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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1640/2021

ATAS/974/2021 du 22.09.2021 ( CHOMAG ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1640/2021 ATAS/974/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 22 septembre 2021

4ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée à CONCHES, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Bénédicte AMSELLEM-OSSIPOW

 

 

recourante

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI, sis rue des Gares 16, GENÈVE

 

 

intimé

 


EN FAIT

A.      a. Madame A______ (ci-après : l’assurée), née en 1988, s’est inscrite auprès de l’office cantonal de l’emploi (ci-après : l’OCE) le 19 mars 2020. Un délai-cadre d’indemnisation a été ouvert en sa faveur dès le 1er avril 2020.

Le 30 juillet 2020, l’assurée, enceinte de 30 semaines, a donné naissance à des jumelles. Elle est restée hospitalisée jusqu’au 10 août 2020, et ses enfants jusqu’au
23 septembre 2020.

b. Le 12 août 2020, l’OCE a annulé le dossier de l’assurée en qualité de demandeuse d’emploi, avec effet au 30 juillet 2020.

La caisse de chômage compétente (ci-après : la caisse) lui a versé des indemnités fédérales en cas d’incapacité passagère de travail (art. 28 LACI) du 30 juillet au
28 août 2020, soit 22 indemnités.

Par décision du 20 octobre 2020, la FER-CIAM 106.1 a accordé à l’assurée les allocations maternité pour la période du 23 septembre 2020 au 12 janvier 2021.

c. Le 16 octobre 2020, l’assurée a sollicité le versement des prestations cantonales en cas de maladie jusqu’à la date de sortie de l’hôpital de ses enfants, les allocations maternité ayant été reportées à cette date.

B.       Par décision du 9 novembre 2020, l’OCE a nié le droit de l’assurée aux prestations cantonales en cas d’incapacité passagère, totale ou partielle, de travail du 31 août au 22 septembre 2020, faute d’incapacité de travail durant la période concernée.

Le 9 décembre 2020, l’assurée a formé opposition, soutenant que les certificats médicaux produits démontraient bien une incapacité de travail puisque sa présence quotidienne était indispensable auprès de ses filles nées prématurément.

Par décision sur opposition du 9 avril 2021, l’OCE a rejeté l’opposition de l’assurée et confirmé la décision du 9 novembre 2020, au motif que l’intéressée ne présentait elle-même pas d’incapacité de travail durant la période litigieuse et que le devoir d’assistance envers ses enfants ne constituait juridiquement pas une cause d’incapacité de travail du parent concerné. La jurisprudence rendue en matière de droit du travail ne pouvait pas être appliquée, même par analogie.

C.       Par acte du 11 mai 2021, l’assurée, représentée par une mandataire, a interjeté recours contre la décision du 9 avril 2021. Elle a conclu, sous suite de frais et dépens, à l’annulation de la décision entreprise, à ce qu’il soit dit que les indemnités journalières pour cause de maladie fondées sur la loi genevoise en matière de chômage lui étaient dues pour la période du 31 août au 22 septembre 2020, et à ce que l’État soit condamné à les lui verser.

Dans sa réponse du 8 juin 2021, l’intimé a conclu au rejet du recours.

Par réplique du 30 juin 2021, la recourante a persisté.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du
25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0) ainsi que des contestations prévues à l’art. 49 al. 3 de la loi en matière de chômage du
11 novembre 1983 (LMC - J 2 20), en matière de prestations complémentaires cantonales.

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        La LMC ne contenant aucune norme de renvoi, la LPGA n’est pas applicable s’agissant des prestations complémentaires cantonales (cf. art. 1 et 2 LPGA).

3.        Interjeté dans les délais et forme prescrits par la loi, le recours est recevable
(art. 49 al. 3 LMC et art. 89Ass de la loi de procédure administrative du
12 septembre 1985, LPA - E 5 10).

4.        Le litige porte sur le droit de la recourante aux prestations cantonales en cas d’incapacité passagère de travail, pour la période du 31 août au 22 septembre 2020.

5.        a. Au niveau fédéral, l'art. 28 al. 1 LACI prévoit que les assurés qui, passagèrement, ne sont aptes ni à travailler, ni à être placés ou ne le sont que partiellement en raison d’une maladie (art. 3 LPGA), d’un accident (art. 4 LPGA) ou d’une grossesse et qui, de ce fait, ne peuvent satisfaire aux prescriptions de contrôle, ont droit à la pleine indemnité journalière fédérale s’ils remplissent les autres conditions dont dépend le droit à l’indemnité. Leur droit persiste au plus jusqu’au 30ème jour suivant le début de l’incapacité totale ou partielle de travail et se limite à 44 indemnités journalières durant le délai-cadre.

S’ils ne sont pas assurés à titre individuel auprès d’une assurance perte de gain privée, les chômeurs ayant épuisé leurs droits selon l’art. 28 LACI peuvent se retrouver privés d’une compensation de leur perte de gain. C’est pourquoi, certains cantons ont institué une assurance sociale perte de gain en faveur des chômeurs, appelée à compléter les prestations servies par l’assurance-chômage (Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, n° 27 et 28 ad Art. 28,
p. 287). Tel est le cas de Genève.

b. Dans le canton de Genève, l’art. 1 let. d LMC prévoit notamment que cette loi institue pour les chômeurs des prestations cantonales complémentaires à celles prévues par l’assurance-chômage fédérale.

Conformément à l’art. 7 let. a LMC, les prestations complémentaires cantonales de chômage comprennent les prestations en cas d’incapacité passagère de travail, totale ou partielle.

L’art. 8 LMC prescrit que peuvent bénéficier des prestations cantonales en cas d’incapacité passagère de travail, totale ou partielle, les chômeurs qui ont épuisé leur droit aux indemnités journalières fédérales pour maladie ou accident, conformément à l’art. 28 LACI.

À teneur de l’art. 12 al. 1 LMC, les prestations pour cause d’incapacité passagère de travail, totale ou partielle, ne peuvent être versées que si elles correspondent à une inaptitude au placement au sens de l’art. 28 LACI.

L’art. 15 LMC prévoit que les prestations sont servies au bénéficiaire dès la fin du droit aux indemnités au sens de l’art. 28 LACI jusqu’à concurrence de
270 indemnités journalières cumulées dans le délai-cadre d’indemnisation fédéral (al. 1). Elles ne peuvent en outre dépasser le nombre des indemnités de chômage auquel le bénéficiaire peut prétendre en vertu de l’art. 27 LACI (al. 2).

Selon l’art. 16 LMC, pendant la grossesse, les incapacités de travail sont assimilées à la maladie et traitées comme telle jusqu’à l’accouchement.

Conformément à l'art. 14A du règlement d'exécution de la loi en matière de chômage du 23 janvier 2008 (RMC - J 2 20.01), un délai d'attente de deux jours ouvrables est applicable lors de chaque demande de prestations.

c. Les prestations cantonales complémentaires à celles prévues par l'assurance-chômage fédérale relèvent du droit cantonal autonome et non pas du droit fédéral ou du droit cantonal d'exécution du droit fédéral (arrêt du Tribunal fédéral 8C_864/2012 du 26 février 2013 consid. 3).

6.        De jurisprudence constante, la loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations sont possibles, il convient de rechercher la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l'intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d'autres dispositions légales (interprétation systématique). Le Tribunal fédéral ne privilégie aucune méthode d'interprétation, mais s'inspire d'un pluralisme pragmatique pour rechercher le sens véritable de la norme; il ne se fonde sur la compréhension littérale du texte que s'il en découle sans ambiguïté une solution matériellement juste (ATF 147 V 35 consid. 7.1 et les références citées).

7.        Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ;
ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

8.        a. En l’espèce, la recourante fait valoir que sa présence obligatoire auprès de ses enfants a été attestée par les nombreux certificats médicaux produits, et qu’il est de notoriété publique que les grands prématurés ont besoin de la présence de leurs parents pour bien se développer, plus particulièrement de leur mère puisque l’allaitement constitue l’alimentation la plus adaptée à leur physiologie tout en les protégeant sur le plan immunitaire.

Elle invoque que l’art. 16 LMC, qui prévoit que durant la grossesse les incapacités de travail sont assimilées à la maladie, doit s’interpréter comme incluant les semaines de maturation des nourrissons prématurés en néonatalogie, et cela au moins jusqu’à la 40ème semaine de grossesse prévue. Le terme normal de sa grossesse aurait dû se situer entre le 30 septembre et le 7 octobre 2020, de sorte que la période comprise entre le 31 août et le 22 septembre 2020 doit être traitée de la même manière que la grossesse du point de vue des indemnités pour incapacité de gain passagère, puisque ses prématurées n’étaient pas censées être nées et que sa grossesse aurait dû se poursuivre. En outre, une interprétation analogue a déjà été effectuée en matière de droit du travail, et la Cour d’appel des Prud’hommes a jugé que le terme « maladie » recouvre également le cas de la mère devant rester auprès de son nourrisson lorsque la vie de celui-ci est menacée.

