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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1588/2018

ATAS/52/2019 (3) du 24.01.2019 ( CHOMAG ) , ADMIS

*** ARRET DE PRINCIPE ***
Descripteurs : AC; ALLOCATION DE MATERNITÉ; INDEMNITÉ DE CHÔMAGE; COORDINATION(ASSURANCE); ACCOUCHEMENT PRÉMATURÉ; SÉJOUR À L'HÔPITAL; INTERDICTION DE TRAVAILLER; REPORT(DÉPLACEMENT); LACUNE PROPREMENT DITE; INTERPRÉTATION(SENS GÉNÉRAL)
Normes : LACI.28.al1; LAPG.16c.al2; LTr.35a.al3; LAPG.16b.al1.letb; CO.324a.al3
Résumé : La recourante avait ajourné, ainsi qu'elle y avait droit, son droit à l'allocation de maternité du 15 juin 2017 (date de la naissance prématurée de son enfant) au 31 juillet 2017 (date de retour à la maison dudit enfant qui avait dû rester hospitalisé durablement immédiatement après sa naissance). La CCGCh lui a refusé son solde d'indemnités journalières en cas d'incapacité passagère de travail, en application du ch. 183 Bulletin LACI IC. Contrairement à ce qu'indique cette directive du SECO, l'interdiction de travailler imposée par l'art. 35a al. 3 LTr aux accouchées durant les huit semaines qui suivent l'accouchement ne fait pas obstacle à l'application de l'art. 28 LACI. Cette disposition-ci déroge au principe voulant que les indemnités de chômage ne soient allouées que si l'assuré est apte au placement. Depuis le 1er juillet 2005, date d'entrée en vigueur de l'allocation de maternité, l'art. 28 al. 1 LACI ne mentionne plus la maternité mais la grossesse comme cause de l'incapacité passagère de travail et l'art. 28 al. 1bis LACI a été abrogé comme étant devenu superflu, sans qu'une coordination ne soit assurée entre la cessation du versement de l'indemnité de chômage et le versement, différé dans ce cas exceptionnel, de l'allocation de maternité. Un problème similaire / ayant donné lieu à des interventions politiques devant les Chambres fédérales / existe pour le droit au salaire, du fait que la mention de l'accouchement a aussi été supprimée à l'art. 324a al. 3 CO dès le 1er juillet 2005. La doctrine majoritaire et des jurisprudences cantonales ont admis que l'art. 324a al. 1 CO s'applique pendant la période de report du droit à l'allocation de maternité lorsque la présence de la mère auprès du nouveau-né est indiquée médicalement (accomplissement d'un devoir légal constitutif d'un empêchement non fautif de travailler), dans les limites du crédit annuel prévu par l'art. 324a al. 2 CO. Sur la question du droit à la continuation du versement de l'indemnité de chômage en application de l'art. 28 LACI en cas de report du droit à l'allocation de maternité, il faut admettre l'existence d'une lacune proprement dite ou d'une inconséquence, qu'il y a lieu de combler en retenant que lorsque la présence de la chômeuse auprès de son nouveau-né s'impose pour le bien de l'enfant et, étant indiquée médicalement, constitue un devoir légal (art. 163 et 276 CC), ladite présence est un empêchement passager de travailler et d'être placée inhérent à la maternité qui reste appréhendé par l'art. 28 al. 1 LACI. Les limitations du nombre d'indemnités journalières prévues par l'art. 28 al. 1 LACI s'appliquent aussi.
En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1588/2018 ATAS/52/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 24 janvier 2019

 

En la cause

Madame A______, domiciliée à GENÈVE

 

 

recourante

 

contre

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE CHÔMAGE, sise rue de Montbrillant 40, GENÈVE

 

 

intimée

 


EN FAIT

1.        Madame A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante), née le ______ 1992, domiciliée dans le canton de Genève, faisant ménage commun avec Monsieur B______, a été engagée, en des qualités telles qu’habilleuse, couturière ou costumière, auprès de différents théâtres pour des durées limitées, en particulier auprès du Théâtre C______, de la Compagnie D_____ , de E_____, du F_____ et du Théâtre de G_____.

2.        Le 28 juillet 2016, l’assurée s’est inscrite au chômage auprès de l’office régional de placement (ci-après : ORP), à la recherche d’un emploi à plein temps comme couturière ou créatrice de vêtements. Un délai-cadre d’indemnisation a été ouvert en sa faveur du 28 juillet 2016 au 27 juillet 2018. L’assurée s’est adressée à la caisse cantonale genevoise de chômage (ci-après : CCGCh ou l’intimée) pour le versement des indemnités de chômage. Celles-ci (de CHF 121.- par jour) ont été versées à l’assurée jusqu’au 14 juin 2017.

3.        Le jeudi _____ 2017, l’assurée a accouché prématurément d’un garçon, H_____, au terme d’une grossesse de 30 semaines et 5 jours. Ledit enfant restera hospitalisé au département de l’enfant et de l’adolescent des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) pour le suivi de sa prématurité jusqu’au 31 juillet 2017, période durant laquelle – selon des certificats médicaux des 4 et 28 juillet 2017 – la présence de la mère ou du père était indispensable auprès dudit nouveau-né.

4.        D’après le décompte des indemnités journalières de juin 2017, l’assurée avait alors déjà bénéficié de 12.3 indemnités journalières en cas d’incapacité passagère de travail.

5.        Le 25 juin 2017, l’ORP a annulé le dossier de chômage de l’assurée pour cause d’accouchement, avec effet au 15 juin 2017. Il en a informé l’assurée par un courrier du 26 juin 2017.

6.        Par courrier du 4 juillet 2017, la CCGCh a invité l’assurée à s’adresser à la caisse de compensation de son dernier employeur ou, si celle-ci n’appliquait pas l’assurance-maternité genevoise, à la caisse cantonale genevoise de compensation, afin que soit examiné si elle remplissait les conditions d’octroi des allocations de maternité prévues par la loi fédérale sur les allocations pour perte de gain en cas de service et de maternité du 25 septembre 1952 (LAPG - RS 834.1), qui permet aux femmes de percevoir une indemnité perte de gain pendant les 14 semaines qui suivent l’accouchement et est complétée, dans le canton de Genève, par la loi instituant une assurance en cas de maternité et d'adoption du 21 avril 2005 (LAMat - J 5 07). À la fin du versement des prestations fédérales et cantonales, il lui faudrait réactiver son dossier auprès de l’office cantonal de l’emploi (ci-après : OCE).

7.        Par courrier du 20 juillet 2017 à la CCGCh, l’assurée a demandé que son solde d’« indemnités maladie » lui soit versé, dès lors que – d’après un arrêt rendu par la juridiction genevoise des Prud’hommes dans une cause C/______/2007-3 – une mère dont le nouveau-né devait séjourner à l’hôpital pour une durée de plus de trois semaines était considérée comme étant en incapacité de travail et avait droit aux « indemnités journalières maladie ». L’allocation de maternité lui serait versée à partir du jour où son enfant sortirait de l’hôpital.

8.        Le même jour, l’assurée a envoyé un courrier similaire à l’ORP, en lui demandant de faire le nécessaire pour que des prestations cantonales en cas de maladie lui soient versées.

9.        Par décision du 23 août 2017, la caisse cantonale genevoise de compensation a accordé à l’assurée des allocations de maternité (CHF 88.- par jour) dès le 31 juillet 2017.

10.    L’assurée a repris une activité professionnelle le 1er novembre 2017.

11.    N’ayant reçu de réponse à ses courriers précités du 20 juillet 2017 ni de la CCGCh ni de l’ORP (ou de l’OCE), l’assurée a, par courrier du 8 février 2018, mis la CCGCh en demeure de rendre une décision sur sa demande d’indemnités journalières en cas de maladie, afin qu’elle puisse faire valoir ses droits auprès des autorités compétentes. Son fils était sorti de l’hôpital le 31 juillet 2017 et le versement de l’allocation de maternité avait été reporté à cette date.

12.    Par décision du 19 février 2018, la CCGCh a indiqué à l’assurée qu’elle ne pouvait donner suite à sa demande d’indemnisation pour la période du 16 (recte : 15) juin au 30 juillet 2017, durant laquelle aucune indemnité ne lui avait été versée dès lors que l’allocation de maternité le lui avait été dès le 31 juillet 2017, jour où son enfant était sorti de l’hôpital. Selon l’art. 28 de la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 25 juin 1982 (LACI - RS 837.0), les indemnités maladie étaient versées aux assurés pour leur propre incapacité de travail et non celle d’un tiers ; si, en cas d’hospitalisation prolongée de son nouveau-né, la mère demandait l’ajournement du versement de l’allocation jusqu’au moment où l’enfant rentrait à la maison, elle ne pouvait toucher des indemnités de chômage pour la période entre l’accouchement et le début du congé de maternité puisqu’elle était inapte au placement en raison de l’interdiction de travailler.

