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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3899/2021

ATA/330/2022 du 29.03.2022 ( AIDSO ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3899/2021-AIDSO ATA/330/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 29 mars 2022

2ème section

 

dans la cause

 

M. A______

contre

HOSPICE GÉNÉRAL



EN FAIT

1) M. A______, son épouse, Mme B______ et leurs enfants C______ (1997), D______ (2000), E______ (2003) et F______ (2007) ont bénéficié de l’aide financière de l’Hospice général (ci-après : l’hospice) du 1er octobre 2016 au 30 novembre 2018.

Du 1er octobre 2016 au 30 novembre 2017, la famille a été suivie par l’unité dossiers mixtes et requérants d’asile de l’aide aux migrants (ci-après : AMIG). Du 1er décembre 2017 au 30 novembre 2018, elle a été suivie par l’unité réfugiés statutaires de l’AMIG, après que l’épouse et les enfants eurent obtenu le statut de réfugié avec permis B.

2) Le 14 octobre 2016, les époux ont signé conjointement le document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l'Hospice général » par lequel ils se sont engagés, notamment, à donner immédiatement et spontanément à celui-ci toute pièce nécessaire à l’établissement de leur situation personnelle, familiale et économique, en particulier de l’informer immédiatement et spontanément de tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations d’aide financière.

Le 14 décembre 2017, ils ont à nouveau signé ce document, cette fois conjointement avec leur fils C______ devenu majeur.

3) Le 5 juillet 2018, la caisse cantonale de compensation, service indépendants, a informé M. A______ de son affiliation rétroactive au 1er mai 2016 comme salarié d’un employeur non tenu au paiement des cotisations sociales. Elle a établi trois factures de cotisations personnelles rétroactives, pour les années 2016 (CHF 4'750.45), 2017 (CHF 7'188.-) et 2018 (CHF 3'505.20).

4) Le 18 juillet 2018, l’assistant social de M. A______ lui a indiqué que le paiement de ces factures lui incomberait.

5) Le 20 août 2018, M. A______ a répondu que l’intégralité de son salaire avait été prise en compte au titre de ressources pour le calcul des prestations de la famille. Il appartenait à l’hospice de réviser le montant de l’aide et de prendre en charge le paiement des cotisations.

6) Le 12 octobre 2018, l’hospice a versé à M. A______ un montant de CHF 2'823.60, correspondant à la différence de prestations financières entre octobre et décembre 2017, ainsi qu’une correction de primes de CHF 2'274.20 directement à l’assureur, soit CHF 5'097.80 au total. Le recalcul des prestations pour 2018 était reporté.

7) Le 12 novembre 2018, M. A______ et sa famille ont renoncé à l’aide sociale, pour des motifs d’intégration.

8) Le 27 novembre 2018, l’hospice a indiqué être dans l’attente d’informations sur le versement rétroactif d’allocations familiales et de logement pour la période de janvier à octobre 2018 et de bourses d’études pour la période de septembre et octobre 2018.

9) Le 5 décembre 2018, l’hospice a informé M. A______ de la réévaluation en cours du droit aux prestations de la famille pour la période de janvier à novembre 2018.

La période d’octobre 2016 à septembre 2017 était du ressort de l’unité dossiers mixtes de l’AMIG.

10) Le 13 décembre 2018, M. A______ a indiqué à l’assistant social avoir dû payer CHF 19'000.- de cotisations sociales. Celui-ci lui a rappelé que le paiement des cotisations sociales pour 2017 avait été pris en compte pour le calcul du versement rétroactif. Un remboursement de CHF 8'542.10 était en suspens pour l’année 2018 et M. A______ était invité à documenter la retenue effectuée par l’office cantonal des assurances sociales (ci-après : OCAS) d’une partie des allocations familiales.

11) Le 21 décembre 2018, la production de la décision de l’OCAS a été à nouveau réclamée par l’assistant social.

12) En janvier 2019, le service des allocations familiales de l’OCAS a transmis à l’hospice une copie de sa décision du 1er novembre 2018 octroyant à M. A______ des allocations pour ses enfants de CHF 1'600.- par mois dès le 1er novembre 2018. CHF 34'700.- avaient été versés sur son compte bancaire à titre de rétroactif pour la période du 1er août 2016 au 31 octobre 2018.

13) Par décisions des 16 et 17 décembre 2018, l’hospice a réclamé à M. A______ le remboursement de CHF 32'700.- correspondant aux prestations d’aide financière versées à titre d’avance sur les allocations familiales pour la période du 1er octobre 2016 au 31 octobre 2018, réduite à CHF 24'157.90 après compensation avec la somme de CHF 8'542.10 qui lui était due à la suite de la correction par l’OCAS de ses revenus nets pour l’année 2018.

