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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/990/2023

ATA/1384/2023 du 21.12.2023 ( EXPLOI ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/990/2023-EXPLOI ATA/1384/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 21 décembre 2023

2ème section

 

dans la cause

 

A______ et B______ recourantes
représenté par Me Philippe EIGENHEER, avocat

C______
C______ recourant

représenté par Me Alexandre AYAD, avocat

D______ recourant
représenté par Me Romain CANONICA, avocat

contre

SERVICE DE POLICE DU COMMERCE ET DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR intimé



EN FAIT

A. a. Par décision du 15 février 2023, le service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN) a constaté que B______, administratrice de A______ (ci-après : A______), et A______ avaient eu recours à un prête-nom pour exploiter l’établissement à l’enseigne « E______ », sis chemin F______ à G______. Il leur a infligé une amende de CHF 1'000.- et a indiqué que, dès l’entrée en force de la décision, la fermeture de l’établissement et le retrait de l’autorisation de l’exploiter seraient ordonnés.

Le 9 octobre 2021, l’établissement avait fait l’objet d’un contrôle de police. Celle‑ci avait dû disperser une centaine de clients qui déambulaient en état d’ébriété devant le dancing. Il était ressorti des auditions effectuées entre le 1er avril 2019 et le 15 octobre 2021 que D______ n’était pas le véritable exploitant. L’engagement du personnel, les démarches administratives et le versement du salaire, lorsqu’il s’effectuait en espèce, se faisaient par C______ et B______. Les horaires et vacances ainsi que le contrôle de la caisse étaient gérés par C______, H______ et parfois B______. Les deux hommes répartissaient le travail entre les employés. Les commandes étaient assurées exclusivement par C______. Les prix et la confection de la carte étaient déterminés par ce dernier et B______. D______ s’occupait parfois de l’ouverture et H______ et C______ de la fermeture.

D______ n’avait jamais travaillé lors des interventions de la police. Il avait expliqué que C______ avait les clefs de l’établissement, car celui-ci s’occupait de la fermeture.

Au vu de ces éléments, D______ servait de prête-nom, l’établissement étant en réalité exploité par C______, le compagnon de B______. Le fait que D______ ait connu des problèmes de santé quatre ans auparavant n’y changeait rien.

b. Par décision du 15 février 2023 également, le PCTN a constaté que D______ avait servi de prête-nom pour l’exploitation du « E______ », lui a infligé une amende de CHF 2'900.- et indiqué que, dès l’entrée en force de la décision, la suspension de la validité de son diplôme pour une durée de 36 mois, la fermeture de l’établissement et le retrait de l’autorisation de l’exploiter seraient prononcés.

La motivation était similaire à celle concernant B______ et A______.

c. Par une troisième décision, du même jour, le PCTN a constaté que C______ avait eu recours à un prête-nom pour l’exploitation du « E______ », lui a infligé une amende de CHF 1'050.- et a dit que, dès l’entrée en force de la décision, la fermeture de l’établissement et le retrait de l’autorisation de l’exploiter seraient ordonnés.

Lui-même et B______ avaient exploité l’établissement, en procédant à l’engagement du personnel, aux démarches administratives concernant le dancing, en procédant au paiement des salaires, en fixant les horaires de travail, en répartissant celui-ci, en s’occupant de l’inventaire et des commandes, du contrôle de la caisse et en effectuant la fermeture de l’établissement. D______ n’avait pas les clefs de l’établissement.

d. Il sera revenu ci-après, dans la partie « En droit », sur les constats effectués par la police dans son rapport du 15 novembre 2021.

B. a. Par acte déposé le 20 mars 2023 à la chambre administrative de la Cour de justice, B______ et A______ ont recouru contre cette décision, dont ils ont demandé l’annulation.

D______ était déjà exploitant du dancing avant sa reprise par A______ en 2014. Il y travaillait 15 heures par semaine, en étant présent de minuit à 4h, ce qui ressortait des images de vidéosurveillance et des attestations de clients réguliers qui étaient produites ainsi que de la déposition de I______ à la police. Il avait choisi d’être présent à l’ouverture du dancing, car c’était le moment le plus délicat où il fallait s’assurer que les mesures liées au Covid, notamment le contrôle des certificats Covid, soient respectées. Depuis la fin de ces mesures, il alternait sa présence entre l’ouverture et la fermeture. Durant la journée, il accomplissait le travail administratif, consistant à fixer les horaires de travail des employés, contrôler la caisse et traiter avec les fournisseurs et autres entreprises, notamment celle chargée de la sécurité, comme cela ressortait de la déposition de I______ et de courriels annexés. C______ était directeur de A______ depuis juin 2016 et y travaillait plein temps. Il recevait ses instructions de D______, qui lui avait délégué certaines tâches

Le rapport de police du 15 novembre 2021 avait accordé beaucoup de poids aux déclarations de J______ et K______, deux personnes qui n’étaient alors plus employées de A______ depuis de nombreux mois, le premier ayant cessé de travailler pour elle depuis 2021 et le second depuis début 2020.

Le dancing ne disposant pas d’un bureau, les dossiers le concernant étaient entreposés au domicile de B______. C’était donc à cet endroit que D______ venait consulter et stocker les documents liés à l’exploitation du « E______ ». L’appréciation à laquelle le PCTN avait procédé était erronée. Même si C______ était très présent, vu sa qualité de directeur et employé à plein temps, cela ne signifiait pas que D______ ne remplissait pas son rôle d’exploitant.

Cette procédure a été ouverte sous cause A/990/2023.

b. Le PCTN a conclu au rejet du recours.

D______ avait reconnu ne pas avoir été sur les lieux au moment de la fermeture du dancing. Il se devait, toutefois, d’être présent aux moments lors desquels des troubles à l’ordre public étaient possibles. I______ ne travaillait que le dimanche matin, de sorte que ses déclarations ne portaient que sur cette période. Les éléments apportés par les recourants, notamment les images de vidéosurveillance, étaient postérieurs au rapport de police du 15 novembre 2021, de sorte qu’il ne pouvait en être tenu compte.

Selon ce rapport, le pouvoir décisionnel de C______ était important et s’apparentait à celui d’un exploitant. D______ n’avait pas pu indiquer le nom de la fiduciaire et du comptable. Il avait été surpris que la sortie de secours soit obstruée par du matériel. L’exploitant lui-même avait reconnu que les horaires des employés étaient déterminés par C______.

c. Dans leur réplique, les recourants ont relevé que le PCTN n’avait pas tenu compte des problèmes de santé de D______ ainsi que des mesures Covid, qui avaient eu une influence sur ses horaires. Après la fin des mesures Covid, il avait alterné ses horaires de présence entre la fermeture et l’ouverture, lorsque son état de santé le permettait. Il avait été déstabilisé lors de son audition le 25 octobre 2021. Il connaissait parfaitement le comptable, mais le nom de famille de celui-ci ne lui était plus revenu à l’esprit, étant précisé que son nom complet n’était pas facile à retenir.

Il ressortait des pièces produites que l’exploitant avait été l’interlocuteur de L______, qui s’occupait de la majorité des commandes de A______. Le PCTN avait écarté toutes les déclarations des personnes entendues, qui n’allaient pas dans le sens souhaité par ce service. Les recourants sollicitaient donc leur audition, notamment celle du comptable, de fournisseurs, des employés I______, M______, H______ et de deux clients réguliers.

C. a. Par acte expédié le 20 mars 2023 à la chambre administrative, C______ a également contesté la décision le concernant. Il a conclu à son annulation et sollicité l’audition de cinq témoins.

Il est revenu sur les déclarations faites par les personnes entendues par la police, dont celle-ci n’avait retiré qu’une partie des éléments, omettant notamment ceux qui démontraient qu’il ne s’était pas érigé en exploitant, mais avait toujours travaillé sous la direction de D______ ou conjointement avec celui-ci.

Cette procédure a été ouverte sous cause A/1032/2023.

b. Le PCTN a conclu au rejet du recours.

Le pouvoir décisionnel de C______ était important et s’apparentait à celui d’un exploitant. D______ n’avait pas pu indiquer le nom de la fiduciaire et du comptable. L’exploitant lui-même avait reconnu que les horaires des employés étaient déterminés par C______. L’engagement des employés, les démarches administratives et les prix et la confection de la carte étaient faits par ce dernier et B______. Les horaires et les vacances étaient organisés par C______, parfois par B______, parfois par H______. Lors de son audition, l’exploitant n’avait pas pu donner le nom de tous les employés, ni celui du comptable. Il n’avait pas été en mesure de mettre en marche l’installation électrique pour vérifier le limitateur de décibels.

c. Dans sa réplique, le recourant a relevé que l’exploitant avait cité le nombre correct d’employés. I______ avait déclaré avoir été engagé par celui-ci. Ce dernier et lui avaient parfois conduit les entretiens d’embauche ensemble. Les horaires de travail étant les mêmes pour tout le monde, cela ne nécessitait pas l’intervention de l’exploitant. Les fournisseurs et prestataires interagissaient avec D______. Le PCTN n’avait à tort pas tenu compte des documents qu’il avait produits.

D. a. Par acte déposé le 20 mars 2023 à la chambre administrative, D______ a également contesté la décision le concernant. Il a conclu à son annulation et a sollicité son audition ainsi que celle de cinq témoins.

Cela faisait quinze ans qu’il exploitait le même établissement. Il s’était occupé de sa création et de sa gestion exclusivement, n’exerçant pas d’autre activité professionnelle. Il était en principe présent tous les jours d’ouverture, à l’ouverture, plus récemment à la fermeture. En son absence, il instruisait C______, subsidiairement H______ pour le remplacer. Il ressortait des auditions menées par la police qu’il était présent à l’entretien d’embauche, ou à défaut demandait un retour à ceux qui l’avaient fait. Il surveillait le paiement des salaires, le statut administratif des employés et passait les commandes auprès des fournisseurs, notamment de matériel sonore et lumineux et de meubles. Il supervisait le travail du directeur, de B______ et de H______. Les déclarations qui lui étaient favorables n’avaient pas été reprises dans le rapport de police.

Cette procédure a été ouverte sous cause A/991/2023.

b. Le PCTN a conclu au rejet du recours.

L’engagement des employés, les démarches administratives et les prix et la confection de la carte étaient faits par C______ et B______. Les horaires et les vacances étaient organisés par C______, parfois par B______, parfois par H______. Lors de son audition, l’exploitant n’avait pas pu donner le nom de tous les employés, ni celui du comptable. Il n’avait pas été en mesure de mettre en marche l’installation électrique pour vérifier le limitateur de décibels. Le PCTN a repris des éléments déjà exposé.

c. Dans sa réplique, le recourant a persisté dans ses conclusions, reprenant les éléments en sa faveur ressortant des auditions menées par le police et des pièces produites.

E. a. Chaque partie a été, dans un premier temps, entendue séparément.

Lors de l’audience de comparution personnelle, qui s’est tenue le 4 septembre 2023 devant la chambre administrative, B______ a déclaré qu’avant la gestion du « E______ », ni elle ni C______ n'avaient d'expérience dans l'exploitation d'une discothèque. Le précédent propriétaire de la boîte de nuit (alors appelée « N______ ») lui avait présenté D______, qui en était l’exploitant. Son expérience lui avait paru indispensable. Il lui avait présenté la fiduciaire et M______. Ce dernier travaillait toujours pour l'établissement, désormais en qualité de caissier.

D______ ne comptait pas ses heures ; il les dépassait souvent. Il était joignable même en vacances, par message WhatsApp ou courriel. Il était essentiel dans l'exploitation. Il s'occupait des aspects administratifs, contrôlait que tout se passe bien dans l'établissement, du « tri » des clients ou encore du recrutement. Il connaissait tout. Ils avaient des échanges quotidiens. Elle-même y était presque tous les soirs d'ouverture, étant plutôt présente lors de la fermeture. Elle parlait du « E______ » avec C______ : ils travaillaient et vivaient ensemble. Celui-ci ne prenait pas de décisions seul. D______ leur donnait les ordres. En cas d’absence, ils lui soumettaient tout pour approbation dès son retour.

Le personnel était stable. Lors de la réouverture avec des horaires aménagés (minuit à 4h00) à la suite de la pandémie, D______ était très présent. Il contrôlait les pass sanitaires. Il représentait la loi au sein de l'établissement. Il disait ce qui était autorisé ou pas. Il restait pendant toute la durée de l'ouverture. Il était le seul à véritablement savoir ce qui était autorisé. Il veillait aussi à ce que l'heure de fermeture soit respectée. Actuellement, il était davantage présent lors de la fermeture et arrivait vers 02h00, parfois plus tôt, parfois plus tard.

Elle n’avait compris qu'après avoir repris l'établissement, qu'il fallait compter environ cinq ans avant de récolter les fruits de son travail. En raison du Covid, cette période était encore plus longue. Une fermeture aurait des conséquences dramatiques, tant sur le plan financier que moral.

La police avait retenu des déclarations de D______ qu'il n'avait pas été au courant des interventions de celle-ci dans l'établissement. On parlait de trois interventions lors desquelles ni lui ni elle n'avait été dans l'établissement. Ils avaient été informés de ces interventions. Peut-être qu'il était alors en vacances ou en arrêt maladie.

Au total, il n’y avait eu qu'une vingtaine d'interventions de la police en deux ans, ce qui était relativement peu pour ce type d'établissements. La police de Rive était même venue les féliciter de leur manière de l'exploiter et de gérer les situations compliquées.

Les documents administratifs se trouvaient à son domicile ou auprès de la fiduciaire, car il n'y avait pas de bureau au « E______ ». Elle imaginait que si D______ ne se souvenait pas du nom de celle-ci lors de son audition, c'était en raison du stress ou de son nom africain. D______ lui avait présenté O______ ; il le connaissait forcément.

D______ avait rencontré des soucis de santé. C'est environ depuis lors qu'il était davantage présent à l'ouverture. En cas d'absence, il désignait un remplaçant, soit H______, soit C______.

D______ avait mal vérifié la manière dont les produits inflammables étaient stockés et les sorties de secours avaient été encombrées. Elle-même n'y connaissait rien en la matière. À la suite des critiques du PCTN, il avait fait le nécessaire pour que l'ensemble des normes, notamment dans le domaine de la prévention d'incendie, soit respecté.

b. D______, entendu le 4 septembre 2023 également, a déclaré qu’il avait déjà été exploitant pour le précédent propriétaire de la discothèque, le « N______ ». B______ avait été rassurée par sa connaissance de l'établissement. Il connaissait les fonctions nécessaires au bon fonctionnement de l'établissement, telles que par exemple déterminer le nombre de barmans à engager. Un seul employé avait été repris, à savoir M______ qui agissait comme caissier et physionomiste. H______ avait déjà ponctuellement collaboré avec le précédent propriétaire, puis a été ultérieurement engagé par le « E______ ».

Il faisait toujours le premier tri des CV. Ensuite, il les soumettait à B______. Il arrivait aussi que C______ reçoive en entretien d'embauche ou propose quelqu'un, mais toujours sous sa supervision. Il avait assisté à l'entretien d'embauche de I______, comme à celui de personnes qui n'avaient pas été engagées. Il y avait très peu de changement dans le personnel.

La fiduciaire était restée la même après le changement de propriétaire comme la société chargée de la maintenance de l'installation liée à la diffusion de la musique. Il connaissait la qualité de son travail depuis longtemps. Le fournisseur de boissons avait été choisi par B______, à la suite d'offres qu’il avait reçues et analysées avec elle.

Il avait des contacts avec la fiduciaire, même s'ils étaient moins fréquents ces derniers temps. Elle en avait aussi avec B______. Lorsque O______ avait des questions au sujet des archives, il s'adressait à elle. Lorsqu'il s'agissait de questions concrètes au sujet d'un employé, par exemple les horaires effectués, il s'adressait à lui. Il se fondait alors sur le cahier des présences, dont la vérification était faite par H______. La société qui employait les agents de sécurité vérifiait leurs horaires. C______ travaillant à 100 %, il vérifiait l'ensemble des heures travaillées par chaque employé. Il contresignait le petit cahier et l'avertissait lorsque quelqu'un était absent.

Ses propres horaires de travail répondaient aux besoins du moment. Ainsi, à la suite de la réouverture après la pandémie, il était surtout présent lors de l'ouverture, car il s'agissait d'un moment délicat où il fallait vérifier la validité des certificats Covid, aiguiller les clients vers un test rapide ou les refuser. Ensuite, il avait davantage été présent lors de la fermeture, comme c'était encore le cas. Ce moment pouvait être également délicat lorsque quelqu'un ne voulait pas quitter l'établissement.

Il connaissait bien l'ensemble des collaborateurs du bar. Il connaissait certains agents de sécurité parce qu’il les voyait souvent, et d'autres pas du tout parce qu'ils n’étaient venus travailler qu'un soir. C'était ainsi qu’il avait dû recourir à la liste des employés de la société de sécurité lorsque la police l'avait interrogé. Il avait également utilisé la liste des employés du bar pour faciliter le travail de la police, l'orthographe de certains noms étant compliqué.

Il dirigeait le travail de C______. Celui-ci étant le conjoint de B______, il jouissait toutefois d'une confiance particulière de sa part. Il estimait remplir pleinement sa fonction au sein de l'établissement. En dehors des heures de présence la nuit, il recevait pendant la journée des appels ou des communications de la part de fournisseurs ou d'autres intervenants en lien avec l'établissement. Il ne facturait pas ses heures supplémentaires. Il était là lors de la création de la discothèque et était intéressé à son évolution. Récemment, il n'avait pas compté ses heures lorsqu'il s'était agi de choisir de nouveaux sièges qui soient conformes aux exigences en matière de sécurité incendie.

Ces six à huit derniers mois, aucun incident n'était survenu. À sa demande, le nombre d'agents de sécurité avait été augmenté.

Lors de son interrogation par la police, il était très stressé, ne savait pas ce qui lui arrivait et avait dû attendre six heures avant de pouvoir aller aux toilettes. La fiduciaire venait de changer de nom. Pour lui, cela n'avait aucune importance car il s’adressait toujours à « O______ », nom qui n'avait pas changé, comme d'ailleurs l'adresse.

La répartition des tâches au sein de l’établissement était clairement établie. Exceptionnellement, en cas de besoin, un « extra » était engagé ; c’était lui qui en prenait la décision.

Pour des raisons de santé, il n'était pas possible de faire l'ouverture et la fermeture pendant une longue période, étant rappelé que son engagement prévoyait un taux d'activité à 33 %. C’était sa seule activité d'exploitation.

c. C______, également entendu le 4 septembre 2023 par la chambre de céans, a déclaré qu’il formait un couple avec B______ depuis 2011. Il s'investissait le mieux qu’il pouvait dans sa société, dont il était employé à 100 %. Ils habitaient à deux pas du « E______ ».

D______ travaillait plus que quinze heures par semaine. Il était beaucoup plus présent après la réouverture suivant la pandémie, notamment aux heures d'ouverture où il contrôlait les pass Covid et établissait les listes des clients.

Lui-même recevait ses ordres de B______ et de D______. Il les transmettait ensuite à H______, qui les transmettait aux serveurs. Il n'y avait pas de procédure écrite mais chacun avait un contrat de travail qui lui attribuait différentes tâches. C'était surtout D______ qui donnait les instructions. Certains points étaient également discutés avec B______. Lorsque D______ était absent, il laissait des directives et H______ et lui s’occupaient de l'établissement et lui rendaient compte à son retour. Il était joignable même pendant ses vacances.

D______ recevait les CV des chercheurs d'emploi. H______ faisait un premier tri ainsi que les premiers entretiens. Ensuite, il faisait un rapport qui était transmis à D______ et B______, qui se concertaient pour prendre la décision. Ils avaient cinq employés, engagés quasiment depuis le début du « E______ ». Les personnes engagées ces dernières années étaient des barmaids et des serveurs. Il discutait énormément avec H______, et ils faisaient des suggestions à B______ et D______.