13.    Le 27 février 2018, l’assurée a formé auprès de la CCGCh opposition contre cette décision. Selon un arrêt CAPH/184/2008 de la juridiction des prud’hommes dans la cause précitée C/17092/2007-3, une mère dont le nouveau-né devait séjourner à l’hôpital pour une durée de plus de trois semaines était considérée comme étant en incapacité de travail et avait droit aux « indemnités journalières maladie » ; le terme « maladie » recouvrait le cas de la mère qui devait rester auprès de son nourrisson lorsque la vie de celui-ci était menacée. Elle avait ainsi été en maladie du 15 juin au 27 (recte : 30) juillet 2017, son nourrisson, dont la vie était menacée, étant sorti de l’hôpital le 31 juillet 2017. Elle en avait avisé la CCGCh dès la naissance prématurée de son enfant, pièces justificatives à l’appui. Elle demandait à la CCGCh de lui verser ses pleines indemnités journalières, en accord avec l’art. 28 al. 1 LACI.

14.    Par décision sur opposition du 11 avril 2018, la CCGCh a rejeté l’opposition de l’assurée. Les indemnités journalières en cas d’incapacité passagère de travail étaient versées aux assurés pour leur propre incapacité, et non pour celle d’un tiers. Le Bulletin LACI IC précisait que les mères n’avaient pas droit à l’indemnité de chômage pendant le congé de maternité de 14 semaines (ch. C182) et qu’au cas où une mère demandait l’ajournement du versement de l’allocation de maternité jusqu’au jour où son nouveau-né, ayant dû être hospitalisé de façon prolongée, rentrait à la maison, elle ne pouvait toucher des indemnités de chômage pour la période entre l’accouchement et le début du congé de maternité puisqu’elle était inapte au placement en raison de l’interdiction de travailler (ch. C183). Aussi la CCGCh avait-elle nié à bon droit le droit de l’assurée aux indemnités du 15 juin au 30 juillet 2017.

15.    Par acte du 9 mai 2018, l’assurée a recouru contre cette décision sur opposition par-devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : CJCAS), en concluant à ce que cette décision soit annulée, à ce qu’injonction soit faite à la CCGCh de lui verser le solde de ses « prestations maladie » durant sa période d’incapacité du fait de l’accouchement prématuré et qu’injonction soit faite à l’autorité compétente de faire suivre son dossier auprès « des prestations complémentaires cantonales ». L’interdiction d’occuper des accouchées durant les huit semaines suivant l’accouchement, prévue par l’art. 35a al. 3 de la loi fédérale sur le travail dans l'industrie, l'artisanat et le commerce du 13 mars 1964 (LTr - RS 822.11), ne s’appliquait pas à elle, en sa qualité d’intermittente du spectacle. D’après l’arrêt précité de la juridiction des prud’hommes, le terme de maladie devait être interprété largement, de façon à englober aussi la situation du parent devant rester auprès d’un enfant dont la vie était en danger. L’assurée avait été en maladie du 15 juin au 31 (recte : 30) juillet 2017 au sens de l’art. 28 al. 1 LACI, et elle avait encore droit à un solde d’indemnités de chômage pour cause de maladie.

16.    Par mémoire du 7 juin 2018, la CCGCh a conclu au rejet du recours. La jurisprudence civile à laquelle l’assurée se référait ne pouvait être transposée en droit administratif ; l’art. 28 al. 1 LACI se référait à la même notion de maladie que l’art. 3 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1), qui ne concernait que la maladie de l’assuré lui-même. L’aptitude au placement était une des conditions du droit au versement de l’indemnité de chômage ; or, la mère était inapte au placement durant la période d’ajournement du versement de l’allocation de maternité et n’était pas légitimée à percevoir des indemnités de chômage. L’assurée n’exerçait pas une activité artistique indépendante et était donc soumise à la LTr, l’exception prévue par l’art. 3 let. d LTr ne lui étant pas applicable.

17.    L’assurée n’a pas fait usage de la possibilité que la CJCAS lui a accordée, en lui transmettant cette écriture, de présenter encore d’éventuelles observations et joindre toutes pièces utiles.

18.    Le 13 décembre 2018, la CJCAS a convoqué une audience de comparution personnelle et d’audition de la docteure I_____, médecin interne au département de l’enfant et de l’adolescent des HUG, pour le 8 janvier 2019.

19.    Le 21 décembre 2018, la CCGCh a informé la CJCAS qu’en vertu d’une note du secrétariat d’État à l’économie (ci-après : SECO) reçue le même jour, elle était habilitée à indemniser l’assurée pour une période de trente jours à compter de la date de l’accouchement sur la base de l’art. 28 LACI.

20.    La CCGCh a communiqué cette note à la CJCAS le 2 janvier 2019.

21.    Lors de l’audience du 8 janvier 2019, la Dre I_____ a confirmé que l’enfant de l’assurée, né le ______ 2017 au terme d’une grossesse de 30 semaines et 5 jours, avait dû rester hospitalisé jusqu’au 31 juillet 2017 pour le suivi médical de sa prématurité. Durant cette période, il y avait eu indication médicale à ce que l’assurée, en tant que mère, fût très présente auprès de son enfant, notamment pour permettre à ce dernier de recevoir du lait maternel.

Lors de la comparution personnelle, l’assurée a été informée du fait qu’à la suite d’une note du SECO toute récente, l’application de l’art. 28 LACI en cas de report du versement de l’allocation de maternité pouvait être admise en considération d’une prochaine probable modification de la LAPG (dont le projet et le Message y relatif du Conseil fédéral étaient publiés dans la Feuille fédérale de ce même 8 janvier 2019).

La CCGCh s’est déclarée disposée, en souhaitant pouvoir s’appuyer sur l’arrêt que la CJCAS rendrait sur le recours de l’assurée, à verser à cette dernière des indemnités journalières en cas d’incapacité passagère de travail pour la période du 15 juin au 14 juillet 2017 (représentant trente jours civils d’affilée), soit 22 indemnités journalières (correspondant aux jours ouvrables de ladite période) ; de telles indemnités avaient déjà été versées à l’assurée durant le délai-cadre d’indemnisation pour un total de 12.3 indemnités (compte tenu de gains intermédiaires réalisés). Pour la période restante de l’ajournement de l’allocation de maternité, la CCGCh transférerait le dossier à l’OCE pour examen d’un éventuel droit de l’assurée à des prestations cantonales en cas d’incapacité passagère de travail (ci-après : PCM). L’assurée avait obtenu la réouverture d’un délai-cadre d’indemnisation le 30 juillet 2018, et, compte tenu de gains intermédiaires annoncés par l’assurée, cette dernière avait perçu trop d’indemnités de chômage en septembre 2018 ; la CCGCh se réservait de compenser sa créance en remboursement contre l’assurée avec les indemnités journalières qu’elle devrait le cas échéant lui verser pour la période du 15 juin au 14 juillet 2017.

L’assurée a déclaré avoir appris d’une assistante sociale des HUG qu’elle pouvait demander le report du versement de l’allocation de maternité. Lorsqu’elle en avait parlé à sa conseillère en personnel de l’OCE, cette dernière lui avait indiqué, après s’être renseignée, que ses indemnités de chômage s’arrêtaient avec l’accouchement.

22.    La cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la CJCAS connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 LPGA relatives à la LACI. Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie, le recours étant dirigé contre une décision sur opposition rendue en application de la LACI.

Le recours a été interjeté en temps utile (art. 60 LPGA), et il satisfait aux exigences de forme et de contenu prescrites par la loi (art. 61 let. b LPGA ; cf. aussi art. 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

La recourante a qualité pour recourir, étant touchée par la décision attaquée et ayant un intérêt digne de protection à son annulation ou sa modification (art. 59 LPGA).

Le recours est donc recevable (cf. infra consid. 12e).

2.        Le litige porte sur le droit de la recourante de percevoir, en application et dans les limites de l’art. 28 al. 1 LACI, l’indemnité de chômage durant la période pendant laquelle son droit à l’allocation de maternité a été ajourné en considération de l’hospitalisation prolongée de son nouveau-né en application de l’art. 16c al. 2 LAPG, étant précisé qu’à teneur de l’art. 35 al. 3 phr. 1 LTr les accouchées ne peuvent être occupées durant les huit semaines qui suivent l’accouchement.

Il s’inscrit dans le contexte plus général de la protection de la maternité.

Une fois la naissance accomplie de l’enfant, la protection de la maternité est garantie principalement par le droit du travail – notamment la LTr et le Code des obligations (soit la loi fédérale du 30 mars 1911 complétant le Code civil suisse - CO - RS 220) – et par le droit des assurances sociales, fédéral – en particulier la LAPG et la LACI – et le cas échéant cantonal – en particulier la LAMat, voire la loi en matière de chômage du 11 novembre 1983 (LMC - J 2 20), que ce soit en faveur de toute femme, en sa qualité de mère, ou uniquement de certaines catégories de mères, en particulier des mères actives professionnellement.

3.        a. Selon l’art. 35a al. 3 LTr, les accouchées ne peuvent être occupées durant les huit semaines qui suivent l’accouchement ; ensuite, et jusqu’à la seizième semaine, elles ne peuvent l’être que si elles y consentent. Cette disposition vise à permettre à la mère de se rétablir, de retrouver ses capacités physiques après l’accouchement et de se consacrer pleinement au nouveau-né, au premier stade de son développement, mais elle n’impose pas la rémunération du temps pendant lequel l’intéressée n’occupe pas son poste de travail durant cette période d’interdiction d’occuper cette dernière (Secrétariat d’État à l’économie [ci-après : SECO], Commentaire de la loi sur le travail et des ordonnances 1 et 2 [ci-après : Commentaire de la LTr et des OLT 1 et 2], ad art. 35a LTr ; Pascal MAHON / Fanny MATTHEY, Le régime des allocations pour perte de gain, in Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht, vol. XIV: Soziale Sicherheit / Sécurité sociale, éd. par Ulrich MEYER, 3ème éd., 2016, p. 1957 ss, n. 7 in fine).

b. L’art. 35a al. 3 LTr concerne les travailleurs auxquels la LTr s’applique, donc pas – pour se limiter à l’exception dont se prévaut la recourante – les travailleurs qui exercent une activité artistique indépendante (art. 3 let. d LTr), étant précisé que les dispositions de la LTr que réservent les art. 2 et 3 in initio LTr, venant atténuer les exceptions qu’énumèrent ces dispositions, visent l’art. 35 LTr (sur la protection de la santé durant la maternité) mais pas l’art. 35a LTr (régissant l’occupation durant la maternité et après l’accouchement).

L’art. 11 de l’ordonnance 1 relative à la loi sur le travail du 10 mai 2000 (OLT 1 - RS 822.111) définit restrictivement la notion d’activité artistique indépendante en posant la double condition qu’il s’agisse d’une activité de nature artistique et que la personne qui l’exerce jouisse d’une grande liberté dans les domaines de la conception, de l’exécution et de la répartition de son travail. Il n’y a pas d’activité artistique au sens de l’art. 3 let. d LTr lorsque le travailleur exerce son activité artistique dans un cadre horaire fixé par l’employeur, par exemple pour des comédiens d’un théâtre qui doivent se présenter pour les répétitions et les représentations conformément aux directives du metteur en scène et ne décident pas eux-mêmes de leur horaire de travail ou pour les membres d’une troupe de théâtre se produisant dans des établissements de divertissement (SECO, Commentaire de la LTr et des OLT 1 et 2, ad art. 11 OLT 1).

En l’espèce, il ne résulte pas des contrats de travail de la recourante (produits sous les pièces 4, 5, 7, 8 et 11 de l’intimée) que cette dernière ait exercé, dans ses activités d’habilleuse, couturière ou costumière auprès de théâtres, une activité qui pût être qualifiée d’artistique (elle-même n’ayant pas été comédienne), ni qu’elle bénéficiât d’une liberté de conception et d’exécution de son travail suffisante pour la rendre indépendante comme le cas échéant artiste. Pour certains de ses emplois, il lui fallait mettre en place des costumes avant les représentations, aider à l’habillage pendant le spectacle et, à la fin des représentations, nettoyer, ranger et classer des costumes (pièce 4 ; cf. aussi pièces 5 et 8) ; pour d’autres, elle devait participer à la production de l’atelier sous les ordres de la « 1ère d’atelier et MSP » (cf. pièces 7 et 11). La qualification d’artiste indépendante devait alors lui être déniée.

Sans doute, par définition, la recourante n’était-elle plus au bénéfice d’un contrat de travail à partir du jour où elle a été admise au chômage et, en particulier, durant la période ici litigieuse de report de son droit à l’allocation de maternité, du 15 juin au 31 juillet 2017. Il n’empêche qu’elle était alors inscrite au chômage en étant à la recherche d’un emploi à plein temps comme couturière ou créatrice de vêtements, soit manifestement d’un emploi salarié dans une entreprise dont rien ne permet de retenir que celle-ci relèverait d’un secteur non soumis à la LTr ou – s’il s’agissait d’une administration, en principe exclue du champ d’application de la LTr (art. 2 al. 1 let. a et 2 LTr) – ne serait pas soumise à une semblable interdiction de droit public d’occuper une accouchée durant au moins les huit, sinon les seize semaines suivant l’accouchement (SECO, Commentaire de la LTR et des OLT 1 et 2, ad art. 2 LTr et art. 4, 4a et 7 OLT 1). Il n’apparaît d’ailleurs pas que la recourante aurait eu des perspectives d’emploi suffisantes dans des entreprises non soumises à la LTr, auprès desquelles elle aurait pu se cantonner à rechercher du travail sans devoir de ce chef être déclarée inapte au placement (Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, ci-après : Commentaire LACI, n. 14 i.f. ad art. 15).

c. Aussi faut-il retenir que la recourante était soumise à l’interdiction prescrite par l’art. 35a al. 3 LTr d’être occupée comme travailleuse durant la période ici pertinente du 15 juin au 30 juillet 2017.

4.        a. L’intimée nie que la recourante ait droit au versement de l’indemnité de chômage pour la période litigieuse en se référant aux instructions que le SECO a édictées, sous la forme du Bulletin LACI IC, en sa qualité d’autorité de surveillance chargée de veiller à une application uniforme du droit (art. 110 LACI), plus précisément au ch. C183 dudit bulletin. D’après cette directive, lorsqu’en cas d'hospitalisation prolongée du nouveau-né, la mère a obtenu le report du versement de l'allocation jusqu'au moment où l'enfant rentre à la maison, elle ne peut toucher des indemnités de chômage pour la période entre l'accouchement et le début du congé de maternité puisqu'elle est inapte au placement en raison de l'interdiction de travailler qu’impose l’art. 35a al. 3 LTr. Le SECO exprime le même avis dans son rapport du 23 février 2007 sur les effets de l’introduction de l’allocation de maternité sur l’assurance-chômage (p. 5, 8, 14 ; ci-après : Rapport SECO 2007-02-23/308, disponible auprès du SECO mais plus sur le site internet de ce dernier).

b. D’une grande utilité pour assurer l'application uniforme des prescriptions légales, les directives de l'administration n'ont cependant pas force de loi et, par conséquent, ne lient ni les administrés ni les tribunaux. Elles ne peuvent sortir du cadre fixé par la norme supérieure qu'elles sont censées concrétiser. En d'autres termes, les directives ne peuvent prévoir autre chose que ce qui découle de la législation ou de la jurisprudence (ATF 140 V 368 consid. 5.3.1 et 5.3.2 ; ATF 132 V 121 consid. 4.4 ; ATF 131 V 42 consid. 2.3 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_283/2010 du 17 décembre 2010 consid. 4.1). Aussi ne saurait-on se contenter d’appliquer en l’espèce le ch. C183 du Bulletin LACI IC. Il faut vérifier si l’interdiction de travailler s’étant imposée à la recourante durant la période litigieuse faisait obstacle à l’application de l’art. 28 al. 1 LACI.