14) Le 13 janvier 2020, les époux A______ ont formé opposition.

La demande ne tenait pas compte des factures de cotisations qu’ils avaient dû payer à l’OCAS. Ces dernières auraient dû être prises en charge par l’hospice. Le 27 novembre 2018, l’hospice leur avait indiqué conserver leur droit aux allocations familiales de janvier à novembre 2018 uniquement. Leur situation financière était difficile et ils avaient utilisé le rétroactif notamment pour le paiement des dettes à l’OCAS. Ils joignaient les décisions de l’OCAS relatives aux arriérés de cotisations personnelles, et portant des montants, intérêts moratoires compris, de CHF 4'750.40 pour 2016, CHF 7'105.75 pour 2017 et CHF 6'550.20 et CHF 43.40 pour 2018.

15) Le 14 octobre 2021, l’hospice a partiellement admis l’opposition.

Pour la période de janvier à novembre 2018, le taux de cotisation avait été incorrectement calculé, et c’étaient CHF 8'518.10 qui devaient être déduits du remboursement de CHF 32'700.- exigé, portant la somme encore due à CHF 24'181.90.

Pour la période d’octobre 2016 à novembre 2017, les époux A______ n’avaient pas contacté l’unité mixte de l’AMIG pour obtenir le recalcul de leurs prestations. L’hospice s’en était chargé dans le cadre de l’opposition, et un solde en leur faveur de CHF 7'994.22 avait été établi, lequel devait être déduit également de la somme de CHF 32'700.-.

Le montant restant dû ascendait ainsi à CHF 16'187.70, soit CHF 32'700.- – (CHF 8'518.10 + CHF 7'994.22).

16) Par acte remis à la poste le 15 novembre 2021, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant à son annulation et à un recalcul de son droit aux prestations.

Il ressortait de son relevé de cotisations personnelles, qu’il produisait, qu’il avait dû payer des cotisations de CHF 8'887.15 pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2017, ce qui portait le solde de sa dette à CHF 15'294.75.

L’hospice n’avait par ailleurs pas tenu compte des CHF 7'200.- de garantie de loyer qu’il avait dû payer en avril 2017, ni des CHF 9'496.05 qu’il avait dû payer pour équiper l’appartement familial en mai 2017.

17) Le 20 janvier 2022, l’hospice a conclu au rejet du recours.

M. A______ ne contestait plus le principe du remboursement des allocations familiales versées rétroactivement.

Le grief du recourant portant sur la prise en compte de la totalité des cotisations payées pour la période du 1er octobre 2016 au 31 décembre 2017 ne prenait pas en compte les prestations versées rétroactivement par l’hospice le 12 octobre 2018 pour la période du 1er octobre au 31 décembre 2017, de CHF 5'097.80. Les nouveaux calculs opérés par les unités de l’hospice avaient eu pour résultat la déduction (comptable) de la somme initialement réclamée (de CHF 32'700.-) de droits complémentaires de CHF 8'970.20 (pour la période du 1er octobre 2016 au 30 septembre 2017) et CHF 8'542.10 (pour la période du 1er janvier au 30 novembre 2018), ainsi qu’un versement complémentaire en faveur de la famille de CHF 5'097.80 pour la période d’octobre et novembre 2017. Le complément de prestations d’un total de CHF 21'610.10 auquel avait abouti la prise en compte des nouveaux salaires nets dépassait le montant des cotisations sociales facturées à M. A______, de CHF 15'481.15 intérêts moratoires compris selon les propres calculs de ce dernier.

Les griefs relatifs à la non-prise en compte de frais de garantie de loyer et d’installation étaient exorbitants au litige, étant précisé que la prise en charge des frais de garantie de loyer n’étaient prévue ni par la loi ni par les directives et que l’allocation relative aux frais d’installation était soumise à des conditions.

18) M. A______ n’a pas répliqué dans le délai imparti.

19) Le 9 mars 2022, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte sur la restitution à l'hospice de prestations d'aide financière à hauteur de CHF 16'187.70.

3) a. Aux termes de l'art. 12 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), quiconque est dans une situation de détresse et n'est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d'être aidé et assisté, et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine.

Le droit constitutionnel fédéral ne garantit toutefois que le principe du droit à des conditions minimales d'existence ; il appartient ainsi au législateur fédéral, cantonal et communal d'adopter des règles en matière de sécurité sociale qui ne descendent pas en dessous du seuil minimum découlant de l'art. 12 Cst. mais qui peuvent aller au-delà (arrêts du Tribunal fédéral 2P.318/2004 du 18 mars 2005 consid. 3 ; 2P.115/2001 du 11 septembre 2001 consid. 2a ; ATA/790/2019 du 16 avril 2019 et les références citées). L'art. 39 al. 1 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00) reprend ce principe : « toute personne a droit à la couverture de ses besoins vitaux afin de favoriser son intégration sociale et professionnelle ».

b. En droit genevois, la loi sur l’insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04) et le règlement d'exécution de la LIASI du 25 juillet 2007 (RIASI - J 4 04.01) mettent en œuvre ce principe constitutionnel.

La LIASI a pour but de prévenir l'exclusion sociale et d'aider les personnes qui en souffrent à se réinsérer dans un environnement social et professionnel (art. 1 al. 1 LIASI). Ses prestations sont fournies sous forme d'accompagnement social et de prestations financières (art. 2 LIASI). Ces dernières sont subsidiaires à toute autre source de revenu (art. 9 al. 1 LIASI) et leurs bénéficiaires doivent faire valoir sans délai leurs droits auxquels l'aide financière est subsidiaire (art. 9 al. 2 LIASI ; ATA/790/2019 précité et les références citées).

Ont droit à des prestations d'aide financière les personnes qui ont leur domicile et leur résidence effective sur le territoire du canton de Genève, ne sont pas en mesure de subvenir à leur entretien et répondent aux autres conditions de la loi (art. 11 al. 1 LIASI). Les conditions financières donnant droit aux prestations d'aide financière sont déterminées aux art. 21 à 28 LIASI.

En contrepartie des prestations auxquelles il a droit, le bénéficiaire s'engage, sous forme de contrat, à participer activement à l'amélioration de sa situation (art. 14 LIASI). Il est tenu de participer activement aux mesures le concernant (art. 20 LIASI), de fournir tous les renseignements nécessaires pour établir son droit et fixer le montant des prestations d'aide financière (art. 32 al. 1 LIASI) et de se soumettre à une enquête de l'hospice lorsque celui-ci le demande (art. 32 al. 2 LIASI).

c. Aux termes de l'art. 37 LIASI, si les prestations d'aide financière ont été accordées à titre d'avances, dans l'attente de prestations sociales ou d'assurances sociales, elles sont remboursables, à concurrence du montant versé par l'hospice durant la période d'attente, dès l'octroi desdites prestations sociales ou d'assurances sociales (al. 1). L'hospice demande au fournisseur de prestations que les arriérés de prestations afférents à la période d'attente soient versés en ses mains jusqu'à concurrence des prestations d'aide financière fournies durant la même période (al. 2). Il en va de même lorsque des prestations sociales ou d'assurances sociales sont versées au bénéficiaire avec effet rétroactif pour une période durant laquelle il a perçu des prestations d'aide financière (al. 3). L'action en restitution se prescrit par cinq ans, à partir du jour où l'hospice a eu connaissance du fait qui ouvre le droit au remboursement. Le droit au remboursement s'éteint au plus tard dix ans après la survenance du fait (al. 4).

4) a. En l’espèce, le recourant ne conteste pas le principe du remboursement ni les calculs de l’hospice, mais réclame la prise en compte de cotisations supplémentaires de CHF 892.93 (CHF 8'887.15 – CHF 7'994.22) et la réduction consécutive du montant dû à CHF 15'294.74.

Il perd de vue que les nouveaux calculs de son salaire net par l’OCAS ont entraîné le versement ou la comptabilisation de prestations rétroactives par l’hospice pour un total de CHF 21'610.10 (CHF 8'970.20 + 5'097.80 + 8'542.10), lequel est supérieur au montant total d’arriérés de cotisations sociales, de CHF 15'481.15, que le recourant affirme avoir dû acquitter auprès de l’OCAS. Les prestations supplémentaires d’aide sociale financière, calculées par les unités de l’hospice sur la base des cotisations théoriquement dues, couvraient ainsi largement les cotisations effectivement payées à titre rétroactif. Le recourant ne saurait dans ces circonstances réclamer une déduction supplémentaire.

Le grief sera écarté.

b. Le grief ayant trait à la garantie de loyer et aux frais d’emménagement est exorbitant au présent litige et partant irrecevable. Une éventuelle prise en charge de frais d’installation ou de garantie de loyer doit faire l’objet d’une demande spécifique à l’hospice.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

5) Vu la nature du litige, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87
al. 1 LPA ; art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu son issue, il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 15 novembre 2021 par M. A______ contre le la décision sur opposition de l’Hospice général du 14 octobre 2021 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à M. A______ ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeant : M. Mascotto, président, M. Verniory, Mme Lauber juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. Michel

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :