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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2464/2018

ATA/1214/2018 du 13.11.2018 ( EXPLOI ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2464/2018-EXPLOI ATA/1214/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 13 novembre 2018

1ère section

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me Catarina Monteiro Santos, avocate

contre

SERVICE DE POLICE DU COMMERCE ET DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR

 



EN FAIT

1. Le 15 février 2012, le service du commerce, devenu depuis lors le service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN) a autorisé Madame A______ à exploiter le café restaurant à l’enseigne « B______ », propriété de la société C______, situé ______, d’une surface d’exploitation de 15 m2, soit une salle au
rez-de-chaussée.

2. Le 10 juillet 2017, le PCTN a autorisé Mme A______ à exploiter un établissement de catégorie café-restaurant à l’enseigne « D______ », propriété de Monsieur E______, situé ______ à Genève, d’une surface d’exploitation de 27 m2, soit une salle au rez-de-chaussée.

3. Par décision du 21 février 2018, le PCTN a prononcé la « suspension de la validité du diplôme» attestant de son aptitude à exploiter et gérer un établissement soumis à la loi sur la restauration, le débit de boissons, l’hébergement et le divertissement du 19 mars 2015 (LRDBHD - I 2 22 ; ci-après : le diplôme) de Mme A______ pour une durée de trente-six mois, le retrait de l’autorisation d’exploiter l’établissement à l’enseigne « B______ », ordonné la fermeture immédiate de l’établissement à l’enseigne « B______ » et infligé à l’intéressée une amende administrative de CHF 3'000.-.

Elle n’exploitait pas l’établissement de manière personnelle et effective. Les faits constatés étaient « constitutifs d’un prête-nom », puisqu’elle avait confié l’exploitation de l’établissement à l’enseigne « B______ » à Monsieur F______ qu’elle savait dépourvu d’autorisation d’exploiter et ce, tout en acceptant que ce dernier exploite l’établissement sous le couvert de son propre nom.

La décision n’a pas été contestée.

4. Par courrier du 14 mai 2018, le PCTN a informé Mme A______ qu’au vu de la sanction précitée, elle ne remplissait plus les conditions de la délivrance de l’autorisation d’exploiter. En effet, elle n’offrait plus toute garantie d’une exploitation personnelle et effective de l’entreprise. Le PCTN envisageait la révocation de l’autorisation délivrée le 10 juillet 2017 pour l’exploitation de l’établissement à l’enseigne « D______ ».

5. Mme A______ a présenté ses observations par écrit le 18 mai 2018. Elle reconnaissait avoir enfreint la loi, mais le but avait été d’aider M. F______ dans l’attente qu’il obtienne son diplôme de cafetier. Il avait besoin de pouvoir travailler. Une révocation de l’autorisation plongerait son couple dans des difficultés financières, son mari étant employé du restaurant « D______ ». L’établissement était leur seul et unique source de revenus. Ils avaient des enfants. Elle n’était pas informée des conséquences que pouvait engendrer le fait d’aider un tiers. Elle s’engageait personnellement à ne plus servir de prête-nom et à se consacrer exclusivement à « D______ ».

6. Par décision du 13 juin 2018, le PCTN a révoqué l’autorisation d’exploiter le café restaurant « D______ ». L’exploitation par les soins de l’intéressée devait cesser dès l’entrée en force de la décision.

Par courrier du même jour, M. E______ s’est vu impartir un délai de trente jours, à compter de l’entrée en force de la décision de révocation, pour désigner un nouvel exploitant et déposer une requête en autorisation d’exploiter ledit établissement auprès du PCTN.

7. Par acte du 16 juillet 2018, Mme A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision de révocation précitée. Elle a conclu à son annulation. Subsidiairement, la cause devait être envoyée au PCTN pour instruction et nouvelle décision.

La décision litigieuse faisait suite à celle de suspension du 21 février 2018, laquelle était disproportionnée compte tenu de l’absence d’antécédents. Elle reprenait les arguments financiers. Elle attendait d’être en possession du dossier avant de se déterminer de façon plus complète.

8. Le PCTN a conclu au rejet du recours.

9. Par réplique du 8 octobre 2018, la recourante a précisé qu’il y avait eu une erreur de compréhension de la part du PCTN concernant le « B______ ». Il ne s’agissait nullement d’un prête-nom. Elle était sur place environ trois fois par semaine. M. F______ avait confirmé cela lors de son audition le 22 janvier 2018. Le 18 mai 2018, elle avait indiqué qu’elle était l’exploitante de l’établissement « B______ » et qu’elle aidait M. F______ jusqu’à ce qu’il obtienne son diplôme de cafetier. Son implication était cependant prépondérante. Elle n’avait pas servi de prête-nom. La décision du 21 février 2018 aurait dû être contestée. Tel n’avait pas été le cas dès lors qu’elle n’avait pas été correctement conseillée et ignorait les conséquences de cette décision sur son autorisation d’exploiter « D______ ». La décision querellée qui en avait découlé était manifestement disproportionnée. L’autorisation d’exploiter « D______ » devait être maintenue.

10. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. a. L'exploitation de toute entreprise vouée à la restauration, au débit de boissons et à l'hébergement est soumise à l'obtention préalable d'une autorisation d'exploiter délivrée par le département (art. 8 al. 1 LRDBHD).

L'autorisation d'exploiter une entreprise est délivrée à condition que l'exploitant, notamment, offre toute garantie d’une exploitation personnelle et effective de l’entreprise, compte tenu notamment de son lieu de domicile ou de résidence et de sa disponibilité, ou encore du respect de l'interdiction de recourir à un prête-nom ou de servir comme tel durant les trente-six mois qui précèdent le dépôt de la requête en autorisation (art. 9 al. 1 let. e LRDBHD).

L'autorisation d'exploiter est révoquée par le département lorsque les conditions de sa délivrance ne sont plus remplies, ainsi qu'en cas de non-paiement de la taxe annuelle prévue par la présente loi (art. 14 LRDBHD).

b. L’art. 64 LRDBHD prévoit les mesures en cas de violation de l'interdiction de prête-nom : le département prononce la suspension, pour une durée de trente-six mois, de la validité du diplôme dont le titulaire sert de prête-nom pour l'exploitation d'une entreprise (al. 1). Le département retire l'autorisation d'exploiter et ordonne la fermeture immédiate de l’entreprise, en application de l'art. 61 (al. 2). Le département ne peut entrer en matière sur une nouvelle demande d’autorisation de la personne ayant servi de prête-nom, du propriétaire de l’entreprise ou de toute autre personne qui a eu recours à un prête-nom pendant un délai de trente-six mois à compter du jour où la décision visée à l'al. 2 est entrée en force (al. 3).

D’autres mesures peuvent s’ajouter, à l’instar notamment d’une amende administrative, prévue par l’art. 65 LRDBHD.

c. Il ressort des travaux préparatoires ayant mené à l’adoption de la LRDBHD que l’un des buts de la refonte était de renforcer l’interdiction de la pratique du prête-nom, laquelle, répandue mais inacceptable, devait être plus efficacement combattue au moyen de sanctions plus lourdes (exposé des motifs relatif au PL 11'282, p. 44). Une telle pratique permettait d’obtenir frauduleusement des autorités compétentes une autorisation indue, en vue de contourner l’un des piliers de la loi, à savoir le régime d’autorisation qui supposait que seule une personne formée et détentrice du diplôme prévu par la loi exploite effectivement l’entreprise autorisée (exposé des motifs relatif au PL 11'282, p. 76 ; ATA/262/2018 du 20 mars 2018 consid. 4d).

Lesdits travaux préparatoires relèvent que l’art. 9 al. 1 let. e LRDBH prévoit l’une des mesures de lutte contre la pratique des prête-noms, qui empêche toute personne qui a eu recours à un prête-nom ou qui a servi de prête-nom, en mettant frauduleusement son diplôme à disposition d’un gérant démuni de ce titre, de requérir durant trente-six mois une autorisation d’exploiter une entreprise soumise à la présente loi. (PL 11282 p. 53).

d. En l’espèce, la recourante a fait l’objet, le 21 février 2018, d’une décision notamment de suspension de la validité de son diplôme pour une durée de trente-six mois au sens de l’art. 64 LRDBHD. Dans le cadre de la présente procédure, elle en conteste le bien-fondé et invoque, subsidiairement, que ladite décision n’était pas proportionnée.

Ces arguments ne sont pas recevables, la décision du 21 février 2018 étant définitive et exécutoire. De surcroît, la recourante a reconnu les faits, notamment par correspondance du 18 mai 2018.

Compte tenu de la décision du 21 février 2018, prononçant notamment la suspension du diplôme de la recourante à la suite d’une infraction de prête-nom, la condition posée à l’art. 9 al. 1 let. e LRDBHD du respect de l'interdiction de servir de prête-nom n’est plus remplie. C’est en conséquence à bon droit que le PCTN a fait application de l’art. 14 LRDBHD et a révoqué l’autorisation d’exploiter de l’intéressée. S’agissant de l’absence d’une condition légale nécessaire et cumulative, il n’y avait pas lieu d’examiner la proportionnalité de la décision de révocation.

Cette décision est conforme à la volonté du législateur de renforcer l’interdiction de la pratique du prête-nom. Par ailleurs la recourante n’étant plus titulaire du diplôme, la validité de celui-ci ayant été suspendue pour trente-six mois par décision du 21 février 2018, la condition posée par l’art. 9 al. 1 let. c LRDBHD – qui en exige la titularité – n’est plus remplie non plus.

Conformément à la décision querellée, le propriétaire pourra désigner un nouvel exploitant et déposer une nouvelle requête d’autorisation d’exploiter. Tant la recourante que son époux pourront éventuellement y être employés.

3. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 16 juillet 2018 par Madame A______ contre la décision du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 13 juin 2018 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Madame A______ un émolument de CHF 500.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Catarina Monteiro Santos, avocate de la recourante ainsi qu'au service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Krauskopf, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 


 


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :