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Décisions | Chambre civile

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C/10806/2019

ACJC/839/2023 du 20.06.2023 sur JTPI/6383/2022 ( OO ) , RENVOYE

Recours TF déposé le 08.09.2023, 4A_434/2023
Normes : CPC.59.al2.letb; CPC.60; CPC.15.al2; CPC.31; CO.74.al1; CO.74.al2
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/10806/2019 ACJC/839/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 20 JUIN 2023

Entre

1) Monsieur A______, domicilié ______ [GE],

2) Madame B______, domiciliée ______ [GE],

3) Madame C______, domiciliée ______, Etats-Unis d'Amérique,

4) Madame D______, domiciliée ______ [GE],

tous appelants d'un jugement rendu par la 11ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 24 mai 2022, comparant par Me Christian de PREUX, avocat, de Preux Avocats, rue de la Fontaine 5, case postale 3398, 1211 Genève 3, en l'étude duquel ils font élection de domicile,

et

1) Monsieur E______, domicilié ______ [SH],

2) F______ AG, sise ______ [SH],

tous deux intimés, comparant par Me Daniel KINZER, avocat, CMS VON ERLACH PARTNERS SA, rue Bovy-Lysberg 2, case postale 5067, 1211 Genève 3, en l'étude duquel ils font élection de domicile.


EN FAIT

A.           Par jugement JTPI/6383/2022 du 24 mai 2022, reçu le 10 juin 2022 par les parties, le Tribunal de première instance, statuant sur incident ratione loci, s'est déclaré incompétent pour connaître de la demande en paiement formée par B______, C______, D______ et A______ le 13 mai 2019 contre E______ et F______ AG (ch. 1 du dispositif), a déclaré en conséquence la demande irrecevable (ch. 2), mis les frais judiciaires – arrêtés à 25'490 fr. – à la charge de B______, C______, D______ et A______, les compensant avec les avances fournies et restituant en conséquence à B______, C______, D______ et A______ la somme de 71'650 fr. (ch. 3), condamné B______, C______, D______ et A______ à payer à E______ et F______ AG la somme de 30'000 fr. à titre de dépens (TTC) (ch. 4) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5).

B.            a. Par acte déposé le 8 juillet 2022 au greffe de la Cour de justice (ci-après : la Cour), B______, C______, D______ et A______ appellent de ce jugement dont ils sollicitent l'annulation avec suite de frais judiciaires et dépens de première et deuxième instance.

Cela fait, ils concluent, principalement, à ce que la Cour constate que le Tribunal et la Cour sont compétents ratione loci pour trancher la présente cause, condamne E______ et F______ AG, conjointement et solidairement, à restituer à l'hoirie de feu G______ les sommes de 1'500'000 fr., avec intérêts à 5% l'an dès le 16 juillet 2019, 2'500'000 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 7 décembre 2018, 1'800'000 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 19 décembre 2018, 1'600'000 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 15 janvier 2019, 500'000 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 12 juillet 2010 et 900'000 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 28 septembre 2010. Ils sollicitent également que la Cour condamne E______ et F______ AG, conjointement et solidairement, à payer à l'hoirie de feu G______, 180'000 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 13 mai 2019 et 64'609 fr. 23.

Subsidiairement, ils concluent à ce que la Cour constate que le Tribunal est compétent ratione loci pour trancher la présente cause et renvoie celle-ci au Tribunal pour poursuite de l'instruction et jugement au fond.

b. Dans leur réponse, E______ et F______ AG concluent à la confirmation du jugement entrepris avec suite de frais judiciaires et dépens.

c. Les parties ont répliqué, respectivement dupliqué, persistant dans leurs conclusions.

d. Elles ont été informées par plis du greffe de la Cour du 30 novembre 2022 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. B______, C______, D______ et A______ (ci-après : l'hoirie ou les hoirs) sont les seuls héritiers de feu G______, décédé le ______ 2018 à Genève où il était domicilié.

b. Le de cujus était un des associés de la banque privée genevoise homonyme H______ qui a fusionné avec un autre établissement bancaire privé pour devenir H______/I______. G______ était, par ailleurs, un collectionneur d'œuvre d'art et objets rares ou anciens (ci-après aussi : le collectionneur).

c. F______ AG, société inscrite au registre du commerce de Schaffhouse depuis 1984, est active notamment dans l'achat et la vente de ______ et ______.

d. E______ est son administrateur unique (ci-après également : l'antiquaire ou le représentant). Il est domicilié à la même adresse que la société, soit rue 1______ no. ______ à J______ (Schaffhouse).

e. Il est spécialiste des livres d'heures, soit des livres liturgiques du Moyen-âge contenant des enluminures datant des 15ème et 16ème siècles.

f. A compter de 2002 et pendant plus de 15 ans, G______, F______ AG et E______ ont noué des relations commerciales mais aussi personnelles, qualifiées d'amitié par ce dernier.

g. Pendant cette période, qui a cependant connu des interruptions parfois de plusieurs années, G______ a acquis de nombreux manuscrits du Moyen-Âge dont certains ont fait l'objet de restauration (reliure, etc.). A cet égard, l'hoirie affirme que G______ était lié contractuellement tant avec la société qu'avec E______, ce que ce dernier conteste, expliquant que seule F______ AG était partie aux contrats avec G______.

h. K______ CORP, société off-shore sise à L______ (Bahamas), était parfois utilisée par G______ en tant qu'intermédiaire financier pour acheter ces objets pour son compte.

i. Outre le paiement des manuscrits achetés, G______ a remis des sommes d'argent à F______ AG dont certaines correspondaient à des prêts dont, par exemple, le montant de 1'500'000 fr. versé le 28 septembre 2016. E______ et F______ AG allèguent que ce dernier prêt a postérieurement été remboursé en capital et intérêts par l'acquisition de manuscrits par feu G______. A propos des prêts, les hoirs soutiennent que l'antiquaire était, de manière générale, aussi emprunteur à titre personnel desdits prêts, ce que ce dernier conteste.

j. Durant leurs relations commerciales, G______ avait, "en règle générale", la possibilité de "garder des manuscrits" avant de les acheter, afin de pouvoir les consulter, les évaluer et réfléchir à un éventuel achat. Les hoirs allèguent qu'il existait ainsi une pratique entre les cocontractants. E______ et F______ AG admettent l'existence de cette pratique tout en précisant que celle-ci n'était pas systématique.

k. Les parties s'opposent sur le lieu de situation des ouvrages au moment de la prise de décision de feu G______ de les acheter.

k.a Les hoirs affirment qu'étant donné qu'il était "d'usage" et "courant" entre les parties que les manuscrits offerts à la vente soient remis, avant la conclusion de la vente, à G______ à Genève lors d'un déplacement de E______ et que l'accord sur le prix de vente n'intervenait que plus tard, les manuscrits se trouvaient à Genève au moment de l'acceptation du prix de vente.

k.b F______ AG et son représentant soutiennent, que de manière générale, après la vente d'un manuscrit, les ouvrages étaient "normalement" donnés à des restaurateurs spécialisés sis à l'étranger pour leur préparation en vue de la remise à feu G______ ou à K______ CORP. Dans ce cas, le collectionneur lui-même ou un collaborateur de sa société venait en prendre possession dans les ateliers de la société situés à M______ (France), N______ (Royaume-Uni) ou encore O______ (Royaume-Uni). La remise pouvait aussi avoir lieu à l'occasion de foires d'art comme celle de P______ (Pays-Bas) ou M______, voire en d'autres lieux, mais toujours à l'étranger. G______ se chargeait ensuite de l'importation des ouvrages achetés. En particulier, le manuscrit "Q______" lui avait été remis en Allemagne à une date non précisée.

k.c Selon un courrier de F______ AG à feu G______ du 4 novembre 2002, E______ a apporté au domicile du collectionneur que ce dernier a finalement acquis. A teneur d'un courrier de E______ à feu G______ du 18 juin 2004, suite à une visite de l'antiquaire à Genève, feu G______ a conservé deux manuscrits qui lui ont été ensuite proposés à l'achat pour 980'000 fr. dont il a finalement fait l'acquisition. Aux termes d'une facture du 15 août 2005 adressée par F______ AG au collectionneur, l'ouvrage acquis pour 1'500'000 fr. était déjà en possession de ce dernier. Selon deux courriers de E______ à feu G______ des 2 avril et 21 septembre 2007 faisant allusion à une soirée durant laquelle le collectionneur avait reçu l'antiquaire chez lui, ce dernier a laissé au premier un manuscrit dont il était personnellement propriétaire tout en précisant que l'ouvrage n'était pas à vendre avant de, tout de même, le lui proposer à la vente une semaine plus tard. Suite à des négociations, feu G______ a acheté cet ouvrage pour 5'500'000 fr. A teneur d'un courrier du 21 juin 2016 de F______ AG au collectionneur, deux manuscrits acquis par ce dernier lui avaient été envoyés, à la banque, par la poste.

k.d Selon une facture de F______ AG à K______ CORP du 2 avril 2011, les ouvrages vendus ont été réceptionnés dans l'un des dépôts anglais de F______ AG.

k.e R______, ancien associé de feu G______ et ami de celui-ci, entendu en qualité de témoin, a déclaré avoir rencontré à plusieurs reprises E______ lors de foires mais aussi chez ce dernier à J______ [SH], ainsi qu'à son propre domicile. Lors d'un achat en 2005, E______ était venu à son domicile lui présenter des ouvrages, objets précieux qu'il lui avait d'ailleurs laissés. Le témoin se souvenait d'avoir immédiatement acheté un manuscrit et deux livres. Mécontent toutefois de ces transactions, il avait mis en œuvre une expertise arbitrale, laquelle avait statué à l'époque en défaveur du témoin. Par la suite, il avait revendu à perte le manuscrit acheté. Il savait que feu G______ achetait régulièrement des manuscrits à E______, acquisitions que le défunt lui montrait soit à la banque soit à son domicile. Il ignorait si feu G______ recevait ces manuscrits à la banque bien qu'il le pensât.

k.f S______, compagne et employée de E______ avec lequel elle vit, entendue en qualité de témoin, a déclaré que, si par le passé son compagnon se rendait régulièrement auprès de ses clients, cela n'était plus le cas ces dernières années. Depuis qu'elle travaillait avec lui, soit depuis l'été 2015, ils se rendaient tous les deux aux foires d'art, lieux où les clients leur rendaient visite. Elle-même n'avait pas côtoyé feu G______ professionnellement même si elle avait été présente lorsque E______ avait présenté au collectionneur des manuscrits susceptibles de l'intéresser. Ces présentations avaient eu lieu soit à leur domicile, soit à la foire d'art à P______ (Pays-Bas). La question des prix était abordée et des négociations – auxquelles elle ne participait pas – avaient alors lieu. A une seule reprise, elle avait été impliquée au moment de la transaction. Il s'agissait de la dernière effectuée par le collectionneur. Cela concernait un manuscrit dont l'antiquaire lui avait adressé des images avant qu'il ne le voie en vrai à la foire de P______ (Pays-Bas) en mars 2017. Feu G______ l'avait acheté sur place. Il avait été convenu que ce dernier vienne le chercher lors d'une visite à leur domicile, à [J______]. Cela avait eu lieu les 13 et 14 juillet 2017 selon ce qui figurait dans son agenda, qu'elle avait consulté avant de se présenter à l'audience. Pour la remise de l'ouvrage au collectionneur, ils avaient d'abord fait venir ce manuscrit du dépôt situé à N______ (Royaume-Uni) à T______ (Allemagne), où le couple possède un appartement, avant de le remettre à feu G______ à U______ (Allemagne), dans l'hôtel où ce dernier séjournait. De manière générale, à sa connaissance, le collectionneur était intéressé par les manuscrits se trouvant dans les dépôts européens de F______ AG, soit à M______ ou N______. Elle l'avait aussi rencontré à plusieurs occasions privées, soit à leur domicile avec son compagnon, soit à P______.

k.g V______, directeur de la banque H______ de 1994 à 2014, entendu en qualité de témoin, a côtoyé professionnellement feu G______ qui siégeait au conseil d'administration de la banque. Il ignorait comment, où et par qui était intervenue la prise de possession des manuscrits acquis par le collectionneur. En particulier, il ne savait pas s'ils avaient été importés et, le cas échéant, qui s'en était chargé. Lui-même n'avait jamais reçu d'instruction de la part de feu G______ d'effectuer un quelconque voyage à ce titre. A propos de deux factures adressées par F______ AG à K______ CORP les 23 septembre 2009 et 2 avril 2011, dont la première était à son nom, concernant l'acquisition de manuscrits, le témoin a confirmé avoir dû les recevoir sans toutefois se rappeler du contexte. Il n'avait eu aucun pouvoir au sein de la société K______ CORP mais était intervenu à titre professionnel sur instructions de feu G______.

l. Une fois les manuscrits acquis, G______ avait la possibilité de les restituer, moyennant rachat ou imputation sur le prix d'une nouvelle acquisition. Cet aménagement a perduré pendant toute la durée des relations commerciales.

m. Suite au décès de G______, l'hoirie a voulu procéder à l'inventaire des différentes collections d'art du de cujus, dont celle – importante – des manuscrits du Moyen-Âge, composée de vingt-huit ouvrages acquis entre 2015 et 2017 auprès de F______ AG et/ou E______ pour lesquels aucun contrat écrit n'existait et seulement quinze factures établies par la société avaient été retrouvées.

n. A cet effet, les hoirs ont sollicité, à plusieurs reprises, E______.

o. Face à des réponses considérées comme fuyantes contradictoires, erronées, voire fausses, les hoirs ont recouru aux services d'un avocat.

p. Par courrier du 22 novembre 2018, E______ a indiqué aux hoirs qu'entre 2002 et 2005, G______ lui avait acheté "quelques autres plus petits manuscrits" qu'il lui avait restitués quelques années plus tard, compensant le prix qu'il avait payé avec le prix de plus grosses acquisitions postérieures.

q. A la suite de nombreux échanges épistolaires, il est apparu que, sur cinq des ouvrages restitués par feu G______ dans le courant de l'année 2017, quatre d'entre eux étaient encore en mains de F______ AG au moment du décès du collectionneur, à savoir :

- Le W______, facturé le 2 septembre 2004 pour un montant de 560'000 fr. ;

- Le manuscrit de X______ avec des miniatures du "Meister Y______", facturé le 22 juin 2004 – avec un autre ouvrage – pour un montant individualisé de 380'000 fr. selon les notes manuscrites de feu G______, montant contesté par F______ AG et son représentant. Cet ouvrage a été remis par l'antiquaire au collectionneur à Genève afin qu'il se fasse une idée avant de l'acquérir ;

- Le livre d'heures de Z______ réglé le 12 juillet 2006 pour un montant de 480'000 fr. ;

- Le Maître AA______, acquis à une date inconnue pour un prix de 180'000 fr. selon les notes manuscrites de feu G______, pour lequel aucune facture n'a été retrouvée. Le montant est contesté par F______ AG et son représentant.

