en lien avec l'art. 58 al. 1 à 4 OACI - qui a été supprimé entre le 17 mars et le 31 mai 2020, et non l'exigence d'un préavis.

c. Reste à savoir si, compte tenu de la référence à l'art. 58 al. 4 OACI et vu la suppression du délai, le préavis doit en réalité être considéré comme un avis.

L'art. 58 OACI prévoit à son al. 5 une procédure particulière, réglée par l'art. 69 al. 1 et 2 OACI, lorsque la perte de travail est due à des pertes de clientèle imputables aux conditions météorologiques. L'art. 69 en question, intitulé « Avis », stipule que l'employeur est tenu d'aviser l'autorité cantonale, au moyen de la formule du SECO, de la perte de travail due aux intempéries, au plus tard le cinquième jour du mois civil suivant (al. 1). Lorsque l'employeur a communiqué avec retard, sans raison valable, la perte de travail due aux intempéries, le début du droit à l'indemnité est repoussé d'autant (al. 2).

Il ressort ainsi de cette disposition que lorsque le Conseil fédéral entend admettre le versement rétroactif d'indemnités en cas de RHT, il prévoit expressément une procédure d'avis comme c'est le cas à l'art. 58 al. 5 OACI en lien avec l'art. 69 al. 1 et 2 OACI, l'avis devant être communiqué dans un certain délai. Or, à l'art. 8a de l'ordonnance COVID-19 assurance-chômage, le Conseil fédéral n'a pas évoqué une procédure d'avis mais bien une procédure de préavis.

d. Selon le dictionnaire de l'Académie française, le préavis peut être défini comme un avis qu'un organisme, une institution donne par avance, un avertissement préalable ou encore comme un avertissement préalable qu'est tenue de donner une partie à une autre, selon les termes d'un contrat, et qui correspond au délai légal entre une prise de décision ou le choix d'une mesure et l'application de celle-ci. Quant au terme « avis », il peut être défini comme étant une notification verbale ou écrite. Au contraire de la notion d'« avis », le terme « préavis » sous-entend ainsi une mesure annoncée à l'avance.

Au demeurant, la version allemande de l'art. 8b al. 2 de l'ordonnance COVID-19 assurance-chômage illustre bien cette notion. En effet, cette disposition prévoit que la réduction du temps de travail peut également être annoncée à l'avance par téléphone (« Die Kurzarbeit kann auch telefonisch vorangemeldet werden »).

e. Il ressort ainsi de ce qui précède que la modification légale voulue par le Conseil fédéral a supprimé le délai de préavis mais non le préavis lui-même. En d'autres termes, une RHT, pour laquelle une indemnisation est demandée, doit toujours être annoncée à l'avance, même en application de l'art. 8b de l'ordonnance COVID-19 assurance-chômage.

7.        En résumé, en situation ordinaire, conformément aux art. 32 al. 2 LACI et 50 al. 2 OACI, dans sa teneur en vigueur temporairement suspendue jusqu'au 30 septembre 2020 en raison de la pandémie de coronavirus (cf. consid. 4b supra), une RHT ne peut débuter que 10 jours après réception, par l'autorité cantonale, du préavis et l'indemnisation ne peut commencer qu'après un délai d'attente de deux ou trois jours selon les cas. En d'autres termes, l'employeur doit attendre 12 ou 13 jours depuis la communication de son préavis pour que l'indemnisation commence (voir ch. 2.1 de la Newsletter n° 4 du 26 mars 2020 du service public de l'emploi SPE de l'État de Fribourg)

Durant la crise liée au COVID-19, le Conseil fédéral a tenté de simplifier la procédure et d'accélérer l'indemnisation :

-          entre le 17 mars et le 31 mai 2020, lorsqu'il avait l'intention de requérir une indemnité en faveur de ses travailleurs, l'employeur ne devait plus respecter un délai de préavis de 10 jours avant d'introduire la RHT. Cela étant, il restait tenu d'aviser l'autorité cantonale, par écrit, avant le début de la RHT en question, le droit aux indemnités ne pouvant naître rétroactivement à l'avis (Jean-Philippe DUNAND / Rémy WYLER, op. cit., let. e pp. 15 et 16).

Pendant cette période particulière, la date de réception du préavis de RHT correspondait ainsi au début de la RHT et au début de l'indemnisation (voir ch. 2.1 de la Newsletter n° 4 du 26 mars 2020 du service public de l'emploi SPE de l'État de Fribourg).

-          dès le 1er juin 2020, vu la suppression de l'art. 8b de l'ordonnance COVID-19 assurance-chômage, la RHT ne peut débuter que 10 jours après réception, par l'autorité cantonale, du préavis. En revanche, le début de la RHT correspond toujours au début de l'indemnisation, aucun délai d'attente n'étant applicable durant la crise liée au COVID-19. Par conséquent, depuis le 1er juin 2020, un employeur devra attendre 10 jours depuis le dépôt du préavis pour que l'indemnisation commence.

8.        En l'espèce, la recourante gère une boutique, laquelle a dû fermer avec effet au 17 mars 2020 en exécution de l'ordonnance 2 COVID-19. Ce n'est toutefois que le 14 avril 2020 qu'elle a informé l'intimé de son intention d'appliquer une RHT dès le 17 mars 2020. L'intimé a partiellement accepté la RHT, en ce sens qu'il l'a fait débuter au 14 avril 2020, invoquant la directive 2020/06 du 9 avril 2020, selon laquelle pour les demandes déposées en retard, le 17 mars 2020 est considéré comme la date de réception si l'entreprise a dû fermer en raison des mesures prises par les autorités et qu'elle a déposé sa demande avant le 31 mars 2020.

Comme cela ressort des considérants ci-dessus, jusqu'au 31 mai 2020, seul le délai de préavis de 10 jours a été supprimé (cf. art. 8b de l'ordonnance COVID-19 assurance-chômage). Ainsi, pendant cette période, un employeur pouvait appliquer une RHT dès réception, par l'intimé, du préavis, et être indemnisé dès cette date. Dans le cas de la recourante, le préavis a été communiqué à l'intimé par courriel du 14 avril 2020. C'est donc à juste titre que l'OCE a accepté la RHT à compter du 14 avril 2020 uniquement, et non pas déjà depuis le 17 mars 2020.

9.        Contestant la date du 14 avril 2020, la recourante revendique également une égalité de traitement avec les employeurs ayant pu bénéficier de la pratique instaurée par le SECO dans la directive 2020/06 du 9 avril 2020. Dans ce contexte, elle conteste la validité de la directive qui admet le principe du versement rétroactif des indemnités RHT uniquement lorsque la demande a été déposée avant le 31 mars 2020.

a. En tant qu'autorité de surveillance, le SECO a adopté des directives à l'intention des organes d'exécution en matière d'assurance-chômage.

Dans sa directive 2020/06 du 9 avril 2020, le SECO a adopté une pratique selon laquelle toute demande transmise à l'autorité avant le 31 mars 2020 était considérée comme ayant été déposée le 17 mars 2020 si l'entreprise concernée avait fermé ses portes en raison des mesures de confinement prononcées dès cette date (directive précitée, p. 8).

Destinées à assurer l'application uniforme des prescriptions légales, les directives de l'administration n'ont pas force de loi et, par voie de conséquence, ne lient ni les administrés ni les tribunaux; elles ne constituent pas des normes de droit fédéral au sens de l'art. 95 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral (LTF ; RS 173.110) et n'ont pas à être suivies par le juge. Elles servent tout au plus à créer une pratique administrative uniforme et présentent à ce titre une certaine utilité; elles ne peuvent en revanche sortir du cadre fixé par la norme supérieure qu'elles sont censées concrétiser. En d'autres termes, à défaut de lacune, les directives ne peuvent prévoir autre chose que ce qui découle de la législation ou de la jurisprudence (ATF 132 V 121 consid. 4.4 et les références; ATF 131 V 42 consid. 2.3 et les références; arrêt du Tribunal fédéral 9C_283/2010 du 17 décembre 2010 consid. 4.1).

b. Le principe de l'égalité de traitement, consacré à l'art. 8 al. 1 Cst., commande que le juge traite de la même manière des situations semblables et de manière différente des situations dissemblables (ATF 131 V 107 consid. 3.4.2 p. 114 et les arrêts cités). Toutefois selon la jurisprudence, le principe de la légalité de l'activité administrative prévaut sur celui de l'égalité de traitement. Par conséquent, le justiciable ne peut généralement pas invoquer une inégalité devant la loi, lorsque celle-ci est correctement appliquée à son cas, alors qu'elle l'aurait été faussement, voire pas appliquée du tout, dans d'autres cas (ATF 134 V 34 consid. 9 p. 44 et les références). Cela suppose cependant, de la part de l'autorité dont la décision est attaquée, la volonté d'appliquer correctement à l'avenir les dispositions légales en cause. Autrement dit, le justiciable ne peut prétendre à l'égalité dans l'illégalité que s'il y a lieu de prévoir que l'administration persévérera dans l'inobservation de la loi. Encore faut-il que les situations à considérer soient identiques ou du moins comparables (ATF 126 V 390 consid. 6a p. 392, 116 V 231 consid. 4b p. 238, 115 Ia 81 consid. 2 p. 82 s. et les références citées).

c. Comme indiqué précédemment, les directives du SECO ne peuvent pas sortir du cadre fixé par la norme supérieure qu'elles sont censées concrétiser. En d'autres termes, elles ne peuvent pas, sauf lacunes, prévoir autre chose que ce qui découle de la législation ou de la jurisprudence.

Dans le cas d'espèce, il ressort des considérations qui précèdent que la suppression, par le biais de l'art. 8b de l'ordonnance COVID-19 assurance-chômage, du délai de préavis n'équivaut pas à la suppression du principe du préavis. S'il a certes fait rétroagir la suppression de ce délai au 17 mars 2020, le Conseil fédéral n'a pas prévu que les indemnités en cas de RHT pouvaient désormais être payées rétroactivement, en dérogation à l'art. 36 LACI (cf. dans le même sens Jean-Philippe DUNAND / Rémy WYLER, op. cit., let. e pp. 15 et 16). Par conséquent, en admettant la rétroactivité des demandes déposées avant le 31 mars 2020, le SECO a adopté une pratique contraire à l'art. 8b de l'ordonnance COVID-19 assurance-chômage et à la non-rétroactivité des indemnités en cas de RHT au sens des art. 36 LACI et 58 OACI.

Cela étant, pour pouvoir invoquer une inégalité de traitement dans l'illégalité, il faut encore que la recourante rende vraisemblable le fait que l'administration persévérera dans l'inobservation de la loi et que les situations à considérer sont identiques ou du moins comparables. Or, la pratique contestée par la recourante ne concerne que les demandes déposées entre le 17 et le 31 mars 2020, pour lesquelles l'intimé s'est selon toute vraisemblance déjà prononcé par décision. Il paraît ainsi peu probable qu'il soit amené, à l'avenir, à se prononcer sur une demande déposée en mars. Par conséquent, on ne peut pas prévoir que l'intimé persévérera dans l'inobservation de l'art. 8b de l'ordonnance COVID-19 assurance-chômage. De plus, la situation de la recourante n'est pas comparable à celles visées par la pratique en vigueur. Certes, comme d'autres, la recourante a été contrainte de fermer, le 17 mars 2020, la boutique qu'elle exploitait. Cependant, contrairement aux situations prévues par la pratique du SECO, elle a attendu le 14 avril 2020 pour déposer sa demande, sortant par-là du champ d'application de la pratique du SECO. On ne se retrouve dès lors pas dans le cas de deux employeurs ayant déposé leurs demandes respectives avant le 31 mars 2020, dont l'un aurait bénéficié de la pratique illégale du SECO alors que l'autre non.

10.    Au vu de ce qui précède, c'est à juste titre que l'intimé a refusé d'indemniser la recourante pour la période antérieure à la réception du préavis par l'intimé.

Dans ces conditions, le recours doit être rejeté et la décision sur opposition confirmée.

La procédure est gratuite.


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

Conformément à l'art. 133 al. 2 LOJ

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu'elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu'au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le