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Décisions | Chambre civile

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C/12092/2022

ACJC/492/2024 du 18.04.2024 sur OTPI/630/2023 ( SCC ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/12092/2022 ACJC/492/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU JEUDI 18 AVRIL 2024

 

Entre

1) Monsieur A______, domicilié ______, Géorgie,

2) B______ SA, sise ______, Iles Vierges Britanniques, recourants contre une ordonnance rendue par la 4ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 9 octobre 2023, tous deux représentés par Me D______,
Me E______, Me F______ et Me G______, avocats,

C______, sise ______ [ZH], intimée, représentée par Me Daniel TUNIK, avocat,
Lenz & Staehelin, route de Chêne 30, case postale 615, 1211 Genève 6.

 


EN FAIT

A. Par ordonnance OTPI/630/2023 du 9 octobre 2023, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure sommaire sur requête de fourniture de sûretés, a astreint A______ à fournir des sûretés en garantie des dépens de [la banque] C______ à hauteur de 585'000 fr., en espèces ou sous la forme de garantie d'une banque établie en Suisse (ch. 1 du dispositif), astreint B______ SA à fournir des sûretés en garantie des dépens de C______ à hauteur de 555'000 fr., en espèces ou sous la forme de garantie d'une banque établie en Suisse (ch. 2), imparti à A______ et à B______ SA un délai de deux mois dès la notification de l'ordonnance pour déposer les sûretés ordonnées auprès des Services financiers du Pouvoir judiciaire (ch. 3), arrêté les frais judiciaires de l'ordonnance à 2'000 fr. et en a renvoyé la répartition à la décision finale (ch. 4), a réservé la suite de la procédure (ch. 5) et débouté les parties de toute autre conclusion (ch. 6).

B. a. Par acte déposé à la Cour de justice le 27 octobre 2023, A______ et B______ SA ont formé recours contre cette ordonnance, concluant à sa réformation en ce sens que "la requête de sûretés en garantie des dépens de C______ du 21 juin 2023 est rejetée", le montant des sûretés devant être fournies par A______ est limité à un maximum de 182'244 fr. et celui devant être fourni par B______ SA à 167'416 fr., sous suite de frais et dépens de recours.

S'agissant des faits, les recourants ont renvoyé la Cour à ceux retenus par le Tribunal ainsi qu'à "la section faits de [leurs] déterminations du 31 août 2023 dans la procédure de première instance".

Ils ont produit des pièces soumises au premier juge.

b. Par réponse du 27 novembre 2023, C______ a conclu au déboutement de A______ et B______ SA de toutes leurs conclusions et à la confirmation de l'ordonnance entreprise, sous suite de frais et dépens de recours.

c. Par réplique du 11 décembre 2023, les recourants ont persisté dans leurs conclusions.

d. Le 22 décembre 2023, l'intimée a répliqué et fait valoir des faits nouveaux, assortis de pièces nouvelles, et persisté dans ses conclusions. Elle a ainsi produit une ordonnance statuant sur requête de sûretés dans une cause connexe, et copies des garanties bancaires déposées par les recourants en exécution de l'ordonnance entreprise.

e. Les parties se sont encore exprimées dans des courriers des 5 et 18 janvier 2024, et 1er février 2024.

f. Elles ont été informées par courrier du greffe de la Cour du 19 février 2024 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier.

a. Par demande du 10 janvier 2023 déposée au Tribunal, après l'échec de la tentative de conciliation et la délivrance de l'autorisation de citer, A______ et B______ SA, agissant en tant que consorts simples en reddition de compte et en paiement partiellement non chiffré contre C______, ont conclu en substance, préalablement, à ce que celle-ci soit condamnée à leur fournir des documents, explications, informations et analyses portant sur une septantaine de thématiques et questions, faisant l’objet d’autant de conclusions détaillées en reddition de compte.

Principalement, ils ont conclu à ce que C______ soit condamnée à payer et/ou restituer à A______, USD 4'496'231.- à titre de commissions et USD 66'031'944.- à titre de dommage, ainsi que 15'302'380 fr., EUR 1'334'413.- et USD 23'504'865.- à titre de rétrocessions, et à payer et/ou restituer à B______ SA, USD 1'152'549.- à titre de commissions, USD 63'562'521.- à titre de dommage, et 15'302'380 fr., EUR 1'334'413.- et USD 23'504'865.- à titre de rétrocessions.

S'agissant des rétrocessions, A______ et B______ SA ont exposé en substance, qu'ils étaient contraints, à ce stade, de réclamer tous deux le total du montant des rétrocessions non autorisées, n'étant pas au clair sur le titulaire du compte touché par celles-ci.

Leurs prétentions étaient formulées sous réserve d'autres en paiement, restitution et indemnisation à chiffrer, augmenter ou adapter une fois que C______ aurait produit les documents, explications, informations et analyses requis dans la reddition de compte.

A l’appui de leur demande conjointe, A______ et B______ SA, celle-ci détenue par celui-là, exposent avoir chacun entretenu de 2005 à 2019 avec C______ et d’autres entités faisant partie du même groupe, à qui ils avaient initialement confié une somme de quelque USD 1,1 milliard, une relation bancaire « extrêmement complexe », au cours de laquelle la banque aurait commis « d’innombrables violations contractuelles et légales » à leur détriment.

Ils imputent en particulier à C______ et/ou aux entités du même groupe et/ou aux auxiliaires dont elle répond, le prélèvement indu de commissions de gestion, la perception indue de rétrocessions payées par des tiers, des transferts de fonds non autorisés, des détournements de fonds sanctionnés pénalement et une gestion globalement défectueuse et frauduleuse, opérée de 2005 à 2019, de leurs nombreux portefeuilles, comptes et sous-comptes au sein de la banque.

Leur demande conjointe présente 276 pages, comporte 898 allégués de faits à l’appui desquels ils ont produit 404 pièces et, outre la septantaine de thématiques et questions dont ils réclament l’élucidation par voie de reddition de compte préalable, ils requièrent l’audition d’un nombre important de témoins en Suisse et à l’étranger et la mise en œuvre d’expertises judiciaires.

b. Avant toute réponse au fond, C______, par requête du 21 juin 2023, a conclu à l’astreinte de A______ et B______ SA à fournir, chacun, 1'294'470 fr. de sûretés en garantie des dépens, compte tenu d'une valeur litigieuse globale de 200'886'538 fr. et d'une majoration de 10% au vu de la complexité de la cause. Elle s'est fondée sur l'ATF 147 III 529 pour justifier que chacun des demandeurs devait fournir de sûretés.

c. Invités à se déterminer par écrit sur cette requête, A______ et B______ SA, par mémoire du 31 août 2023, ne contestant pas être tenus au versement de sûretés, ont conclu à ce que celles-ci soient au maximum fixées à 182'244 fr. pour le premier, et à 167'416 fr. pour la seconde, et fournies sous forme de garanties bancaires. Le montant réclamé par A______ correspondait à la contrevaleur de 103'116'780 fr. et celui demandé par B______ SA à la contrevaleur de 97'769'658 fr. Le montant des sûretés devait être calculé sur cette base et non sur la base des 200'886'538 fr. allégués par la banque.

Se référant à un arrêt de la Cour ACJC/1373/2022, ils ont notamment soutenu que, compte tenu des montants en jeu, il convenait d'appliquer l'art. 23 LaCC et de réduire de moitié les dépens présumés selon le RTFMC. De plus, il fallait tenir compte qu'en l'absence de renseignements suffisants, ils avaient été contraints de réclamer chacun un montant identique au titre des rétrocessions non autorisées et qu'en conséquence il ne se justifiait pas de comptabiliser ces montants à double. Il fallait également tenir compte du fait que des sûretés avaient été sollicitées dans une procédure parallèle, laquelle concernait des faits connexes, de sorte que le travail de la banque serait réduit dans la présente procédure.

d. La cause a été gardée à juger sur fourniture de sûretés après transmission des «répliques spontanées» des deux parties du 21 septembre 2023 et 5 octobre 2023.

D. Dans l'ordonnance entreprise, le Tribunal a d'abord retenu qu'en cas de demande formée par des consorts simples, chacun pouvait être astreint individuellement à fournir des sûretés, et qu'il fallait examiner séparément l'obligation de chaque consort de fournir des sûretés. Il a pris en considération une valeur litigieuse provisoire de 64'874'581 fr. pour A______ et de 59'527'459 fr. pour B______ SA. Tous deux réclamaient encore solidairement quelque 40'093'540 fr. (rétrocessions), montant qu'il convenait de répartir à raison de la moitié entre chacun d'eux. Les montants réclamés devaient ainsi être arrêtés à 84'921'351 fr. pour A______ et 79'574'229 fr. pour B______ SA.

En cas de perte totale du procès par les précités, C______ pourrait prétendre à des défraiements de base, à majorer de 10% compte tenu de la complexité factuelle et juridique du litige et de l'ampleur prévisible de la procédure et du travail qu'elle nécessitera, de 529'106 fr. (481'006 fr. + 10%) de la part du premier, et de 500'028 fr. (454'571 fr. + 10%) de la seconde. Majorés des débours forfaitaires de 3% et de la TVA de 7,7%, les dépens potentiels à charge de A______ s’élèveraient à 585'720 fr. (529'106 fr. + 15'873 fr. + 40'741 fr.) et, pour B______ SA, à 553'530 fr. (500'028 fr. + 15'000 fr. + 38'502 fr.).

EN DROIT

1. 1.1 Conformément à l'art. 103 CPC, les décisions relatives aux avances de frais et aux sûretés peuvent faire l'objet d'un recours.

Ces décisions ayant nature d'ordonnance d'instruction, le délai de recours est de dix jours en application de l'art. 321 al. 2 CPC (Tappy, CR-CPC, 2019, n. 4 et 11 ad art. 103 CPC; Suter/Von Holzen, Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung [ZPO], 2016, n. 14 ad art. 99 CPC et n. 8 ad art. 103 CPC).

Interjeté dans le délai et selon la forme prescrits par la loi (art. 321 al. 1 et 2 CPC), le recours est recevable.

1.2 Sont également recevables la réponse de l'intimée, déposée dans le délai légal (art. 321 al. 2 cum 322 al. 2 CPC), ainsi que les répliques, dupliques et déterminations ultérieures respectives, conformément au droit de réplique (ATF 146 III 97 consid. 3.4.1 et 142 III 48 consid. 4.1.1).

1.3 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen en droit et avec un pouvoir d'examen restreint à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC), dans la limite des griefs suffisamment motivés qui sont formulés (arrêts du Tribunal fédéral 4A_290/2014 du 1er septembre 2014 consid. 5; 5A_89/2014 du 15 avril 2014 consid. 5.3.2; Hohl, Procédure civile, Tome II, 2e édition 2010, n° 2307).

2. L'intimée a produit des pièces nouvelles à l'appui de sa duplique.

2.1 Dans le cadre du recours, les conclusions, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables (art. 326 al. 1 CPC).

Les faits qui sont immédiatement connus du Tribunal, notamment parce qu'ils ressortent d'une autre procédure entre les mêmes parties, sont des faits notoires qui n'ont pas à être prouvés et ne peuvent être considérés comme nouveaux (art. 151 CPC; ATF 143 II 224 consid. 5.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_252/2021 du 8 novembre 2021 consid. 2.3).

2.2 En l'espèce, les pièces relatives à la fourniture de garanties bancaires concernent la présente procédure, et font partie du dossier de première instance. Elles ne sont pas nouvelles.

L'ordonnance rendue dans une procédure connexe n'est en tout état pas déterminante pour l'issue du litige, de sorte que la question de sa recevabilité peut demeurer indécise.

3. L'intimée relève que les recourants n'ont pas formé recours pour constatation manifestement inexacte des faits mais uniquement pour violation du droit. Ils ne sauraient ainsi se fonder sur d'autres faits que ceux constatés dans l'ordonnance entreprise. Le seul renvoi dans leur mémoire de recours à leurs déterminations du 31 août 2023 au Tribunal est insuffisant pour valoir grief de constatation manifestement inexacte des faits.

Les recourants soutiennent qu'il leur incombait de démontrer le caractère erroné de la motivation attaquée et de motiver leur position de manière suffisamment explicite, ce qu'ils auraient fait à satisfaction.

3.1 Selon les articles 311 al. 1 et 321 al. 1 CPC, l'appel, respectivement le recours, est motivé. Il s'agit d'une condition à sa recevabilité, laquelle est examinée d'office par le juge (arrêts du Tribunal fédéral 4A_218/2017 du 14 juillet 2017 consid. 3.1.2 et 5A_89/2014 du 15 avril 2014 consid. 5.3.2). L'appelant, respectivement le recourant, doit démontrer le caractère erroné de la motivation attaquée et que sa thèse l'emporte sur celle de la décision attaquée. Sa motivation doit être suffisamment explicite pour que l'instance d'appel ou de recours puisse la comprendre aisément, ce qui suppose une désignation précise des passages de la décision que le recourant attaque et des pièces du dossier sur lesquelles repose sa critique. Il ne suffit pas de renvoyer à une écriture antérieure, de reprendre des allégués de fait ou des arguments de droit présentés en première instance, ni de se livrer à des critiques générales de la décision attaquée (ATF 141 III 569 consid. 2.3.3; ATF 138 III 374 consid. 4.3.1; arrêts du Tribunal fédéral 4A_218/2017 du 14 juillet 2017 consid. 3.1.2; 4A_376/2016 du 2 décembre 2016 consid. 3.2.1). Une motivation succincte ou sommaire peut, suivant les circonstances, être suffisante (ACJC/144/2018 consid. 2.1.3).

3.2 En l'espèce, les recourants, à l'appui de leur grief de violation du droit, font valoir que le Tribunal aurait dû prendre en compte certains éléments de fait, qu'ils décrivent, en précisant que ceux-ci figurent dans leur détermination du 31 août 2023 au Tribunal. Ce faisant, ils exposent en quoi la motivation de l'ordonnance entreprise est erronée, ce que la Cour comprend aisément.

En tout état, comme il sera également vu ci-après (consid. 4.2), la prise en compte de l'existence d'une procédure connexe, entre des demanderesses ayant des liens étroits avec les recourants et l'intimée, s'inscrivant dans le même contexte que la présente cause, n'est pas déterminante dans le cadre du présent arrêt.

La recevabilité de ce fait n'a pas à être examinée plus avant.

4. Les recourants ne remettent pas en cause le principe de leur obligation de fournir des sûretés, mais en contestent la quotité, qu'ils estiment excessive.

Ils font grief au Tribunal d'avoir ignoré l'art. 23 LaCC et une décision rendue par la Cour dans une affaire comparable (ACJC/137/2022). Ils soutiennent que les parties connaissent largement le litige puisqu'il y a déjà eu de nombreuses procédures connexes longues et coûteuses en Suisse et à l'étranger. Il n'y a pas de difficultés juridiques particulières s'agissant d'appliquer les principes connus de la responsabilité de la banque et seul le droit suisse est applicable.

Ils reprochent également au Tribunal de n'avoir pas correctement appliqué l'art. 20 al. 1 LaCC. Celui-ci aurait dû répartir les montants réclamés au titre de rétrocessions non autorisées entre A______, B______ SA et deux autres entités (parties à la procédure connexe) à raison d'un quart chacun, soit 74'435 fr. pour A______ et 60'088 fr. pour B______ SA.

Le Tribunal n'aurait pas dû tenir compte du fait qu'il y avait deux demandeurs, le travail de l'intimée n'étant pas augmenté de ce fait, les prétentions des précités étant identiques.

Le montant des sûretés aurait dû être réduit pour tenir compte du fait que l'intimée avait également requis des sûretés dans une procédure connexe.

4.1.1 Pour calculer les dépens présumés et, partant, le montant des sûretés, il faut s'en remettre au droit cantonal (art. 96 CPC).

Aux termes de l'art. 20 al. 1 LaCC, dans les contestations portant sur des affaires pécuniaires, le défraiement d'un représentant professionnel est, en règle générale, proportionnel à la valeur litigieuse; il est fixé dans les limites figurant dans un règlement du Conseil d'État, d'après l'importance de la cause, ses difficultés, l'ampleur du travail et le temps employé.

Lorsqu'il y a une disproportion manifeste entre la valeur litigieuse et l'intérêt des parties au procès ou entre le taux applicable selon la présente loi et le travail effectif de l'avocat, la juridiction peut fixer un défraiement inférieur ou supérieur aux taux minimums et maximums prévus (art. 23 al. 1 LaCC).

Les débours nécessaires sont estimés, sauf éléments contraires, à 3% du défraiement et s'ajoutent à celui-ci (art. 25 LaCC). La juridiction fixe les dépens d'après le dossier en chiffres ronds incluant la taxe sur la valeur ajoutée (art. 26 al. 1ère phr. LaCC).

Le tarif servant de base au défraiement d'un représentant professionnel dans les affaires pécuniaires figure à l'art. 85 al. 1 RTFMC. Il prévoit que lorsque la valeur litigieuse se situe au-delà de 10'000'000 fr., le défraiement correspond à 106'400 fr. plus 0,5% de la valeur litigieuse dépassant 10'000'000 fr. Sans préjudice de l'art. 23 LaCC, le défraiement peut s'en écarter de plus ou moins 10% pour tenir compte des éléments rappelés à l'art. 84 RTFMC (art. 85 al. 1 RTFMC). Le défraiement d'un représentant professionnel est, en règle générale, proportionnel à la valeur litigieuse; sans effet sur les rapports contractuels entre l'avocat et son client, il est fixé d'après l'importance de la cause, ses difficultés, l'ampleur du travail et le temps consacré (art. 84 RTFMC).

Les critères susmentionnés, adoptés par la législation genevoise, ne sont ainsi pas éloignés de ceux dégagés par la jurisprudence fédérale antérieure au CPC pour déterminer la fixation des honoraires d'avocat, à savoir que pour les affaires pécuniaires, l'importance de la cause est essentiellement fonction de la valeur litigieuse, qui accroît la responsabilité assumée par l'avocat. Selon le Tribunal fédéral, le juge doit aussi estimer l'ampleur du travail fourni et le temps consacré par le mandataire professionnel mais sans tenir compte des procédés inutiles ou superflus. L'idée majeure qui se dégage de ces principes est qu'il doit exister entre la rémunération de l'avocat, d'une part, et les prestations fournies ainsi que la responsabilité encourue, d'autre part, un rapport raisonnable. Plus la valeur litigieuse est élevée, plus le pourcentage déterminant doit diminuer pour que la rémunération de l'avocat reste dans un rapport raisonnable avec les prestations fournies (arrêts du Tribunal fédéral 4P_140/2002 du 17 septembre 2002 consid. 2.2; 4P_116/2006 du 6 juillet 2006 consid. 3.3; 2C_25/2008 du 18 juin 2008 consid. 4.2.1; TF in SJ 2003 p. 363, consid. 3.2).

4.1.2 Chaque demandeur en consorité simple peut se voir astreint individuellement à fournir des sûretés en garantie des dépens, sans égard à la situation des autres consorts. Lorsque les consorts simples remplissent tous l'une des conditions de l'art. 99 al. 1 CPC, le juge ne peut donc pas les condamner solidairement à fournir des sûretés, mais doit astreindre chaque demandeur à verser un montant correspondant aux dépens qu'il risque de devoir payer à titre individuel si ses propres conclusions sont entièrement rejetées (ATF 147 III 529 consid. 4).

4.1.3 Dans un arrêt ACJC/1373/2022, rendu sur recours contre le montant des sûretés arrêté par le Tribunal, la Cour a jugé, alors que la demande, dirigée contre une banque et plusieurs autres personnes y travaillant, portait sur la somme de 325'216'735 fr., sous réserve d'amplification, notamment que la procédure n'en était qu'à ses débuts, que l'estimation de l'ampleur que la cause pourrait présenter, de même que le temps employé à la traiter, étaient ainsi malaisés, que plusieurs procédures judiciaires connexes opposant les parties avaient déjà eu lieu, de sorte que le complexe des faits était connu de ces dernières et/ou aisément compréhensible, que les problèmes soulevés ne nécessitaient pas des recherches juridiques pointues, que seul le droit suisse semblait applicable. Il ne pouvait donc pas être déduit de celles-ci que l'ampleur du travail fourni et le temps consacré par le conseil des intimés seraient considérables. A cet égard, le nombre de défendeurs n'était pas non plus déterminant, ces derniers étant tous représentés par un même conseil. Dans ces circonstances, bien que la valeur litigieuse fut élevée, il existait une disproportion manifeste entre le montant obtenu de 2'048'760 fr. selon le taux applicable et le travail effectif à produire par l'avocat des intimés. Il se justifiait donc d'appliquer l'art. 23 al. 1 LaCC et de fixer le défraiement à la moitié du montant prévu par le tarif. Si, en cours d'instance, ces sûretés devaient se révéler insuffisantes, le Tribunal pourrait, sur requête et dans les mêmes conditions, prescrire aux recourants de les compléter ou, à l'inverse, pourrait les réduire (art. 100 al. 2 CPC).

4.2 En l'espèce, c'est conformément à la jurisprudence susmentionnée que le Tribunal a fixé le montant des sûretés pour chacun des recourants séparément. Contrairement à ce que ceux-ci soutiennent, le premier juge n'a pas pris en compte la totalité des montants réclamés au titre des rétrocessions pour chacun d'eux mais a réparti ceux-ci à raison de la moitié chacun. L'existence d'une procédure connexe, dans laquelle le même montant est réclamé au titre des rétrocessions non autorisées, ne saurait justifier un partage par quatre des dépens y afférents dans la présente procédure, distincte, comme le voudrait les recourants. La manière de procéder du Tribunal sur ce point doit ainsi être confirmée.

La valeur litigieuse retenue par le Tribunal de l'ordre de 64'000'000 fr. pour A______ et de 60'000'000 fr. pour B______ SA correspond à celle alléguée par ces derniers, à laquelle il convient d'ajouter la moitié du montant réclamé au titre des rétrocessions non autorisées, soit 20'000'000 fr. arrondis pour chacun des recourants, comme fait par le Tribunal.

Ainsi, selon le tarif, le montant des dépens que les recourants pourraient être séparément condamnés à payer s'ils succombaient entièrement, serait de l'ordre de respectivement 476'400 fr. et 456'400 fr.

Une majoration de ces montants de 10% se justifie pleinement, compte tenu de l'ampleur indéniable de la cause, étant relevé que la demande comporte 276 pages et 404 pièces, et de sa complexité, en fait si ce n'est en droit, au vu notamment des nombreuses procédures conduites à l'étranger et en Suisse, et du nombre de transactions visées.

En ajoutant encore 3% de débours et 8,1% de TVA, (taux en vigueur depuis le 1er janvier 2024) on parvient à des sommes de l'ordre de 585'000 fr. respectivement 555'000 fr. de dépens prévisibles, comme arrêté par le Tribunal.

Ces montants correspondent à un peu plus de six mois de travail à plein temps, au tarif horaire de 500 fr. l'heure. Même en tenant compte du fait que l'activité déployée ne sera pas doublée du fait des deux demandeurs, voire même de l'existence de la procédure connexe, dont certains éléments pourraient être repris dans la présente procédure sans que cela ne nécessite un travail supplémentaire, de la durée prévisible de la procédure de plusieurs années, les montants ci-dessus ne paraissent pas excessifs et ceux-ci ne sauraient être réduits en application de l'art. 23 LaCC.

Le recours apparaît ainsi mal fondé et sera rejeté.

5. Les recourants, qui succombent (art. 106 al. 1 CPC), seront condamnés aux frais judiciaires du recours, arrêtés à 4'000 fr., compensés à due concurrence avec l'avance fournie (art. 111 al. 1 CPC). Ils seront condamnés à verser chacun 1'000 fr. à l'Etat de Genève au titre du solde des frais.

Ils seront également condamnés à verser chacun à l'intimée 2'000 fr. (art. 85, 87, 90 RTFMC, art. 23, 25 et 26 LaCC) à titre de dépens de recours.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté par A______ et B______ SA contre l'ordonnance OTPI/630/2023 rendue le 9 octobre 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/12092/2022.

Au fond :

Le rejette.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires du recours à 4'000 fr., les met à la charge conjointe et solidaire de A______ et B______ SA, et dit qu'ils sont partiellement compensés avec l'avance fournie de 2'000 fr., acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ et B______ SA à verser chacun 1'000 fr. à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, à titre de solde de frais.

Condamne A______ et B______ SA à verser chacun à C______, la somme de 2'000 fr. à titre de dépens de recours.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Paola CAMPOMAGNANI, Madame Pauline ERARD, juges; Madame Jessica ATHMOUNI, greffière.

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.