r. Se référant à ces quatre manuscrits, E______ s'était adressé le 11 septembre 2017 à feu G______ en faisant état d'une "petite dette" qu'il s'était engagée à honorer d'ici septembre 2017 lorsque le collectionneur lui avait rendu lesdits manuscrits en lui demandant de les "placer autrement" ("es geht um die Manuskripte, die Du mir vor einiger Zeit zurückgegeben hast und die Du mich batest, anderweitig zu placieren"). L'antiquaire proposait au collectionneur, soit d'essayer de vendre pour le prix de 850'000 fr. les manuscrits que ce dernier lui avait rendu, ce dans un délai d'un an et demi à deux ans et, à défaut, de les lui racheter pour un montant de 750'000 fr. au plus tard en automne 2019, soit de déduire le montant d'un million de francs pour les quatre manuscrits, du prix de vente d'un prochain achat important ("ich werde versuchen, diese vier Manuskripte in den nächsten anderthalb bis zwei Jahren (= die Frist, die Du mir gesetzt hast) für 850'000.- sfr. zu verkaufen. Sollte es mir in dieser Frist nicht gelingen, schlage ich vor, dass alles vier für 750'000.- sfr zurückkaufe, spätestens bis Herbst 2019. Als Alternative biete ich Dir an, im Falle eines grössen Ankaufs Deinerseits in der nächsten Zeit für diese vier Manuskripte von dem Kaufpreis eine Million Franken abzuziehen").

s. Un cinquième ouvrage, nommé " AB______", acquis au début de l'année 2015 par feu G______ pour 1'800'000 fr. et restitué à une date inconnue à F______ AG a été vendu à un tiers.

L'hoirie allègue ne pas avoir trouvé la trace d'un remboursement du prix ou d'une contrepartie à cette restitution.

t. Certains ouvrages de la collection de feu G______ n'avaient pas de facture correspondante.

Tel est le cas de l'ouvrage intitulé "Q______", acquis par F______ AG en 2016 dans une vente aux enchères pour 401'000 GBP, soit 521'572 fr. 68. F______ AG et son représentant ont allégué l'avoir vendu à feu G______ pour un prix de 2'500'000 fr., montant versé le 28 février 2017 par le collectionneur à F______ AG. Les hoirs considèrent que ce montant serait, au contraire, un prêt non remboursé à ce jour. Ils soutiennent également que l'origine controversée de cet ouvrage n'aurait, à dessein, pas été portée à la connaissance de leur père par l'antiquaire qui l'avait attribué sans équivoque au "Maître AC______" aussi nommé le "Maître AD______".

u. A la demande des hoirs, les vingt-huit manuscrits de la collection ont été estimés par une maison de vente aux enchères pour un montant se situant entre 7'490'000 GPB et 11'620'000 GPB, soit une fourchette bien inférieure à la totalité des sommes versées, selon l'hoirie, par feu G______ à E______ et/ou F______ AG.

v. Au cours de l'année 2018, un important échange de correspondances a eu lieu entre le conseil de l'hoirie et E______, puis le conseil de ce dernier, à propos de ces nombreuses transactions commerciales nouées entre le collectionneur d'une part et E______ et/ou F______ AG d'autre part.

w. Les positions exposées, irréconciliables du point de vue de chacune des parties, ont mené au présent litige.

Pour les hoirs, la valeur des vingt-huit manuscrits retrouvés (prétendument cédés pour un montant global de 19'695'000 fr.) ne concorderait pas avec les virements effectués par feu G______ en faveur de E______ et/ou F______ AG, dépassant 30'000'000 fr. Or, selon les hoirs, les explications données par l'antiquaire ont été à chaque fois contredites par les documents commerciaux ou bancaires (factures, courriers, etc.) progressivement découverts. Le fait d'avoir passé sous silence, pendant plus de dix mois, la reprise de quatre ouvrages pour un montant total de 1'600'000 fr. et la dette correspondante envers l'hoirie avait anéanti toute crédibilité de l'antiquaire et de sa société, ceux-ci ayant en outre astucieusement cherché à masquer l'existence du contrat de prêt de 2'500'000 fr.

Pour F______ AG et son représentant, au contraire, les inexactitudes et les erreurs reprochées étaient dues au fait que les relations commerciales nouées avec feu G______, bien qu'importantes en termes de nombre de manuscrits échangés, étaient peu formalistes et souvent non détaillées, voire non documentées, ce qui rendait difficile la reconstitution des transactions avec précision. S'agissant des quatre manuscrits repris, le collectionneur avait finalement décidé d'acheter un ouvrage très précieux dont le prix d'achat devait être déduit d'un million de francs, conformément à la proposition faite dans l'un des derniers courriers adressés au de cujus à la fin de l'année 2017, peu avant son décès. F______ AG et son représentant proposaient finalement aux hoirs de racheter, d'ici à l'automne 2019, pour un montant de 750'000 fr., les quatre manuscrits retournés.

D. a. Par acte déposé en conciliation le 13 mai 2019, déclaré non concilié le 3 juillet 2019 et introduit au Tribunal le 17 juillet 2019, les quatre héritiers légaux de feu G______ ont formé une demande contre F______ AG et E______ concluant à leur condamnation, conjointe et solidaire, au paiement ou à la restitution d'une somme totale en capital de 7'644'609 fr. 23 sous suite de frais judiciaires et dépens. Cette somme se décompose de six montants qui font l'objet des chefs de conclusions individuels suivants :

-       1'500'000 fr., avec intérêts à 5% l'an dès le 16 juillet 2019 au titre de remboursement du capital du prêt octroyé le 28 septembre 2016;

-       180'000 fr., plus intérêts à 5% l'an dès le 13 mai 2019 au titre de paiement d'intérêts sur le prêt de 1'500'000 fr. jusqu'au dépôt de la demande;

-       2'500'000 fr., plus intérêts à 5% l'an dès le 7 décembre 2018, principalement, au titre de remboursement du prêt octroyé le 28 février 2017 et, subsidiairement, au titre de l'annulation du contrat de vente relatif à l'ouvrage "Q______" pour dol, voire erreur essentielle;

-       1'800'000 fr., plus intérêts à 5% l'an dès le 19 décembre 2018 au titre de l'annulation du contrat de vente et en restitution des prestations, soit le prix payé le 2 février 2015 pour l'acquisition de " AB______";

-       1'600'000 fr., plus intérêts à 5% l'an dès le 15 janvier 2019 au titre de l'annulation des contrats de vente et en restitution des prestations, soit la somme totale réglée – selon les notes de G______ – pour l'achat des ouvrages W______, X______ avec des miniatures du Meister Y______, de Z______ et AA______.

-       64'609 fr. 23 au titre de dommages-intérêts pour les frais d'avocat engagés avant procès "en raison de l'attitude de E______".

Les hoirs ont exposé que feu G______, d'une part, et E______ et F______ AG, d'autre part, étaient liés par des contrats de prêt et de vente.

Le lieu d'exécution de la prestation du vendeur, soit la remise de l'objet de la vente, se situait à Genève, de sorte que la compétence à raison du lieu des tribunaux genevois était donnée pour statuer sur l'action contractuelle. En outre, se sachant débiteur de l'hoirie, E______ avait fait usage de procédés "illicites" pour tenter d'échapper à ses obligations, attitude causant un dommage pour les hoirs sous forme de frais de défense avant procès. Les hoirs, en leur qualité de lésés, étant domiciliés à Genève [recte: trois sur quatre], les tribunaux genevois étaient également compétents pour connaître de l'action délictuelle.

b. Dans leur réponse, F______ AG et E______ ont conclu, principalement, à l'irrecevabilité de la demande, faute de compétence ratione loci du Tribunal, étant précisé que la légitimation passive de E______ était également contestée pour l'ensemble des transactions.

F______ AG et son représentant ont soutenu que ni le for ordinaire ni le for alternatif de l'art. 31 CPC se trouvait à Genève. En effet, en tant que l'hoirie alléguait pour les quatre premiers chefs de leurs conclusions l'existence de prêts, les tribunaux genevois n'étaient pas compétents puisque les emprunteurs avaient leur domicile à J______ [SH]. Ils n'étaient pas davantage compétents s'agissant des 2'500'000 fr. réclamés sur la base du contrat de vente du manuscrit "Q______". Dans ce cas, l'ouvrage ayant été remis en Allemagne à l'acheteur, soit à l'étranger, un for à Genève était exclu. Enfin, s'agissant du for du prétendu acte illicite, dont la réalisation était contestée, il s'agissait d'un for prétexte afin d'attraire l'entier du litige par-devant les autorités judiciaires genevoises par le mécanisme du for de connexité (cf. l'art. 15 CPC). Quoi qu'il en soit, les frais avant procès – qui étaient contestés – devaient, en tant qu'accessoire de la prétention principale, être réclamés à l'endroit où cette dernière pouvait l'être.

Subsidiairement, F______ AG et E______ ont conclu au déboutement de leur adverse partie. S'agissant des quatre premières prétentions formées par les hoirs, ces dettes en remboursement – suite aux prêts ou à la restitution de manuscrits acquis par feu G______ – avaient été entièrement éteintes par la remise postérieure d'autres manuscrits, étant précisé que le montant de 2'500'000 fr. versé le 28 février 2017 concernait non pas un prêt mais bien l'achat du livre d'heures "Q______" dont le de cujus connaissait les caractéristiques, étant en particulier contesté le fait que E______ l'ait attribué sans nuance au "Maître AC______" (ou "Maitre AD______"). En ce qui concernait les quatre ouvrages restitués, leur valeur totale devait être portée en déduction de l'achat du "Livre AE______" conclu oralement par le défunt mi-janvier 2018 pour un prix de vente de 7'500'000 fr.

Enfin, pour le cas où la compétence à raison du lieu serait admise, F______ AG a réclamé à titre reconventionnel, sous suite de frais judicaires et dépens, le paiement par les héritiers de feu G______ d'un montant de 5'900'000 fr. moyennant la remise concomitante du manuscrit "Livre AE______".

c. Dans leur réplique, les hoirs ont amplifié leurs conclusions en paiement de deux montants supplémentaires, à savoir 500'000 fr. plus intérêts à 5% l'an dès le 12 juillet 2010 et 900'000 fr. plus intérêts à 5% l'an dès le 28 septembre 2010, au titre de remboursement de deux prêts octroyés aux dates précitées à F______ AG et E______ puisqu'aucune contrepartie correspondante n'avait été retrouvée.

Pour le surplus, et sur demande reconventionnelle, ils ont conclu au déboutement de leurs adverses parties, niant l'existence d'une dernière vente orale scellée avec le de cujus, invoquée pour la première fois après plusieurs mois de correspondance afin d'élucider les tenants et aboutissants de certaines transactions.

En substance, à propos du déroulement des opérations d'achat-vente, les hoirs ont allégué que, même en cas de réparation ou de remplacement de la reliure, l'ouvrage avait préalablement été mis en possession de feu G______. Ce n'était donc qu'à titre exceptionnel que les manuscrits avaient été remis en un autre lieu que Genève. L'acte illicite reproché à E______ (désormais également imputé à F______ AG) fondait en outre également un for à Genève pour les dommages-intérêts recherchés.

d. Dans leur duplique, F______ AG et E______ ont persisté dans leurs conclusions en déboutement de l'action principale. S'agissant des deux nouvelles conclusions, ils ont expliqué que les montants concernés versés à F______ AG correspondaient à l'achat de deux manuscrits ("livres illustrés du 16ème au 18ème siècle") restitués à une date non précisée, l'avoir correspondant ayant servi à régler l'acquisition d'un nouvel ouvrage en juillet 2010.

Ils ont précisé que même lorsque les ouvrages étaient remis en mains de feu G______ pour inspection avant décision d'achat, F______ AG reprenait les manuscrits; la livraison était prévue après réparation et avait toujours lieu à l'étranger.

e. Les hoirs ont encore adressé une détermination spontanée au terme de laquelle ils ont persisté dans leurs conclusions.

f. Lors de l'audience du 29 septembre 2020, les parties se sont déclarées d'accord de limiter la procédure à l'exception d'incompétence ratione loci.

g. Le Tribunal a entendu les parties et trois témoins, dont les déclarations ont été reproduites dans la partie EN FAIT, let. C. ci-dessus dans la mesure utile.

h. Au terme de l'audience du 14 octobre 2021, les parties ont plaidé sur incident ratione loci, persistant dans leurs conclusions respectives et le Tribunal a gardé la cause à juger sur ledit incident.

i. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a retenu que le "droit de retour", à savoir la possibilité offerte à feu G______ de rendre à E______ et/ou F______ AG les ouvrages achetés, était intrinsèquement lié à la vente. Il s'agissait d'une obligation accessoire indépendante des contrats de vente qui n'en modifiait pas la qualification juridique. Dès lors que l'obligation accessoire suivait l'obligation principale, il y avait lieu de ne répondre qu'à la question de savoir si les manuscrits se trouvaient déjà chez feu G______ à Genève au moment de la conclusion des ventes. Le premier juge a retenu, à ce propos, que des courriers et factures avaient permis de constater que certains ouvrages achetés par feu G______ étaient bien déjà en sa possession à Genève au moment de la conclusion de la vente mais que cela ne permettait pas encore de considérer que cette manière de procéder était un usage ou une pratique commerciale consolidée entre les parties. L'hoirie avait ainsi échoué à établir que les parties avaient instauré une telle pratique. Le Tribunal a encore examiné la question de savoir si les co-contractants avaient désigné Genève comme lieu de livraison des manuscrits. Sur ce point, aucun élément au dossier ne permettait de démontrer que les cocontractants s'étaient mis d'accord, à l'époque, pour que les vendeurs assument l'obligation de livrer les ouvrages au domicile (privé ou professionnel) du collectionneur à Genève. Le for de l'action contractuelle ne pouvait dès lors être situé à Genève. S'agissant du for de l'action délictuelle invoquée par l'hoirie, l'acte illicite et le lien de causalité entre les honoraires d'avocats et les prétendus agissements illicites de E______ n'étaient pas suffisamment allégués ni démontrés pour admettre un for à Genève. Faute de compétence à raison du lieu, le Tribunal a retenu que l'action de l'hoirie devait être déclarée irrecevable.

EN DROIT

1. 1.1 En tant qu'il constate l'incompétence ratione loci du Tribunal, le jugement entrepris constitue une décision finale de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC; Jeandin, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème éd. 2019, n. 9 ad art. 308 CPC). La valeur litigieuse étant supérieure à 10'000 fr., la voie de l'appel est ouverte (art. 308 al. 2 CPC).

1.2 Interjeté dans le délai utile de trente jours (art. 142 al. 1, 143 al. 1 et 311 al. 1 CPC), selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131 et 311 al. 1 et 2 CPC) et auprès de l'autorité compétente (art. 120 al. 1 let. a LOJ), l'appel est recevable.

1.3 La Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC).

1.4 Par souci de clarté, E______ sera désigné ci-après l'intimé et F______ AG, l'intimée.

2. Les appelants reprochent au premier juge d'avoir déclaré l'action contractuelle qu'ils ont formée à l'encontre des intimés irrecevable, faute de compétence ratione loci.

2.1
2.1.1
En application des art. 59 al. 2 let. b et 60 CPC, le tribunal vérifie d'emblée sa compétence à raison du lieu dès lors qu'il ne peut entrer en matière que si la demande satisfait aux conditions de recevabilité de l'action. A cet égard, il doit d'abord examiner si les faits pertinents de la disposition légale applicable sont des faits simples ou des faits doublement pertinents, conformément aux principes jurisprudentiels développés sous le nom de "théorie de la double pertinence" (arrêt du Tribunal fédéral
4A_619/2020 du 17 février 2021, destiné à la publication, consid. 2).

2.1.2 Les faits sont simples lorsqu'ils ne sont déterminants que pour la compétence. Ils doivent être prouvés au stade de l'examen de la compétence, lorsque la partie défenderesse soulève l'exception de déclinatoire en contestant les allégués du demandeur. Les faits sont doublement pertinents ou de double pertinence lorsque les faits déterminants pour la compétence du tribunal sont également ceux qui sont déterminants pour le bien-fondé de l'action. C'est à ces faits que s'applique la théorie de la double pertinence (ATF 141 III 294 consid. 5.1).

2.1.3 Selon cette théorie, le juge saisi examine sa compétence sur la base des allégués, moyens et conclusions de la demande, sans tenir compte des objections de la partie défenderesse. L'administration des preuves sur les faits doublement pertinents est renvoyée à la phase du procès au cours de laquelle est examiné le bien-fondé de la prétention au fond. Tel est notamment le cas lorsque la compétence dépend de la nature de la prétention alléguée, par exemple lorsque le for a pour condition l'existence d'un acte illicite ou d'un contrat (ATF 141 III 294 consid. 5.2).

Autrement dit, au stade de l'examen et de la décision sur la compétence, phase qui a lieu d'entrée de cause (cf. art. 60 CPC), les faits doublement pertinents n'ont pas à être prouvés; ils sont censés établis sur la base des allégués, moyens et conclusions du demandeur. Ainsi, le tribunal doit décider, en fonction des écritures du demandeur, si, par exemple, un acte illicite a été commis. Si tel n'est pas le cas, les conditions permettant de fonder la compétence du tribunal saisi ne sont pas remplies et la demande doit être déclarée irrecevable. Si tel est le cas, le tribunal saisi admet sa compétence. L'administration des moyens de preuve sur les faits doublement pertinents aura lieu ultérieurement dans la phase du procès au fond, soit au cours des débats principaux. S'il se révèle alors que le fait doublement pertinent n'est pas prouvé, le tribunal rejette la demande, par un jugement revêtu de l'autorité de la chose jugée. S'il se révèle que le fait doublement pertinent est prouvé, le tribunal examine alors les autres conditions de la prétention au fond (ATF 141 III 294 consid. 5.2).

La théorie de la double pertinence ne dispense pas le tribunal d'examiner d'entrée de cause si les faits doublement pertinents allégués par le demandeur – censés établis – sont concluants ("schlüssig") et permettent juridiquement de fonder sa compétence. Pour permettre au tribunal d'effectuer cette appréciation (juridique), il faut et il suffit que le demandeur allègue le fait doublement pertinent de façon suffisante, c'est-à-dire de telle façon que son contenu permette cette appréciation juridique (ATF 141 III 294 consid. 6.1; arrêts du Tribunal fédéral 4A_619/2020 déjà cité consid. 2.1.2; 4A_264/2018 du 7 juin 2018 consid. 2.3). Il importe peu que les éléments pertinents ressortent de la partie en droit de la demande plutôt que de la partie en fait (ATF 141 III 294 consid. 6.2; Colombini, Code de procédure civile, Condensé de la jurisprudence fédérale et vaudoise, 2018, n. 3.2.2.3 ad art. 59 CPC).

2.1.4 Il est fait exception à l'application de la théorie de la double pertinence – et au renvoi de l'administration des preuves sur les faits doublement pertinents à la phase du procès au fond – en cas d'abus de droit de la part du demandeur, par exemple lorsque la demande est présentée sous une forme destinée à en déguiser la nature véritable, lorsque les allégués sont manifestement faux (ATF 141 III 294 consid. 5.3; 137 III 32 consid. 2.3; 136 III 486 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral précité 4A_619/2020 consid. 2.2), ou encore lorsqu'au regard des allégués, il apparaît exclu de retenir la qualification du contrat ou de l'objet du litige telle que proposée par le demandeur, car la règle de for serait éludée (ATF 137 III 32 consid. 2.2 et consid. 2.4.2). Dans ces cas, qui visent tous des situations d'abus, la partie adverse doit être protégée contre une tentative abusive du demandeur de l'attraire au for de son choix (ATF 137 III 32 consid. 2.3; 136 III 486 consid. 4). En revanche, le demandeur n'a pas à rendre vraisemblables les faits doublement pertinents (ATF 136 III 486 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral 4A_28/2014 du 10 décembre 2014 consid. 4.2.2 et 4.3; Colombini, op. cit., n. 3.2.2.2.1 ad art. 59 CPC).

2.1.5 Sauf disposition contraire, le for des actions dirigées contre une personne physique est celui de son domicile; et contre les personnes morales, celui de leur siège (art. 10 al. 1 let. a et b CPC).

Lorsque plusieurs prétentions présentant un lien de connexité sont élevées contre un même défendeur, chaque tribunal compétent pour statuer sur l'une d'elles l'est pour l'ensemble (art. 15 al. 2 CPC).

2.1.6 A teneur de l'art. 31 CPC, en présence d'une action découlant d'un contrat, le tribunal du domicile ou du siège du défendeur ou celui du lieu où la prestation caractéristique doit être exécutée est compétent. Il s'agit d'un for alternatif (arrêt du Tribunal fédéral 4A_98/2016 du 22 août 2016 consid. 6.1).

Le lieu d'exécution de la prestation caractéristique est déterminé par le contrat, à défaut par l'art. 74 CO (cf. Message du 28 juin 2006 relatif au code de procédure civile suisse, FF 2006 6882-6884 ad art. 30 CPC; arrêt du Tribunal fédéral 4A_98/2016 du 22 août 2016 consid. 6.1; Haldy, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème éd. 2019, n. 5 et 6 ad art. 31 CPC).

Pour les contrats de vente, la prestation caractéristique est celle du vendeur qui livre la chose: le for alternatif et dispositif de l'art. 31 CPC est ainsi au lieu de livraison de la chose prévu par contrat, selon la volonté expresse ou présumée des parties, à défaut le lieu de la livraison de la chose selon l'art. 74 al. 2 ch. 2 CO (Haldy, op. cit., n. 6 ad art. 31 CPC). A noter que le terme "livrer" ne signifie pas que le vendeur doit apporter la chose à l'acheteur; tel n'est le cas que si la dette est stipulée portable (Venturi/Zen-Ruffinen, Commentaire romand, Code des obligations I, 3ème éd. 2021, n. 15 ad art. 184 CO)

2.1.6.1 A teneur de l'art. 74 al. 1 CO, le lieu où l'obligation doit être exécutée est déterminé par la volonté expresse ou présumée des parties. La volonté présumée des parties est déterminée sur la base des circonstances ou de la nature du contrat. Le lieu d'exécution peut également être déterminé par la volonté tacite des parties (Hohl, Commentaire romand, Code des obligations I, 2ème éd. 2012, n. 5 ad art. 74 CO). Les parties peuvent fixer librement le lieu de l'exécution (art. 19 CO). Dans leur contrat, elles peuvent convenir de plusieurs lieux alternatifs ou de plusieurs lieux successifs pour les différentes prestations dues (Hohl op. cit., n. 4 ad art. 74 CO). Pour savoir si les parties sont convenues si la prestation caractéristique sera exécutée à tel ou tel endroit, il y a lieu d'examiner dans chaque cas d'espèce si un tel accord découle des usages commerciaux, voire des habitudes des parties entre elles (Broquet, For du lieu d’exécution et autres nouveautés en matière de fors in Procédure civile suisse, Les grands thèmes pour les praticiens, 2010, p. 33ss, n. 39).

2.1.6.2 À défaut de stipulation contraire, lorsque l'obligation porte sur une chose déterminée, la chose est délivrée dans le lieu où elle se trouvait au temps de la conclusion du contrat (art. 74 al. 2 ch. 2 CO). Ce n'est donc, sauf convention différente, ni le lieu de la préparation (par exemple, l'atelier où se construit l'objet), ni le lieu du résultat (par exemple, le chantier sur lequel l'objet sera finalement intégré) qui constitue le lieu d'exécution (Tercier/Pichonnaz, Le droit des obligations, 6ème éd. 2019, n. 1160, p. 268). Les règles de l'art. 74 al. 2 CO ne s'appliquent qu'à titre supplétif, c'est-à-dire lorsque les parties n'ont rien fixé, qu'il n'existe pas de règles légales supplétives spéciales et que la volonté présumée (ou hypothétique) des parties ne se déduit pas des circonstances (Hohl op. cit., n. 2 ad art. 74 CO).

2.1.7 Un contrat est parfait lorsque les parties ont, réciproquement et d'une manière concordante, manifesté leur volonté (art. 1 al. 1 CO).

La loi distingue deux manifestations de volonté successives, chronologiquement distinctes : l'offre et l'acceptation (Tercier/Pichonnaz, op. cit., n. 647, p. 157). L'acceptation est la seconde des manifestations de volonté; l'auteur se borne à acquiescer à une offre que lui a adressé l'autre partie. Le contrat offert est dès lors conclu par l'effet formateur de l'acceptation et ce dès l'expédition de celle-ci (Tercier/Pichonnaz, op. cit., n. 664, p. 159). L'offre et l'acceptation peuvent revêtir n'importe quelle forme (Tercier/Pichonnaz, op. cit., n. 663, p. 159 et n. 668 p. 160).

2.1.8 Selon l'art. 2 al. 1 CO, si les parties se sont mises d'accord sur tous les points essentiels, le contrat est réputé conclu, alors même que des points secondaires ont été réservés.

Conformément aux principes généraux du droit des obligations, le contrat de vente n'est valablement conclu que si les parties se sont mises d'accord sur tous les points essentiels. Il s'agit, d'une part, des éléments objectivement essentiels – éléments nécessaires pour individualiser le contrat: la chose et le prix (art. 184 al. 1 CO) – et, d'autre part, des éléments subjectivement essentiels – éléments qui, pour l'une ou l'autre partie, constituent des conditions sine qua non reconnaissables de la conclusion de la vente. Tout élément contractuel peut être élevé au rang de point subjectivement essentiel, étant entendu que son caractère subjectivement essentiel n'est jamais présumé (cf. art. 2 CC) (Venturi/Zen-Ruffinen, op. cit., n. 54 ad art. 184 CO).

Les obligations accessoires sont liées à l'obligation principale et la complètent. Elles dépendent du cas concret et peuvent résulter de la loi (cf. art. 188 CO), du contrat ou encore des règles de la bonne foi (cf. art. 2 CC). De manière générale, elles concrétisent un "devoir de collaboration" dont l'objectif est de permettre à l'acheteur de jouir pleinement de la chose transférée (Venturi/Zen-Ruffinen, Commentaire romand, Code des obligations I, 3ème éd. 2021, n. 27 ad art. 184 CO). Ainsi, le vendeur peut être tenu d'individualiser la chose: séparation, mesurage, pesage (cf. art. 188 CO); de la préparer: montage, retouches, emballage, inscription dans des registres (e.g. formalités pour enregistrer l'acheteur comme nouveau titulaire de la marque cédée); de la maintenir en état; de la déplacer: transport, expédition, affrètement; de la mettre en place: remontage, installation, explication; de remettre à l'acheteur les documents relatifs à la chose (documents techniques, titres représentatifs, titres et moyens de preuve [cf. art. 170 al. 2 CO]) ou encore de maintenir un stock de pièces de rechange (Venturi/Zen-Ruffinen, op. cit., n. 28 ad art. 184 CO).

2.2 En l'espèce, à titre liminaire, à l'instar de ce qu'a retenu le premier juge, compte tenu des domiciles identiques des intimés, il n'y a pas lieu de trancher préalablement la question de savoir si l'intimé était lié contractuellement à titre personnel à feu G______. Ainsi, la désignation ci-après de l'intimé comme co-contractant aux côtés de l'intimée est adoptée par souci de simplification mais relève, en l'état, de la seule hypothèse.

2.2.1 Sur la question de la compétence à raison du lieu, contrairement à ce que soutiennent les intimés, les appelants contestent que les prétentions fondées sur les contrats de prêts ne puissent être tranchées par les tribunaux genevois, faute de compétence ratione loci.

A ce propos, les parties admettent que le collectionneur était domicilié à Genève et que les intimés sont domiciliés à J______, dans le canton de Schaffhouse. Il est également établi que les précités ont été liés par des contrats de vente et de prêt durant leurs relations commerciales. Dans la mesure où les intimés allèguent que les prêts dont le remboursement est réclamé par les appelants dans le cadre de la présente procédure ont tous été remboursés par compensation avec le prix de vente de manuscrits acquis postérieurement – ce qui est contesté par les appelants – les prétentions des appelants contre les intimés fondées sur les contrats de prêt présentent un lien de connexité avec celles fondées sur les contrats de vente, de sorte que si la compétence à raison du lieu est admise pour l'action contractuelle fondée sur les contrats de vente, elle le sera également, par attraction de compétence (cf. art. 15 al. 2 CPC), pour l'action contractuelle fondée sur les contrats de prêt.

2.2.2 Il y a dès lors lieu d'examiner si les tribunaux genevois sont compétents à raison du lieu s'agissant des prétentions fondées sur les cinq contrats de vente.

Le litige porte, à ce stade, sur la détermination du lieu d'exécution de la prestation caractéristique des contrats de vente, les appelants soutenant que celui-ci se situait à Genève – compte tenu du fait que les manuscrits se trouvaient en mains du collectionneur au moment de l'acceptation des offres d'achat – et les intimés, que ce lieu se situait à l'étranger – puisque les œuvres, une fois la vente conclue, étaient généralement restaurées par les ateliers des intimés sis à M______ [France], N______ [Royaume-Uni] ou O______ [Royaume-Uni] et que la remise des ouvrages s'y effectuait lorsqu'elle n'avait pas lieu à l'occasion de foires d'art à P______ [Pays-Bas] ou à M______.

Il ressort des écritures des parties qu'il existait une pratique selon laquelle les ouvrages étaient remis au collectionneur avant la conclusion des contrats de vente afin que celui-ci les consulte, les évalue et réfléchisse à un éventuel achat. Il s'agit d'un fait admis. Nonobstant la précision des intimés qu'une telle pratique n'était pas systématique, il ressort de la même écriture des intimés que, "en règle générale", feu G______ avait la possibilité de "garder les manuscrits" avant même de les acheter. Par ailleurs, le témoin R______ a également pu bénéficier d'une telle pratique s'agissant d'un achat qu'il a effectué en 2005. La Cour retiendra ainsi que cette pratique était généralisée malgré quelques exceptions possibles.

Cette formulation de l'allégué des intimés (i.e. le verbe "garder") sous-entend en outre une certaine durée de possession des ouvrages par le collectionneur et donc un entreposage des manuscrits. Dans la mesure où feu G______ était domicilié à Genève, il y a lieu d'admettre avec les appelants que les manuscrits se trouvaient au domicile du collectionneur à Genève durant une certaine période avant que celui-ci n'accepte les offres de vente des intimés. Ceci est d'autant plus vrai que les intimés ont admis qu'il arrivait que les manuscrits offerts à la vente soient remis en mains propres à feu G______ lors de déplacements de l'intimé à Genève, bien que cela ne constitue pas un usage, et que les parties n'allèguent pas que ce dernier se rendait hors de Genève pour consulter les ouvrages qui lui avaient été remis à Genève ou ailleurs ou pour communiquer son acceptation de l'offre aux intimés. Ces derniers ont en outre allégué que ce n'était qu'après la conclusion de la vente que les ouvrages étaient confiés aux ateliers sis à l'étranger pour restauration et préparation en vue de la livraison, démontrant ainsi qu'au moment de la conclusion des contrats les œuvres ne se trouvaient pas encore à l'étranger. Le témoignage de la compagne de l'intimé – dont les déclarations doivent être appréciées avec une certaine retenue compte tenu de son lien avec l'intimé – selon lequel ce dernier ne se rendait plus auprès de ses clients ces dernières années et selon lequel ce sont les clients qui venaient leur rendre visite aux foires d'art à l'étranger, n'exclut pas que, dans le cas de feu G______, comme l'allèguent les appelants, les œuvres n'étaient pas ensuite emmenées par le collectionneur à son domicile pour être consultées et évaluées en vue d'un éventuel achat postérieur, ce conformément à la pratique instaurée entre les co-contractants dès le début de leur relation. Le fait qu'à une reprise, feu G______ aurait acheté immédiatement une œuvre à une foire d'art, toujours selon le témoin S______, ne permet, quoi qu'il en soit, pas de démontrer que la pratique susvisée était abolie ou n'avait jamais existé. Enfin, il n'a pas été établi que la restauration des ouvrages et la "seconde remise" de ceux-ci au collectionneur, qui sont des faits simples, avaient été systématiquement prévues et élevées au rang de points subjectivement essentiels par le collectionneur. Ces obligations du vendeur étaient, au contraire, des obligations accessoires dont ne dépendait pas la conclusion des contrats de vente. C'est dès lors bien la première livraison, soit la possibilité offerte par le vendeur à l'acheteur de disposer de la chose, et le lieu de situation des objets à ce moment-là, qui sont déterminants.

Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de retenir qu'au moment où les parties manifestaient leurs volontés réciproques et concordantes sur les éléments objectivement essentiels des contrats de vente, à savoir les objets et les prix de vente, lesdits objets se trouvaient "en règle générale" en mains du collectionneur, à Genève.

Partant, le lieu d'exécution de la prestation caractéristique des contrats de vente liant feu G______ aux intimés se situant à Genève, c'est à tort que le Tribunal s'est déclaré incompétent ratione loci s'agissant de l'action contractuelle.

3. Les appelants reprochent au premier juge de s'être déclaré incompétent à raison du lieu s'agissant de l'action délictuelle formée à l'encontre des intimés.

3.1 Selon l'art. 36 CPC, le tribunal du domicile ou du siège du lésé ou du défendeur ou le tribunal du lieu de l'acte ou du résultat de celui-ci est compétent pour statuer sur les actions fondées sur un acte illicite.

3.1.1 En droit suisse, un acte est illicite au sens de l'art. 41 CO s'il porte atteinte à un droit absolu du lésé (ATF 133 III 323 consid. 5.1; 132 III 122 consid. 4), par exemple son droit à la vie et à l'intégrité corporelle, à l'honneur, à ses droits réels et à ses droits de propriété intellectuelle. S'il n'y a qu'un préjudice purement économique, on n'admettra l'existence d'un acte illicite que si l'auteur a violé une norme de comportement qui a pour finalité de protéger le lésé dans les droits qui ont été atteints. De telles normes peuvent résulter de l'ensemble de l'ordre juridique suisse, qu'il s'agisse du droit privé, administratif ou pénal; peu importe qu'elles soient écrites on non écrites, de droit fédéral ou de droit cantonal (ATF 133 III 323 consid. 5.1).

Selon la jurisprudence, constitue un acte illicite au sens de l'art. 41 CO le fait de déclarer faussement aux héritiers qu'on ne possède pas de biens dépendant de la succession. En revanche, le fait de taire être en possession de tels biens n'est en lui-même pas contraire au droit (ATF 71 II 147 consid. 7).

3.1.2 Selon l'art. 95 al. 3 CPC, les dépens comprennent les débours nécessaires, le défraiement d'un représentant professionnel et lorsqu'une partie n'a pas de représentant professionnel, une indemnité équitable pour les démarches effectuées, dans les cas où cela se justifie.

Les dépens couvrent même des opérations antérieures au procès dans la mesure où elles étaient destinées à préparer celui-ci (rendez-vous entre le client et l'avocat, préparation des écritures et du dossier), notamment en fixant la situation de fait et de droit nécessaire à la rédaction des écritures. Dans ce cas, ils ne peuvent être réclamés que dans le cadre des frais de procédure, aux conditions résultant des art. 95 ss, et une action séparée en paiement est exclue (Tappy, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème éd. 2019, n. 37 ad art. 95 CPC).

Selon les circonstances, les autres frais juridiques antérieurs au procès peuvent constituer un élément du dommage à réparer selon le droit matériel, y compris des dépenses d'avocat liées par exemple à un désaccord sur un contrat ou aux démarches en vue de la réparation d'un préjudice. Dans ce cas, ils peuvent être invoqués comme une prétention en paiement à faire valoir au fond, dans le cadre notamment d'une action contractuelle ou délictuelle (sur tous ces points, cf. notamment ATF 139 III 190; arrêts du Tribunal fédéral 4A_264/2015 du 10 août 2015 in RSPC 2015 480; 4A_692/2015 du 1er mars 2017, non publié sur ce point aux ATF 143 III 206, consid. 6.2; Tappy, op. cit., n. 37a ad art. 95 CPC.

Si des honoraires d'avocat ou d'autres frais juridiques peuvent ainsi être déduits en justice au même titre que d'autres éléments d'un dommage dont un plaideur demande la réparation, ils ne relèvent en réalité pas de la procédure, mais bien du droit matériel exclusivement. Toutefois la limite à tracer entre frais juridiques comme élément du dommage et prestations couvertes par les dépens peut être délicate. Selon le Tribunal fédéral, appartiennent à ces dernières les honoraires liés à l'étude des faits et du droit, ainsi qu'à la rédaction des actes et à la recherche d'un éventuel accord hors procès (RSPC 2006 358; Tappy, op. cit., n. 38 ad art. 95 CPC).

Les juges fédéraux estiment que la charge d'alléguer et de prouver la nature de dépenses juridiques invoquées à titre d'éléments du dommage matériel incombe à celui qui les réclame à ce titre, et semblent favorables à une certaine présomption en faveur de l'inclusion des honoraires d'avocat antérieurs au procès dans les dépens (RSPC 2006 358; voir aussi arrêt du Tribunal fédéral du 30 août 2016, 4A_148/2016 in RSPC 2017 201 : malgré les règles ordinaires sur les faits de double pertinence, non mentionnées par la décision du Tribunal fédéral, il ne suffit pas de prétendre cumuler avec une autre prétention relevant d'un for différent une prétendue créance délictuelle en remboursement de frais juridiques antérieurs au procès sans fournir d'éléments en faveur de leur existence pour bénéficier de fors alternatifs selon les art. 15 al. 2 et 36 CPC (Tappy, op. cit., n. 38 ad art. 95 CPC).

3.2 En l'espèce, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, il ressort du dossier que l'existence d'un acte illicite a suffisamment été alléguée par les appelants. Autre est la question de savoir s'il est établi. Le Tribunal fédéral a en effet jugé que les faits de double pertinence n'avaient pas à être prouvés – ni même rendus vraisemblables – à ce stade du procès, puisque le juge saisi examine et admet sa compétence sur la base des allégués, moyens et conclusions de la demande, sans tenir compte des objections de la partie défenderesse. Ainsi, le juge peut se dispenser de rechercher s'il est vraisemblable que les faits allégués constituent un acte illicite.

Ici, les appelants ont exposé non seulement que l'intimé avait tout d'abord dissimulé pendant plusieurs mois le fait qu'il était en possession de quatre ouvrages appartenant à feu G______ mais ils ont également allégué que l'intimé avait faussement déclaré que la valeur desdits ouvrages avait été compensée avec des achats postérieurs avant d'admettre finalement que tel n'était pas été le cas et de leur proposer de racheter les quatre ouvrages. Dans la mesure où l'intimé n'aurait pas simplement omis de déclarer être en possession d'objet appartenant à la succession mais aurait également nié l'être, les appelants ont suffisamment allégué l'acte illicite au vu de la jurisprudence précitée.

Les appelants ont également allégué un dommage et un lien de causalité, à savoir le montant des honoraires d'avocats rendus nécessaires pour obtenir les informations de la part de l'intimé, les versions de ce dernier ayant changé au cours des correspondances échangées. Bien qu'aucune note d'honoraires n'ait été produite par les appelants, il ressort du dossier que les courriers échangés entre leur conseil et l'intimé et son conseil ont été versés à la procédure et que les allégués des appelants correspondent au contenu des courriers. A nouveau, autre est la question de savoir si ces éléments sont suffisants pour établir le dommage et le lien de causalité susceptibles de fonder une prétention en dommages-intérêts indépendante des dépens, question qui doit être traitée au fond.

Dans la mesure où il suffit, d'une part, que la thèse invoquée par les appelants ne présente en elle-même rien d'insoutenable et, d'autre part, que rien ne dénote une tentative d'attraire abusivement les intimés devant les tribunaux suisses, ce qui n'apparaît pas être le cas en l'espèce, le Tribunal aurait également dû se déclarer compétent ratione loci pour connaître de l'action délictuelle, trois des quatre héritiers légaux de feu G______, soit les lésés, étant domiciliés à Genève.

Au vu de ce qui précède, le jugement entrepris sera annulé dans son intégralité et il sera constaté que la demande en paiement des appelants formée le 13 mai 2019 à l'encontre des intimés est recevable.

4. 4.1 Lorsque l'instance d'appel statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de première instance (art. 318 al. 3 CPC).

En l'occurrence, les parties ne remettent pas en cause la quotité des frais fixés par le premier juge (25'490 fr. de frais judiciaires relatifs à l'incident et 30'000 fr. de dépens), qui peut dès lors être confirmée.

La Cour a cependant réformé la décision du Tribunal en ce sens que la demande en paiement formée par les appelants contre les intimés a été déclarée recevable, la compétence ratione loci des juridictions genevoises ayant été admise. Il se justifie donc de mettre l'intégralité des frais de première instance à la charge des intimés, conjointement et solidairement, puisqu'ils succombent sur incident d'incompétence.

Les frais judiciaires de première instance seront compensés à due concurrence avec l'avance effectuée par les appelants de 97'140 fr. Dans la mesure où la cause sera renvoyée au Tribunal pour instruction et jugement au fond, il ne se justifie pas d'ordonner la restitution du solde de l'avance versée par les appelants. Les intimés seront toutefois condamnés à verser aux appelants la somme de 25'490 fr. au titre de remboursement des frais judiciaires.

Les intimés seront par ailleurs condamnés à payer 30'000 fr. de dépens de première instance aux appelants.

4.2 Les frais judiciaires de l'appel relatif à l'incident d'incompétence seront arrêtés à 5'000 fr. (art. 13 et 36 du Règlement fixant le tarif des frais en matière civile - RTFMC) et mis à la charge des intimés, qui succombent (art. 106 al. 1 CPC). Ils seront compensés avec l'avance de frais de 3'000 fr. opérée par les appelants, laquelle reste acquise à l'Etat de Genève à due concurrence (art. 111 al. 1 CPC). Les intimés seront ainsi condamnés à verser le solde de 2'000 fr. aux Services financiers du Pouvoir judiciaire ainsi qu'à verser la somme de 3'000 fr. aux appelants au titre de remboursement des frais judiciaires d'appel.

Les intimés seront en outre condamnés à s'acquitter des dépens d'appel des appelants, lesquels seront arrêtés à 6'000 fr., débours et TVA inclus (art. 5, 84, 87 et 90 RTFMC; art. 25 et 26 al. 1 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 8 juillet 2022 par B______, C______, D______ et A______ contre le jugement JTPI/6383/2022 rendu le 24 mai 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/10806/2019.

Au fond :

Annule le jugement précité.

Cela fait et statuant à nouveau :

Déclare la demande en paiement formée le 13 mai 2019 par B______, C______, D______ et A______ contre E______ et F______ AG recevable.

Renvoie la cause au Tribunal pour instruction et jugement au fond.

Arrête les frais judiciaires de première instance à 25'490 fr., les met à la charge de E______ et F______ AG et les compense à due concurrence avec l'avance de frais versée par B______, C______, D______ et A______.

Condamne E______ et F______ AG, conjointement et solidairement, à verser 25'490 fr. à B______, C______, D______ et A______, au titre de remboursement des frais judiciaires de première instance.

Condamne E______ et F______ AG, conjointement et solidairement, à verser 30'000 fr. à B______, C______, D______ et A______, conjointement et solidairement, à titre de dépens de première instance.

Déboute les parties de toute autre conclusion sur incident.

Sur les frais d'appel :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 5'000 fr., les met à la charge de E______ et F______ AG et les compense partiellement avec l'avance de frais versée par B______, C______, D______ et A______.

Condamne E______ et F______ AG, conjointement et solidairement, à verser 2'000 fr. aux Services financiers du Pouvoir judiciaire au titre de frais judiciaires d'appel.

Condamne E______ et F______ AG, conjointement et solidairement, à verser 3'000 fr. à B______, C______, D______ et A______, conjointement et solidairement, au titre de remboursement des frais judiciaires d'appel.

Condamne E______ et F______ AG, conjointement et solidairement, à verser 6'000 fr. à B______, C______, D______ et A______, conjointement et solidairement, au titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Monsieur Patrick CHENAUX, Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Camille LESTEVEN, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.