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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2497/2021

ATA/372/2022 du 05.04.2022 ( AIDSO ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2497/2021-AIDSO ATA/372/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 5 avril 2022

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

HOSPICE GÉNÉRAL

 



EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1965, a bénéficié d'une aide financière de l'Hospice général (ci-après : l'hospice) du 1er septembre 2012 au 30 avril 2017.

2) Les 19 août 2013, 21 août 2014 et 25 août 2015, il a signé le document « Mon engagement en demandant une aide financière ».

3) À partir du 1er novembre 2013, l'hospice a accepté, à titre dérogatoire, de garantir à M. A______ les frais d'une chambre à l'hôtel B______, au prix de CHF 80.- par jour.

4) Le 19 octobre 2016, M. A______ a signé le document « Engagement du bénéficiaire lors du séjour à l'hôtel », selon lequel il s'engageait à payer sa participation aux frais de séjour en début de mois s'il avait des ressources supérieures à ses charges, dès lors qu'il avait été engagé par une société en été 2016 pour une mission de trois mois.

5) Pour les mois d'août à octobre 2016, l'hospice a calculé la part des frais d'hôtel due par le bénéficiaire en la fixant respectivement à CHF 605.55, CHF 1'740.25 et CHF 2'256.25.

6) M. A______ ayant refusé cette participation, la garantie de prise en charge à l'hôtel B______ a été annulée par l'hospice à compter du 31 octobre 2016. Elle a toutefois été réactivée deux semaines plus tard, avec effet au 1er novembre 2016 – et un rappel à M. A______ qu'il devait participer chaque mois au paiement des frais d'hôtel, dès lors qu'il travaillait.

7) Par courrier du 30 novembre 2016, le centre d'action sociale (ci-après : CAS) de Saint-Jean a informé à nouveau M. A______ du montant des frais de logement à sa charge pour les mois d'août à octobre 2016. Un bulletin de versement allait lui être envoyé pour qu'il procède à un premier versement, puis un arrangement de paiement pourrait être mis en place pour le solde.

8) Les mois suivants, les frais de participation aux frais d'hôtel mis à la charge de M. A______ ont été les suivants :

- en novembre 2016, CHF 2'017.- (compte tenu de son salaire de CHF 3'689.55 d'octobre 2016) ;

- en décembre 2016, ayant perçu un salaire de CHF 4'871.20 en novembre 2016, il se trouvait en dehors des barèmes de l'aide sociale ;

- en janvier 2017, une participation de CHF 1'907.25 (compte tenu de son salaire de CHF 3'578.60 de décembre 2016) ;

- en février 2017, CHF 1'907.25 (compte tenu de son salaire de CHF 3'578.60 de janvier 2017).

9) Le 10 mars 2017, l'hospice a indiqué à M. A______ que les factures de participation à ses frais d'hôtel lui seraient directement adressées à son adresse à l'hôtel.

10) Par courriel du 12 mars 2017, M. A______ a proposé de payer CHF 1'000.- mensuels au titre de participation à ses frais d'hébergement. C'était ce qu'il était capable de supporter compte tenu de son salaire mensuel brut de CHF 4'100.- par mois. Le regroupement avec sa famille était en cours.

11) Le 16 mars 2017, lors d'un entretien avec son assistant social, M. A______ a déclaré ne pas pouvoir payer le montant demandé au titre de participation à ses frais d'hébergement car il envoyait de l'argent à sa femme et à ses enfants au pays. L'assistant social lui a indiqué qu'il devait payer ces frais et que cela était de sa responsabilité.

12) Par courrier du 24 mars 2017, l'hospice a confirmé à M. A______ la teneur d'un arrangement de paiement concernant la participation aux frais d'hôtel, selon lequel il rembourserait la dette totale à ce titre, d'un montant de CHF 7'955.50, à raison de CHF 100.- par mois dès le 1er avril 2017. Ce montant serait prélevé sur les prestations d'aide financière versées. La validité dudit arrangement était ainsi limitée à la période d'aide financière. À l'issue de celle-ci, le service du contentieux lui réclamerait le solde éventuel de sa dette.

13) Par courrier recommandé du 21 avril 2017, l'hospice a rappelé à M. A______ la chronologie de son hébergement à l'hôtel, ajoutant que lors de l'entretien du 6 avril 2017, il avait refusé de signer la reconnaissance de dette d'un montant de CHF 7'955.50 correspondant à la participation due pour ses frais d'hôtel pour la période du 1er octobre 2016 au 28 février 2017.

Un délai au 30 avril 2017 était imparti à M. A______ pour faire parvenir à l'hospice la reconnaissance de dette signée et régulariser sa dette auprès de l'hôtel B______. Passé ce délai, s'il n'avait pas payé les factures de sa participation aux frais d'hôtel pour le mois courant, l'hospice serait contraint de mettre fin à la prise en charge desdits frais d'hôtel à partir du 1er mai 2017.

14) Par courrier du 26 avril 2017 adressé au CAS, M. A______ a rappelé avoir proposé une participation mensuelle de CHF 1'000.-. Il s'opposait à toute reconnaissance de dette non motivée. Il continuait à se battre pour trouver un logement et espérait que l'hospice l'aiderait en ce sens.

15) Par décision du 5 mai 2017, l'hospice a annulé sa prise en charge du séjour de M. A______ à l'hôtel B______.

16) À la suite d'une demande de M. A______, un rendez-vous devant avoir lieu le 1er juin 2017 a été convenu entre celui-ci, son assistante sociale et la responsable d'unité. M. A______ ne s'est toutefois pas présenté à ce rendez-vous, et ne s'est pas fait excuser.

17) M. A______ a remboursé la somme de CHF 1'000.- à l'hospice le 31 mars 2017, et en a fait de même le 5 mai 2017.

18) L'hospice a payé à l'hôtel B______ les montants encore dus, à savoir CHF 1'653.30 pour mars 2017, CHF 2'129.20 pour avril 2017 et CHF 320.- pour mai 2017.

19) Par décision du 5 juin 2020, l'hospice a réclamé à M. A______ la restitution de CHF 17'123.80 considérés comme indûment perçus. La chronologie de la prise en charge des frais d'hôtel était rappelée, mais aucun décompte ni explication n'étaient fournis.

20) Le 22 juin 2020, M. A______ a écrit à l'hospice, courrier qui a été traité comme une opposition.

Dès le mois de mai 2017, il avait dû dormir dans la rue, puis dans un sleep-in, et sur conseil d'un tiers s'était adressé à l'« unité logement temporaire de Genève », qui lui avait trouvé un logement pour CHF 535.- par mois, ce qui lui avait permis d'apurer toutes ses dettes.

Il n'avait eu connaissance de la supposée dette de CHF 17'123.80 qu'en mars 2020, n'en ayant été prévenu ni par le CAS ni par le service contentieux de l'hospice, ni par l'office des poursuites. Il avait signé un engagement avec l'hospice, sa conseillère recevait l'état de ses revenus mensuels chaque fin de mois, mais n'avait jugé utile de l'informer de sa contribution aux frais d'hôtel que plusieurs mois après coup, en mars 2017. S'il y avait eu négligence, il n'en était pas responsable, et s'était toujours montré de bonne foi.

21) Par décision du 25 juin 2021, l'hospice a rejeté l'opposition.

L'hospice avait accepté à titre dérogatoire de garantir les frais d'hôtel de M. A______ alors que la loi sur l’insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04) ne prévoyait pas une telle prise en charge. L'intéressé avait été dûment informé tant oralement que par écrit de son obligation de participer aux frais de séjour s'il avait des ressources supérieures à ses charges selon les normes d'aide sociale et s'était engagé, en signant le document « engagement d'un bénéficiaire lors d'un séjour à l'hôtel », à payer sa participation. C'était en violation de cet engagement qu'il n'avait pas payé sa participation, si bien qu'en application du principe d'équité, il se justifiait de lui réclamer le remboursement des montants de frais de séjour qui étaient à sa charge pour les mois où il avait des ressources.

Selon le plan de calcul joint à la décision – dont il ressortait que pour décembre 2016, l'intégralité des frais d'hôtel, soit CHF 2'480.-, était à la charge du bénéficiaire –, la somme due s'élevait à CHF 17'016.80 et non à CHF 17'123.80, de sorte que la demande de remboursement était réduite en conséquence. Les deux versements de CHF 1'000.- effectués par M. A______ venaient en déduction de la somme due. La demande de remboursement n'était enfin pas intervenue en dehors du délai de prescription de l'art. 40 al. 3 LIASI.

22) Par acte déposé le 23 juillet 2021, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision sur opposition précitée, concluant à son annulation et à la fixation d'un nouveau montant dû de CHF 10'414.75.

Il refaisait l'historique de sa situation. Il avait appris l'existence d'une dette réclamée de CHF 17'123.80 dans le cadre de sa demande de naturalisation, suspendue en 2020 pour cette raison.

Selon ses calculs, il devait à l'hospice les sommes de : CHF 2'017.75 pour novembre 2016, CHF 2'480.- pour décembre 2016, CHF 1'907.25 pour janvier 2017, CHF 1'907.25 pour février 2017, CHF 1'653.30 pour mars 2017, CHF 2'129.- pour avril 2017, et CHF 320.- pour mai 2017, soit un total de CHF 12'414.75. Après déduction des CHF 2'000.- déjà versés, la dette s'élevait à CHF 10'414.75.

Il avait toujours été de bonne foi en déclarant ses ressources chaque mois auprès de son assistante sociale, et aucune allusion n'avait été faite quant aux CHF 7'955.50 « réclamés au départ avec demande de signer l'arrangement de paiement pour des mensualités à CHF 100.- ». Son assistant social à l'hospice ne l'avait pas orienté vers l'unité logement temporaire, ni ne lui avait permis d'obtenir une garantie auprès d'une régie de la place. Il supportait seul les charges de sa famille, à savoir son épouse et ses quatre enfants.

23) Le 8 septembre 2021, l'hospice a conclu au rejet du recours, en reprenant pour l'essentiel la motivation de sa décision sur réclamation.