La recourante se prévaut ensuite de la protection contre l’arbitraire. Elle relève qu’aucune capacité de travail n’a été attestée la concernant à partir du 11 août 2020. Déduire de sa seule sortie de la clinique qu’elle était capable de travailler, alors que ses filles demeuraient hospitalisées et allaitées, nécessitant ainsi sa présence, constitue une appréciation arbitraire des preuves. La décision litigieuse est également arbitraire dans son résultat puisqu’elle implique de péjorer la situation d’une jeune mère et de ses fillettes prématurées, par rapport à une mère dans la même situation qui mènerait sa grossesse à terme, et ce alors qu’une protection plus importante encore devrait légalement lui être accordée en raison de la prématurité de ses enfants et de leur gémellité. Partant, l’interprétation de l’intimé, qui n’est d’ailleurs étayée par aucune jurisprudence ou doctrine, doit être écartée.

Elle conclut que les termes maladie et grossesse, au sens respectivement des art. 9 et 16 LMC, doivent s’interpréter comme incluant la situation dans laquelle la mère doit rester auprès de son nourrisson pour cause de prématurité. À défaut, le droit supérieur, en particulier la protection contre l’arbitraire, serait violé. Il en irait de même de la Convention de New-York relative aux droits de l’enfant.

b. L’intimé pour sa part maintient que l’obligation pour un parent de rester au chevet de son enfant hospitalisé ne saurait être assimilée à une incapacité de travail du parent et, partant, donner lieu à une indemnisation par une assurance perte de gain en cas de maladie.

Les indemnités en cas d’incapacité passagère de travail instituées par les
art. 9ss LMC ne constituent pas, comme les indemnités de chômage prévues par la LACI, des indemnités destinées à pallier à la perte d’un emploi salarié, mais uniquement des indemnités en cas de maladie, prévues par le droit cantonal afin de pallier au risque pur de la maladie des personnes au chômage.

c. Dans sa réplique du 30 juin 2021, la recourante persiste et fait valoir que la désavantager juridiquement et économiquement en raison de la naissance prématurée de ses jumelles, par rapport à la situation d’une grossesse et d’un accouchement sans complication, est discriminatoire. Il n’y a aucun motif raisonnable permettant de réglementer différemment, au regard de l’art. 16 LMC, la situation d’une mère accouchant à terme d’un nouveau-né par rapport à celle mettant au monde ses enfants de façon prématurée. Une telle pratique est discriminatoire et heurte gravement le sens de la justice et de l’équité. La non prise en compte du terme prévu de la grossesse et de la naissance prématurée viole non seulement l’interdiction de l’arbitraire, mais également le principe de l’égalité de traitement.

9.        Dans un arrêt de principe du 24 janvier 2019 (ATAS/1588/2018), la chambre de céans a examiné le droit d’une assurée de percevoir, en application et dans les limites de l’art. 28 al. 1 LACI, l’indemnité de chômage durant la période pendant laquelle son droit à l’allocation de maternité avait été ajourné en considération de l’hospitalisation prolongée de son nouveau-né en application de l’art. 16c al. 2 de la loi fédérale sur les allocations pour perte de gain en cas de service et de maternité du 25 septembre 1952 (LAPG - RS 834.1).

Dans cette affaire, l’assurée avait ajourné, ainsi qu’elle y avait droit, son droit à l’allocation de maternité du 15 juin 2017 (date de la naissance prématurée de son enfant) au 31 juillet 2017 (date de retour à la maison dudit enfant qui avait dû rester hospitalisé durablement immédiatement après sa naissance). La caisse cantonale genevoise de chômage lui avait refusé son solde d’indemnités journalières en cas d’incapacité passagère de travail, en application du ch. 183 Bulletin LACI IC alors en vigueur. La chambre de céans a considéré que, contrairement à ce qu’indiquait cette directive du SECO, l’interdiction de travailler imposée par
l’art. 35a al. 3 de la loi fédérale sur le travail dans l'industrie, l'artisanat et le commerce du 13 mars 1964 (LTr - RS 822.11) aux accouchées durant les huit semaines qui suivent l’accouchement ne faisait pas obstacle à l’application de
l’art. 28 LACI. Cette disposition-ci dérogeait au principe voulant que les indemnités de chômage ne soient allouées que si l’assuré était apte au placement. Depuis le 1er juillet 2005, date d’entrée en vigueur de l’allocation de maternité, l’art. 28 al. 1 LACI ne mentionnait plus la maternité mais la grossesse comme cause de l’incapacité passagère de travail, et l’art. 28 al. 1bis LACI (qui garantissait aux femmes bénéficiant d’indemnités de chômage au jour de leur accouchement le versement de 40 indemnités journalières indépendamment du point de savoir si leurs droits au titre de l’art. 28 al. 1 LACI étaient ou non épuisés en raison d’incapacités de travail temporaires survenues pendant ou même avant leur maternité) avait été abrogé comme étant devenu superflu, sans qu’une coordination ne soit assurée entre la cessation du versement de l’indemnité de chômage et le versement, différé dans ce cas exceptionnel, de l’allocation de maternité. Un problème similaire – ayant donné lieu à des interventions politiques devant les Chambres fédérales – existait pour le droit au salaire, du fait que la mention de l’accouchement avait aussi été supprimée à l’art. 324a al. 3 du Code des obligations (CO - RS 220) dès le 1er juillet 2005. La doctrine majoritaire et des jurisprudences cantonales avaient admis que l’art. 324a al. 1 CO s’appliquait pendant la période de report du droit à l’allocation de maternité lorsque la présence de la mère auprès du nouveau-né était indiquée médicalement (accomplissement d’un devoir légal constitutif d’un empêchement non fautif de travailler), dans les limites du crédit annuel prévu par l’art. 324a al. 2 CO. Sur la question du droit à la continuation du versement de l’indemnité de chômage en application de l’art. 28 LACI en cas de report du droit à l’allocation de maternité, il fallait admettre l’existence d’une lacune proprement dite ou d’une inconséquence, qu’il y avait lieu de combler en retenant que lorsque la présence de la chômeuse auprès de son nouveau-né s’imposait pour le bien de l’enfant et, étant indiquée médicalement, constituait un devoir légal (art. 163 et 276 du Code civil (CC - RS 210), ladite présence était un empêchement passager de travailler et d’être placée inhérent à la maternité qui restait appréhendé par l’art. 28 al. 1 LACI. Les limitations du nombre d’indemnités journalières prévues par l’art. 28 al. 1 LACI s’appliquaient aussi.

Dès lors que l’assurée avait obtenu l’ajournement de l’allocation de maternité jusqu’au retour de son enfant à la maison, la chambre de céans lui a reconnu le droit à une pleine indemnité journalière de chômage, en application de l’art. 28
al. 1 LACI, pour le nombre d’indemnités journalières lui restant à ce titre au jour de la naissance de son enfant, à savoir 31.7 mais au maximum pour 30 jours civils d’affilée, soit du 15 juin au 14 juillet 2017, ce qui faisait au total 22 indemnités journalières. L’intéressée s’était toutefois trouvée dans la situation considérée pendant une période plus longue que ces 30 jours d’affilée à compter de l’accouchement, soit durant six semaines et quatre jours, et avait sollicité des prestations complémentaires cantonales pour les jours non couverts par l’indemnité lui étant due selon l’art. 28 LACI. La chambre de céans n’a toutefois pas examiné le droit aux prestations cantonales puisque l’OCE ne s’était pas encore prononcé sur la question dans une décision sujette à recours, le versement desdites prestations n’intervenant le cas échéant qu’après épuisement du droit aux indemnités de chômage prévues par l’art. 28 LACI.

10.    a. Cette jurisprudence relative à la continuation du versement de l’indemnité de chômage, en application de l’art. 28 LACI, dans le cas particulier d’une chômeuse reportant le début du droit à l’allocation de maternité en raison de l’hospitalisation prolongée de son nourrisson immédiatement après l’accouchement, est applicable mutatis mutandis à la présente procédure.

b. En effet, la LMC prévoit des prestations cantonales complémentaires à celles prévues par l’assurance-chômage fédérale, afin d’éviter que les chômeurs ayant épuisé leurs droits selon l’art. 28 LACI soient privés d’une compensation de leur perte de gain (cf. RUBIN, op.cit. ad. Art. 28, p. 287).

Les dispositions pertinentes renvoient d’ailleurs expressément à l’art. 28 LACI. Ainsi, selon l’art. 8 LMC, les chômeurs qui ont épuisé leur droit aux indemnités journalières fédérales pour maladie ou accident, « conformément à l’art. 28 LACI » peuvent bénéficier des prestations cantonales en cas d’incapacité passagère de travail. De même, l’art. 12 al. 1 LMC prévoit que les prestations pour cause d’incapacité passagère de travail ne peuvent être versées que si elles « correspondent à une inaptitude au placement au sens de l’art. 28 LACI ».

L’inaptitude au placement aux sens de ces deux dernières dispositions doit donc s’entendre de façon identique.

c. Contrairement à ce que soutient l’intimé, les indemnités prévues par la LMC ne sont pas destinées à pallier au « risque pur de la maladie » des personnes au chômage.

En effet, la volonté du législateur était d'instaurer une véritable assurance de perte de gain obligatoire (cf. ATAS/52/2019). L’art. 12 al. 1 LMC prévoit ainsi le droit aux prestations en cas d’« incapacité passagère de travail », et fait référence à la maladie, mais également à l’accident. En outre, dans sa teneur en vigueur jusqu’au 30 juin 2001, l’art. 8a LMC mentionnait que pouvaient bénéficier des prestations en cas d'incapacité passagère de travail, totale ou partielle, les chômeurs qui avaient épuisé leur droit aux indemnités journalières pour maladie, accident ou « maternité », conformément à l'art. 28 LACI. Cette disposition a été modifiée suite à l’introduction dans le canton de Genève, le 1er juillet 2001, de la loi sur l’assurance maternité cantonale. Le fait que l’éventualité de la grossesse n’y a pas remplacé celle de la maternité, comme cela a été le cas lors de la modification de l’art 28 LACI, ne saurait certainement pas être interprété comme une volonté du législateur de restreindre les risques couverts par la LMC. En effet, l’art. 16 LMC prévoit expressément que pendant la grossesse, les incapacités de travail sont assimilées à la maladie et traitées comme telle jusqu’à l’accouchement.

Tout comme l’art. 28 al. 1 LACI, les art. 8 et 12 LMC dérogent au principe de l'assurance-chômage voulant que les prestations ne soient allouées que si l'assuré est apte au placement. La chambre de céans a souligné que le but de cette exception est d'éviter des cas de rigueur, de combler des lacunes de couverture dans le domaine de l'assurance-maladie et accidents, et d'assurer une meilleure protection sociale des chômeurs en cas de maladie, d'accident ou – du moins originellement – de maternité, chômeurs qui peuvent, grâce à cette disposition, bénéficier des indemnités journalières pendant une période limitée (cf. ATAS/1588/2018
consid. 5c).

Partant, à l’instar de ce qu’elle a constaté dans son arrêt du 24 janvier 2019 concernant les modifications de l’art. 28 al. 1 et al. 1 bis LACI, la chambre de céans observe que la nouvelle formulation de l’art. 12 LMC ne traduit en aucun cas le souhait du législateur de péjorer la situation de la chômeuse sans revenu durant la période de report de son droit à l’allocation de maternité, alors que sa présence auprès de son nouveau-né est médicalement indiquée et constitue de surcroît un devoir légal dicté par les art. 163 et 276 CC, ce dans les limites de temps et de nombre d’indemnités journalières fixées par la loi.

Force est donc de conclure qu’une telle présence constitue pour une chômeuse une incapacité passagère de travail au sens de l’art. 12 LMC qui correspond bien à une inaptitude au placement au sens de l’art. 28 LACI.

11.    On relèvera encore que la LAPG a été modifiée le 1er juillet 2021, afin de garantir dès l’accouchement le revenu des mères exerçant une activité lucrative et dont le nouveau-né doit être hospitalisé pendant une durée relativement longue.

Désormais, l’art. 16c al. 3 LAPG prévoit qu’en cas d’hospitalisation du nouveau-né, la durée du versement est prolongée d’une durée équivalente à celle de l’hospitalisation, mais de 56 jours au plus, si les conditions suivantes sont réunies : le nouveau-né est hospitalisé de façon ininterrompue durant deux semaines au moins immédiatement après sa naissance (let. a) ; la mère apporte la preuve qu’au moment de l’accouchement elle prévoyait de reprendre une activité lucrative à la fin de son congé de maternité (let. b).

Ainsi, il n’est plus possible d’ajourner le versement de l’allocation de maternité, laquelle est versée dans tous les cas à partir de la naissance de l’enfant. En revanche, le droit à l’allocation de maternité est prolongé si le nouveau-né a dû être hospitalisé durant deux semaines au moins immédiatement après sa naissance. La durée maximale de 56 jours correspond à l’interdiction de travailler de huit semaines visée à l’art. 35a al. 3 LTr, jours fériés et week-ends compris.

12.    a. En l’occurrence, il ressort des pièces produites que le terme de l’accouchement était prévu pour le 6 octobre 2020 (cf. attestation du 12 mai 2020 de la
doctoresse B______, spécialiste FMH en gynécologie et obstétrique), mais que la recourante a accouché prématurément le
30 juillet 2020, à 30 semaines et 2 jours d’aménorrhée, d’une grossesse gémellaire (cf. rapports des 7 août et 7 décembre 2020 de la professeure C______, médecin ajointe agrégée responsable d’unité au service d’obstétrique des Hôpitaux universitaires de Genève [ci-après : HUG]). La recourante est restée hospitalisée jusqu’au 10 août 2020 et ses enfants jusqu’au 23 septembre 2020
(cf. attestation du 25 août 2020 de la Prof. C______ ; certificats des HUG des
15 octobre 2020). Durant cette période, la recourante allaitait ses filles
(cf. certificats du 14 septembre 2020 de la doctoresse D______, médecin cheffe de clinique aux HUG) et il a été attesté que sa présence auprès de ses jumelles était indispensable, plusieurs fois par jour (cf. rapports des 25 août et 7 décembre 2020 de la Prof. C______). D’autres médecins ont confirmé que la présence de la mère ou du père auprès des enfants était indispensable pour des raisons médicales, jusqu’au 23 septembre 2020 (cf. certificat du
23 septembre 2020 du docteur E______, médecin interne aux HUG ; attestation du 23 septembre 2020 du docteur F______, spécialiste FMH en pédiatrie et médecin adjoint aux HUG).

Dès lors que l’assurée a obtenu l’ajournement de l’allocation de maternité jusqu’au retour de son enfant à la maison et que sa présence auprès de ses jumelles nées prématurément s’imposait médicalement pour le bien des enfants, il convient de lui reconnaître le droit aux prestations complémentaires cantonales pour les jours non couverts par l’indemnité qui lui a été accordée selon l’art. 28 LACI.

b. La caisse de chômage lui a versé des indemnités fédérales en cas d’incapacité passagère de travail, en application de l’art. 28 LACI, du 30 juillet au 28 août 2020 et les allocations maternité lui ont été allouées dès le 23 septembre 2020.

Du 31 août au 22 septembre 2020, la recourante a donc droit aux prestations cantonales puisque les conditions prévues à l’art. 15 LMC sont respectées. À cet égard, il sera rappelé que le délai-cadre d’indemnisation a commencé à courir le
1er avril 2020, de sorte que le maximum de 270 indemnités journalières cumulées dans ce délai n’a pas été atteint au 22 septembre 2020. En outre, les prestations ne dépassent pas le nombre des indemnités de chômage auquel la recourante peut prétendre en vertu de l’art. 27 LACI.

13.    Vu ce qui précède, le recours sera admis et la décision sur opposition litigieuse annulée, l'intéressée ayant droit aux prestations cantonales en cas d’incapacité passagère de travail, du 31 août au 22 septembre 2020.

14.    La recourante, qui obtient gain de cause et est représentée, a droit à des dépens qui seront fixés à CHF 2'000.- (art. 89H al. 3 LPA).

Par ailleurs, la procédure est gratuite (art. 89H al. 1 LPA).

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Annule la décision sur opposition du 9 avril 2021.

4.        Dit que la recourante a droit aux prestations cantonales en cas d’incapacité passagère de travail du 31 août au 22 septembre 2020.

5.        Condamne l’intimé à verser à la recourante une indemnité de dépens de CHF 2'000.-.

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties par le greffe le