La boîte aux lettres était vidée par D______, B______ ou lui-même. Chacun faisait suivre la correspondance à la personne concernée par le courrier. Il n'y avait pas de bureau au « E______ », de sorte que le courrier était conservé à leur domicile ou à la fiduciaire. D______ avait une copie des documents administratifs. S'il avait besoin de certains documents, il les demandait. Ils communiquaient par téléphone ou par WhatsApp, parfois par courriel. Le plus souvent, ils se parlaient en présence directement.

Ces derniers mois, il n’y avait pas eu d'incident majeurs. Il y avait eu des incidents mineurs pour lesquels la police avait été appelée, tels que par exemple lorsque des passants jetaient des bombes à eau sur leurs clients sortis pour fumer. En cas d'incident, lui-même, H______ ou D______ appelaient la police. Il arrivait aussi que l'agence de sécurité le fasse.

Avant la reprise du « E______ », il n'avait aucune expérience dans l'exploitation d'une discothèque. D______ avait expliqué comment faire ; il avait une grande expérience puisqu'il avait déjà exploité le « N______ ».

Ils étaient quatre (B______, D______, H______ et lui-même) à disposer des clés de la discothèque.

d. Le 18 octobre 2023, O______, directeur de fiduciaire, a été entendu en qualité de témoin, l’ensemble des parties ayant assisté à cette audition.

Il était fiduciaire du « E______ » depuis sa création, sauf erreur en 2015 ou 2014, à savoir déjà avec le précédent exploitant. Il établissait la comptabilité générale, s'occupait du dossier TVA ainsi que de la déclaration fiscale tant de la société que de B______. Il lui arrivait également d'établir les contrats de travail. Dès qu'un nouvel employé était engagé, il établissait le contrat qu’il ne signait toutefois pas. Il ne rencontrait pas les employés au moment de l'embauche. À sa connaissance, l'administratrice les rencontrait et en discutait avec C______ et D______.

La majorité des documents de la société était stockée auprès de sa fiduciaire. Il conservait également les archives. Il lui arrivait rarement de se déplacer dans les locaux du « E______ ». Il ne pouvait donc pas se prononcer sur le fonctionnement sur place.

Il avait des contacts réguliers avec l’exploitant, soit une fois par mois environ. C'était déjà avec lui qu’il avait des contacts lors de l’exploitation du « N______ ». D______ était toujours facilement joignable. Il lui semblait qu'il connaissait bien l'établissement. Les échanges avaient lieu soit en présentiel, soit par téléphone, rarement par courriel.

Il avait assisté à des réunions avec MM. C______ et D______. C'était ce dernier qui, in fine, prenait les décisions. À titre d'exemple de décisions prises par l’exploitant, il citait l'achat de meubles ou encore les contrats conclus avec des fournisseurs. D______ connaissait l'état des salaires, les factures à acquitter et l'état général de la comptabilité.

Il arrivait que certaines personnes, se référant à lui, n'utilisent qu'une partie de son nom de famille, à savoir O______. Lorsqu’il avait des questions, il s'adressait à l’exploitant ou à B______, parfois au directeur, étant précisé que son interlocuteur principal était D______. Cela dépendait du type de sujet concerné. Il avait présenté l’exploitant à B______ et au directeur, dans le contexte de la reprise du « N______ » par le « E______ ».

e. La convocation adressée au domicile français de I______ n’a pas pu être distribuée par la Poste française. Le témoin H______ s’est excusé, présentant son billet d’avion, qui attestait de son absence de Genève à la date pour laquelle il était convoqué.

f. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Les parties sollicitent la jonction des causes.

2.1 Selon l'art. 70 al. 1 LPA, l'autorité peut, d'office ou sur requête, joindre en une même procédure des affaires qui se rapportent à une situation identique ou à une cause juridique commune.

2.2 En l'espèce, les procédures A/990/2023, A/991/2023 et A/1032/2023 concernent trois recours émanant de la propriétaire, de l’administratrice de la propriétaire, de l’exploitant et du directeur du même établissement contre trois décisions du même service procédant à une appréciation fondée sur les mêmes éléments dans chacune des procédures. Les questions juridiques posées sont similaires.

Il se justifie ainsi de joindre les causes précitées sous le numéro A/990/2023.

3.             Les recourants sollicitent l’audition d’autres témoins.

3.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - n), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit de faire administrer des preuves n'empêche cependant pas la juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier si elle acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1. ; 140 I 285 consid. 6.3.1). En outre, il n'implique pas le droit à l’audition orale ni à celle de témoins (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1).

3.2 En l’espèce, les auditions auxquelles la police et la chambre de céans ont procédé, les pièces apportées par les parties ainsi que les indications fournies par celles-ci permettent à la chambre administrative de statuer en connaissance de cause.

Il ne sera donc pas donné suite à la demande d’actes d’instruction complémentaires.

4.             Les recourants se plaignent de ce que l’intimé a établi de manière lacunaire les faits ayant conduit à la décision attaquée, qui était infondée et entachée d’arbitraire.

4.1 La LRDBHD règle les conditions d'exploitation des entreprises vouées à la restauration et/ou au débit de boissons à consommer sur place, à l'hébergement, ou encore au divertissement public (art. 1 al. 1 LRDBHD).

L'art. 8 LRDBHD soumet l'exploitation de toute entreprise vouée à la restauration et au débit de boissons à l'obtention préalable d'une autorisation d'exploiter (al. 1), qui doit être requise lors de chaque changement d'exploitant ou de propriétaire de l'entreprise ou de modification des conditions de l'autorisation antérieure (al. 2 ; art. 18 al. 1 let. a du règlement d'exécution de la loi sur la restauration, le débit de boissons, l'hébergement et le divertissement du 28 octobre 2015 - RRDBHD - I 2 22.01).

Le diplôme dont doit être titulaire l'exploitant, attestant de son aptitude à exploiter et gérer une entreprise soumise à la LRDBHD (art. 9 let. c LRDBHD), est strictement personnel et intransmissible (art. 19 al. 1 LRDBHD). Il est interdit à son titulaire de servir de prête-nom pour l'exploitation d'une entreprise soumise à la LRDBHD, sous peine des mesures et sanctions prévues par celle-ci (art. 19 al. 2 LRDBHD).

4.2 L'autorisation d'exploiter est délivrée si l'exploitant est titulaire du diplôme attestant de son aptitude à exploiter et gérer une entreprise soumise à la présente loi (art. 9 let. c LRDBHD). Elle est délivrée à condition que l'exploitant, notamment, offre toute garantie d'une exploitation personnelle et effective de l'entreprise, compte tenu notamment de son lieu de domicile ou de résidence et de sa disponibilité, ou encore du respect de l'interdiction de recourir à un prête-nom ou de servir comme tel durant les trente-six mois qui précèdent le dépôt de la requête en autorisation (art. 9 let. e LRDBHD).

4.3 Le prête-nom vise un comportement, prohibé par la loi, d'une personne physique titulaire du diplôme prévu par la loi, qui est autorisée formellement en tant qu'exploitant d'une entreprise, mais qui n'exerce pas effectivement et à titre personnel les tâches essentielles liées à la bonne marche de l'entreprise, qui sont de fait assurées par un tiers (art. 3 let. s LRDBHD).

4.4 Au titre des droits et obligations des exploitants et des propriétaires d'entreprises vouées à la restauration et au débit de boissons, l'art. 22 LRDBHD prévoit que l'exploitation de l'entreprise ne peut être assurée que par la personne qui est au bénéfice de l'autorisation y relative (al. 1). L'exploitant doit gérer l'entreprise de façon effective, en assurant la direction en fait de celle-ci. Le Conseil d'État précise les exigences en matière de présence et de responsabilité exercées par l'exploitant (al. 2). En cas d'absence ponctuelle de l'entreprise, l'exploitant doit désigner un remplaçant compétent et l'instruire de ses devoirs. Le remplaçant assume également la responsabilité de l'exploitation (al. 3). L'exploitant répond du comportement adopté par les personnes participant à l'exploitation ou à l'animation de l'entreprise dans l'accomplissement de leur travail (al. 4).

L'art. 40 RRDBHD prévoit que l'obligation de gérer l'entreprise de façon personnelle et effective est réalisée aux conditions cumulatives suivantes (al. 3) : l'exploitant assume la majorité des tâches administratives liées au personnel de l'établissement (engagement, gestion des salaires, des horaires, des remplacements, etc.) et à la bonne marche des affaires (commandes de marchandises, fixation des prix, composition des menus, contrôle de la caisse, inventaire, etc. ; let. a) ; il assure une présence de quinze heures hebdomadaires au moins au sein de l'établissement concerné, lesquelles doivent inclure les heures d'exploitation durant lesquelles les risques de survenance de troubles à l'ordre public sont accrus (let. b). Un exploitant peut dès lors être autorisé à exploiter trois établissements au maximum, pour autant qu'il n'exerce aucune autre activité professionnelle en parallèle (al. 4).

Il ressort des travaux préparatoires ayant mené à l'adoption de la LRDBHD que l'un des buts de la refonte était de renforcer l'interdiction de la pratique du prête-nom, laquelle, répandue mais inacceptable, devait être plus efficacement combattue au moyen de sanctions plus lourdes (exposé des motifs relatif au PL 11'282, p. 44). Une telle pratique permettait d'obtenir frauduleusement des autorités compétentes une autorisation indue, en vue de contourner l'un des piliers de la loi, à savoir le régime d'autorisation qui supposait que seule une personne formée et détentrice du diplôme prévu par la loi exploite effectivement l'entreprise autorisée (exposé des motifs relatif au PL 11'282, p. 76 ; ATA/1214/2018 du 13 novembre 2018 consid. 2c ; ATA/262/2018 du 20 mars 2018 consid. 4d).

4.5 Selon la jurisprudence, si l'obligation de gérer son établissement de façon personnelle et effective n'interdit pas à l'exploitant de s'absenter quelques heures par jour, voire quelques jours, par exemple pendant les périodes de vacances ou de service militaire, il n'en demeure pas moins qu'il lui est formellement interdit de servir de prête-nom (ATA/1330/2019 du 3 septembre 2019 et les références citées).

Une présence limitée à une heure par jour et à une activité de s'occuper des commandes du restaurant ne remplissent pas les critères légaux et jurisprudentiels d'une gestion personnelle et effective d'un établissement public (ATA/1330/2019 précité).

4.6 Selon l'art. 60 LRDBHD, le département est l'autorité compétente pour décider des mesures et sanctions relatives à l'application de la LRDBHD (al.1). Tout rapport établi par la police, ou par tout autre agent de la force publique habilité à constater les infractions à la LRDBHD, est transmis sans délai au département (al. 2). L'art. 3 RRDBHD précise que le département de la sécurité, de l'emploi et de la santé est chargé de l'application de la LRDBHD et du RRDBHD et qu’il délègue cette compétence au PCTN (al. 1 et 2).

L'art. 46 RRDBHD prévoit que le PCTN procède à des contrôles réguliers (al. 1). Il s'assure que l'exploitation est dûment autorisée, que les conditions légales et réglementaires, ainsi que les conditions d'exploitation, sont respectées par les exploitants (al. 2). Les autorités de la police cantonale et les agents de police municipale ont les compétences de contrôle visées à l'art. 46 al. 2 RRDBHD (al. 5). Sur demande du PCTN, ils procèdent en outre, à des contrôles ciblés (al. 6).

4.7 De jurisprudence constante, la chambre administrative accorde généralement valeur probante aux constatations figurant dans un rapport de police, établi par des agents assermentés (ATA/625/2021 du 15 juin 2021 consid. 3d ; ATA/333/2020 du 7 avril 2020 consid. 2d et les références citées), sauf si des éléments permettent de s’en écarter.

4.8 En l’espèce, il convient en premier lieu de relever que le contrôle effectué par la police a fait suite à une intervention de celle-ci, le 9 octobre 2021, alors qu’une centaine de clients déambulaient sur la route devant le dancing à 07h25, certains en état d’ébriété. Selon le rapport de police, le but des auditions était de « recadrer » l’exploitant. Celui-ci « connaissait mal son sujet », ignorait le nom exact des employés et de la fiduciaire et ne maîtrisait pas les installations électriques (sono, limitateur, installation électrique). Il avait reconnu que ses instructions relatives au fait de ne pas stocker de matériel de nettoyage devant la sortie de secours n’avaient pas été respectées. Enfin, étaient relevé certains manquements relatifs à l’affichage du nom de l’exploitation, du propriétaire, des horaires, des prix et d’accès en fonction de l’âge au dancing et à la consommation de boissons alcoolisées.

Il ressort des déclarations des personnes entendues par la police en octobre et novembre 2021 que le « E______ » fonctionnait avec une petite équipe soudée et très interactive où les tâches de direction et de gestion étaient accomplies par B______, C______ et D______. Compte tenu de la relation de couple entre la propriétaire et le directeur de l’établissement, ces deux personnes sont particulièrement impliquées dans son exploitation. Il convient ainsi d’examiner si D______ ne remplit pas ou plus son rôle d’exploitant au sens de la LRDBHD.

Il est ressorti des auditions menées tant par la police que par la chambre de céans que D______ exerçait son activité environ quinze heures par semaine. Avant et pendant la pandémie, il a été notamment présent aux heures d’ouverture du dancing. Ce choix était dicté par des soucis de santé qu’il rencontrait, d’une part, et par la nécessité de surveiller la mise en œuvre et le respect des différentes mesures décidées par les autorités compétentes en lien avec la crise sanitaire liée au Covid, d’autre part. L’exploitant avait considéré que l’entrée dans le dancing, notamment la surveillance de la mise en œuvre des mesures sanitaires, présentait un moment important dans le fonctionnement du club, qui nécessitait sa présence. Le PCTN a, certes, relevé que le moment de la fermeture présentait aussi des difficultés qu’il convenait de maîtriser. Toutefois, l’ensemble des personnes entendues à ce sujet s’accordent sur le fait qu’il n’est pas possible, pour des raisons de santé, d’assurer une présence continue de l’ouverture de l’établissement à sa fermeture. Le choix d’avoir été présent, notamment, pendant la pandémie au moment de l’ouverture du dancing, soit à un moment où le risque de troubles à l'ordre public, notamment au regard des mesures sanitaires prescrites, était accru, paraît avoir été judicieux.

Lors de son audition par la police, H______ a déclaré que D______ lui avait expliqué, lorsqu’il avait été engagé en tant que manager, ce que cette fonction impliquait. I______ a déclaré à la police que D______ lui avait fait signer son contrat de travail lors de son embauche. Ses horaires de travail étaient fixés par celui-ci. Pour les dates des vacances, elle s’adressait à B______. La qualité de son travail était surveillée par celle-ci, par C______ ou encore par H______. Le DJ, P______, a déclaré à la police avoir eu son entretien d’embauche avec D______ et le directeur lui avait fait signer son contrat. C______ a déclaré à la police qu’il recevait également des postulations et qu’il lui arrivait de recevoir les candidats avec MM. H______ et D______. Ainsi, contrairement aux affirmations du PCTN, D______ a également participé à l’engagement du personnel.

