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Décisions | Chambre civile

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C/3138/2020

ACJC/946/2023 du 07.07.2023 sur JTPI/7920/2022 ( OO ) , CONFIRME

Normes : LP.285; LP.288; LP.260
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/3138/2020 ACJC/946/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU VENDREDI 7 JUILLET 2023

 

Entre

A______ SARL, sise ______, appelante d'un jugement rendu par la 17ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 29 juin 2022, comparant par
Me Laure PANCHARD, avocate, rue de la Poste 5, case postale 440, 1920 Martigny 1, en l'Etude de laquelle elle fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié ______, intimé, comparant par
Me François MEMBREZ, avocat, WAEBER AVOCATS, rue Verdaine 12,
case postale 3647, 1211 Genève 3, en l'Etude duquel il fait élection de domicile.


EN FAIT

A.           Par jugement JTPI/7920/2022 du 29 juin 2022, reçu par les parties le 19 juillet 2022, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal), statuant par voie de procédure ordinaire, a révoqué le transfert de l'ensemble du stock de C______ SÀRL en faveur de A______ SARL (chiffre 1 du dispositif), condamné A______ SARL à verser à la masse en faillite de C______ SARL 109'159 fr. avec intérêts à 5 % l'an dès le 22 décembre 2016 (ch. 2), mis à la charge de A______ SARL les frais judiciaires, arrêtés à 6'700 fr. et compensés avec les avances effectuées par les parties, ordonné la restitution par l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, de 600 fr. à B______ et condamné A______ SARL à verser à B______ 6'400 fr. à titre de remboursement de l'avance de frais (ch. 3), condamné A______ SARL à verser à B______ 13'600 fr. TTC à titre de dépens (ch. 4) et débouté les parties de toutes autres conclusions.

B.            a. Par acte expédié à la Cour le 12 septembre 2022, A______ SARL a formé appel contre ce jugement, concluant, avec suite de frais judiciaires et dépens, à ce que la Cour l'annule et rejette l'action révocatoire déposée le 11 juin 2020.

b. Par réponse du 21 octobre 2022, B______ a conclu, avec suite de frais judiciaires et dépens, à ce que la Cour prononce l'irrecevabilité des allégués de fait 1 à 45 du mémoire d'appel, rejette l'appel et confirme le jugement querellé.

c. A______ SARL et B______ ont respectivement répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions respectives. B______ a, à l'appui de sa duplique, produit trois pièces nouvelles.

d. Par courrier du 14 mars 2023, le greffe de la Cour a informé les parties de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. A______ SARL est une société à responsabilité limitée ayant son siège à D______ (GE) et ayant notamment pour but social d'exploiter une station-service avec shop et cafétéria.

b. E______ et F______ ont décidé d'ouvrir une station-service à la rue 1______, à Genève. A cette fin, ils ont créé la société C______ SARL, laquelle a été inscrite le ______ 2013 au Registre du commerce et radiée le ______ 2019. Son siège social était à G______ (GE). Elle avait notamment pour but d'exploiter une station-service avec shop et cafétéria. E______, par l'intermédiaire de sa société H______ SA, détenait douze parts sociales de 1'000 fr. chacune de C______ SARL et F______ en détenait huit. E______ était gérant président de C______ SARL et administrateur président de H______ SA, société anonyme sise à I______ (VS).

c. Le 27 décembre 2013, un montant de 100'000 fr. a été versé à C______ SARL, depuis le compte J______ de B______, père de F______. Ce montant a été comptabilisé au bilan de C______ SARL comme "Prêt F______", sans indication de prénom. Selon l'extrait du grand livre du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014 de C______ SARL, ce versement a été inscrit comme "apport F______".

B______ a déclaré cette créance de 100'000 fr. à l'administration fiscale avec, comme descriptif : "Prêt F______ s/int 27.12.14 (Rbt 12'000" dans sa déclaration d'impôt afférant à l'année 2014 et comme "Prêt F______" dans sa déclaration d'impôt afférant à l'année 2015.

d. Au sein d'C______ SARL, E______ et F______ avaient réparti les tâches de la manière suivante : E______ s'occupait des finances et des contacts avec K______, alors que F______ assurait la gestion de la station-service sur le lieu d'exploitation. La gestion de la comptabilité était confiée à la société fiduciaire E______ SA, dont l'administrateur unique était E______.

e. La santé de F______ a commencé à se détériorer en 2015.

Parallèlement, la gestion de la station-service de la rue 1______ a rencontré des difficultés. F______ et E______ ont discuté d'une éventuelle fermeture, mais ont décidé de poursuivre l'exploitation.

Selon les déclarations de E______ devant le Tribunal, F______ et lui-même avaient alors dû procéder à un abandon de créance.

f. Selon les comptes 2015, C______ SARL avait réalisé une perte de 104 fr. 56 en 2015. Le stock de marchandises au 31 décembre 2015 était d'une valeur de 245'660 fr. 16. La société disposait de liquidités à hauteur de 132'529 fr. 17. Le poste "créanciers" faisait état de dettes s'élevant à 219'838 fr. 34.

Les comptes mentionnaient, au titre de "fonds étrangers", un poste "Prêt F______" d'un montant de 94'484 fr. 15 au 31 décembre 2014 et de 53'600 fr. au 31 décembre 2015 (soit une réduction d'environ 43,27%) ainsi qu'un "Prêt H______" d'un montant de 141'705 fr. au 31 décembre 2014 et de 80'400 fr. au 31 décembre 2015 (soit une réduction de 43,27%).

g. En 2016, F______ a, à nouveau, eu des problèmes de santé. B______ a alors travaillé à sa place à la station-service.

h. Selon ses comptes 2016, C______ SARL a réalisé une perte de 263'363 fr. 39 en 2016. Le stock de marchandises au 31 décembre 2016 était inexistant. La société disposait de liquidités à hauteur de 7'673 fr. 55. Les comptes faisaient état d'une charge exceptionnelle de 216'287 fr. 19 au titre de "manco caisse / loterie". Le poste "créanciers" faisait état de dettes s'élevant à 35'903 fr. 31.

Les comptes mentionnaient au 31 décembre 2016, au titre de "fonds étrangers" un poste "Prêt F______" d'un montant de 53'600 fr., ainsi qu'un poste "Prêt H______" d'un montant de 150'400 fr. Ils mentionnaient également une dette de 107'829 fr. 84, avec un intitulé "prêt A______ Sàrl", dette qui n'apparaissait pas dans les comptes 2015.

i. En septembre 2016, E______ a annoncé à F______ que L______, qui était associé avec lui au sein de A______ SARL, était intéressé par la reprise de l'exploitation de la station-service de la rue 1______. Si F______ était d'accord sur le principe d'une reprise, il y aurait lieu de tenir un inventaire final et de licencier tous les employés.

j. Les contrats des employés ont été résiliés pour le 31 décembre 2016.

L'inventaire final de C______ SARL a été effectué le 21 décembre 2016. Selon les déclarations devant le Tribunal de L______, gérant de A______ SARL entendu en qualité de partie, lors de cet inventaire, E______ et L______ étaient présents. Ce dernier étant accompagné de son épouse et de quatre collaborateurs. L'épouse de F______ était également présente, accompagnée de trois personnes. F______ et B______ étaient arrivés plus tard, alors que l'inventaire touchait à sa fin. Les équipes travaillaient en binômes, composés d'une personne de chez A______ SARL et d'une personne du "groupe F______". Une personne comptait la marchandise et l'autre prenait des notes, puis les tâches étaient inversées. Au terme de l'inventaire, les deux parties à l'inventaire avaient signé un document, que E______ avait conservé avec l'accord de F______.

Selon les déclarations de B______ devant le Tribunal, le jour de l'inventaire, il avait travaillé le matin. Il était ensuite allé chercher son fils F______ pour l'amener à la station-service pour l'inventaire. Ils étaient restés bloqués dans le trafic. Lorsqu'ils étaient arrivés, l'inventaire était presque terminé. Ils n'avaient donc pas pu le contrôler. Il était concerné par l'inventaire dès lors qu’il travaillait dans la station-service et qu'il voulait récupérer les 100'000 fr. qu'il avait mis dans la société.

Selon les déclarations devant le Tribunal de E______, entendu en sa qualité de partie, F______ et B______ étaient arrivés en retard (à la séance d'inventaire), mais avaient tout de même participé à l'inventaire; ils avaient, notamment, vérifié les niveaux de carburants. L'épouse de F______ était présente depuis le début.

k. Sur la base de l'inventaire du 21 décembre 2016, E______ a établi un document selon lequel la valeur totale de l'inventaire de C______ SARL à cette date s'élevait à 109'159 fr. 07.

Ce stock a alors été racheté par A______ SARL au prix coûtant, acquitté par compensation de la créance qu'elle prétendait détenir à l'encontre de C______ SARL.

l. Au bilan au 31 décembre 2016 de A______ SARL, le "stock M______" était évalué à 153'462 fr. 75 et la "caisse M______" à 38'343 fr. 47.

Selon les déclaration de E______ au Tribunal, la différence entre la valeur de l'inventaire au 21 décembre 2016 et le montant qui ressortait de la comptabilité de A______ SARL provenait du fait que la société avait continué à travailler entre le 21 décembre et le 31 décembre 2016, du carburant ayant été notamment livré, ce qui accroissait immédiatement de plusieurs dizaines de milliers de francs la valeur de l'inventaire.

m. Peu après l'inventaire, les serrures de la station-service ont été changées. Aucune clé n'a été remise à F______, ni à B______.

n. Par courrier du 24 août 2017 adressé au conseil de B______, E______ a communiqué les comptes d'exploitation 2016 de C______ SARL, indiquant que la société était en état de surendettement avéré et qu'aussitôt que le bilan à la valeur de liquidation aurait été établi, l'avis au juge serait inévitable.

o. Le 29 mai 2018, B______ et F______ ont déposé une plainte pénale à l'encontre de E______, en raison de soupçons de gestion déloyale, d'abus de confiance, de faux dans les titres et d'escroquerie, en relation avec la reprise de l'exploitation de la station-service de la rue 1______ par A______ SARL.

Le Ministère public a rendu une ordonnance de non-entrée en matière le 20 mars 2019.

p. C______ SARL a été déclarée en faillite par jugement du Tribunal du 19 novembre 2018. La procédure de faillite a été suspendue faute d'actifs par jugement du Tribunal du 15 mai 2019. Le Tribunal a ordonné la liquidation sommaire de la faillite le 13 juin 2019.

Dans le cadre de la procédure de faillite, un état de collocation a été déposé le 30 août 2019, puis à nouveau le 26 septembre 2019. Cet état de collocation annonce un dividende probable en 3ème classe de 1.55%. Parmi les créances colloquées en 3ème classe figure une créance de B______ d'un montant de 100'000 fr, avec la mention "remboursement prêt". Les créances totales s'élèvent à 106'246 fr. 05.

q. Le 24 septembre 2019, l'Office des faillites a délivré un acte de défaut de biens à B______. Ce document mentionne que le débiteur est C______ SARL, que la créance est de 100'000 fr., que le titre de la créance est "Remboursement prêt" et précise que le failli a intégralement contesté la créance.

Par courrier du même jour, la masse en faillite de C______ SARL a certifié que la majorité des créanciers avait, par décision du même jour, renoncé à faire valoir elle-même les prétentions contre A______ SARL, comme présumée bénéficiaire d'une prestation révocable pour un montant d'au moins 109'159 fr., dans la mesure où elle aurait reçu, sans contreprestation équivalente, l'ensemble du stock de la faillite.

Ce courrier précisait que B______, dont une créance de 100'000 fr avait été admise et colloquée en 3ème classe, était autorisé, en application de l'art. 260 LP, à en poursuivre la réalisation en lieu et place de la masse en faillite, en son propre nom, pour son compte et à ses risques et périls.

r. La procédure de faillite a été clôturée par jugement du 30 septembre 2019 et la société a ensuite été radiée.

s. Par requête de conciliation du 6 février 2020, puis après l'échec de la tentative de conciliation, par demande du 11 juin 2020 déposée au Tribunal à l'encontre de A______ SARL, B______ a notamment conclu, avec suite de frais et dépens, à ce que le Tribunal prononce la révocation de la reprise du stock de C______ SARL pour un montant de 109'159 fr. par la société A______ SARL, condamne cette dernière à remettre 109'159 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 22 décembre 2016 à la masse en faillite de C______ SARL, en liquidation, prononce la révocation du remboursement d'un montant de 20'000 fr. par C______ SARL à A______ SARL et condamne cette dernière à remettre 20'000 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 16 décembre 2016 à la masse en faillite de C______ SARL, en liquidation.

t. Dans sa réponse du 13 novembre 2020, A______ SARL a conclu, avec suite de frais et dépens, au rejet de la demande.

u. Le Tribunal a entendu les parties, dont les déclarations ont été partiellement reprises ci-avant et qui peuvent, pour le reste et dans la mesure de leur pertinence, être résumées comme suit :

u.a Entendu en sa qualité de partie, B______ a déclaré que c'était son fils qui devait s'occuper de la station-service de la rue 1______. Il avait souhaité être inscrit au Registre du commerce, mais E______ n'avait pas voulu. C'est donc son fils, F______, qui avait acquis des parts sociales. B______ avait financé l'achat des parts sociales de son fils en versant 20'000 fr. à la société directement. Il avait également versé 100'000 fr. à la société à titre de prêt, afin que celle-ci puisse démarrer son activité. Il n'y avait pas de contrat, ni de document, ni d’accusé de réception relatif à cette somme de 100'000 fr. Son fils n'avait, quant à lui, rien versé, faute de disposer d’argent.

A sa connaissance, la créance de 100'000 fr., qu'il indiquait bénéficier à l'encontre de C______ SARL n'avait pas été réduite. Le 8 mars 2017, il avait vu E______ qui lui avait dit : "vous avez tout perdu". E______ lui avait remis une copie des comptes de bouclement 2015, dont il ressortait que sa créance avait été réduite à 53'000 fr., sans qu'il en ait été informé.

Il ne savait pas comment le stock avait été évalué, ni comment il avait été payé. A part le montant de 20'000 fr., qui était celui qui correspondait aux parts sociales qu'il avait obtenues de C______ SARL, il n'avait rien récupéré des 100'000 fr.

u.b Entendu en qualité de partie, E______, gérant de A______ SARL, a indiqué qu'il avait décidé avec F______ de reprendre la station de la rue 1______. Ils avaient fondé à cette fin C______ SARL. En 2015, la station avait commencé à rencontrer des difficultés, dues à la parité EUR/CHF. Il en avait alors parlé à F______. Pour éviter de fermer la société, ils avaient dû procéder à un abandon de créance. F______ ne voulait pas que son père soit informé des difficultés financières de la société. En 2016, F______ avait eu des problèmes de santé. Son père l'avait donc remplacé et avait perçu un salaire de 1'000 fr., déduit de celui de F______.

En septembre 2016, F______ et lui-même avaient constaté qu'il était inutile de persévérer et avaient résilié les contrats de travail de tous les employés. Tout au long de l'année, A______ SARL et H______ SA avaient prêté de l'argent à C______ SARL, qui était en manque de liquidités. C______ SARL avait remboursé une partie de ces sommes au fil de l'année, mais un montant d'environ 120'000 fr. à 130'000 fr. était encore dû à A______ SARL. Il espérait pouvoir rembourser en premier A______ SARL, puis les prêts actionnaires, dont celui de F______.

B______ était venu travailler en juin 2016. Il n'y avait alors plus eu de pertes/vols dans le secteur de la loterie, alors qu'il y avait un manque de 68'000 fr. auparavant dans les comptes de la loterie.

Quant au montant de 100'000 fr. versé par B______ à la société, il s'agissait d'un prêt effectué par F______. Il avait été comptabilisé comme tel, c’est-à-dire comme prêt actionnaire.

u.c Entendu en sa qualité de partie, L______, gérant de A______ SARL depuis 2014, a déclaré être intervenu dans la reprise de l'exploitation de la station de la rue 1______. Le 21 décembre 2016, il était allé voir, avec E______, la station-service de la rue 1______ pour procéder à un inventaire du stock de marchandises, ce qui s'était bien passé. A______ SARL avait repris le stock inventorié. Il ne savait pas comme ce stock avait été payé, il ne s'occupait pas des aspects financiers mais uniquement de la gestion des stations. Il ignorait si A______ SARL était créancière de C______ SARL.

v. Les parties ont déposé des plaidoiries écrites le 28 février 2022, persistant chacune dans leurs conclusions respectives.

Par courriers du 1er mars 2022, le Tribunal a informé les parties que la cause serait gardée à juger à l'issue d'un délai de quinze jours.

w. B______ a répliqué le 14 mars 2022, persistant dans ses conclusions.

D. Dans le jugement querellé, le Tribunal a retenu, en substance, que, s'agissant de la question de la révocation du remboursement du montant de 20'000 fr., B______ devait être débouté de ses conclusions, faute pour la masse en faillite de lui avoir cédé les droits pour formuler cette prétention. Il était en revanche au bénéfice d'une cession de la masse en faillite pour faire valoir la révocation de la reprise du stock par A______ SARL, et disposait donc, pour cette prétention, de la légitimation active et de la qualité pour agir.

S’agissant de la révocation de la reprise du stock, le Tribunal a retenu que A______ SARL avait repris l'intégralité du stock de C______ SARL moins de cinq ans avant la faillite de cette dernière. La valeur du stock au moment de sa reprise était de 109'159 fr. 07, correspondant à la valeur arrêtée à la suite de l'inventaire contradictoire effectuée par les parties le 21 décembre 2016. Le fait que B______ et F______ soient arrivés en retard à la séance lors de laquelle l'inventaire avait été réalisé ne les empêchait pas de procéder au contrôle des démarches accomplies avant leur arrivée, ce qu'ils n'avaient pas fait ni demandé à faire, de sorte que l'inventaire avait été correctement réalisé, de manière contradictoire, sans que son résultat ne puisse être remis en cause. Il était par ailleurs établi, et incontesté, que A______ SARL avait reçu l'intégralité du stock sans "contreprestation effective, le paiement du stock étant intervenu par réduction d'une créance dont A______ SARL disposait à l'encontre de C______ SARL. Après s'être dessaisie de son stock, C______ SARL ne disposait plus d'actifs lui permettant de désintéresser d'autres créanciers. Ainsi, en consacrant la totalité de son stock au désintéressement d'un seul créancier, C______ SARL avait manifestement favorisé un créancier au détriment des autres, ce qui avait conduit à une diminution du produit de l'exécution forcée et de la part de ce produit revenant à B______. Il ressortait en outre de la procédure que, au moment de la reprise du stock, C______ SARL se trouvait dans une situation financière difficile, à tel point que, selon ce que les parties avaient déclaré, la société avait décidé de cesser ses activités et de remettre l'exploitation de la station-service à A______ SARL. E______ avait également indiqué que, tout au long de l'année 2016, C______ SARL se trouvait en manque de liquidités et que A______ SARL lui avait prêté de l'argent. Selon E______, C______ SARL espérait rembourser d'abord A______ SARL, puis "M. F______". Sur la base de ces éléments, le Tribunal a retenu qu'il ne faisait aucun doute que C______ SARL avait intentionnellement favorisé A______ SARL, au détriment d'un autre créancier, en remettant à celle-ci l'intégralité du stock sans contreprestation autre que la diminution de la créance dont A______ SARL disposait à son encontre. Quant au caractère reconnaissable de l'intention dolosive, il ressortait de la procédure qu'au moment de la reprise du stock par A______ SARL, fin 2016, E______ était gérant président de A______ SARL et d'C______ SARL et s'occupait des aspects comptables et financiers des deux sociétés. Aussi, A______ SARL et C______ SARL pouvaient être considérées comme des proches au sens de l'art. 288 al. 2 LP, de sorte qu'il appartenait à A______ SARL d'établir qu'elle ne pouvait pas reconnaître l'intention de C______ SARL de porter préjudice aux autres créanciers, ce qu'elle n'avait pas fait. En tout état, il ressortait de l'instruction de la cause que A______ SARL ne pouvait ignorer la situation financière précaire de C______ SARL.

Par conséquent, la reprise du stock de C______ SARL par A______ SARL était un acte révocable. Il y avait donc lieu de le révoquer et de condamner en conséquence A______ SARL à verser à la masse en faillite de C______ SARL 109'159 fr. avec intérêts à 5% l'an dès la date du transfert du stock, soit dès le 22 décembre 2016, lendemain de l'inventaire.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est dirigé contre une décision finale de première instance dans une cause dont la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. au dernier état des conclusions de première instance (art. 308 al. 1 let. a et al. 2 CPC). Il a été interjeté dans le délai utile et selon la forme prescrite par la loi (art. 311 al. 1 CPC).

Il est ainsi recevable.

1.2 La Cour revoit le fond du litige en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC) et applique le droit d'office (art. 57 CPC). En particulier, elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par les juges de première instance et vérifie si ceux-ci pouvaient admettre les faits qu'ils ont retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_153/2014 du 28 août 2014 consid. 2.2.3). Conformément à l'art. 311 al. 1 CPC, elle le fait cependant uniquement sur les points du jugement que l'appelant estime entachés d'erreurs et qui ont fait l'objet d'une motivation suffisante - et, partant, recevable -, pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) ou constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). Hormis les cas de vices manifestes, elle doit en principe se limiter à statuer sur les critiques formulées dans la motivation écrite contre la décision de première instance (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_111/2016 du 6 septembre 2016 consid. 5.3).

1.3 Le mémoire d'appel comprend une partie "En fait" composé de cinquante-et-un allégués. Cette partie sera ignorée en tant qu'elle ne vise pas des griefs de constatation inexacte des faits.

En revanche, l'appelante, sans l'indiquer expressément – exposant même de manière surprenante dans sa réplique ne pas critiquer l'état de fait de première instance –, forme, à l'occasion de son grief relatif à la prétendue violation de l'art. 288 LP, un grief de constatation incomplète des faits. Il expose que le Tribunal aurait dû retenir que E______ n'était aucunement au courant des démarches entreprises par l'intimé à l'encontre de C______ SARL, car F______ réceptionnait le courrier de la société à son domicile privé d'une part, et d'autre part, car F______ avait prétérité la société en ne s'opposant pas aux démarches de l'intimé, faits qu'elle aurait allégués et prouvés en première instance.

Pour les raisons qui seront exposées ci-après, ces éléments factuels ne sont pas pertinents pour la résolution du présent litige, de sorte qu'ils ne seront pas retenus, indépendamment de la question de savoir s'ils ont été allégués et prouvés en première instance, laquelle peut demeurer indécise.

2. L'intimé produit trois pièces nouvelles, soit l'avis préalable d'ouverture de la faillite de C______ SARL publié dans la Feuille officielle suisse du commerce (ci-après : la "FOSC"), la publication dans la FOSC de la faillite de C______ SARL et de l'appel aux créanciers, l'avis de clôture de la faillite de C______ SARL publié dans la FOSC.

2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont pris en compte que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b). Les deux conditions sont cumulatives (Jeandin, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème éd., 2019, n. 6 ad art. 317 CPC).

Selon la jurisprudence, les faits notoires, qu'il n'est pas nécessaire d'alléguer ni de prouver (ATF 130 III 113 consid. 3.4 et les arrêts cités), sont ceux dont l'existence est certaine au point d'emporter la conviction du juge, qu'il s'agisse de faits connus de manière générale du public ou seulement du juge; il suffit qu'ils puissent être contrôlés par des publications officielles et dans la presse écrite, accessibles à chacun (ATF 137 III 623 consid. 3; 135 III 88 consid. 4.1).

2.2 En l'espèce, les trois pièces nouvellement produites par l'intimé sont des extraits de publications officielles librement accessibles, de sorte qu'elles constituent des faits notoires.

Aussi, elles peuvent être prises en considération et la question de leur recevabilité ne se pose pas, ces faits n'ayant ni à être allégués ni à être prouvés.

3. L'appelante reproche au premier juge d'avoir retenu comme non pertinent le fait que le montant de 100'000 fr. versé à C______ SARL le 27 décembre 2013 était un prêt de F______ et non pas de l'intimé, ce qui avait pourtant une incidence sur la légitimation active de ce dernier, ainsi que sur l'examen des conditions d'application de l'action révocatoire. Il soutient que le remboursement de ce montant de 100'000 fr. ne pouvait pas être réclamé par l'intimé, qui n'était pas créancier de la société, de sorte qu'il ne disposait pas de la légitimation active pour l'action révocatoire objet de la présente procédure. Le Tribunal aurait dû tenir compte du fait que E______ n'était aucunement au courant des démarches entreprises par l'intimé à l'encontre de C______ SARL, puisque le fils de l'intimé, soit F______, réceptionnait le courrier de la société à son domicile privé et avait ainsi le contrôle total des informations qu'il transmettait à son associé. Le Tribunal aurait également dû tenir compte du fait que F______ avait prétérité la société en ne s'opposant pas aux démarches de l'intimé. Il ne pouvait donc être reproché à E______, en sa qualité de représentant de C______ SARL, de ne pas s'être opposé aux démarches entreprises par l'intimé à l'encontre de C______ SARL.

L'appelante soutient au surplus que les conditions de l'action révocatoire ne seraient pas réunies car, contrairement à ce qu'avait retenu le Tribunal, il n'y avait pas d'intention dolosive de la part de C______ SARL, puisqu'aucun créancier n'était lésé. Elle fonde ce raisonnement sur le fait que l'intimé ne serait pas créancier de la société. L'appelante expose au demeurant qu'au moment de la reprise du stock, fin 2016, l'intimé n'avait pas encore fait valoir sa créance prétendue à l'encontre de C______ SARL, de sorte que E______ n'en avait pas connaissance, ce qui excluait toute intention dolosive. La condition du caractère reconnaissable de l'intention dolosive n'était pas non plus réunie, dès lors que E______, organe de A______ SARL, savait qu'il n'y avait pas d'autres créanciers.

L'intimé soutient pour sa part que c'est à raison que le Tribunal avait retenu que la question de savoir qui, de l'intimé ou de F______, était créancier du prêt de 100'000 fr. consenti à C______ SARL n'était pas pertinente pour connaître de l'action révocatoire. L'intimé disposait de la qualité pour agir, dès lors que sa créance avait été colloquée et qu'il bénéficiait d'une cession de l'administration de la faillite. En outre, l'appelante ne pouvait être suivie lorsqu'elle affirmait qu'aucun créancier de C______ SARL n'avait été lésé, puisque les trois créanciers inscrits à l'état de collocation avaient été lésés par le fait que A______ SARL se soit "servie sans contrepartie effective dans le patrimoine réalisable de la faillie hors de toute procédure", afin d'éviter une répartition de ce patrimoine selon les règles applicables. La prétendue créance de l'appelante aurait dû être annoncée dans la faillite afin d'être colloquée, ce qui aurait notamment permis aux autres créanciers colloqués de la contester, ce qu'aurait notamment fait l'intimé. Quant à la condition de l'intention dolosive et de son caractère reconnaissable, elles étaient réunies dès lors que E______, gérant-président de C______ SARL et de A______ SARL, connaissait parfaitement la situation financière de la société faillie.

3.1 Selon l'article 285 al. 1 LP, la révocation a pour but de soumettre à l'exécution forcée les biens qui lui ont été soustraits par suite d'un acte mentionné aux articles 286 à 288 LP. Le procès se limite à l'examen de l'admissibilité d'une construction juridique de droit civil au regard du droit de l'exécution forcée (ATF 143 III 167 consid. 3.3.4).

3.1.1 Quatre conditions générales de la révocation découlent de l'art. 285 LP, soit que l'acte ait été accompli par le débiteur, qu'un ou plusieurs créancier(s) ai(en)t subi un dommage, que l'acte fût propre à causer le préjudice en question et que la poursuite ait été infructueuse (ACJC/1872/2020 du 22 décembre 2020 consid. 3.1).

L'acte révocable peut causer un préjudice effectif aux créanciers, ou à certains d'entre eux, en diminuant le produit de l'exécution forcée ou la part de ces créanciers à ce produit, ou encore en aggravant leur position dans la procédure d'exécution forcée (ATF 137 III 268 consid. 4.1). En principe, il n'y a pas de diminution du produit, et donc de préjudice, en défaveur des créanciers lorsque l'acte juridique attaqué consiste en l'échange d'une prestation du débiteur et d'une contre-prestation de même valeur de l'autre partie (ATF 137 III 268 consid. 4.1). Exceptionnellement, même si la prestation et la contre-prestation sont de même valeur, l'acte reste attaquable si le débiteur avait pour but, en commettant cet acte, de disposer de ses derniers actifs au détriment de ses créanciers. En effet, lorsqu'il avait déjà l'intention de soustraire de son actif la contre-prestation, il y a un lien de causalité entre l'acte et le préjudice subi par les créanciers (ATF 135 III 276 consid. 6.1.2; 134 III 452 consid. 3.1; 99 III 27 consid. 4; 79 III 174 [175]; 65 III 142 consid. 5; 53 III 78 [79]).

Le préjudice est présumé à l'égard du créancier porteur d'un acte de défaut de biens, de sorte que le demandeur n'a pas à prouver que l'acte a effectivement causé un préjudice à lui-même ou à plusieurs autres créanciers (arrêt du Tribunal fédéral 5A_378/2016 du 22 mars 2017 consid. 3.3.3).

3.1.2 Selon l'art. 288 LP, sont révocables tous actes faits par le débiteur dans les cinq ans qui précèdent la saisie ou la déclaration de faillite dans l'intention reconnaissable par l'autre partie de porter préjudice à ses créanciers ou de favoriser certains créanciers au détriment des autres (al. 1). En cas de révocation d'un acte accompli en faveur d'une personne proche du débiteur, il incombe à cette personne d'établir qu'elle ne pouvait pas reconnaître l'intention de porter préjudice (al. 2).

Aux quatre conditions générales prévues par l'art. 285 LP s'ajoutent ainsi trois conditions spécifiques à l'art. 288 al. 1 LP. La première est objective : l'acte litigieux doit avoir été commis pendant la période suspecte, qui est ici de cinq ans. Les deux autres conditions sont subjectives : le débiteur doit avoir l'intention de causer un préjudice au créancier (intention dolosive) et le cocontractant doit avoir connu – ou aurait dû connaître – cette intention du débiteur (caractère reconnaissable de l'intention dolosive; ATF 137 III 268 consid. 4; 135 III 276 consid. 5 et les références citées; arrêts du Tribunal fédéral 5A_316/2016 du 14 mars 2017 consid. 3 et 5A_313/2012 du 5 février 2013 consid. 4).

Selon la jurisprudence, l'intention dolosive du débiteur est réalisée lorsque celui-ci "a pu et dû" prévoir que son acte aurait pour effet naturel de porter préjudice aux créanciers ou de favoriser certains d'entre eux au détriment des autres. Il n'est pas nécessaire que le débiteur ait agi dans le but de porter atteinte aux droits des créanciers ou d'avantager certains d'entre eux (intention directe); il suffit qu'il ait accepté le préjudice comme conséquence possible de son acte (intention indirecte; ATF 134 III 615 consid. 5.1 p. 621/622 et les arrêts cités; ATF 134 III 452 consid. 4.1 p. 456). 

En principe, il incombe au demandeur de prouver les faits sur lesquels il fonde le motif de révocation invoqué, y compris le caractère reconnaissable de l'intention dolosive (ATF 137 III 268 consid. 4). Toutefois, en cas de révocation d’un acte accompli en faveur d’une personne proche du débiteur, il incombe à cette personne d’établir qu’elle ne pouvait pas reconnaître l’intention de porter préjudice. Par personne proche on entend également les sociétés constituant un groupe (art. 288 al. 2 LP).

3.1.3 Au sens de l'art. 291 al. 1 LP, celui qui a profité d'un acte révocable doit restituer ce qu'il a reçu.

Le jugement révocatoire a pour effet de rendre aux biens atteints par l'acte révocable du débiteur leur destination primitive, c'est-à-dire de les mettre en état de servir au désintéressement des créanciers, en les faisant retomber sous le droit d'exécution de ceux-ci (ATF 136 III 341 consid. 3 p. 343 et les références;
135 III 265 consid. 3 p. 268). La restitution des biens litigieux doit avoir principalement lieu en nature (ATF 135 III 513 consid. 9.1 p. 530).

Subsidiairement, si la restitution en nature est impossible, parce que les biens ne se trouvent plus dans le patrimoine du bénéficiaire, elle doit avoir lieu par équivalent, sous la forme de dommages-intérêts au sens des art. 97 ss CO, dont le montant correspond à la contre-valeur des biens à la date où l'impossibilité est survenue (ATF 136 III 341 consid. 4.1 p. 344; 135 III 513 consid. 9.3 p. 531 et consid. 9.6 p. 535; 30 II 559 consid. 5 et 6 p. 563)

3.1.4 L’administration de la faillite ou tout créancier, individuellement, dans les cas visés aux art. 260 et 269, al. 3 LP peut demander la révocation (art. 285 al. 2 ch. 1 LP).

Aux termes de l'art. 260 al. 1 LP, si l'ensemble des créanciers renonce à faire valoir une prétention, chacun d'eux peut en demander la cession à la masse. Cette cession est un mandat procédural qui autorise le créancier - ou les créanciers - à faire valoir les droits litigieux, c'est-à-dire à conduire le procès à la place de la masse, en son nom propre et à ses risques et périls, sans devenir titulaire de la prétention (ATF 136 II 148, consid. 2.3; 122 III 488 consid. 3b).

Selon la jurisprudence, le juge civil se contente, dans le cadre de la procédure intentée par le créancier cessionnaire, de constater que la légitimation du demandeur résulte d'une décision de cession prise par l'administration de la faillite, sans contrôler la légalité de celle-ci (ATF 132 III 342 consid. 2.2.1;
111 II 81 consid. 3; arrêts du Tribunal fédéral 5A_545/2019 du 13 février 2020 consid. 4.5.1 et 5A_483/2012 du 23 août 2012 consid. 5.3.3).

3.2.1 En l'espèce, en tant qu'elle soutient que l'intimé n'aurait pas la légitimation active faute d'être titulaire de la créance en remboursement d'un prêt de 100'000 fr. à l'encontre de C______ SARL, l'appelante se trompe de procès. En effet, ainsi que cela découle de manière claire de la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, le juge de l'action révocatoire ne doit contrôler que le fait de savoir si la légitimation active du demandeur résulte d'une décision prise par l'administration de la faillite, ce qui est le cas en l'espèce et n'est d'ailleurs pas contesté.

Il n'appartient pas au juge de l'action révocatoire de contrôler la légalité de cette cession, et encore moins de contrôler l'existence de la créance colloquée du créancier cessionnaire. Ainsi, c'est à raison que le Tribunal a retenu que la question de savoir qui de l'intimé ou de F______ était titulaire de la créance en remboursement d'un prêt de 100'000 fr. à l'encontre de C______ SARL n'était pas pertinente pour déterminer si l'intimé disposait de la légitimation active.

En effet, l'intimé dispose de la légitimation active du simple fait qu'il est au bénéfice d'une cession de la masse pour intenter l'action en révocation litigeuse, indépendamment du bienfondé de la collocation de sa créance qu'il n'y pas lieu d'examiner.

Si l'appelante estimait que c'était à tort que cette créance avait été colloquée, il lui appartenait de contester l'état de collocation au moyen de la voie de droit prévue à cet effet par l'art. 250 LP, ce qu'elle n'a pas fait. L'argumentaire qu'elle développe, aux termes duquel elle ne pouvait pas agir contre l'état de collocation faute de connaître les démarches effectuées par l'intimé à l'encontre de C______ SARL n'y change rien, étant au demeurant précisé que l'état de collocation fait l'objet d'une publication officielle (cf. art. 249 al. 2 LP), de sorte que l'appelante était réputée en être informée.

Par conséquent, c'est à bon droit que le Tribunal a retenu que l'intimé avait la légitimation active pour requérir la révocation de la reprise du stock de C______ SARL par l'appelante.

3.2.2 Reste donc à examiner si les conditions de l'action révocatoire sont réunies.

L'acte dont la révocation est question consiste en la cession de son stock – dont la valeur en 109'159 fr. 70 n'est plus contestée en appel – par C______ SARL, société faillie, à l'appelante, en contrepartie de l'abandon (partiel) par cette dernière d'une créance qu'elle prétendait détenir à l'encontre de la faillie. Ainsi que l'a retenu le Tribunal sans que cela ne soit contesté par les parties, il s'agit d'un acte accompli par le débiteur moins de cinq ans avant le prononcé de la faillite.

Il est par ailleurs présumé que cet acte a causé un préjudice aux créanciers, au vu de l'acte de défaut de biens versé à la procédure. Quoiqu'il en soit, l'existence de ce préjudice a été démontré, puisque, ainsi que l'a retenu le Tribunal, C______ SARL a manifestement favorisé un créancier au détriment des autres, en consacrant la totalité de son stock au désintéressement d'un seul créancier – l'appelante – , ce qui a conduit à une diminution du profit de l'exécution forcée et de la part des autres créanciers, dont l'intimé, à ce produit.

A cela s'ajoute que cette manière de procéder a, ainsi que le relève l'intimé, empêché les autres créanciers de contester la participation de l'appelante au produit de l'exécution forcée, ce qu'ils auraient pu faire si elle avait produit sa créance dans la faillite, en contestant l'admission de sa prétendue créance à l'état de collocation (cf. art. 250 LP).

L'argumentaire de l'appelante selon lequel aucun créancier n'a été lésé, puisqu'il n'existait aucun créancier, sous réserve d'une créance actionnaire (dont F______ serait titulaire) qui "passerait après" celle de l'appelante, ne peut être suivi. En effet, ainsi qu'exposé ci-avant, l'intimé doit être considéré comme un créancier de la société faillie, dès lors qu'il est inscrit à l'état de collocation, indépendamment du bien-fondé de l'admission de sa créance à l'état de collocation, qui n'a pas à être examiné dans le cadre du présent litige (cf. consid. 3.2.1). Au demeurant, il sera relevé que l'intimé n'était pas le seul créancier colloqué, de sorte que l'acte du failli a, en tout état, lésé les autres créanciers colloqués, ce qui suffit à remplir cette condition.

Au demeurant, ainsi que l'a retenu le Tribunal, sans que cela ne soit contesté par les parties, E______, gérant président de la faillie et de l'appelante, connaissait les difficultés financières de C______ SARL au moment du transfert du stock, ainsi que ses problèmes de liquidités. E______ a déclaré qu'il espérait rembourser en premier l'appelante, puis "M. F______", ce qui atteste qu'il connaissait l'existence de la créance concernée, peu importe qui, de F______ ou de l'intimé, en ait été titulaire. A cela s'ajoute que E______ gérait lui-même les finances de la société et ne pouvait donc ignorer l'existence de la créance inscrite dans les comptes. Il n'est donc pas déterminant que l'intimé n'ait pas encore, au moment de la reprise du stock, fait valoir sa créance. Sur la base de ces éléments, il doit être considéré que C______ SARL, par le truchement de son gérant président E______, savait qu'il existait d'autres créances, peu importe qu'elle ignorait - ou se trompait sur- l'identité de son titulaire, de sorte qu’elle a intentionnellement favorisé A______ SARL au détriment d'autres créanciers.

Aussi, l'intention dolosive de C______ SARL doit être admise.

Quant au caractère reconnaissable de l'intention dolosive de C______ SARL, le Tribunal a retenu, sans que cela ne soit contesté par les parties en tant que tel, qu'il pouvait être présumé car C______ SARL et l'appelante formaient un groupe de sociétés et pouvaient en conséquence être considérées comme des proches, puisqu'elles avaient le même gérant président, à savoir E______. En tout état, l'intention dolosive de C______ SARL ayant été admise en raison de la connaissance par son gérant président, E______, de la situation financière difficile de la faillie et de l'existence d'autres créanciers que l'appelante (cf. supra), ces mêmes éléments permettent de retenir le caractère reconnaissable de l'intention dolosive, puisque la connaissance de cette intention dolosive par E______, également organe de l'appelante, peut être imputée à cette dernière (cf. art. 55 CC).

Par conséquent, les conditions de l'action révocatoire sont réunies, de sorte que c'est à raison que le Tribunal a prononcé la révocation de la remise de son stock par C______ SARL à l'appelante.

3.2.3 Il en découle, ainsi que l'a retenu le Tribunal sans que cela ne soit contesté en tant que tel par les parties, que l'appelante doit être condamnée à réparer le dommage subi par la masse en faillite en raison de l'acte révocable, dont il n'est plus contesté qu'il s'élève à 109'159 fr. Le jugement querellé sera donc confirmé en tant qu'il condamne l'appelante à verser à la masse en faillite de C______ SARL 109'159 fr, avec intérêts à 5% l'an dès le 22 décembre 2016, soit dès le lendemain de l'inventaire marquant le transfert du stock.

4. Les frais judiciaires d'appel, arrêtés à 9'000 fr. (art. 17 et 35 RTFMC), seront mis à la charge de l'appelante, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC), et entièrement compensés avec l'avance de même montant effectuée, laquelle reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

L'appelante sera, en outre, condamnée aux dépens d'appel de l'intimé, arrêtés à 7'000 fr., TVA et débours compris, au regard notamment de l'importance de la cause et de l'activité déployée par le conseil de l'intéressé (art. 84, 85 et 90 RTFMC; art. 20, 25 et 26 al. 1 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté 12 septembre 2022 par A______ SARL contre le jugement JTPI/7920/2022 rendu le 29 juin 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/3138/2020.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires à 9'000 fr., les met à la charge de A______ SARL et les compense avec l'avance de frais de même montant versée, qui demeure acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ SARL à verser à B______ 7'000 fr. à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Madame
Verena PEDRAZZINI RIZZI, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges;
Madame Gladys REICHENBACH, greffière.

 

La présidente :

Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE

 

La greffière :

Gladys REICHENBACH

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.