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Décisions | Chambre civile

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C/5079/2023

ACJC/1588/2023 du 30.11.2023 sur JTPI/10332/2023 ( SDF ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/5079/2023 ACJC/1588/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU JEUDI 30 NOVEMBRE 2023

 

Entre

Madame A______, domiciliée c/o Monsieur B______, ______, appelante d'un jugement rendu par la 19ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 13 septembre 2023, représentée par Me Cyril AELLEN, avocat, AAA Avocats SA, rue du Rhône 118, 1204 Genève,

et

Monsieur C______, domicilié c/o Monsieur B______, ______, intimé.

 

 

 

 

 


EN FAIT

A.           Par jugement JTPI/10332/2023 du 13 septembre 2023, notifié aux parties le 15 septembre 2023, statuant sur mesures protectrices de l'union conjugale, le Tribunal de première instance a déclaré irrecevables les écritures spontanées déposées par A______ le 24 juillet 2023 (ch. 1 du dispositif), autorisé les époux C______ et A______ à vivre séparés (ch. 2), attribué à C______ la jouissance exclusive du domicile conjugal sis rue 1______ no. ______ à D______ [GE] (ch. 3), imparti à A______ un délai au 15 décembre 2023 pour libérer ledit domicile de ses biens et de sa personne (ch. 4), condamné C______ à contribuer à l'entretien de A______ à hauteur de 900 fr. par mois, payables d'avance, dès son départ effectif du domicile conjugal, mais au plus tard à compter du 15 décembre 2023 (ch. 5), constaté que la séparation de biens des époux avait été prononcée par jugement du Tribunal de première instance le 25 février 2009 et rétroagissait au 4 novembre 2008 (ch. 6), réparti les frais judiciaires – arrêtés à 300 fr. – par moitié entre les parties, laissé ces frais à la charge de l'Etat, sous réserve d'une décision de l'assistance judiciaire (ch. 7), renoncé à allouer des dépens (ch. 8) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 9).

B.            a. Par acte expédié au greffe de la Cour civile le 25 septembre 2023, A______ a formé appel de ce jugement, sollicitant l'annulation des ch. 3 à 5 de son dispositif.

Principalement, elle a conclu à l'attribution du domicile conjugal de D______, à la fixation d'un délai d'un mois à C______ pour quitter ledit domicile, à l'autorisation de recourir à la force publique au cas où celui-ci ne s'exécuterait pas et à ce qu'il soit condamné à lui verser, par mois et d'avance la somme de 2'600 fr. à titre de contribution à son entretien.

b. A titre préalable, A______ a requis la suspension du caractère exécutoire des ch. 3 et 4 du jugement entrepris, ce à quoi C______ ne s'est pas opposé.

Par arrêt ACJC/1418/2023 du 20 octobre 2023, la Chambre civile a fait droit à cette requête et dit qu'il serait statué sur les frais judiciaires dans l'arrêt à rendre sur le fond.

c. Invité à se déterminer sur le fond de l'appel, C______ a exposé qu'il n'était pas en mesure de contribuer à l'entretien de son épouse.

d. Les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger par plis du greffe du 20 octobre 2023.

e. Par courrier du 31 octobre 2023, A______ a déclaré renoncer aux conclusions de son appel concernant le sort du domicile conjugal de D______.

Elle a persisté dans ses conclusions tendant au paiement d'une contribution à son entretien.

f. Par courrier daté du 30 octobre 2023, expédié au greffe de la Cour de justice le 2 novembre suivant, C______ s'est exprimé sur sa situation, en maintenant qu'il lui était impossible de contribuer à l'entretien de son épouse.

C.           Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. Les époux A______, née E______[nom de jeune fille] le ______ 1975, de nationalité tunisienne, et C______, né le ______ 1951, originaire de F______ [BS], se sont mariés le ______ 2000 à G______ (Tunisie).

b. Aucun enfant n'est issu de cette union.

C______ est père de trois enfants majeurs, issus d'une précédente union, qui vivent à F______.

c. En juillet 2008, A______ a déposé plusieurs plaintes pénales à l'encontre de son époux pour des faits de violence. Ces plaintes ont été classées en opportunité.

d. Par jugement JTPI/2479/2009 du 25 février 2009, statuant sur mesures protectrices de l'union conjugale à la requête de A______, le Tribunal de première instance a autorisé les époux à vivre séparés, condamné C______ à contribuer à l'entretien de son épouse à hauteur de 2'000 fr. par mois dès la séparation effective et prononcé la séparation de biens.

Par arrêt ACJC/872/2009 du 9 juillet 2009, la Cour de justice a partiellement réformé ce jugement et attribué la jouissance exclusive du domicile conjugal à A______.

e. Les époux ont cependant continué à vivre sous le même toit et ont repris la vie commune.

f. Par acte déposé au greffe du Tribunal le 20 mars 2023, C______ a formé à son tour une requête de mesures protectrices de l'union conjugale, concluant principalement à l'attribution de la jouissance exclusive du domicile conjugal et à ce qu'il soit dit qu'il ne devait aucune contribution à l'entretien de son épouse.

g. Devant le Tribunal, A______ a déclaré ne pas encore être préparée à la séparation, et s'opposer à ce que la jouissance du domicile conjugal soit attribuée à son époux.


h. Les parties se sont exprimées sur leur situation personnelle et financière, qui se présente comme suit :

h.a C______ a atteint l'âge de la retraite en 2016 et perçoit une rente AVS de 14'472 fr. par année, ainsi qu'une rente du Service des prestations complémentaires de 25'103 fr. par an, à laquelle s'ajoute le paiement de ses primes d'assurance-maladie.

Durant le mariage, C______ a travaillé à plein temps comme chauffeur de taxi indépendant. Depuis qu'il a atteint l'âge de la retraite, il poursuit cette activité à temps partiel, selon lui toujours en qualité d'indépendant. Devant le Tribunal, il a exposé que lorsqu'il avait accédé à la retraite, l'autorité lui avait remboursé la plaque de son véhicule et qu'il avait utilisé l'argent pour rembourser les personnes qui lui avaient permis de l'acquérir. Il n'a produit aucun document permettant de déterminer les revenus actuellement tirés de cette activité.

h.b C______ admet avoir hérité de son père une petite palmeraie sise en Tunisie, qui lui rapporte 200 fr. à 300 fr. par année. Il allègue avoir des dettes dans ce pays, pour avoir financé l'acquisition d'un appartement dans la maison du père de son épouse, ce que celle-ci reconnaît en précisant que C______ a financé les meubles, lesquels auraient toutefois été confisqués en raison d'une plainte.

h.c C______ est sous-locataire du domicile conjugal, soit un appartement de 5 pièces situé à D______, qu'il occupe depuis une vingtaine d'années. Il s'acquitte du loyer de sous-location, qui s'élève 2'225 fr. par mois.

Il ne fait pas état d'autres charges, étant rappelé que ses primes d'assurance-maladie sont couvertes par le Service des prestations complémentaires.

h.d A______ n'a pour sa part pas exercé d'activité lucrative durant le mariage, ni avant celui-ci. Depuis mars 2023, elle assure toutefois le service dans un restaurant scolaire à un taux d'activité de 43%, ce qui lui procure un revenu mensuel net de 1'497 fr.

Outre son entretien de base et ses frais de logement, ses charges comprennent ses primes d'assurance-maladie obligatoire (241 fr. par mois, subsides déduits) et ses frais d'abonnement aux transports publics (70 fr. par mois). Elle allègue faire l'objet de poursuites en raison du fait que son époux ne se serait pas régulièrement acquitté de ses primes d'assurance-maladie.

i. En dernier lieu, A______ a conclu devant le Tribunal à l'attribution de la jouissance exclusive du domicile conjugal, à l'octroi d'un délai d'un mois à C______ pour quitter ledit domicile, moyennant le cas échéant le recours à la force publique, et à la condamnation de celui-ci à lui verser la somme de 2'600 fr. par mois à titre de contribution à son entretien.

Pour sa part, C______ a persisté dans les conclusions de sa requête.

D.           Dans le jugement entrepris, le Tribunal a considéré qu'au vu de la reprise de la vie commune des époux, les mesures protectrices de l'union conjugale prononcées en 2009 étaient caduques, à l'exception de la séparation de biens, laquelle restait valable. La jouissance du domicile conjugal devait être attribuée à l'époux, qui l'occupait de longue date et disposait de moyens suffisants pour en supporter le loyer. L'épouse disposait quant à elle désormais d'un emploi stable, qui devait lui permettre de trouver à terme un logement adapté à sa situation personnelle.

Sur le plan financier, l'époux percevait une rente de vieillesse de 1'206 fr. par mois, à laquelle il n'y avait pas lieu d'ajouter les prestations complémentaires relevant de l'assistance publique. Il travaillait cependant comme chauffeur de taxi, à un taux qu'il fallait estimer à 70% et qui devait lui permettre de réaliser un revenu supplémentaire de 3'150 fr. net par mois, portant le total de ses revenus à 4'356 fr. net par mois. Les revenus qu'il pouvait tirer de ses biens en Tunisie étaient au surplus dérisoires. Sous déduction de ses charges, comprenant notamment le loyer du domicile conjugal, le disponible de l'époux s'élevait ainsi à 930 fr. par mois. Pour sa part, l'épouse accusait un déficit mensuel de 1'015 fr., compte tenu notamment d'un loyer hypothétique de 1'000 fr. par mois. Il convenait donc que l'époux lui verse une somme de 900 fr. par mois dès la séparation effective des parties.

EN DROIT

1.             1.1 L'appel est recevable contre les jugements de mesures protectrices de l'union conjugale, considérés comme des décisions provisionnelles au sens de l'art. 308 al. 1 let. b CPC (ATF 137 III 475 consid. 4.1), dans les causes non patrimoniales ou dont la valeur litigieuse au dernier état des conclusions devant l'autorité inférieure est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC).

Interjeté dans le délai utile de dix jours (art. 142 al. 1, art. 271 lit. a et art. 314 al. 1 CPC), suivant la forme écrite prescrite par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 CPC), dans une cause portant sur des prétentions dont la valeur capitalisée (art. 92 al. 2 CPC) est supérieure à 10'000 fr., l'appel est en l'espèce recevable.

1.2 Formée dans le délai de dix jours imparti, la réponse de l'intimé est également recevable. L'appel joint n'est pas recevable en procédure sommaire (art. 314 al. 2 CPC), à supposer que l'intimé ait eu l'intention de former un tel appel dans ses déterminations.

1.3 S'agissant d'un appel, la Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC).

En l'absence d'enfants mineurs, la procédure est soumise à la maxime de disposition (art. 58 CPC; ATF 128 III 411 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_831/2016 du 21 mars 2017 consid. 4.4) et à la maxime inquisitoire sociale (art. 272 CPC; arrêt du Tribunal fédéral 5A_645/2016 du 18 mai 2017 consid. 3.2.3), ce qui exclut notamment toute reformatio in pejus (arrêt du Tribunal fédéral 4A_110/2021 du 28 février 2022 consid. 1.2).

2.             L'appelante a déclaré en dernier lieu renoncer à ses conclusions relatives au domicile conjugal, soit notamment à celles tendant à l'attribution de la jouissance exclusive dudit domicile.

Il ne sera dès lors pas entré en matière sur ces questions, conformément à la maxime de disposition applicable (cf. art. 58 CPC).

3.             L'appelante conteste le montant de la contribution à son entretien arrêtée par le Tribunal. Elle reproche notamment au premier juge de ne pas avoir correctement apprécié les revenus de l'intimé.

3.1 Lorsque la suspension de la vie commune est fondée, le juge fixe la contribution pécuniaire à verser par l'une des parties à l'autre (art. 176 al. 1 ch. 1 CC).

Même lorsqu'on ne peut plus sérieusement compter sur la reprise de la vie commune, l'art. 163 CC demeure la cause de l'obligation d'entretien réciproque des époux en mesures protectrices de l'union conjugale. Le principe et le montant de la contribution d'entretien due selon l'art. 176 al. 1 ch. 1 CC se déterminent en fonction des facultés économiques et des besoins respectifs des époux. Le juge doit partir de la convention, expresse ou tacite, que les époux ont conclue au sujet de la répartition des tâches et des ressources entre eux (ATF 138 III 97 consid. 2.2; 137 III 385 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_534/2019 du 31 janvier 2020 consid. 4.1).

3.1.1 Selon la jurisprudence récente du Tribunal fédéral, toutes les prestations d'entretien doivent être calculées selon la méthode du minimum vital avec répartition de l'excédent, dite en deux étapes (ATF 147 III 265147 III 308).

Selon cette méthode concrète en deux étapes, on examine les ressources et besoins des personnes intéressées, puis les ressources sont réparties d'une manière correspondant aux besoins des ayants-droits selon un certain ordre (ATF
147 III 265 consid. 7). Il s'agit d'abord de déterminer les moyens financiers à disposition, en prenant en considération tous les revenus du travail, de la fortune et les prestations de prévoyance, ainsi que le revenu hypothétique éventuel. Il s'agit ensuite de déterminer les besoins, en prenant pour point de départ les lignes directrices pour le calcul du minimum vital du droit des poursuites selon l'art. 93 LP (ATF 147 III 265 consid. 7.2).

3.1.2 Pour fixer la contribution d'entretien, le juge doit en principe tenir compte du revenu effectif des parties (ATF 143 III 233 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_565/2022 du 27 avril 2023 consid. 3.1.1.2 et les arrêts cités). Il n'y a cependant pas lieu de tenir compte de l'aide qu'elles perçoivent de l'assistance publique. En effet, l'aide sociale est subsidiaire par rapport aux obligations d'entretien du droit de la famille. Les parties doivent en principe subvenir seules à leurs besoins vitaux. L'aide sociale, par nature subsidiaire, n'intervient qu'en cas de carence et elle est supprimée lorsque les parties peuvent assumer seules leurs dépenses incompressibles (arrêts du Tribunal fédéral 5A_128/2016 du 22 août 2016 consid. 5.1.4.1; 5A_158/2010 du 25 mars 2010 consid. 3.2; 5A_170/207 du 27 juin 2007 consid. 4).

Il a été admis par la Cour de céans, en 1998 déjà et constamment depuis lors, qu'un chauffeur de taxi travaillant normalement et sérieusement disposait de revenus nets d'au moins 3'500 fr. par mois, la moyenne se situant autour de 4'000 fr., montant qui devait être actualisé à 4'500 fr. en raison de l'augmentation des tarifs de taxis depuis lors. Depuis l'arrivée de H______ [service de taxis privés gérés via internet] à Genève, les centrales de taxis n'avaient rendu vraisemblables ni une perte d'abonnés ni une diminution des appels ou du chiffre d'affaires (ACJC/969/2022 du 15 juillet 2022 consid. 5.1.2; ACJC/1188/2018 du 31 août 2018 consid. 4.1.3; ACJC/313/2018 du 13 mars 2018 consid. 6.2.1; ACJC/1720/2016 du 21 décembre 2016 consid. 4.2.1; ACJC/230/ 2015 du 27 février 2015 consid 4.5.3).

3.1.3 Seules les charges effectives, dont le débirentier ou le crédirentier s'acquitte réellement, doivent être prises en compte (ATF 140 III 337 consid. 4.2.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_405/2019 du 24 février 2020 consid. 5.2).

Il n'est toutefois pas arbitraire de tenir compte d'un loyer hypothétique pour une durée transitoire, le temps que la partie concernée trouve un logement. Hormis cette exception, seuls les frais de logement effectifs ou raisonnables doivent être pris en compte et, en l'absence de telles charges, il appartient à la personne concernée de faire valoir ses frais de logement effectifs dès la conclusion d'un contrat de bail (arrêts du Tribunal fédéral 5A_405/2019 du 24 février 2020 consid. 5.3; 5A_461/2017 du 25 juillet 2017 consid. 3.3 et les références citées).

Dans tous les cas, le minimum vital du droit des poursuites du débirentier doit être préservé (ATF 147 III 265 consid. 7.3, arrêt du Tribunal fédéral 5A_450/2020 du 4 janvier 2021 consid. 5.3).

3.2 En l'espèce, le retrait des conclusions de l'appelante tendant à l'attribution de la jouissance du domicile conjugal a pour conséquence que les dispositions du jugement entrepris imposant à celle-ci-de quitter ledit domicile au plus tard le 15 décembre 2023 sont entrées en force. La séparation des époux sera alors effective, si elle ne l'est déjà, et l'intimé peut donc être tenu de contribuer à l'entretien de son épouse à compter de ladite séparation, ou au plus tard dès la date susvisée, conformément aux dispositions rappelées ci-dessus.

Il convient donc d'examiner le montant des contributions dues.

3.2.1 En l'occurrence, l'intimé a atteint l'âge de la retraite, mais poursuit une activité de chauffeur de taxi lui permettant de compléter les revenus tirés de ses rentes de vieillesse et complémentaires, dont seules les premières doivent être prises en compte comme l'a correctement retenu le premier juge (soit 1'206 fr. par mois).

Compte tenu de son âge, il n'y a cependant pas lieu d'attendre de l'intimé qu'il exerce une telle activité à plein temps, comme le soutient l'appelante. S'il est exact que les chauffeurs de taxi au bénéfice d'une autorisation d'exercice sont en principe tenus d'exercer leur activité à raison de 32 heures par semaine en moyenne (cf. art. 17 al. 5 RTVTC, RS Ge H 1 31.01), soit l'équivalent théorique d'un taux de 80%, il convient d'observer que ce service minimal peut être effectué en tout ou partie par des auxiliaires se substituant au titulaire de l'autorisation (cf. art. 17 al. 6 RTVTC). Or, en l'occurrence, l'intimé a expliqué, sans être contredit, avoir dû céder son autorisation personnelle d'exercer lorsqu'il avait atteint l'âge de la retraite, de sorte qu'il est vraisemblable qu'il poursuit aujourd'hui son activité pour le compte d'un tiers autorisé, et ce à un taux potentiellement inférieur au taux de 80% susvisé. Le taux de 70% imputé à l'intimé par le Tribunal paraît certes élevé, compte tenu de l'âge de l'intéressé, et ce même si ce dernier n'a fourni aucun document permettant de vérifier concrètement ses revenus.

Cela étant, compte tenu de l'interdiction de la reformation in pejus, il n'y a pas lieu d'imputer à l'intimé un revenu de moins de 3'150 fr. par mois, correspondant à 70% d'un revenu moyen de 4'500 fr., étant observé que les allégations de celui-ci selon lesquelles son état de santé ne lui permettrait plus d'exercer sa profession ne sont au demeurant corroborées par aucun certificat médical. Au total, ses revenus s'élèvent ainsi à 4'356 fr. par mois (1'206 fr. + 3'150 fr.), avec la précision que l'appelante ne conteste pas que les revenus tirés par l'intimé de ses biens en Tunisie doivent être considérés comme insignifiants.

Les charges mensuelles de l'intimé, non contestées, comprennent le loyer du domicile conjugal (2'225 fr.) et son entretien de base (1'200 fr.), soit un total de 3'425 fr., étant précisé que ses primes d'assurance-maladie sont prises en charge par l'Etat et qu'il n'allègue pas supporter d'autres frais, notamment de transport. L'intimé possède donc un disponible mensuel de 931 fr. (4'356 fr. – 3'425 fr.).

3.2.2 L'appelante travaille quant à elle à un taux de 43% et perçoit un salaire de 1'497 fr. net par mois. Compte tenu de son âge et du fait qu'elle n'a pas exercé d'activité lucrative durant les vingt premières années du mariage, il n'y a pour l'heure pas lieu d'admettre qu'elle pourrait augmenter son taux d'activité pour subvenir davantage à ses besoins, ce que l'intimé ne soutient d'ailleurs pas.

Ses charges mensuelles comprennent son entretien de base (1'200 fr.), ses primes d'assurance maladie (241 fr., subsides déduits) et ses frais de transport (70 fr.), auxquels il convient d'ajouter un loyer hypothétique conformément aux principes rappelés ci-dessus. A ce propos, l'appelante reproche au premier juge d'avoir arrêté ce poste à 1'000 fr. par mois, plutôt qu'à 1'200 fr. par mois, dans l'hypothèse (réalisée) où la jouissance du domicile conjugal ne lui serait pas attribuée. L'appelante n'a cependant fourni aucune indication, ni aucun élément de preuve, quant à ses frais de logement effectifs, lorsqu'elle a déclaré renoncer à ses conclusions relatives audit domicile. Le montant susvisé de 1'000 fr. devrait dès lors être confirmé. Le débat est toutefois vain, puisque le déficit de l'appelante est dans tous les cas supérieur au disponible de l'intimé, que l'on attribue à celle-ci un loyer hypothétique de 1'000 fr. ou de 1'200 fr. par mois. Ce déficit s'élève en effet à 1'014 fr. par mois dans la première hypothèse (1'497 fr. – [1'200 fr. + 241 fr. + 70 fr. + 1'000 fr.] = 1'014 fr.) et à 1'214 fr. par mois dans la seconde (1'497 fr.
– [1'200 fr. + 241 fr. + 70 fr. + 1'200 fr.] = 1'214 fr.), ce qui excède le disponible de 931 fr. de l'intimé.

3.2.3 Le minimum vital de l'intimé devant être préservé, c'est ainsi à bon droit que le Tribunal a considéré que celui-ci devait consacrer la totalité, ou la quasi-totalité, de son disponible à l'entretien de l'appelante, soit en l'occurrence la somme de 900 fr. par mois, et ce dès la séparation effective ou dès le 15 décembre 2023 au plus tard.

Le jugement entrepris sera par conséquent intégralement confirmé.

4.             Les frais judiciaires d'appel, comprenant les frais de la décision rendue sur effet suspensif, seront arrêtés à 1'000 fr. (art. 23, 31 et 37 RTFMC) et mis à la charge de l'appelante, qui succombe (art. 105 al. 1, art. 106 al. 1 CPC).

Celle-ci plaidant au bénéfice de l'assistance judiciaire, ces frais seront provisoirement laissés à la charge de l'Etat de Genève (art. 122 al. 1 CPC), qui pourra en réclamer le remboursement ultérieurement (art. 123 al. 1 CPC, art. 19 RAJ).

Vu la nature familiale du litige, chaque partie supportera ses propres dépens d'appel (art. 107 al. 1 let. c CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 25 septembre 2023 par A______ contre le jugement JTPI/10332/2023 rendu le 13 septembre 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/5079/2023.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 1'000 fr., les met à la charge de A______ et dit qu'ils sont provisoirement pris en charge par l'Etat de Genève.

Dit que chaque partie supporte ses propres dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Pauline ERARD,
Madame Paola CAMPOMAGNANI, juges; Madame Sandra CARRIER, greffière.

 

Le président :

Cédric-Laurent MICHEL

 

La greffière :

Sandra CARRIER

 

 

 

Indication des voies de recours :

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.