Il ressort des auditions menées par la police et des déclarations des parties et témoins entendus par la chambre de céans que la fixation des horaires du personnel, la répartition du travail et la surveillance de la qualité de celui-ci se faisaient tantôt par D______, par B______, par C______ ou encore, dans une moindre mesure, par H______. Lorsque ces tâches n’étaient pas effectuées par l’exploitant, il apparaît cependant qu’il en était informé, qu’il vérifiait pour l’engagement du personnel le statut administratif de celui-ci et qu’il avait délégué certaines tâches. Ainsi, le directeur vérifiait les inventaires. Souvent, les tâches de direction, telles que la détermination de la carte, des fournisseurs et des prix, étaient décidées après discussion entre D______, B______ et C______.

Selon les pièces produites, notamment les courriels échangés avec la police du feu, c’est l’exploitant qui s’était occupé, en novembre 2021, des adaptations nécessaires, notamment du mobilier et des tissus utilisés dans le dancing, afin qu’il soit conforme aux prescriptions de sécurité incendie en la matière. Il ressort également des pièces fournies que les commandes et achats de matériel de sonorisation et de lumière étaient essentiellement effectuées par D______, alors que C______ en assurait la manipulation après l’installation dans le dancing. Ce dernier a, en effet, déclaré qu’il se chargeait de différentes tâches techniques au sein de l’exploitation, notamment de la vérification du fonctionnement du son et de la lumière. Il donnait également des « coups de main » au bar ou dans le service.

Il ressort par ailleurs des déclarations de C______ à la police, que les caisses étaient contrôlées tantôt par lui, tantôt par B______, par D______, M______ ou encore H______. I______ a également indiqué que la caisse pouvait aussi être contrôlée par l’exploitant,

Le fiduciaire, O______, a déclaré que D______ était toujours facilement joignable, qu’il connaissait bien l'établissement et que lors de réunions avec MM. C______ et D______, c'était ce dernier qui in fine prenait les décisions. L’exploitant se chargeait de l'achat des meubles ou encore des contrats conclus avec des fournisseurs. Toujours selon le fiduciaire, D______ connaissait l'état des salaires, les factures à acquitter et l'état général de la comptabilité.

Lors de son audition par la police, l’exploitant n’a, certes, pas été en mesure de citer correctement le nom des employés et du fiduciaire. Il convient toutefois, à sa charge, de retenir qu’au-delà de la situation de stress qu’il dit avoir éprouvée, l’orthographe des noms de certains employés n’est pas aisée, d’une part, et que, d’autre part, comme cela ressort du rapport de police, plusieurs personnes travaillant au « E______ », y compris le fiduciaire, étaient appelées par leur surnom ou une partie de leur nom seulement. Il ne peut donc être déduit du fait qu’il n’était pas en mesure de fournir, de mémoire, la liste avec le nom complet des employés, qu’il ne connaissait pas ces personnes. Au contraire, comme évoqué ci-dessus, il a lui-même engagé plusieurs d’entre eux, à la suite d’un entretien d’embauche qu’il avait conduit seul ou en compagnie du directeur ou de H______.

Enfin, à teneur du dossier, les clefs du dancing étaient détenues par la propriétaire, le directeur et l’exploitant.

Au vu de l’ensemble des éléments qui précèdent, il ne peut être retenu que D______ ne remplissait pas son rôle d’exploitant du « E______ » ni, à plus forte raison, qu’il aurait servi de prête-nom à l’exploitation du dancing. Sa présence régulière, notamment aux moments où le risque de troubles à l’ordre public est le plus susceptible de se réaliser, à savoir à l’ouverture ou à la fermeture du dancing, et son implication dans l’organisation et le fonctionnement de l’établissement démontrent qu’il le gérait de manière personnelle et effective, et ce malgré l’investissement personnel important dans l’établissement par le couple formé de la propriétaire et du directeur.

Partant, les décisions querellées qui retiennent l’existence d’un prête-nom ne sont pas fondées.

Les recours seront ainsi admis et les décisions attaquées annulées.

5.            

*1'500.

Rectification
(art. 85 LPA)

le 9.02.2024

Vu l’issue du litige, il ne sera pas perçu d’émolument. Une indemnité de procédure de CHF*1'000.-, à la charge de l’État de Genève, sera allouée à chacune des parties recourantes (art. 87 LPA).

* * * * *

CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

préalablement :

ordonne la jonction des causes A/990/2023, A/991/2023 et A/1032/2023 sous la cause A/990/2023 ;

à la forme :

déclare recevables les recours interjetés le 20 mars 2023 par B______ et A______, C______ et D______ contre les décisions du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 15 février 2023 ;

au fond :

les admet et annule les décisions du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 15 février 2023 ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue à B______ et A______, solidairement entre elles, une indemnité de procédure de CHF 1'500.- à la charge de l’État de Genève ;

alloue à C______ une indemnité de procédure de CHF 1'500.- à la charge de l’État de Genève ;

alloue à D______ une indemnité de procédure de CHF 1'500.- à la charge de l’État de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Philippe EIGENHEER, avocat des recourantes, à Me Alexandre AYAD, avocat de C______, à Me Romain CANONICA, avocat de D______, ainsi qu'au service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

N. DESCHAMPS

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. KRAUSKOPF

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :