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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2126/2020

ATAS/1275/2021 du 09.12.2021 ( CHOMAG ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2126/2020 ATAS/1275/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 9 décembre 2021

5ème Chambre

 

En la cause

A______SA, sise ______, à GENÈVE

 

 

recourante

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI, sis rue des Gares 16, GENÈVE

 

 

intimé

 


EN FAIT

A.      a. La société A______SA (ci-après : l’intéressée ou la recourante) exploite une galerie d’exposition et de vente d’œuvres d’art employant une seule personne, Monsieur B______, qui en est également l’administrateur unique, selon l’inscription figurant au Registre du commerce.

b. Par courriel du 1er avril 2020, adressé à la caisse interprofessionnelle AVS de la fédération des entreprises romandes FER CIAM 106.1 (ci-après : FER) à l’adresse email « Indemcovidsalaire@ciam-avs.ch », l’intéressée a transmis un formulaire de demande d’allocation pour perte de gain en cas de coronavirus (ci-après : APG), daté du 16 mars 2020.

c. En date du 26 avril 2020, l'intéressée a déposé auprès de la caisse cantonale de chômage un formulaire de préavis de réduction de l’horaire de travail (ci-après : RHT), pour un employé, avec un pourcentage prévisible de perte de travail de 100%, à compter du 17 mars 2020. Les raisons de la fermeture de la galerie étaient dues aux mesures prises par le Conseil fédéral en raison de la pandémie COVID-19.

d. L’intéressée a interpellé la FER par courriel daté du 28 avril 2020, lui demandant où en était sa demande d’APG, ce à quoi la FER a répondu, par courriel du même jour, qu’elle n’était pas compétente et que l’intéressée devait déposer une demande de RHT auprès de la caisse cantonale genevoise de chômage.

B. a. Par décision du 4 mai 2020, l’office cantonal de l'emploi (ci-après : l'OCE ou l’intimé) a fait partiellement opposition au paiement de l’indemnité en cas de RHT demandée par la recourante et a octroyé ladite indemnité, pour la période allant du 26 avril au 25 juillet 2020.

b. L’intéressée s’est opposée à cette décision, par courrier du 4 mai 2020, expliquant qu’elle avait fait sa demande auprès de la FER dès le 20 mars 2020 mais que la FER ne lui avait répondu que récemment, l’enjoignant à déposer le formulaire de préavis de RHT. Par courrier du 4 juin 2020, l’intéressée s’est étonnée du fait que l’indemnité RHT ne lui était accordée qu’à partir du 26 avril 2020, alors même que la galerie avait dû être fermée suite aux décisions du Conseil fédéral, en date du 16 mars 2020. Alléguant que sa situation financière était très difficile, l’intéressée concluait à ce que la RHT lui soit accordée, dès la date de la fermeture de la galerie d’art, soit dès le 17 mars 2020.

c. Par décision sur opposition du 15 juin 2020, l’OCE a rejeté l’opposition pour les raisons déjà exposées dans sa décision du 4 mai 2020 et a modifié ladite décision en ce sens que les indemnités n’étaient accordées que pour la période allant du 26 avril au 31 mai 2020, en raison de l’abrogation du régime d’exception en faveur des employés dirigeants.

C.      a. Par écriture postée le 14 juillet 2020, l'intéressée a interjeté recours contre la décision du 15 juin 2020 et a rappelé l'argumentation déjà développée au stade de l’opposition, soit que la recourante s'était adressée en date du 20 mars 2020 à la FER, qui ne lui avait répondu qu’en date du 28 avril 2020, déclinant sa compétence pour traiter le dossier et lui recommandant « de déposer une demande RHT auprès de la caisse cantonale genevoise de chômage ». La recourante s’étonnait encore du fait que la décision sur opposition ne lui octroyait le droit aux indemnités RHT que jusqu’au 31 mai 2020 alors que la première décision lui octroyait lesdites indemnités jusqu’au 25 juillet 2020. La recourante précisait que les affaires en juin 2020 étaient encore difficiles et considérait que le délai d’un mois pris par la FER pour lui répondre et lui indiquer la bonne marche à suivre l’avait pénalisée.

b. L'OCE a répondu au recours en date du 30 octobre 2020 et a précisé n'avoir pas tenu compte de la demande faite par la recourante en date du 20 mars 2020 auprès de la FER, dès lors qu'il ne s’agissait pas d'une demande d’indemnité RHT mais d’une demande d’allocation pour perte de gain. Pour cette raison, l'OCE s'était fondé sur la date indiquée dans le formulaire de préavis RHT, soit celui reçu le 26 avril 2020, et persistait dans les motifs de la décision querellée.

c. Par courrier du 8 février 2021, la chambre de céans a interpellé la FER, afin d'obtenir tous les détails sur la manière dont la demande de l’intéressée lui avait été formulée, pièces à l’appui.

d. La FER a répondu en date du 10 février 2021, joignant en annexe la demande d’allocation pour perte de gain en cas de coronavirus, datée du 16 mars 2020, le message d’accusé de réception de ladite demande du 1er avril 2020 et un courriel daté du 28 avril 2020 informant l’intéressée qu’elle n’était pas compétente.

e. Une copie de la réponse de la FER a été transmise à l’intimée.

f. Invitée à répliquer, la recourante n’a pas réagi.

g. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        Interjeté dans les forme et délai prévus par la loi, le recours est recevable
(art. 56 à 60 LPGA).

3.        Le litige porte sur le bien-fondé de la décision sur opposition du 15 juin 2020, par laquelle l'intimé a refusé d’octroyer l'indemnité en cas de RHT, avec effet rétroactif au 17 mars 2020.

4.        4.1 Selon l’art. 31 al. 1 LACI, les travailleurs dont la durée normale de travail est réduite ou l’activité suspendue ont droit à l’indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail, à certaines conditions.

Afin de surmonter des difficultés économiques passagères, un employeur peut introduire, avec l'accord de ses employés, une réduction de l’horaire de travail, voire une suspension temporaire de l'activité de son entreprise (Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l'assurance-chômage, 2014, ch. 1 relatif aux remarques préliminaires concernant les art. 31ss).

L'indemnité s'élève à 80% de la perte de gain prise en considération
(art. 34 al. 1 LACI) et doit être avancée par l'employeur (art. 37 let. a LACI), étant précisé qu'elle sera par la suite remboursée par la caisse de chômage, à l'issue d'une procédure spécifique (art. 36 et 39 LACI), un délai d'attente de deux à trois jours devant être supporté par l'employeur (cf. art. 32 al. 2 LACI et 50 al. 2 de l'ordonnance sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 31 août 1983 [OACI - RS 837.02], modifié temporairement en raison de la pandémie de coronavirus).

4.2 S'agissant plus particulièrement de la procédure, l'art. 36 al. 1 LACI prévoit que lorsqu'un employeur a l'intention de requérir une indemnité en faveur de ses travailleurs, il est tenu d'en aviser l'autorité cantonale par écrit dix jours au moins avant le début de la mesure. Le Conseil fédéral peut prévoir des délais plus courts dans des cas exceptionnels. Le préavis est renouvelé lorsque la réduction de l’horaire de travail dure plus de trois mois.

L'art. 58 al. 4 OACI précise que lorsque l'employeur n'a pas remis le préavis de réduction de son horaire de travail dans le délai imparti sans excuse valable, la perte de travail n'est prise en considération qu'à partir du moment où le délai imparti pour le préavis s'est écoulé.

4.3 Le respect des délais de préavis est une condition formelle du droit. Il s'agit d'un délai de déchéance (ATF 110 V 334 ; RUBIN, op. cit., n° 11 ad art. 36 ; Bulletin LACI RHT G7 ad art. 36) qui ne peut être ni prolongé, ni suspendu, mais restitué si une raison valable peut être invoquée (RUBIN, op. cit., n° 11 ad art. 36 ; Bulletin LACI RHT G7 ad art. 36).

L'inobservation du délai n'entraîne toutefois pas la péremption générale du droit, mais uniquement son extinction pour la période donnée, le début du droit étant reporté de la durée du retard (ATF 110 V 334 ; voir également arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 20/98 du 15 septembre 2000 consid. 1c ; RUBIN, op. cit., n° 11 ad art. 36 ; Bulletin LACI RHT G7 ad art. 36).

Dans l'hypothèse d'un préavis tardif, il appartient à l'autorité cantonale de s'opposer partiellement au versement de l'indemnité (RUBIN, op. cit., n° 11 ad art. 36 ; Bulletin LACI RHT G7 ad art. 36).

5.        Pour lutter contre l’épidémie liée à la COVID-19, le Conseil fédéral a pris une série de mesures urgentes durant le premier trimestre de l’année 2020.

Le 13 mars 2020, il a ainsi édicté l’ordonnance 2 sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus (Ordonnance 2 COVID-19 - RS 818.101.24), dont le but est de diminuer le risque de transmission de la COVID-19. Cette ordonnance, qui a par la suite fait l’objet de plusieurs modifications, a notamment interdit les rassemblements atteignant un certain nombre de personnes et l’ouverture de plusieurs catégories d’établissements et commerces.

En matière d’assurance-chômage, le Conseil fédéral a également adopté plusieurs mesures en lien avec la pandémie. Le 20 mars 2020, il a ainsi promulgué l’ordonnance sur les mesures dans le domaine de l’assurance-chômage en lien avec le coronavirus (COVID-19) (Ordonnance COVID-19 assurance-chômage - RS 837.033), laquelle est entrée en vigueur avec effet rétroactif au 17 mars 2020, conformément à son art. 9. Cette ordonnance a notamment eu pour objets l’élargissement du cercle des bénéficiaires des indemnités en cas de réduction de l'horaire de travail, la suppression d’un délai d’attente de la perte de travail à prendre en considération et le droit de demander le versement de l’indemnité sans devoir l’avancer. Son art. 4, abrogé au 1er septembre 2020, disposait qu'en dérogation à l’art. 33 al. 1 let. e LACI, une perte de travail était prise en considération lorsqu’elle touchait des personnes ayant un emploi d’une durée déterminée, en apprentissage ou au service d’une organisation de travail temporaire. L’art. 8b de cette ordonnance, en vigueur du 26 mars 2020 au 31 mai 2020, prévoyait qu’en dérogation aux art. 36 al. 1 LACI et 58 al. 1 à 4 OACI, l’employeur n’était pas tenu de respecter un délai de préavis lorsqu’il avait l’intention de requérir l’indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail en faveur de ses travailleurs (al. 1). Le préavis de réduction de l’horaire de travail pouvait également être communiqué par téléphone. L’employeur était tenu de confirmer immédiatement par écrit la communication téléphonique (al. 2).

Le 1er juin 2020, les art. 1, 2, 5 et 8b de l’ordonnance COVID-19 assurance-chômage ont été abrogés.

6.        6.1 Le Secrétariat d’État à l’Économie (ci-après : le SECO) a émis plusieurs directives régissant le droit aux indemnités en cas de RHT, en lien avec la pandémie.

Destinées à assurer l'application uniforme des prescriptions légales, les instructions de l'administration, en particulier de l'autorité de surveillance, visent à unifier, voire à codifier la pratique des organes d'exécution. Elles ont notamment pour but d'éviter, dans la mesure du possible, que les caisses ne rendent des décisions viciées qu'il faudra ensuite annuler ou révoquer et d'établir des critères généraux pour trancher chaque cas d'espèce, cela aussi bien dans l'intérêt de la praticabilité que pour assurer une égalité de traitement des ayants droit. Selon la jurisprudence, ces directives n'ont d'effet qu'à l'égard de l'administration. Elles ne créent pas de nouvelles règles de droit, et donnent le point de vue de l'administration sur l'application d'une règle de droit, et non pas une interprétation contraignante de celles-ci (ATF 129 V 200 consid. 3.2). Elles ne constituent pas des normes de droit fédéral et n'ont pas à être suivies par le juge. Elles servent tout au plus à créer une pratique administrative uniforme et présentent à ce titre une certaine utilité. Elles ne peuvent en revanche sortir du cadre fixé par la norme supérieure qu'elles sont censées concrétiser. En d'autres termes, à défaut de lacune, les directives ne peuvent prévoir autre chose que ce qui découle de la législation ou de la jurisprudence (ATF 141 V 175 consid. 4.1).

6.2 Dans sa directive 4/2020 du 3 avril 2020, le SECO a annoncé des mesures supplémentaires pour faciliter l'octroi des indemnités en cas de réduction de l'horaire de travail en lien avec le coronavirus de façon rapide et peu bureaucratique, notamment sous forme d’une simplification des questions auxquelles il fallait répondre dans le nouveau formulaire exceptionnel « Préavis de réduction de l'horaire de travail ». Cette directive prévoyait en outre que les entreprises ayant déjà déposé une demande de réduction de l'horaire de travail pouvaient annoncer directement à la caisse de chômage les nouvelles personnes y ayant droit après coup, avec effet rétroactif à la date de la décision de l’autorité cantonale. En outre, si, en raison d’erreurs ou d’indications mal comprises de la part des organes d’exécution, la date de réception ou la date du timbre postal ne pouvait plus être déterminée, la période prévue commençait à courir à la date annoncée par l’employeur, au plus tôt le 17 mars 2020, et faisait office de date de réception. Tous les préavis relatifs à la pandémie et reçus au moyen du formulaire conventionnel pouvaient également être traités de manière allégée. Si l’employeur annonçait la réduction de l’horaire de travail pour toute l’entreprise, et pas seulement pour un secteur d’exploitation, l’organigramme n’était pas nécessaire.

7.        Dans un arrêt de principe (ATAS/510/2020) du 25 juin 2020, répondant à la question de savoir si l’art. 8b de l’ordonnance COVID-19 assurance-chômage avait suspendu, tant que durait la pandémie, le principe de la non-rétroactivité des indemnités RHT tel que prévu par l’art. 36 LACI, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : CJCAS) a interprété ledit art. 8b conformément aux diverses méthodes d’interprétation applicables en la matière. Selon elle, force est de constater, en premier lieu, que l’al. 1 de cette disposition prévoit que l’employeur n’est pas tenu de respecter un délai de préavis. Ceci signifie qu’un préavis est toujours requis, ce qui est au demeurant confirmé par l’al. 2 qui porte sur la possibilité de communiquer son préavis par téléphone, de sorte que seul le délai - au sens de l’art. 36 al. 1 en lien avec l’art. 58 al. 1 à 4 OACI - a été supprimé, entre le 17 mars et le 31 mai 2020 et non l'exigence d’un préavis (consid. 5 et 6 a et b). Dans le cadre de l’examen de la question de savoir si, compte tenu de la référence à l’art. 58 al. 4 OACI et vu la suppression du délai, le préavis doit en réalité être considéré comme un avis, la CJCAS a conclu qu’une RHT, pour laquelle une indemnisation est demandée, doit toujours être annoncée à l’avance, même en application de l’art. 8b de l’ordonnance COVID-19 assurance-chômage (consid. 6c à e). En définitive, jusqu’au 31 mai 2020, seul le délai de préavis de dix jours a été supprimé (cf. art. 8b de l’ordonnance COVID-19 assurance-chômage). Ainsi, pendant cette période, un employeur pouvait appliquer une RHT dès réception, par l’intimé, du préavis, et être indemnisé dès cette date, mais non avant (consid. 8).

8.        Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 360 consid. 5b ; ATF 125 V 195 consid. 2 et les références ; cf. ATF 130 III 324 consid. 3.2 et 3.3). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).

9.        En l'espèce, la recourante exploite une galerie d’art qui a dû fermer le 17 mars 2020, en exécution de l'ordonnance 2 COVID-19.

Comme cela ressort des considérants supra, jusqu'au 31 mai 2020, seul le délai de préavis de dix jours a été supprimé. Ainsi, la recourante avait droit à l’indemnité RHT dès le jour de sa demande à l’intimé, mais sans effet rétroactif.

Ce n’est qu’en date du 26 avril 2020 que la recourante a déposé le formulaire de préavis de RHT dûment rempli auprès de l’intimé.

Toutefois, la recourante soutient que sa demande est intervenue avant cette date, sous la forme d’une demande d’APG déposée auprès de la FER.

L’instruction a permis d’établir que la FER avait reçu par email, en date du 1er avril 2020, une demande d’APG en cas de coronavirus de la part de la recourante. Le système automatisé d’accusé de réception avait généré un message email envoyé à la recourante le 1er avril 2020, accusant réception de la « demande d’allocation perte de gain prévue par l’Ordonnance du Conseil fédéral sur le Coronavirus » auquel était joint un formulaire de « Demande d’allocation pour perte de gain en cas de coronavirus » sous format électronique pdf.

La demande d’APG du 1er avril 2020 envoyée par la recourante mentionnait le nom de l’employé, M. B______, l’activité dans une galerie d’art et le moment de la fermeture de cette dernière, soit le 16 mars 2020. Le formulaire portait le tampon de la date de réception du 1er avril 2020.

En cas de transmission d’un écrit par la voie électronique, les lois fédérales (cf. art. 21a al. 3 PA, 48 al. 2 LTF, 143 al. 2 CPC, 91 al. 3 CPP) prévoient que le délai est réputé observé lorsque le système informatique de l’autorité destinataire en a confirmé la réception par voie électronique au plus tard le dernier jour du délai (cf. notamment la teneur de l’art. 21a al. 3 PA, aux termes duquel le moment déterminant pour l’observation d’un délai est celui où est établi l’accusé de réception qui confirme que la partie ou son mandataire ont accompli toutes les étapes nécessaires à la transmission). Contrairement aux autres cas, ne sont donc pas déterminantes la date et l’heure de l’envoi, mais la date et l’heure de confirmation de la réception de l’envoi par le système informatique de l’autorité (voir ATF 139 IV 257 consid. 3.1 p. 259 et les références citées). Cette condition s’impose pour des raisons de preuve intrinsèques à une expédition par voie électronique. Il ne suffit donc pas que la partie ou son mandataire constate sur le fichier des envois de sa messagerie que l’acte a été expédié (Jean-Maurice FRÉSARD, in Commentaire de la LTF, 2ème éd. 2014, n° 8 ad art. 48 LTF). La confirmation de la réception par le système informatique de l’autorité se fait en général immédiatement. Elle sert de preuve à l’expéditeur s’agissant de la date d’arrivée de l’acte sur la plateforme informatique du destinataire. Si la partie ne reçoit pas confirmation de la réception, elle doit mettre son pli à la Poste encore dans le délai. Cela signifie que la partie qui utilise la voie électronique ne pourra guère prendre le risque d’envoyer l’écrit à minuit, voire quelques minutes avant, n’ayant pas la garantie que le système informatique répondra dans la minute ou la seconde qui suit. Même si l’ordinateur est programmé pour donner immédiatement confirmation de la réception, il n’est jamais à l’abri d’une panne informatique, technique ou électrique (voir ATF 139 IV 257 consid. 3.1 p. 259 s. et les références citées).

10.    À l’aune de ce qui précède, il est établi que la demande d’APG de la recourante, contenant les informations topiques, a bien été reçue par la FER en date du 1er avril 2020 ; il sied dès lors d’examiner si la FER peut être assimilée à un autre assureur social et si la demande d’APG peut être assimilée à une demande de RHT.

Selon l’art. 39 al. 2 LPGA, lorsqu’une partie s’adresse en temps utile à un assureur incompétent, le délai est réputé observé. Cette disposition rappelle une règle générale en matière de procédure administrative, selon laquelle le délai est également considéré comme respecté lorsque l’assuré s’adresse à temps à une autorité incompétente. Il la limite toutefois, dans ce sens que seul le fait de s’adresser à un assureur social incompétent permet de considérer le délai comme respecté, et non pas le fait de s’adresser à n’importe quelle autorité. Il faut cependant interpréter la notion d’« assureur social » dans un sens large et entendre par ces termes toutes les entités organisationnelles qui participent à l’administration d’une ou de plusieurs branches d’assurance sociale. Il peut ainsi s’agir, par exemple, d’une caisse de compensation, d’un office d’assurance-invalidité, d’une caisse de chômage ou d’un assureur-maladie (DUPONT/MOSER-SZELESS, Commentaire romand de la Loi sur la partie générale des assurances sociales, 2018, p. 511, n° 12).

Compte tenu de ces éléments et de l’interprétation large qu’il convient de donner à la notion d’assureur social, la chambre de céans considère que la demande envoyée par la recourante auprès de la FER, en date du 1er avril 2020, remplit les conditions de l’art. 39 al. 2 LPGA et que la date du 1er avril 2020 peut ainsi être retenue comme date de réception de la demande auprès d’un assureur social.

11.    S’agissant de la nature de la demande, la chambre de céans a jugé dans un arrêt du 9 février 2021 (ATAS/87/2021) qu’une demande d’indemnités APG pouvait être assimilée à une demande de RHT.

En l’occurrence, il ressort sans ambiguïté de la demande d’APG transmise par la recourante qu’elle souhaitait obtenir des indemnités pour son seul employé, M. B______, suite à la fermeture de la galerie en conformité des mesures prises par le Conseil fédéral en raison de la COVID-19. Dès lors que toutes les informations pertinentes sont contenues dans la demande d’APG adressée par courriel à la FER en date du 1er avril 2020, celle-ci doit être assimilée à une demande d'indemnité RHT, formée auprès d'un autre assureur social.

La chambre de céans considère que la recourante a valablement annoncé la fermeture de sa galerie d’art et sollicité des indemnités pour son seul employé, par envoi du 1er avril 2020 et que sa demande - bien qu'adressée à un autre assureur social - vaut préavis de RHT.

12.    La recourante reproche encore à l’intimé d’avoir mis fin au paiement des indemnités RHT à compter du 1er juin 2020 alors que la première décision, rendue le 4 mai 2020, octroyait les indemnités jusqu’au 25 juillet 2020.

L’art. 5 de l’ordonnance COVID-19 assurance-chômage, dans sa version en vigueur le 20 mars 2020 (RO 2020 877), stipule qu’en dérogation à l’art. 34 al. 2 LACI, un montant forfaitaire de CHF 3’320.- est pris en compte comme gain déterminant pour un emploi à plein temps pour les personnes suivantes : a. le conjoint ou le partenaire enregistré de l’employeur, occupé dans l’entreprise de celui-ci; b. les personnes qui fixent les décisions que prend l’employeur – ou peuvent les influencer considérablement – en qualité d’associé, de membre d’un organe dirigeant de l’entreprise ou encore de détenteur d’une participation financière à l’entreprise ; il en va de même des conjoints et des partenaires enregistrés de ces personnes, qui sont occupés dans l’entreprise.

M. B______, seul employé de la recourante, en est également l’unique administrateur avec signature individuelle. Il a ainsi pu bénéficier du régime dérogatoire mis en place par l’art. 5 al. 2 let. b de l’ordonnance COVID-19 assurance-chômage.

Or, ledit article a été abrogé, en date du 20 mai 2020, avec effet au 1er juin 2020 (RO 2020 1977). Ainsi, dès le 1er juin 2020, la recourante ne bénéficiait plus du droit extraordinaire à la RHT pour son seul employé, M. B______, qui occupe une position assimilable à celle d’un employeur.

L’abrogation de l’art. 5 étant intervenue dans le laps de temps séparant la première décision de la décision sur opposition explique cette différence, étant rappelé que cette réserve figure en toutes lettres dans la décision de l’OCE qui mentionne qu’en cas d’abrogation de l’ordonnance COVID-19 assurance-chômage, le droit à l’indemnité en cas de RHT s’éteint.

13.    Compte tenu de ce qui précède, la recourante a droit aux indemnités RHT dès le 1er avril 2020, jusqu’au 31 mai 2020 inclus, ce qui conduit à l’admission partielle du recours.

14.    Bien qu'obtenant partiellement gain de cause, la recourante, qui n'est pas assistée d’un mandataire professionnellement qualifié, n'a pas droit à des dépens.

15.    Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA ratione temporis).


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Annule la décision du 15 juin 2020.

4.        Dit que la recourante a droit à l’indemnité RHT, dès le 1er avril 2020 jusqu’au 31 mai 2020 inclus.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le