5.        a. L’une des conditions d’octroi de l’indemnité de chômage est l’aptitude au placement (art. 8 al. 1 let. f LACI). Au sens de l’art. 15 LACI, est réputé apte à être placé le chômeur qui est disposé à accepter un travail convenable et à participer à des mesures d’intégration et qui est en mesure et en droit de le faire. L’aptitude au placement suppose la disposition à accepter un travail convenable, une disponibilité suffisante et une capacité de travail, y compris le droit de travailler (Boris RUBIN, Commentaire LACI, n. 14 ss, 63 ss et 71 ss ad art. 15 ; Pierre-Yves GREBER, L’assurance-chômage, in Droit suisse de la sécurité sociale, éd. par Pierre-Yves GREBER / Bettina KAHIL-WOLFF / Ghislaine FRÉSARD-FELLAY / Romolo MOLO, vol. I, 2010, p. 349 ss, 388 ss). D’après la jurisprudence, elle se compose de trois éléments, dont deux sont de nature objective, la capacité de travail et le droit de travailler, et un de nature subjective, la disposition à accepter un travail (arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 138/03 du 15 septembre 2005 consid. 5.2).

b. Selon l’art. 28 al. 1 LACI, les assurés qui, passagèrement, ne sont aptes ni à travailler ni à être placés ou ne le sont que partiellement en raison d’une maladie, d’un accident ou d’une grossesse et qui, de ce fait, ne peuvent satisfaire aux prescriptions de contrôle, ont droit à la pleine indemnité journalière s’ils remplissent les autres conditions dont dépend le droit à l’indemnité. Leur droit persiste au plus jusqu’au 30ème jour suivant le début de l’incapacité totale ou partielle de travail et se limite à 44 indemnités journalières durant le délai-cadre d’indemnisation.

c. Il importe de souligner que l'art. 28 LACI déroge au principe de l'assurance-chômage voulant que les prestations ne soient allouées que si l'assuré est apte au placement. Le but de cette exception est d'éviter des cas de rigueur, de combler des lacunes de couverture dans le domaine de l'assurance-maladie et accidents, et d'assurer une meilleure protection sociale des chômeurs en cas de maladie, d'accident ou – du moins originellement (cf. infra consid. 6) – de maternité, chômeurs qui peuvent, grâce à cette disposition, bénéficier des indemnités journalières pendant une période limitée (ATF 117 V 244 consid. 3c ; Thomas NUSSBAUMER, Arbeitslosenversicherung, in Schweizerisches Bundesver-waltungsrecht, vol. XIV : Soziale Sicherheit / Sécurité sociale, éd. par Ulrich MEYER, 3ème éd., 2016, p. 2227 ss, n. 434 ; Boris RUBIN, Commentaire LACI, n. 1, 3, 6 ad art. 28).

L’objection retenue par le ch. 183 du Bulletin LACI IC que la mère au chômage ne peut toucher des indemnités de chômage en cas d’ajournement du versement de l’allocation de maternité « puisqu’elle est inapte au placement en raison de l’interdiction de travailler » n’est dès lors pas pertinente, ladite interdiction de travailler étant au demeurant passagère.

d. Selon Thomas NUSSBAUMER (op. cit., n. 432, note de bas de page 971), l’interdiction de travailler prescrite par l’art. 35a al. 3 LTr ne fait pas obstacle à l’application de l’art. 28 LACI. Ledit auteur fait référence à ce sujet à un arrêt dans lequel le Tribunal fédéral des assurances a émis le même avis (arrêt C 138/03 du 15 septembre 2005 consid. 5.3 in medio et 6  ; cf. aussi Gerhard GERHARDS, Kommentar zum Arbeitslosenversicherungsgesetz, Bd I, II et III, 1987/1988/1993, n. 21 s. ad art. 28 LACI). Thomas NUSSBAUMER qualifie la directive contraire du SECO de non conforme au droit. Telle est également la position adoptée par le tribunal cantonal des assurances de Bâle-Campagne dans un arrêt du 28 avril 2017 (aux consid. 3.2 et 5.5.1).

e. En conclusion sur ce point, la chambre de céans retient que l’interdiction passagère de travailler prescrite par l’art. 35a al. 3 LTr n’a pas la portée que le SECO lui attribue quant à l’applicabilité de l’art. 28 LACI au cas d’une chômeuse ayant accouché et ajournant son droit à l’allocation de maternité pour cause d’hospitalisation prolongée de son nouveau-né immédiatement après sa naissance. Il n’en faut pas moins examiner si une chômeuse dans cette situation remplit les conditions d’obtention des indemnités journalières fixées par l’art. 28 LACI.

6.        a. Dans sa version en vigueur depuis le 1er juillet 2005, l’art. 28 al. 1 LACI ne mentionne plus la maternité – notion qui, à teneur de l’art. 5 LPGA, comprend la grossesse et l’accouchement ainsi que la convalescence qui suit ce dernier –, mais seulement la grossesse, qui prend fin avec la naissance de l’enfant.

b. Auparavant, en vertu d’une modification apportée à la LACI le 22 mars 2002 dès le 1er juillet 2003 (RO 2003 1728), l’assurance-chômage fonctionnait comme un substitut d’assurance perte de gain maternité. L’indemnisation en cas d’incapacité de travail après un accouchement était réglementée séparément des autres cas d’incapacité de travail passagère. L’art. 28 al. 1bis LACI garantissait en effet aux femmes au bénéfice d’indemnités de chômage au jour de leur accouchement le versement de 40 indemnités journalières (indépendamment du point de savoir si leurs droits au titre de l’art. 28 al. 1 LACI étaient ou non épuisés en raison d’incapacités de travail temporaires survenues pendant ou même avant leur maternité) ; le versement d’indemnités était ainsi garanti pendant la période d’interdiction légale (art. 35a al. 3 LTr) de travailler portant sur les huit semaines faisant suite à l’accouchement (FF 2001 2123 ss, 2131, 2163 ; Stéphanie PERRENOUD, La protection de la maternité. Étude de droit suisse, international et européen [ci-après : La protection de la maternité], 2015, p. 1300 s. ; Boris RUBIN, Commentaire LACI, n. 2 ad art. 28 ; Christian BRUCHEZ, La nouvelle assurance-maternité et ses effets sur le droit du contrat de travail, in SJ 2005 II 247 ss, 255). Si l’accouchée était elle-même frappée d’une incapacité de travail en raison d’une maladie ou d’un accident, elle n’avait droit qu’aux indemnités journalières prévues par l’art. 28 al. 1 LACI (Rapport du 3 octobre 2002 de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national [ci-après : Rapport de la CSSS-N], in FF 2002 6998 ss, 7028).

L’art. 28 al. 1bis LACI a été abrogé par la modification précitée de la LAPG, comme étant devenu superflu du fait que, dorénavant (soit dès le 1er juillet 2005 [RO 2005 1429]), les femmes qui, lors de leur accouchement, bénéficient d’indemnités de l’assurance-chômage ont droit à l’allocation de maternité et que celle-ci prime l’indemnité journalière de chômage (FF 2002 6998 ss, 7028).

c. Antérieurement au 1er juillet 2003, l’art. 28 al. 1 LACI visait les inaptitudes à travailler ou à être placés « pour cause de maladie (art. 3 LPGA), d’accident (art. 4 LPGA) ou de maternité (art. 5 LPGA) » (RO 2002 3371 ss, 3445 ; cf. version d’origine de la LACI, in RO 1982 2184 ss), donc y compris post partum (FF 1980 III 485 ss, 588 ss, 669 s.).

7.        a. Après des décennies d’échecs, devant les Chambres fédérales ou le peuple, des tentatives entreprises pour concrétiser le mandat constitutionnel d’instituer une assurance-maternité (art. 34quinquies de la Constitution fédérale du 29 mai 1874 [aCst.], adopté le 25 novembre 1945 [FF 1945 II 791] ; art. 116 al. 3 et 4 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 [Cst. - RS 101] ; Stéphanie PERRENOUD, La protection de la maternité, p. 385 ss), la protection de la maternité a connu en Suisse une avancée majeure par l’introduction d’une allocation de maternité par le biais d’une extension du champ d’application de la LAPG aux mères exerçant une activité lucrative (avancée toutefois en retrait par rapport au projet précédemment refusé par le peuple le 13 juin 1999 [FF 1999 657]).

b. Ainsi, selon l’art. 16b al. 1 LAPG, ont droit à l’allocation de maternité – versée sous la forme d’indemnités journalières égales à 80 % du revenu moyen de l’activité lucrative obtenu avant le début du droit à l’allocation (art. 16e LAPG) – les femmes qui ont été assurées obligatoirement au sens de la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10) durant les neuf mois précédant l’accouchement (let. a), ont, au cours de cette période, exercé une activité lucrative durant cinq mois (let. b), et, à la date de l’accouchement, sont salariées au sens de l’art. 10 LPGA, ou exercent une activité indépendante au sens de l’art. 12 LPGA, ou encore travaillent dans l’entreprise de leur mari contre un salaire en espèces (let. c ch. 1 à 3). L’art. 16b al. 3 LAPG charge le Conseil fédéral de régler le droit à l’allocation des femmes qui, pour cause d’incapacité de travail ou de chômage, ne remplissent pas les conditions prévues à l’al. 1 let. a (let. a) ou ne sont pas considérées comme salariées ou indépendantes au moment de l’accouchement (let. b).

S’agissant des mères au chômage, l’art. 29 du règlement sur les allocations pour perte de gain du 24 novembre 2004 (RAPG - RS 834.11) prévoit que la mère qui est au chômage au moment de l’accouchement ou qui, en raison d’une période de chômage, ne remplit pas la condition de la durée d’activité lucrative minimale prévue par l’art. 16b al. 1 let. b LAPG, a droit à l’allocation si elle a perçu des indemnités de l’assurance-chômage jusqu’à l’accouchement (let. a) ou si elle remplissait la condition de la période de cotisation nécessaire prévue par la LACI pour percevoir des indemnités au moment de l’accouchement (let. b ; Pascal MAHON / Fanny MATTHEY, op. cit., p. 1957 ss, n. 35 ; Ghislaine FRÉSARD-FELLAY, Le régime des allocations pour perte de gain en cas de service et de maternité, in Droit suisse de la sécurité sociale, éd. par Pierre-Yves GREBER / Bettina KAHIL-WOLFF / Ghislaine FRÉSARD-FELLAY / Romolo MOLO, vol. I, 2010, p. 319 ss, n. 23 ; Bulletin LACI IC ch. C179 et C180).

En l’espèce, il n’est pas contesté que la recourante avait droit à l’allocation de maternité prévue par l’art. 16b LAPG, en tant que mère au chômage ayant perçu des indemnités de l’assurance-chômage jusqu’à l’accouchement.

c. Selon l’art. 16c LAPG, le droit à l’allocation prend effet le jour de l’accouchement (al. 1), mais, en cas d’hospitalisation prolongée du nouveau-né, la mère peut demander que le versement de l’allocation soit ajourné jusqu’au moment où l’enfant retourne à la maison (al. 2). L’art. 23 RAPG indique que le droit à l’allocation naît lorsque la mère accouche d’un enfant viable (let. a) ou lorsque la grossesse a duré au moins 23 semaines (let. b), et l’art. 24 al. 1 RAPG précise que le début du droit à l’allocation peut être reporté si la mère en fait la demande (let. a) et s’il est attesté par un certificat médical que le nouveau-né doit rester en milieu hospitalier durant trois semaines au moins suivant immédiatement la naissance (let. b). Selon l’art. 24 al. 2 RAPG, le report du droit prend effet au jour de la naissance et prend fin lorsque le nouveau-né retourne auprès de sa mère ou décède (al. 2).

D’après l’art. 16d LAPG, le droit à l’allocation de maternité s’éteint le 98ème jour à partir du jour où il a été octroyé ; il prend fin avant ce terme si la mère reprend une activité lucrative ou si elle décède.

En l’espèce, les conditions d’un report du droit à l’allocation de maternité étaient remplies compte tenu de l’hospitalisation, attestée médicalement, du nouveau-né de la recourante immédiatement après sa naissance, pour une durée finalement de six semaines et quatre jours. C’est donc à bon droit que la recourante a obtenu l’ajournement de l’allocation de maternité du 15 juin au 31 juillet 2017.

d. Intitulé « Primauté de l’allocation de maternité », l’art. 16g LAPG prévoit, à son al. 1, que l’allocation de maternité exclut le versement des indemnités journalières de diverses assurances sociales (let. a à e) – à l’exception de celles, le cas échéant, de l’assurance-maladie (Jörg REINMANN, Congé de maternité payé : analyse détaillée du projet, in CHSS 4/2004 p. 204 ss, 205) –, en particulier de celles de l’assurance-chômage (let. a). À son al. 2, cette disposition stipule que si le droit à une indemnité journalière existait jusqu’au début du droit à l’allocation de maternité, le montant de l’allocation s’élève au moins au montant de l’indemnité journalière versée jusqu’alors conformément aux lois considérées, en particulier la LACI (let. e).

Aucune disposition n’a été édictée, au titre de la coordination des prestations considérées, pour le cas, plutôt exceptionnel, d’un report du droit à l’allocation de maternité. S’agissant des indemnités de chômage, le ch. C183 précité du Bulletin LACI IC laisse la chômeuse sans revenu durant la période de report de ladite indemnité dès lors qu’elle écarte l’applicabilité de l’art. 28 al. 1 LACI en considération d’une inaptitude au placement tenant à l’interdiction de travailler prescrite par l’art. 35a al. 3 LTr.

8.        a. Ce n’est pas qu’avec l’assurance-chômage que la coordination n’a pas été réglée lors de l’instauration de l’allocation de maternité pour le cas particulier dans lequel le versement de cette dernière est reporté jusqu’au retour à la maison du nouveau-né hospitalisé de façon prolongée immédiatement après sa naissance. Tel est aussi le cas s’agissant du droit au salaire régi par le droit privé, cas qu’il s’agit d’examiner dans la perspective de déterminer si la solution qui lui est donnée peut être transposée à celui de la chômeuse ou en inspirer la solution.

b. En même temps que l’allocation de maternité, le législateur fédéral a instauré, dans les rapports de travail régis par le CO, un congé de maternité de 14 semaines, par le biais de l’art. 324f CO ayant la teneur suivante : « En cas de maternité, la travailleuse a droit, après l’accouchement, à un congé d’au moins 14 semaines ». Ce congé de maternité débute le jour effectif de l’accouchement. En dépit du silence de la loi sur ce sujet, il est admis qu’en cas d’ajournement du droit à l’allocation de maternité, le début du congé de maternité prévu par l’art. 329f CO est reporté au jour où l’enfant rentre à la maison, la durée dudit congé ayant été conçue comme allant de pair avec celle du droit à l’allocation de maternité (Rapport de la CSSS-N, in FF 2002 7026 ; Stéphanie PERRENOUD, La protection de la maternité, p. 1102 s., 1147, 1328 ; Christian BRUCHEZ, op. cit. p. 264 ; Olivier SUBILIA, La nouvelle loi sur les allocations pour perte de gain et maternité [ci-après : La nouvelle LAPG], in PJA 2005 p. 1469 ss, 1476 s.). L’art. 329f CO ne fonde pas pour autant un droit au salaire durant le congé de maternité.

c. L’art. 324a CO prévoit – à titre de régime légal de base, valant seuil minimal de protection auquel il n’est pas possible de déroger au détriment du travailleur (SJ 2018 I 445) – que si le travailleur est empêché de travailler sans faute de sa part pour des causes inhérentes à sa personne, l’employeur lui verse le salaire pendant un temps limité, d’une durée minimale de trois semaines durant la première année de service puis une durée s’allongeant progressivement avec le nombre d’années de service, fixée équitablement (en pratique d’après des échelles dites bernoise, zurichoise ou bâloise, à savoir, en Suisse romande, d’après l’échelle bernoise). Alors que l’al. 1 de cette disposition énumère, non exhaustivement, la maladie, l’accident, l’accomplissement d’une obligation légale ou d’une fonction publique comme causes d’empêchement non fautif de travailler, l’al. 3 prévoit qu’en cas de grossesse de la travailleuse, l’employeur est tenu de lui verser le salaire dans la même mesure.

Avant l’instauration de l’allocation de maternité, cet art. 324a al. 3 CO mentionnait aussi l’accouchement, mais cette mention a été supprimée par la même loi du 3 octobre 2003 modifiant la LAPG (RO 2005 1429), pour le même motif que les art. 16b ss LAPG régissaient dorénavant les conséquences de la maternité par le paiement d’une allocation de maternité (Rémy WYLER / Boris HEINZER, Droit du travail, 3ème éd., 2014, p. 213 ; Jean-Louis DUC, Assurance-maternité : questions choisies, in L’arbre de la méthode et ses fruits civils, Recueil de travaux en l’honneur du professeur Suzette SANDOZ, 2006, p. 217 ss, 224 ss ; Christian BRUCHEZ, op. cit. p. 255). L’art. 324a al. 3 CO n’ayant dès lors « plus de sens pour la période suivant l’accouchement », cet alinéa a été adapté « pour ne plus se concentrer que sur les empêchements de travailler inhérents à la grossesse de la travailleuse » (Rapport de la CSSS-N, in FF 2002 7026).

La question de la rémunération de la mère durant la période d’ajournement de l’allocation de maternité pour cause d’hospitalisation prolongée du nouveau-né immédiatement après l’accouchement et alors qu’elle se trouve interdite de travailler par l’art. 35a al. 3 LTr restait ainsi non réglée par la loi, en dépit du fait que, dans son rapport précité, la CSSS-N relevait que des « lacunes de revenus [pouvaient] découler de cette réglementation, étant donné que les APG ne versent aucune prestation durant la période d’ajournement et que le versement du salaire n’est pas garanti dans tous les cas » (FF 2002 7021 s.).

d. Divers avis doctrinaux ont été émis sur ce sujet.

Des auteurs réfutent toute obligation de l’employeur de payer le salaire durant la période de report, pour le motif que, depuis le 1er juillet 2005, le droit au salaire après l’accouchement est, selon eux, régi exhaustivement par la LAPG et qu’au surplus l’ajournement est une faculté offerte à la travailleuse et non une obligation (Gabriel AUBERT, Commentaire des art. 319-362 CO, in Luc THÉVENOT / Franz WERRO [éd.], Code des obligations I, Art. 1-529 CO, Commentaire romand, 2ème éd., 2012, n. 22 et 24 ad art. 324a CO et n. 4 ad art. 324b CO ; Sophie PASCHOUD / Olivier RAU / Jean-Marc BEYELER, L’allocation de maternité selon la loi sur les allocations pour perte de gain (LAPG). Questions de droit n° 33-2005, Centre Patronal, 2005, p. 3 ss, 10).

Selon un auteur, l’employeur est tenu de verser le salaire pendant la période de report en vertu de l’art. 324b al. 2 CO (Jean-Michel DUC, L’allocation de maternité et la coordination avec les autres prestations des assurances, PJA 2005 p.  1010 ss, 1011 n. 2.1). Pour d’autres auteurs, la période de report constitue un délai d’attente au sens de l’art. 324b al. 3 CO, si bien qu’il incombe à l’employeur de verser à la mère le 80 % de son salaire durant cette période, jusqu’à épuisement du crédit annuel prévu par l’art. 324a al. 2 CO, d’après les uns pendant la durée effective de la période d’ajournement (Philippe CARRUZZO, Allocations et congé de maternité. Quels changements à compter du 1er juillet 2005 ?, in CGSS n  34-2005, p. 61 ss, 75 ; Olivier SUBILIA, La nouvelle LAPG, p. 1469 ss, 1476 s. note de bas de page 35), et selon d’autres uniquement pendant les huit semaines sur laquelle porte l’interdiction de travailler prescrite par l’art. 35a al. 3 LTr (Olivier SUBILIA / Jean-Louis DUC, Droit du travail, éléments de droit suisse, 2010, n. 176 ad art. 324a CO, p. 280).

La doctrine majoritaire estime que l’art. 324a al. 1 CO trouve application pendant la période de report du droit à l’allocation de maternité qui coïncide avec l’interdiction légale de travailler ou durant une période le cas échéant plus longue lorsque la présence de la mère auprès du nouveau-né est indiquée médicalement, mais ce dans les limites du crédit annuel prévu par l’art. 324a al. 2 CO (Stéphanie PERRENOUD, Les obligations salariales de l’employeur pendant la maternité, in Rémy WYLER [éd.], Panorama III en droit du travail, 2017, p. 55 ss, 69 ; Stéphanie PERRENOUD, La protection de la maternité, p. 1155 ; Ullin STREIFF / Adrian VON KAENEL / Roger RUDOLPH, Arbeitsvertrag : Praxiskommentar zu Art. 319-362 OR, 7ème éd., 2012, n. 16 ad art. 324a-b CO et n. 7-8 ad art. 329f CO ; Wolfgang PORTMANN, Kommentar zu Art. 319-362 OR, in Heinrich HONSELL / Nedim Peter VOGT / Wolfgang WIEGAND [éd.], Basler Kommentar : Obligationenrecht I : Art. 1-529 OR, 5ème éd., 2011, n. 41 ad art. 324a CO et n. 5 ad art. 329f CO ; Philippe CARRUZZO, Le contrat individuel de travail : commentaire des articles 319 à 341 du Code des obligations, 2009, n. 11 ad art. 324b CO ; Rémy WYLER, LAPG révisée : allocation-maternité et coordination avec le droit du travail, in Bettina KAHIL / Rémy WYLER [éd.], Le droit social dans la pratique de l’entreprise – questions choisies, 2006, p. 47 ss, 60 s.).

e. Dans un arrêt du 17 octobre 2008, la Cour d’appel de la juridiction des prud’hommes du canton de Genève a jugé que les art. 324a et 324b CO couvrent la même notion d’empêchement de travailler et s’appliquent aux conséquences d’une incapacité non fautive de travailler liée aussi à l’accouchement, l’intention du législateur n’ayant pas été de réduire la protection antérieurement existante en supprimant les mots « et d’accouchement » à l’art. 324a al. 3 CO lors de l’instauration de l’allocation de maternité. Aussi la mère dont le nourrisson avait dû être hospitalisé immédiatement après sa naissance et qui avait obtenu le report du versement de l’allocation de maternité pouvait-elle se prévaloir, pour cette période-ci, d’un empêchement non fautif de travailler selon l’art. 324a CO du fait qu’après l’accouchement elle avait dû – ce qui représentait pour elle une obligation légale prévue par les art. 163 et 276 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210) – assurer une présence aux côtés de son nouveau-né prématuré (CAPH/184/2008 consid. 2.2.3, JAR 2009 p. 522 ss ; Valérie BUCHS / Lara CATALDI, Congé maternité, enfin une solution pour les mères de nouveaux-nés hospitalisés !, ASS n° 2/2009 p. 41).

Le Tribunal régional de Berne-Mittelland a rendu un jugement similaire le 24 janvier 2013, reconnaissant à une travailleuse ayant accouché d’un prématuré au cours de la 26ème semaine de grossesse un droit au salaire fondé sur l’art. 324a al. 1 CO pendant l’intégralité de la période d’ajournement de l’allocation de maternité, et non uniquement pendant les huit semaines sur lesquelles porte l’interdiction de travailler prévue par l’art. 35a al. 3 LTr compte tenu de la nécessité d’assurer une présence auprès de son nouveau-né prématuré (CIV 12 6727 BAK, commenté par Roger RUDOLPH, Lohnzahlungspflicht des Arbeitsgebers bei Aufschub der Mutterschaftsentschädigung infolge Spitalaufenthalt des neugeborenen Kindes [Art. 324a OR, Art. 16c EOG, Art. 24 EOV], in DTA 2013 p. 235 ss , cf. ATF 142 II 425 pour le cas, toutefois différent, où une employée du canton de Thurgovie avait demandé l'ajournement de l'allocation de maternité selon l'art. 16c al. 2 LAPG et qui, durant cette période et jusqu'à la sortie de son enfant de l'hôpital, était elle-même en incapacité de travail pour raison de santé, et qui a eu droit au salaire de remplacement comme en cas de maladie).

f. Au niveau des Chambres fédérales, deux postulats ont été déposés en 2010 pour demander que la période de report du droit à l’allocation de maternité s’accompagne de la garantie d’un revenu de substitution, à savoir le postulat 10.3523 de la conseillère aux États Liliane MAURY PASQUIER et le postulat 10.4125 de la conseillère nationale Franziska TEUSCHER. Tous deux ont été acceptés, respectivement le 14 septembre 2010 par le Conseil des États (BOCE 2010 p. 793 s.) et le 17 juin 2011 par le Conseil national (BOCN 2011 p. 1262), avec le soutien du Conseil fédéral. Ce dernier a alors établi, le 20 avril 2016, un rapport, par lequel il envisage deux solutions d’ancrer dans une loi le droit à un revenu durant la période de l’ajournement du congé de maternité et de l’allocation de maternité, bien que – précise-t-il – le versement du salaire durant ladite période puisse en principe se fonder sur l’art. 324a CO, à savoir par une modification soit de la LAPG intégrant une prolongation de la durée de versement de l’allocation de maternité en cas de report, soit de l’art. 324a CO, avec une préférence pour la première solution citée.

Le 30 août 2016, la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil des États (ci-après : CSSS-E) a déposé une motion 16.3631 chargeant le Conseil fédéral de proposer une disposition concrétisant la première solution précitée, motion que le Conseil des États a acceptée le 13 décembre 2016, avec l’appui du Conseil fédéral, dont le représentant, le Conseiller fédéral Alain BERSET, a déclaré « qu’en principe la couverture de la perte de salaire durant la période concernée peut se fonder sur le droit en vigueur, notamment le Code des obligations, qui donne le droit de toucher son salaire à la travailleuse qui est empêchée de travailler en raison de son obligation de soigner son enfant malade » (BOCE 2016 1144 s.). Cette motion a ensuite été adoptée le 7 juin 2017 par le Conseil national (BOCN 2017 936 ss).

Par un Message du 30 novembre 2018 (publié le 8 janvier 2019 dans la Feuille fédérale), le Conseil fédéral a saisi les Chambres fédérales d’un projet de loi modifiant la LAPG, proposant d’accorder à une mère dont le nouveau-né doit rester plus de trois semaines à l’hôpital immédiatement après sa naissance une prolongation de l’allocation de maternité pour une durée équivalente à celle de l’hospitalisation mais de 56 jours au plus, modification dont le Conseil fédéral, habilité à régler la question par voie réglementaire (art. 16b al. 3 LAPG), indique qu’il en fera profiter aussi les mères au chômage (FF 2019 141 ss, 165 ; note du SECO, p. 2 ; Martine PANCHARD, Nouveau-né hospitalisé : vers une allocation de maternité plus longue, in CHSS n° 4 / 2018 p.  69 ss).

9.        a. L’excursus effectué au considérant qui précède dans le domaine du contrat de travail démontre que la doctrine et la jurisprudence ont dégagé des solutions pour résoudre ce qui, à défaut, constituerait un réel problème, à savoir celui de laisser sans revenu des femmes qui doivent assurer une présence auprès de leur nouveau-né hospitalisé de façon prolongée immédiatement après sa naissance et qui exercent leur droit d’obtenir le report de l’allocation de maternité, alors qu’elles se trouvent au surplus interdites de travailler en application de l’art. 35a al. 3 LTr.

Force est de relever que ce problème n’est pas moindre – au contraire – dans le cas de chômeuses confrontées à une situation similaire.

b. Il ne saurait être retenu que le législateur, lors de l’adoption de la modification du 3 octobre 2003 de la LAPG (soit lors de l’instauration de l’allocation de maternité), a voulu qu’il y ait simultanément une telle régression de la protection de la maternité, pas plus lorsqu’il a supprimé l’art. 28 al. 1bis LACI assurant un revenu de substitution aux chômeuses ayant accouché (cf. infra consid. 6b), que lorsqu’il a biffé les mots « et d’accouchement » à l’art. 324a al. 3 CO (cf. infra consid. 8c). Ce faisant, il a imaginé tirer la simple conséquence que l’octroi de l’allocation de maternité résolvait la question du revenu de la femme ayant accouché durant la période qui suit en principe immédiatement l’accouchement, sans prendre garde au cas exceptionnel d’un report du versement de l’allocation de maternité.

c. Sans doute l’art. 25 let. c OACI prévoit-il, dans la mise en œuvre des art. 15 al. 1 et 17 al. 2 LACI, que les autorités de chômage peuvent dispenser l’assuré, pendant trois jours au plus, de l’obligation d’être apte au placement lorsqu’il est directement touché par un événement familial particulier, notamment en cas de mariage, de naissance ou de décès, ou pour soigner un enfant malade ou un proche parent, si bien que l’art. 28 LACI ne trouve pas application dans le cas d’une inaptitude au placement si passagère (Boris RUBIN, Commentaire LACI, n. 4 ad art. 28), ce qui doit se comprendre dans le sens que l’assuré bénéficiant d’une telle dispense ne voit pas son crédit de 44 indemnités journalières prévu par l’art. 28 al. 1 LACI diminuer du nombre de jours de dispense accordé. Il faut cependant noter déjà que cette même durée de trois jours prévue par l’art. 36 al. 3 LTr en faveur des travailleurs ayant des responsabilités familiales pour le temps nécessaire à la garde d’un enfant malade ne doit pas être interprétée comme un maximum absolu (Aurélien WITZIG, Droit du travail, 2018, n. 1448), mais aussi que cet art. 25 let. c OACI n’exclut pas logiquement, du fait de la non-mention du cas particulier du nouveau-né restant hospitalisé pour une période prolongée immédiatement après sa naissance, l’applicabilité de l’art. 28 LACI au cas de la chômeuse mère d’un tel enfant qui doit assurer une présence intense auprès de ce dernier.

d. Le SECO indique que l’indemnité de chômage est destinée à couvrir la perte de gain des personnes assurées dont la priorité est de retrouver un emploi dans les plus brefs délais, et donc que le droit à l’indemnité de chômage présuppose la volonté de l’assuré de rechercher un emploi et qu’on attend de lui une certaine cohérence dans son comportement, notamment un effort en vue de retrouver du travail (Rapport SECO 2007-02-23/308, p. 17). Assurément juste sur un plan général, cette remarque sur le rôle de l’indemnité de chômage n’est cependant guère pertinente pour l’indemnisation dont l’art. 28 al. 1 LACI prévoit la continuation du versement durant un temps limité, en considération d’une inaptitude au placement a priori passagère, mais pouvant fort bien devenir durable, avec la conséquence que ladite indemnité cesse d’être versée à l’expiration du crédit limité fixé par l’art. 28 al. 1 LACI (soit 30 jours civils d’affilée, mais au plus 44 indemnités journalières durant le délai-cadre d’indemnisation).

e. Selon Thomas NUSSBAUMER (op. cit., n. 432), même si l’art. 28 al. 1 LACI ne mentionne plus la maternité, il se justifie d’appliquer cette disposition, au regard de sa finalité, lorsque l’assurée demande le report du versement de l’allocation de maternité et n’a pas encore épuisé son droit à 44 indemnités journalières.

De son côté, Stéphanie PERRENOUD (La protection de la maternité, p. 1306 s., 1337) – en des termes paraissant s’inscrire dans le cadre d’un raisonnement de lege lata plutôt que de lege ferenda – soutient l’avis que la mère devrait pouvoir bénéficier d’indemnités de chômage, par application analogique de l’art. 28 al. 1 LACI, pendant la période où elle est inapte au placement, c’est-à-dire pendant l’interdiction légale de travailler qui porte sur les huit premières semaines suivant l’accouchement (art. 35a al. 3 LTr), respectivement pendant une plus longue période si un certificat médical atteste que sa présence est nécessaire auprès du nouveau-né.

10.    a. Sur la question du droit à la continuation du versement de l’indemnité de chômage, en application de l’art. 28 LACI, dans le cas particulier des chômeuses ajournant leur allocation de maternité eu égard à l’hospitalisation prolongée de leur nourrisson immédiatement après l’accouchement, en vertu de l’art. 16c al. 2 LAPG, il n’y a ni silence qualifié du législateur ni lacune improprement dite de la loi, qui feraient que le juge ne pourrait faire œuvre de législateur (dans les limites circonscrites par les besoins du cas d’espèce) pour remédier au problème en résultant. Comme le tribunal cantonal des assurances de Bâle-Campagne l’a admis dans son arrêt précité du 28 avril 2017 (au consid. 5.7), il faut en revanche admettre l’existence sur ce sujet d’une lacune proprement dite de la loi ou une inconséquence, avec l’effet que le juge peut les combler, « dire le droit » (Pierre MOOR / Alexandre FLÜCKIGER / Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. I, 3ème éd., 2012, p. 150 ss).

b. Ainsi – étant rappelé que l’interdiction de travailler prescrite par l’art. 35a al. 3 LTr ne fait pas obstacle à l’application de l’art. 28 LACI (cf. infra consid. 5) –, il se justifie de retenir, dans l’interprétation de cette disposition-ci, que l’abrogation de son al. 1bis en considération du versement de l’allocation de maternité ne reflète aucune volonté du législateur de laisser, en nette régression par rapport au droit jusqu’alors en vigueur, la chômeuse sans revenu durant la période de report de son droit à l’allocation de maternité dans le cas particulier visé par l’art. 16c al. 2 LAPG, soit alors que sa présence auprès de son nouveau-né s’impose pour le bien de l’enfant et constitue même un devoir légal dicté par les art. 163 et 276 CC lorsque – comme en l’espèce – elle est indiquée médicalement, ce dans les limites de temps et de nombre d’indemnités journalières fixées par l’art. 28 al. 1 LACI. Ladite présence constitue pour une chômeuse un empêchement passager de travailler et d’être placée inhérent à la maternité, situation qu’il y a lieu de considérer, dans le cas particulier du report de l’allocation de maternité, comme restant appréhendée par l’art. 28 al. 1 LACI nonobstant la substitution, dans cette disposition, du mot « grossesse » à celui de « maternité ».

Cette solution s’inspire de celle que la doctrine et des jurisprudences cantonales apportent à la problématique similaire qu’a créée la suppression des mots « et d’accouchement » à l’art. 324a al. 3 CO concernant le droit au salaire régi par le droit privé, sans être identique. S’agissant du versement d’indemnités journalières en cas d’incapacité passagère de travail en application de l’art. 28 LACI, elle fait appel non simplement à l’interprétation de la loi mais au comblement d’une lacune, dès lors que cette disposition-ci, contrairement à l’art. 324a al. 1 CO, ne fait pas référence à une notion générale d’empêchement non fautif de travailler illustrée à titre exemplatif par l’accomplissement d’une obligation légale (en plus notamment de la maladie ou de l’accident), mais énonce l’inaptitude à travailler et à être placé en raison d’une maladie, d’un accident ou d’une grossesse.

c. Le SECO admet depuis peu un résultat similaire, puisque – dans sa récente note précitée, mais sans vouloir modifier le Bulletin LACI IC sur ce point « pour un bref laps de temps » – il indique qu’il se justifie, en attendant l’entrée en vigueur de la modification de la LAPG proposée par le Conseil fédéral, de reconnaître « aux mères au chômage concernées le droit à [l’indemnité de chômage] sur la base de l’art. 28 al. 1 LACI durant le report du congé maternité », en ajoutant qu’en « pareille circonstance, un nouveau délai de 30 jours prend effet à compter de la date de l’accouchement ». Comme le SECO l’a précisé en réponse à une question que l’intimée lui a posée à ce propos le 3 janvier 2019, l’hospitalisation de l’enfant doit être considérée comme une nouvelle incapacité passagère de travail faisant recommencer un délai de 30 jours, sans préjudice, toutefois, de la limite de 44 indemnités journalières par délai-cadre d’indemnisation.

Il n’y a en effet pas lieu de déroger aux limitations du nombre d’indemnités journalières pouvant être allouées en application de l’art. 28 al. 1 LACI, à savoir au maximum 30 jours civils d’affilée mais pas plus de 44 indemnités journalières (ne couvrant que des jours ouvrables [art. 21 phr. 2 LACI]) durant le délai-cadre d’indemnisation.

11.    En l’espèce, il a été attesté médicalement que le nouveau-né de la recourante a dû rester hospitalisé pendant six semaines et quatre jours immédiatement après sa naissance et qu’une intense présence de la recourante auprès de son nourrisson était indiquée médicalement.

En conséquence, dès lors que la recourante a obtenu l’ajournement de l’allocation de maternité jusqu’au retour de son enfant à la maison, la chambre de céans reconnaît à la recourante le droit à une pleine indemnité journalière de chômage, en application de l’art. 28 al. 1 LACI, pour le nombre d’indemnités journalières lui restant à ce titre au jour de la naissance de son enfant, à savoir 31.7 mais au maximum pour 30 jours civils d’affilée, soit du 15 juin au 14 juillet 2017, ce qui fait au total 22 indemnités journalières. Il sied d’ajouter qu’il n’apparaît pas et n’est nullement allégué que la recourante ne remplissait pas les autres conditions dont dépend le droit à l’indemnité de chômage.

12.    a. La recourante s’est trouvée dans la situation considérée pendant une période plus longue que ces 30 jours d’affilée à compter de l’accouchement, soit durant six semaines et quatre jours. Elle a conclu à ce qu’injonction soit faite à l’autorité compétente de faire suivre son dossier « auprès des prestations complémentaires », manifestement dans l’idée qu’elle pourrait avoir droit à de telles prestations cantonales pour les jours non couverts par l’indemnité lui étant due selon l’art. 28 LACI, soit en l’espèce du 15 au 30 juillet 2017.

b. S’ils ne sont pas assurés à titre individuel auprès d’une assurance perte de gain privée, les chômeurs ayant épuisé leurs droits selon l’art. 28 LACI peuvent se retrouver privés d’une compensation de leur perte de gain. C’est pourquoi certains cantons ont institué une assurance sociale perte de gain en faveur des chômeurs, appelée à compléter les prestations servies par l’assurance-chômage (Boris RUBIN, Commentaire LACI, n. 27 s. ad art. 28). Tel est le cas dans le canton de Genève. Au nombre des prestations complémentaires cantonales en matière de chômage que le législateur genevois a adoptées, l’art. 7 let. a LMC prévoit en effet les PCM, dont peuvent bénéficier les chômeurs qui ont épuisé leur droit aux indemnités journalières pour maladie ou accident, conformément à l’art. 28 LACI (art. 8 LMC). Les PCM ne peuvent être versées que si elles correspondent à une inaptitude au placement au sens de l’art. 28 LACI (art. 12 al. 1 LMC). Elles sont servies au bénéficiaire dès la fin du droit aux indemnités au sens de l’art. 28 LACI jusqu’à concurrence de 270 indemnités journalières cumulées dans le délai-cadre d’indemnisation fédérale, et elles ne peuvent en outre dépasser le nombre des indemnités de chômage auquel le bénéficiaire peut prétendre en vertu de l’art. 27 LACI (art. 15 LMC).

c. Il n’y a pas lieu, en l’espèce, d’examiner plus avant si la recourante a droit à des PCM.

Selon l’art. 14 al. 1 phr. 1 LMC, la demande de PCM, accompagnée du certificat médical, doit être introduite par écrit auprès de la caisse de chômage de l’assuré dans un délai de cinq jours ouvrables à compter du début de l’inaptitude au placement et après épuisement du droit aux indemnités journalières au sens de l’art. 28 LACI. Il incombe alors à la caisse de chômage de transmettre la demande, avec les pièces pertinentes du dossier, à l’OCE, car c’est ce dernier qui est l’autorité compétente pour statuer sur les demandes de PCM (art. 3 du règlement d'exécution de la loi en matière de chômage du 23 janvier 2008 - RMC - J 2 20.01). L’OCE dispose en son sein d’un service des prestations complémentaires (non mentionné à l’art. 8 al. 1 let. b du règlement sur l'organisation de l'administration cantonale du 1er juin 2018 - ROAC - B 4 05.10).

D’après l’art. 49 LMC, les décisions rendues en application de cette loi sont sujettes à opposition auprès dudit office, et les décisions rendues alors sur opposition peuvent faire l’objet d’un recours auprès de la chambre de céans.

En l’espèce, l’OCE n’a pas rendu de décision, ni a fortiori de décision sur opposition sur la prétention de la recourante à bénéficier de PCM pour les jours non couverts par les indemnités journalières en cas d’incapacité passagère de travail lui étant due selon l’art. 28 LACI (soit au-delà du 14 juillet 2017).

d. La recourante avait saisi l’OCE d’une demande devant être comprise dans ce sens, en date du 20 juillet 2017. Le versement de PCM n’intervenant le cas échéant qu’après épuisement du droit aux indemnités de chômage prévues par l’art. 28 LACI, il était compréhensible que l’OCE ne se prononce pas sur cette demande, en application du droit cantonal, avant que la CCGCh statue en application de la LACI sur celle dont elle avait été saisie le même jour (mais il aurait été judicieux que l’OCE en informe la recourante). Quoi qu’il en soit, il faudrait considérer que le recours comporte une demande de PCM, qu’il incomberait à la chambre de céans de transmettre d’office à l’autorité compétente, en vertu non de l’art. 30 LPGA (ATF 141 V 162 consid. 4.5.1 ; Guy LONGCHAMP, in Anne-Sylvie DUPONT / Margit MOSER-SZELESS [éd.], Loi sur la partie générale des assurances sociales. Commentaire romand [ci-après : CR LPGA-Auteur], 2018, n. 13 ad art. 30), mais du principe général qu’exprime l’art. 11 al. 3 LPA (Stéphane GRODECKI / Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, n. 181 ss). En l’espèce, il incombe à l’intimée de faire suivre les pièces pertinentes du dossier à l’OCE en vue de prise d’une décision sur le versement de PCM.

e. C’est dans ce sens que peut et doit être comprise la conclusion susrappelée du recours et que cette conclusion est recevable, mais aussi bien fondée en tant que telle.

13.    La chambre de céans admettra donc le recours et annulera la décision attaquée de l’intimée, et elle dira que cette dernière doit verser à la recourante son solde d’indemnités journalières en cas d’incapacité passagère de travail dans les limites de 30 jours civils d’affilée et transmettre pour le surplus la cause à l’OCE en vue de prise d’une décision sur la demande de la recourante de bénéficier de PCM au-delà de cette période.

14.    La chambre de céans n’a pas à examiner la question de savoir si le montant de l’allocation de maternité qui a été allouée à la recourante dès le 31 juillet 2017 était conforme à l’exigence qu’il s’élève au moins au montant de l’indemnité journalière versée jusqu’alors conformément à la LACI si le droit à une indemnité journalière existait jusqu’au début du droit à l’allocation de maternité (art. 16g al. 2 LAPG).

15.    La procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA).

La recourante n’étant pas représentée par un avocat ou un mandataire professionnellement qualifié et n’ayant au demeurant pas exposé et démontré avoir eu des frais particuliers pour son recours et la procédure à laquelle il a donné lieu, il n’y a pas matière à lui allouer une indemnité de procédure (art. 61 let. g LPGA).

16.    Le présent arrêt sera également communiqué à l’OCE.

 

* * * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

conformément à l’art. 133 al. 2 LOJ

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Annule la décision sur opposition de la caisse cantonale genevoise de chômage du 11 avril 2018.

4.      Dit que ladite caisse doit verser à Madame A______ son solde d’indemnités journalières en cas d’incapacité passagère de travail dans les limites de 30 jours civils d’affilée, soit pour la période du 15 juin au 14 juillet 2017.

5.      Dit que ladite caisse doit transmettre la cause, avec les pièces pertinentes du dossier, à l’office cantonal de l’emploi pour prise d’une décision sur la demande de Madame A______ de bénéficier de prestations cantonales en cas d’incapacité passagère de travail au-delà du 14 juillet 2017.

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure.

8.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

La greffière

 

 

 

Marie NIERMARÉCHAL

 

La présidente

 

 

 

Doris GALEAZZI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie et à l’Office cantonal de l’emploi par le greffe le