M. A______ devait la somme de CHF 17'016.80 en capital, conformément aux plans de calcul annexés à la décision attaquée. La situation dans laquelle M. A______ s'était trouvé en mai 2017 était imputable à lui seul, étant relevé d'une part que son assistante sociale lui avait donné les adresses des hébergements d'urgence où il pouvait se rendre, et où, d’autre part, il ne s'était pas présenté ni excusé au rendez-vous fixé le 1er juin 2017.

24) Le 11 octobre 2021, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 12 novembre 2021 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

25) Aucune des deux parties ne s'est manifestée dans ce délai.

26) Le 6 janvier 2022, l'hospice a communiqué à la chambre administrative un courriel que lui avait adressé M. A______ le 3 janvier 2022, et dans lequel il demandait les coordonnées du compte bancaire de l'hospice afin d'apurer la dette qu'il avait auprès de ce dernier.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). Les juridictions administratives n’ont pas la compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exceptions prévues par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisées dans le cas d’espèce.

3) L'objet du litige est principalement défini par l'objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu'elle ou il invoque. L'objet du litige correspond objectivement à l'objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/1301/2020 du 15 décembre 2020 consid. 2b). La contestation ne peut excéder l'objet de la décision attaquée, c'est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l'autorité inférieure s'est prononcée ou aurait dû se prononcer. L'objet d'une procédure administrative ne peut donc pas s'étendre ou qualitativement se modifier au fil des instances, mais peut tout au plus se réduire dans la mesure où certains éléments de la décision attaquée ne sont plus contestés. Ainsi, si une recourante ou un recourant est libre de contester tout ou partie de la décision attaquée, elle ou il ne peut pas prendre, dans son mémoire de recours, des conclusions qui sortent du cadre des questions traitées dans la procédure antérieure (ATA/1301/2020 précité consid. 2b).

4) En l'espèce, le recourant ne conteste pas le bien-fondé de la demande de remboursement, pas plus que les sommes demandées à titre de remboursement de frais d'hôtel pour les mois de novembre 2016 à mai 2017, tout en rappelant avoir déjà remboursé la somme de CHF 2'000.-. Le litige porte donc dès lors uniquement sur le montant total dû à l'intimé, et en particulier sur le sort des montants réclamés pour les mois d'août à octobre 2016.

Par ailleurs, bien que la décision attaquée comporte une contradiction entre son dispositif (qui rejette purement et simplement l'opposition), et ses considérants (qui mentionnent un montant dû après recalcul de CHF 17'016.80, et un remboursement partiel de la part du recourant à hauteur de CHF 2'000.- sans en tenir compte), c'est le premier qui sera pris en compte comme objet de la décision attaquée. Le montant réclamé qui en ressort, par le biais de la confirmation intégrale de la décision initiale, est ainsi de CHF 17'123.80.

5) Le recourant ne prend pas en compte dans ses calculs les montants réclamés par l'intimé pour les mois d'août 2016 (CHF 605.55), septembre 2016 (CHF 1'740.25) et octobre 2016 (CHF 2'256.80). L'on ne parvient toutefois pas à comprendre pourquoi ces sommes devraient être exclues du remboursement.

Elles étaient certes incluses dans la proposition d'arrangement de paiement du 24 mars 2017, qui comprenait les montants dus pour les mois d'octobre 2016 à février 2017. Mais d'une part le recourant ne prétend pas s'être acquitté d'un quelconque des termes de paiement prévus (d'un montant de CHF 100.- chacun), et d'autre part la validité de l'arrangement en question était de toute façon limitée à la période durant laquelle il recevait l'aide financière de l'hospice, qui s'est achevée le 30 avril 2017.

Le recourant ne met pas davantage en cause le calcul des montants y relatifs, tels que figurant dans les annexes à la décision sur réclamation. On doit donc admettre un montant total de frais d'hôtel à rembourser de CHF 17'016.80, dont on doit retirer les deux montants de CHF 1'000.- déjà remboursés en mars et mai 2017, ce qui conduit à un montant de CHF 15'016.80, sous réserve d'éventuels remboursements complémentaires que le recourant aurait effectués depuis le dépôt de son recours. Ce dernier sera dès lors partiellement admis, et la décision attaquée réformée sur ce point.

Les autres éléments soulevés par le recourant, à savoir qu'il doit entretenir sa famille et que l'intimé aurait failli dans son accompagnement en matière de logement, n'ont, quoi qu'il en soit de leur réalité, aucune pertinence en l'espèce.

6) Vu la nature et l’issue du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA ; art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03), ni aucune indemnité de procédure allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 23 juillet 2021 par Monsieur A______ contre la décision sur opposition de l'Hospice général du 25 juin 2021 ;

au fond :

l'admet partiellement ;

annule la décision sur opposition de l'Hospice général du 25 juin 2021 en tant que le montant à rembourser s’élève à CHF 17'123.80 ;

dit que le montant à rembourser, sous réserve de versements effectués postérieurement au 23 juillet 2021, s'élève à CHF 15'016.80 ;

confirme la décision sur opposition attaquée pour le surplus ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______ ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :