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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1205/2021

ATAS/937/2021 du 14.09.2021 ( CHOMAG ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 21.10.2021, rendu le 11.11.2021, IRRECEVABLE, 8C_695/2021
En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1205/2021 ATAS/937/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 14 septembre 2021

15ème Chambre

 

En la cause

A______ SÀRL, sise ______, à GENÈVE

 

 

recourante

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L’EMPLOI, Service juridique, sis rue des Gares 16, GENÈVE

 

 

intimé

 


EN FAIT

A.      A______ SÀRL (ci-après : la société et l’assurée), avec siège à Genève, a pour but l’exploitation de cafés, restaurants, bars, cabarets, dancings, hôtels, l’import/export et vente de produits africains, ainsi que l’exploitation de salons de coiffure. Messieurs B______ et C______ en sont les associés gérants avec signature collective à deux (cf. registre du commerce), respectivement directeur et adjoint du directeur. La société exploite l’établissement de nuit D______ à Genève, créé en 2019, mais qui a été autorisé à l’exploitation en 2020. Selon les comptes de pertes et profits de l’année 2019, la société a réalisé une recette de CHF 1.- et souffert une perte de CHF 96'239.70.

B.       a. Le 30 novembre 2020, la société a adressé un courrier à la caisse cantonale genevoise de chômage (ci-après : la caisse) pour demander le « remboursement des indemnités [de] chômage de[s] mois de mars 2020 [à] décembre 2020 ». Elle a expliqué qu’elle avait été autorisée à exploiter son établissement par les autorités qu’en janvier 2020 à l’issue d’importants travaux réalisés pour que l’établissement réponde aux normes de sécurité. Elle n’avait finalement ouvert son établissement au public qu’au début mars 2020 et avait rapidement dû le fermer à cause des mesures prises par les autorités dans le cadre de la pandémie. La société n’avait en définitive exploité son établissement qu’un seul mois en juillet 2020, les établissements de nuit ayant dû être fermés le 31 juillet 2020 en raison des mesures prises par les autorités. Elle indiquait remettre des demandes d’indemnités de chômage des mois de mars à décembre 2020.

b. La caisse a répondu, le 10 décembre 2020, avoir reçu en date du 2 décembre 2020 la demande et les décomptes concernant la réduction de l’horaire de travail (ci-après : RHT) des mois de mars à décembre 2020. Afin de pouvoir traiter le dossier, la caisse priait l’assurée de transmettre par courrier le formulaire de demande/décompte valable dès le mois de septembre 2020 en suivant un lien internet (formulaire 2b COVID-19) et indiquait qu’après vérifications aucune demande n’avait été déposée auprès de l’office cantonal de l’emploi (ci-après : l’OCE).

c. La société a dès lors adressé sa demande d’indemnités RHT à l’OCE par courrier daté du 21 décembre 2020 et envoyé le 22 décembre 2020. Le formulaire de préavis de RHT concernait cinq employés (Messieurs B______ et C______, associés gérants et directeur, respectivement adjoint de direction, Madame E______, exploitante de l’établissement et barman, Monsieur F______, directeur artistique et barman, et Monsieur G______, nettoyeur et barman) à raison d’un taux de 90-100 % pour la période du 9 mars 2020 au 31 décembre 2020.

d. Par décision du 12 janvier 2021, l’OCE a refusé la demande d’indemnités en cas de RHT à la société au motif que la demande avait été faite après la période pour laquelle l’indemnité était sollicitée et pour une période excédant trois mois, soit du 9 mars 2020 au 31 décembre 2020.

e. Le 21 janvier 2021, la société a fait opposition à la décision précitée, en faisant valoir que les établissements de nuit comme le sien étaient les premières victimes de la pandémie. L’OCE devait réfléchir correctement après toutes les erreurs commises aux niveaux fédéral et cantonal. La société avait payé les charges sociales et maintenu les emplois durant la pandémie. Elle avait transmis tous les documents demandés par un collaborateur de l’OCE le 4 janvier 2021 et l’OCE n’en avait pas tenu compte. La décision était injuste et basée « sur l’impatience juridique ». Il était clair que la demande d’indemnités avait été déposée avec beaucoup de retard. La société avait demandé à la caisse qui lui avait indiqué qu’elle devait faire une demande en cas de RHT. Tous les employés de la société avaient été au chômage technique, à l’exception des serveurs et serveuses sur appel. La société avait également fait appel à l’agence de placement H______SA.

f. Par décision sur opposition du 9 mars 2021, l’OCE a partiellement admis l’opposition et annulé la décision 12 janvier 2021 en ce sens que l’indemnité pour RHT était accordée du 23 décembre 2020 au 18 février 2021, étant rappelé que la société avait été par ailleurs mise au bénéfice d’une indemnité pour RHT du 19 février au 18 mai 2021. La société avait envoyé son préavis le 22 décembre 2020, l’indemnité en cas de RHT ne pouvait lui être allouée à titre rétroactif dès le 9 mars 2020, comme la société le demandait dans son préavis. En revanche, le Conseil d’État genevois ayant ordonné la fermeture des établissements publics dès le 23 décembre 2020, la société pouvait être mise au bénéfice d’une indemnité compensant la perte de travail dès cette dernière date.

C.           a. Par acte du 3 avril 2021, la société a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : CJCAS) d’un recours à l’encontre de la décision précitée, en faisait valoir qu’elle était une jeune société créée le 7 octobre 2019, qu’elle avait un bail pour l’établissement D______ depuis le 1er août 2019 et qu’elle avait été autorisée à exploiter ledit établissement dès le 16 janvier 2020. Elle avait commencé à l’exploiter le 8 mars 2020, soit après huit mois d’importants travaux requis pour que l’établissement puisse être exploité. Le 13 mars 2020, le premier confinement avait frappé la Suisse et les pays voisins. L’établissement avait été fermé puis rouvert le 15 juillet et le 31 juillet 2020. Le deuxième confinement avait à nouveau frappé la Suisse et la société n’avait pas rouvert son établissement. La société avait reçu un « crédit covid » et avait pu payer les salaires de ses employés. La demande d’aide à adresser à l’État avait pris beaucoup de temps. La caisse avait requis d’elle un numéro REE pour verser des indemnités puis l’avait accusée d’avoir fourni un numéro falsifié. Par la suite, la caisse avait indiqué à la société qu’elle devait s’adresser à l’OCE, ce que la société avait fait en envoyant un préavis le 22 décembre 2020. Elle avait adressé des informations complémentaires requises dans le délai qui lui avait été imparti au 12 janvier 2021, mais l’OCE avait statué le même jour sans avoir pris en compte lesdites informations complémentaires. Dans la mesure où la caisse avait refusé de lui allouer des indemnités pour RHT, la société allait réclamer de ses employés le remboursement des salaires qu’elle leur avait versés et elle allait demander la correction des décomptes de cotisations sociales. La société concluait implicitement à l’annulation de la décision entreprise et à l’allocation d’indemnités pour RHT du 8 mars (9 mars selon le préavis) au 31 décembre 2020.

b. Dans sa réponse du 4 mai 2021, l’OCE a proposé à la CJCAS d’accorder l’indemnité pour RHT à la recourante dès l’envoi de son préavis, soit le 22 décembre 2020 (en lieu et place du 23 décembre 2020).

c. Par pli du 25 mai 2021, la recourante a répliqué et adressé une copie de son courrier du même jour à un collaborateur de l’OCE. Elle avait déposé son préavis en retard car elle avait eu l’information selon laquelle le délai de préavis avait été supprimé. Rappelant la teneur de ses précédentes écritures, la recourante ajoutait cependant qu’elle allait entreprendre des procès contre tous ses employés devant la juridiction des Prud’hommes et devant le Tribunal civil pour récupérer les salaires versés et faire corriger les cotisations sociales versées pour récupérer les montants qu’elle avait versés.

d. Une copie de ce courrier a été transmis à l’OCE par pli du 28 mai 2021. L’OCE n’a pas fait d’observations.

e. La chambre de céans a requis de la caisse le dossier de la recourante, qu’elle a reçu le 4 août 2021. Les parties en ont été informées et n’ont pas fait d’observations.

f. La cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.        Conformément à l’art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l’organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-chômage obligatoire et l’indemnité en cas d’insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 LPGA).

3.        À teneur de l’art. 53 al. 3 LPGA, jusqu’à l’envoi de son préavis à l’autorité de recours, l’assureur peut reconsidérer une décision ou une décision sur opposition contre laquelle un recours a été formé.

L’intimé a fait usage de son droit de reconsidérer sa décision en proposant, dans sa réponse au recours, que soit reconnu le droit pour la recourante à l’indemnité en cas de RHT dès le 22 décembre 2020 et non le 23 décembre 2020 comme indiqué dans la décision entreprise.

Le litige porte dès lors uniquement sur le droit de la recourante à l’octroi d’indemnités en cas de RHT du 8 mars 2020 au 21 décembre 2020.

4.        a. Afin de surmonter des difficultés économiques passagères, un employeur peut introduire, avec l’accord de ses employés, une RHT, voire une suspension temporaire de l’activité de son entreprise (Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, ch. 1 relatif aux remarques préliminaires concernant les art. 31ss). L’indemnité s’élève à 80 % de la perte de gain prise en considération (art. 34 al. 1 LACI). L’indemnité en cas de RHT doit être avancée par l’employeur (art. 37 let. a LACI) et sera, par la suite, remboursée par la caisse de chômage à l’issue d’une procédure spécifique (art. 36 et 39 LACI), étant précisé qu’un délai d’attente de deux à trois jours doit être supporté par l’employeur (art. 32 al. 2 LACI et 50 al. 2 de l’ordonnance sur l’assurance-chômage obligatoire et l’indemnité en cas d’insolvabilité du 31 août 1983 [ordonnance sur l’assurance-chômage, OACI RS 837.02], étant précisé que l’art. 50 al. 2 OACI a été modifié temporairement en raison de la pandémie de coronavirus). Enfin, le conjoint de l’employeur, employé dans l’entreprise de celui-ci, ainsi que les personnes occupant une position assimilable à celle d’un employeur ne peuvent pas prétendre à une indemnité en cas de RHT (art. 31 al. 3 let. b et c LACI).

b. S’agissant plus particulièrement de la procédure, l’art. 36 al. 1 LACI prévoit que lorsqu’un employeur a l’intention de requérir une indemnité en faveur de ses travailleurs, il est tenu d’en aviser l’autorité cantonale par écrit dix jours au moins avant le début de la RHT. Le Conseil fédéral peut prévoir des délais plus courts dans des cas exceptionnels. Le préavis est renouvelé lorsque la RHT dure plus de trois mois.

L’art. 58 al. 4 OACI précise que lorsque l’employeur n’a pas remis le préavis de réduction de son horaire de travail dans le délai imparti sans excuse valable, la perte de travail n’est prise en considération qu’à partir du moment où le délai imparti pour le préavis s’est écoulé.

c. Selon la jurisprudence concernant l’art. 36 LACI et l’art. 58 par. 4 OACI, en cas de notification tardive et sans excuse valable du préavis, la réduction des heures de travail n’est prise en compte qu’à l’expiration du délai de la notification tardive, le Tribunal fédéral ayant jugé cette réglementation nécessaire, objectivement justifiée et licite au regard de l’objectif poursuivi par la notification préalable du préavis, soit notamment de permettre l’examen des conditions d’admission du chômage partiel et de vérifier si l’employeur remplit les conditions de l’art. 37 LACI (cf. ATF 110 V 334 consid. 3 ainsi que les ATF 109 V 141 consid. 2b et 5a ; ATF 108 V 116 consid. 3a). Le délai de préavis est un délai de déchéance qui ne peut être ni prolongé, ni suspendu (ATF 110 V 334). Il peut toutefois être restitué en cas de raison valable, c’est-à-dire aux conditions de l’art. 41 LPGA (RUBIN, op. cit., n. 11 ad art. 36 LPGA). À teneur de cette disposition, si le requérant ou son mandataire a été empêché, sans sa faute, d’agir dans le délai fixé, celui-ci est restitué pour autant que, dans les trente jours à compter de celui où l’empêchement a cessé, le requérant ou son mandataire ait déposé une demande motivée de restitution et ait accompli l’acte omis.

Par empêchement non fautif d’accomplir un acte de procédure, il faut comprendre non seulement l’impossibilité objective ou la force majeure - par exemple en raison d’une maladie psychique entraînant une incapacité de discernement (ATF 108 V 226 consid. 4 p. 228 ; voir également l’arrêt I 468/05 du 12 octobre 2005 consid. 3.1) -, mais également l’impossibilité subjective due à des circonstances personnelles ou une erreur excusables. La maladie peut être considérée comme un empêchement non fautif et, par conséquent, permettre une restitution d’un délai de recours, si elle met la partie recourante ou son représentant légal objectivement ou subjectivement dans l’impossibilité d’agir par soi-même ou de charger une tierce personne d’agir en son nom dans le délai (ATF 119 II 86 consid. 2 p. 87 ; ATF 112 V 255 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_209/2012 du 26 juin 2012 consid. 3.1 ; 8C_767/2008 du 12 janvier 2009 consid. 5.3.1).

5.        En raison de la propagation de la COVID-19, le Conseil fédéral a, le 28 février 2020, qualifié la situation prévalant en Suisse de « situation particulière » au sens de l’art. 6 al. 2 let. b de la loi fédérale sur la lutte contre les maladies transmissibles de l’homme (loi sur les épidémies ; LEP - RS 818.101). Sur cette base, le Conseil fédéral a arrêté l’ordonnance sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus du 28 février 2020 (RO 2020 573) puis l’ordonnance 2 sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus du 13 mars 2020 (Ordonnance 2 COVID-19 ; RO 2020 773) qui interdisait les manifestations publiques ou privées accueillant simultanément cent personnes (art. 6 al. 1) et qui limitait l’accueil dans les restaurants, les bars, les discothèques et les boîtes de nuit à cinquante personnes (art. 6 al. 2). Après avoir qualifié la situation en Suisse de « situation extraordinaire » au sens de l’art. 7 LEP, le Conseil fédéral a procédé à des modifications de cette ordonnance, notamment en interdisant toutes les manifestations publiques ou privées et en ordonnant la fermeture des magasins et des marchés (art. 6 al. 2 let. a). Cette modification est entrée en vigueur le 17 mars 2020 (RO 2020 783).

Dès le 11 mai 2020, les marchés et les magasins ont pu rouvrir moyennant la mise en place d’un plan de protection (art. 6 al. 3 let. a ; modification du 29 avril 2020, entrée en vigueur le 11 mai 2020 ; RO 2020 1401).

6.        a. S’agissant du domaine particulier de l’indemnité en cas de RHT, le Conseil fédéral a adopté, le 20 mars 2020, l’ordonnance sur les mesures dans le domaine de l’assurance-chômage en lien avec le coronavirus (Ordonnance COVID-19 assurance-chômage ; RS 837.033), avec une entrée en vigueur rétroactive au 1er mars 2020 (art. 9 al. 1). En substance, dès le 17 mars 2020, le cercle des bénéficiaires des indemnités en cas de RHT a été élargi : le conjoint ou le partenaire enregistré de l’employeur (art. 1), ainsi que les personnes fixant les décisions prises par l’employeur (art. 2) ont pu également prétendre à une indemnité en cas de RHT. Par ailleurs, plus aucun délai d’attente ne devait être déduit de la perte de travail à prendre en considération (art. 3) et l’employeur a pu demander le versement de l’indemnité en cas de RHT sans devoir en faire l’avance (art. 6). L’art. 8b al. 1 prévoyait en outre que l’employeur n’était pas tenu de respecter un délai de préavis, lorsqu’il avait l’intention de requérir l’indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail en faveur de ses travailleurs (RO 2020 1075). Cette disposition a été abrogée avec effet au 1er juin 2020 (RO 2020 1777). Quant à l’art. 8c de l’ordonnance COVID-19 assurance-chômage, il prévoyait qu’en dérogation à l’art. 36 al. 1 LACI, le préavis devait être renouvelé lorsque la réduction de l’horaire de travail durait plus de six mois. Cette disposition a été abrogée par modification du 12 août 2020, avec effet au 1er septembre 2020 (RO 3569).

b. Pour préciser les ordonnances du Conseil fédéral, le Secrétariat d’État à l’économie (ci-après : SECO) a établi diverses directives. Dans la directive n. 6 (2020/06), le SECO a précisé que pour les demandes déposées en retard, le 17 mars 2020 était considéré comme la date de réception, si l’entreprise avait dû fermer en raison des mesures prises par les autorités et qu’elle avait déposé sa demande avant le 31 mars 2020 (date de réception / cachet de la Poste).

La chambre de céans a jugé dans un arrêt de principe du 25 juin 2020 (ATAS/510/2020) qu’en admettant la rétroactivité des demandes déposées avant le 31 mars 2020, le SECO avait adopté une pratique contraire à l’art. 8b de l’ordonnance COVID-19 assurance-chômage et à la non-rétroactivité des indemnités en cas de RHT au sens des art. 36 LACI et 58 OACI. Il ressortait de l’interprétation de l’art. 8b précité que le Conseil fédéral avait supprimé le délai de préavis, mais pas le préavis lui-même. En d’autres termes, une indemnisation pour RHT devait toujours être annoncée à l’avance, même en application de l’art. 8b. Ainsi, entre le 17 mars et le 31 mai 2020, lorsqu’il avait l’intention de requérir une indemnité en faveur de ses travailleurs, l’employeur ne devait plus respecter un délai de préavis de dix jours avant d’introduire la RHT. Cela étant, il restait tenu d’aviser l’autorité cantonale, par écrit, avant le début de la RHT en question, le droit aux indemnités ne pouvant naître rétroactivement à l’avis. Pendant cette période particulière, la date de préavis de RHT correspondait ainsi au début de la RHT et au début de l’indemnisation.

7.        En l’espèce, la recourante gère un établissement qui a dû fermer ses portes au public dès le 16 mars 2020. Ce n’est toutefois que le 22 décembre 2020 que les associés gérants de la société ont fait parvenir le formulaire de préavis de RHT à l’intimé.

Comme cela ressort des considérants précités, même si le délai de préavis de dix jours a été temporairement abrogé, il appartenait à la recourante d’aviser l’intimé avant le début de la RHT. Dès lors qu’elle a communiqué son formulaire de préavis de RHT le 22 décembre 2020 à l’intimé, c’est - a priori - à juste titre que ce dernier lui a octroyé l’indemnité en cas de RHT qu’à compter de cette date dans sa décision reconsidérée.

La recourante ne peut pas se prévaloir du fait qu’elle ignorait qu’elle n’aurait droit à des indemnités de RHT que dès le dépôt de sa demande. En effet, la loi que nul n’est censé ignorer (ATF 124 V 215 consid. 2b/aa p. 220 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_97/2009 du 14 octobre 2009 consid. 3.3) n’a jamais consacré des versements rétroactifs d’indemnités de RHT avant la pandémie. Tout employeur est tenu d’informer l’OCE de sa volonté de réduire l’horaire de travail avant la réduction effective, le droit aux indemnités ne pouvant en effet naître rétroactivement à l’avis (arrêt du Tribunal fédéral 8C_123/2021 du 7 avril 2021 consid. 4.3 et les références mentionnées).

La recourante n’invoque par ailleurs pas d’empêchement non fautif d’agir entre le 8 mars et le 22 décembre 2020. Elle met son retard sur le fait que la situation sanitaire et politique étaient instables. Quand bien même la situation était difficile pour les établissements de nuit, l’on se doit de relever que toutes les informations en lien avec les indemnités pour RHT figuraient sur internet, notamment sur les sites de l’État de Genève, de l’OCE et de la Fédération des entreprises romandes FER CIAM 106.1, ce que la recourante ne pouvait ignorer. Rien ne peut justifier une inaction de la recourante entre le 8 mars et le 22 décembre 2020 pour annoncer la RHT.

Devant la chambre de céans, la recourante a allégué avoir préalablement adressé sa demande à la caisse et a produit, à titre de preuve, copie de son pli recommandé du 30 novembre 2020. Il ressort d’un courrier de la caisse du 10 décembre 2020 que la caisse a reçu une demande et des pièces de la recourante le 2 décembre 2020. Il apparaît dès lors vraisemblable que la recourante a déposé son pli au plus tard le mardi 1er décembre 2020 à la Poste - quand bien même il est daté du 30 novembre 2020 -, puisqu’il a été reçu le lendemain par la caisse.

a. Selon l’art. 29 al. 3 LPGA, si une demande ne respecte pas les exigences de forme ou si elle est remise à un organe incompétent, la date à laquelle elle a été remise à la Poste ou déposée auprès de cet organe est déterminante quant à l’observation des délais et aux effets juridiques de la demande. L’art. 30 LPGA précise que tous les organes de mise en œuvre des assurances sociales ont l’obligation d’accepter les demandes, requêtes ou autres documents qui leur parviennent par erreur. Ils en enregistrent la date de réception et les transmettent à l’organe compétent. Par ailleurs, en vertu de l’art. 39 al. 2 LPGA, lorsqu’une partie s’adresse en temps utile à un assureur incompétent, le délai est réputé observé. Cette disposition rappelle une règle générale en matière de procédure administrative, voulant que le délai soit également considéré comme respecté lorsque l’assuré s’adresse à temps à une autorité incompétente. Il la limite toutefois, dans ce sens que seul le fait de s’adresser à un assureur social incompétent permet de considérer le délai comme respecté, et non pas le fait de s’adresser à n’importe quelle autorité. Il faut cependant interpréter la notion d’ « assureur social » dans un sens large et entendre par ces termes toutes les entités organisationnelles qui participent à l’administration d’une ou de plusieurs branches d’assurances sociales. Il peut ainsi s’agir, par exemple, d’une caisse de compensation, d’un office d’assurance-invalidité, d’une caisse de chômage ou d’un assureur-maladie (DUPONT / MOSER-SZELESS, Commentaire romand de la Loi sur la partie générale des assurances sociales, 2018, p. 511, n° 12).

La date de réception de l’annonce joue un rôle en relation avec le respect de l’observation du délai. C’est pourquoi l’assureur et tout autre organe de mise en œuvre de l’assurance sociale - même si l’assuré s’est adressé à lui par erreur - doit enregistrer la date de réception de la demande de prestations et, cas échéant, transmettre celle-ci à l’assureur compétent (art. 29 al. 3 LPGA ; art. 30 LPGA). De manière générale, selon la jurisprudence relative à l’art. 29 al. 3 LPGA, la date déterminante quant à l’observation des délais et aux effets juridiques d’une demande est celle à laquelle la requête a été remise à la Poste ou déposée auprès de l’organe (compétent ou incompétent). Si une demande ne respecte pas les exigences de forme, l’assureur compétent pourra demander, dans un certain délai, de compléter l’annonce (ATAS/346/2021 du 20 avril 2021 consid. 7b ; Guy LONGCHAMP, in Commentaire romand, Loi sur la partie générale des assurances sociales, 2018, n. 40 ad art. 29 LPGA).

b. Dans le cas particulier, la recourante a adressé sa demande à la caisse, soit à un autre assureur au sens de l’art. 39 al. 2 LPGA, le 1er décembre 2020.

Par cette démarche, la recourante a sollicité des prestations en s’adressant par erreur à la caisse. Dans ces conditions, et compte tenu de la situation liée au partage des compétences entre l’OCE et la caisse de chômage en matière de vérification des conditions d’octroi de l’indemnité en cas de RHT, il convient d’admettre que, malgré son erreur, la recourante entendait obtenir des indemnités en cas de RHT prévues selon les ordonnances COVID (ATAS/1050/2020 du 29 octobre 2020, consid. 9 ; ATAS/1216/2020 du 15 décembre 2020 consid. 6).

La demande formée auprès de la caisse sera en conséquence assimilée à un préavis de RHT comportant une demande d’indemnités pour ses employés.

Au vu de ce qui précède, la recourante a droit à l’indemnité en cas de RHT dès le 1er décembre 2020, sous réserve de l’examen par la caisse de chômage des conditions conformément à l’art. 39 LACI.

Le recours sera très partiellement admis. La décision entreprise dans la mesure où la recourante a droit à des indemnités pour RHT dès le 1er décembre 2020 et jusqu’au 18 février 2021 et non pas uniquement du 23 décembre 2020 au 18 février 2021, comme retenu dans la décision sur opposition attaquée, sous réserve toutefois de l’examen par la caisse de chômage des conditions conformément à l’art. 39 LACI.

8.        Bien qu’obtenant partiellement gain de cause, la recourante, qui n’est pas représentée en justice et qui n’a pas allégué avoir déployé des efforts dépassant la mesure de ce que tout un chacun consacre à la gestion courante de ses affaires, n’a pas droit à des dépens.

9.        Pour le surplus, en l’absence de loi spéciale prévoyant des frais judiciaires, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA en lien avec l’art. 1 al. 1 LACI).

* * * * * *

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet très partiellement.

3.        Réforme la décision sur opposition du 9 mars 2021, en ce sens que la recourante a droit à une indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail du 1er décembre 2020 au 18 février 2021 inclus, sous réserve de l’examen par la caisse de chômage des conditions conformément à l’art. 39 LACI.

4.        Dit qu’il n’est pas alloué de dépens.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Marie NIERMARÉCHAL

 

La présidente

 

 

 

 

Marine WYSSENBACH

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d’État à l’économie par le greffe le