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Décisions | Chambre civile

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C/17584/2021

ACJC/798/2023 du 13.06.2023 sur JTPI/11830/2022 ( OO ) , JUGE

En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/17584/2021 ACJC/798/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 13 JUIN 2023

 

Entre

A______, sise ______ (GE), appelante d'un jugement rendu par la 26ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 10 octobre 2022, comparant par Me Frédéric BETRISEY, avocat, BÄR & KARRER SA, quai de la Poste 12, case postale 5056, 1211 Genève 11, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié ______, France, intimé, comparant par Me Marc MATHEY-DORET, avocat, REGO AVOCATS, esplanade de Pont-Rouge 4, case postale, 1211 Genève 26, en l'Étude duquel il fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/11830/2022 du 10 octobre 2022, reçu le 25 octobre 2022 par A______, le Tribunal de première instance a déclaré irrecevable la demande formée par celle-ci contre B______ le 3 mars 2022 (chiffre 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 50'000 fr., compensés avec l'avance effectuée (ch. 2), ordonné la restitution de 150'200 fr. à A______ par l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire (ch. 3), condamné A______ à verser à B______ 34'000 fr. à titre de dépens (ch. 4) et débouté les parties de toutes autres ou contraires conclusions (ch. 5).

B. a. Par acte expédié le 24 novembre 2022 à la Cour de justice, A______ forme appel contre ledit jugement, dont elle requiert l'annulation. Elle conclut, avec suite de frais, principalement à la constatation de la recevabilité de sa demande du 3 mars 2022 et au renvoi de la cause au Tribunal pour qu'il reprenne la procédure et, subsidiairement, au renvoi de la cause au Tribunal pour nouvelles instruction et décision dans le sens des considérants de l'arrêt à rendre.

b. Dans sa réponse du 8 février 2023, B______ conclut, avec suite de frais, à la confirmation du jugement attaqué.

c. Les parties ont répliqué, respectivement dupliqué, en persistant dans leurs conclusions.

d. Elles ont été informées le 22 mai 2022 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier soumis à la Cour.

a. Le 10 septembre 2021, A______, sise à C______, a déposé en conciliation devant le Tribunal de première instance une requête dirigée contre B______, domicilié en France, en paiement de 21'172'316.48 euros à titre de montant en capital dû en vertu d'un contrat de crédit du 28 avril 2010, ainsi que, sous déduction de 768'826.18 euros, 220'037 euros à titre d'intérêts moratoires à 5 % l'an sur le montant de 21'416'934.98 euros pour la période du 15 avril au 28 juin 2019 et les intérêts moratoires à 5 % 1'an sur la somme de 21'172'316.48 euros à compter du 28 juin 2019.

Le chargé de pièces accompagnant la requête de conciliation comprenait un extrait du Registre du commerce relatif à A______ et une procuration en faveur des conseils de celle-ci signée par D______ et E______, tous deux inscrits audit registre comme titulaires d'une signature collective à deux. G______ n'est pas mentionnée dans ledit extrait.

b. Lors de l'audience de conciliation du 15 novembre 2021, A______ a comparu par G______, juriste, assistée de Me Caroline SAUTHIER, avocate, excusant Me Frédéric BETRISEY, avocat. B______ a été représenté par Me Line FLEURY, avocate-stagiaire, excusant Me Marc MATHEY-DORET. Celle-ci a déclaré que son client s'opposait "à l'existence d'un for à Genève".

A ce stade, aucune procuration en faveur de G______ ne figurait au dossier. La question des pouvoirs de celle-ci n'a pas été abordée lors de l'audience.

Les parties ont ensuite déclaré qu'elles ne parvenaient pas à un accord.

Sur quoi, le Tribunal a délivré à A______ l'autorisation de procéder.

c. Le 3 mars 2022, A______ a porté l'action devant le Tribunal. Elle a joint à la demande l'autorisation de procéder du 15 novembre 2021.

d. Le délai pour répondre fixé à B______ au 2 mai 2022 a été prolongé au 1er juillet 2022 à la demande de celui-ci.

e. Par acte du 10 mai 2022, B______ a soulevé l'invalidité de l'autorisation de procéder et donc l'irrecevabilité de la demande, au motif que sa partie adverse n'était pas valablement représentée lors de l'audience de conciliation. Il a conclu à la limitation de la procédure à la question de la recevabilité de la demande.

f. Par ordonnance du 11 mai 2022, le Tribunal a donné suite à cette requête et a fixé à A______ un délai pour se déterminer.

g. Par acte du 24 mai 2022, comprenant trois pages, celle-ci a conclu à la constatation du fait qu'elle était valablement représentée en conciliation, à la constatation de la validité de l'autorisation de procéder, à la recevabilité de sa demande et à la fixation à sa partie adverse d'un délai pour répondre sur le fond.

Elle a produit une procuration - datée du 14 octobre 2021 et signée par H______, "Head of Legal", et F______, "Chief Risk Officer", tous deux inscrits au Registre du commerce comme titulaires d'une signature collective à deux - par laquelle elle donnait à G______ "les pouvoirs de la représenter dans le cadre de la procédure C/17584/2021 et notamment lors de l'audience de conciliation du 15 novembre 2021". Elle a allégué que G______ était employée au Département juridique de la banque et suivait le dossier depuis plusieurs mois, de sorte qu'elle disposait d'une connaissance détaillée du litige. Elle était donc une mandataire commerciale habilitée à la représenter.

h. Le 14 juin 2022, B______ a conclu, avec suite de frais, à l'irrecevabilité de la demande.

i. A______ a répliqué le 21 juin 2022, par un acte de deux pages, en persistant dans ses conclusions.

j. Par ordonnance du 15 juillet 2022, le Tribunal a informé les parties de ce que la cause était gardée à juger sur la recevabilité de la demande.

k. Dans le jugement attaqué, le Tribunal a considéré que G______ n'étant ni organe de la société ni fondée de procuration, elle n'était habilitée à représenter A______ que si elle remplissait les conditions de l'art. 462 al. 1 et 2 CO relatives aux mandataires commerciaux. Il résultait du dossier que G______ était juriste au sein de la banque. Rien n'indiquait qu'en cette qualité, elle était habilitée à représenter habituellement la société soit pour toutes les affaires de l'entreprise soit pour certaines opérations déterminées, ni que ses pouvoirs s'étendaient aux actes que comportait habituellement cette entreprise. En particulier, il n'était ni allégué ni établi que G______ était habilitée à engager A______ à quelque titre que ce soit dans le cadre de son emploi au sein de la société. Ainsi, l'on ne pouvait considérer qu'elle était mandataire commerciale. Le fait qu'elle ait reçu avant l'audience du
15 novembre 2021 l'autorisation expresse de représenter la société dans la présente procédure et à l'audience n'y changeait rien. Cette procuration n'emportait pas autorisation d'effectuer les actes prévus à l'art. 462 al. 1 CO pour le compte de la banque et ne faisait donc pas de G______ une mandataire commerciale.

En conséquence, G______ n'était pas habilitée à représenter A______ à l'audience du 15 novembre 2021. Le fait de n'avoir pas produit sa procuration à cette audience était ainsi sans pertinence puisqu'en tout état, cette procuration était insuffisante.

Enfin, le fait que B______ n'avait pas fait valoir ce moyen lors de l'audience n'était pas constitutif de mauvaise foi de sa part ni d'abus de droit.

En conséquence, l'autorisation de procéder délivrée le 15 novembre 2021 n'était pas valable et la demande devait être déclarée irrecevable.

EN DROIT

1. Interjeté contre un jugement déclarant la demande irrecevable, soit une décision finale de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC; Jeandin, Commentaire romand, CPC, 2019, n° 7 ad art. 308 CPC), auprès de l'autorité compétente (art. 120 al. 1 let. a LOJ), dans une affaire patrimoniale dont la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (art. 91 al. 1, 92 al. 1, 308 al. 2 CPC), dans le délai utile de trente jours et selon la forme prescrite par la loi (art. 130 al. 1, 142 al. 1, art. 311 al. 1 CPC), l'appel est recevable.

2. La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC) dans la limite des griefs qui sont formulés (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4; arrêts du Tribunal fédéral 4A_290/2014 du 1er septembre 2014 consid. 5; 5A_89/2014 du 15 avril 2014 consid. 5.3.2).

3. L'appelante fait grief au Tribunal d'avoir violé les art. 52, 199 et 204 CPC en déclarant irrecevable sa demande en paiement dirigée contre l'intimé.

3.1 Le CPC a adopté le système de la conciliation préalable obligatoire devant une autorité de conciliation (art. 197 CPC), sous réserve des exceptions prévues aux art. 198 et 199 CPC. Le demandeur ne peut déposer valablement sa demande en justice sans avoir au préalable requis la conciliation devant cette autorité de conciliation et obtenu la délivrance d'une autorisation de procéder (art. 209, 221 al. 2 let. b et 244 al. 3 let. b CC). Cette obligation de la tentative de conciliation préalable a notamment été introduite dans le but de décharger les tribunaux des affaires qui sont susceptibles d'être conciliées (ATF 146 III 265 consid. 5.2).

Ce but ne peut être atteint que si les parties comparaissent personnellement à l'audience de conciliation, ce à quoi l'art. 204 al. 1 CPC les oblige, et, s'il s'agit de personnes morales, que si les personnes physiques qui comparaissent pour elles ont qualité pour les représenter (ATF 141 III 159 consid. 1.2.2; 140 III 70
consid. 4.3 et 4.4). La seule présence d'un avocat n'est pas suffisante pour réaliser la condition de comparution personnelle (ATF 140 III 70 consid. 4.3).

Les personnes morales doivent envoyer à l'audience un organe formel, un fondé de procuration selon l'art. 458 CO ou un mandataire commercial au sens de
l'art. 462 CO (ATF 140 III 70 consid. 4.3; 141 III 159 consid. 2.6; arrêt du Tribunal fédéral 4A_612/2017 du 8 mars 2018 consid. 5). Ces personnes physiques déléguées à l'audience doivent pouvoir agir sans réserve et valablement (vorbehaltlos und gültig); en particulier, elles doivent pouvoir transiger (ATF 140 III 70 consid. 4.4; 141 III 159 consid. 2.3). Chacune doit justifier de sa qualité et de son pouvoir en produisant un extrait du registre du commerce ou, dans le cas du mandataire commercial, une procuration lui conférant en plus le pouvoir exprès de plaider (art. 462 al. 2 CO; ATF 141 III 159 consid. 2.6 et 141 III 80 consid. 1.3; arrêt du Tribunal fédéral précité 4A_612/2017 ibidem). En revanche, une personne morale ne peut pas comparaître par un simple organe de fait, car l'autorité de conciliation doit pouvoir vérifier rapidement et aisément si l'individu qui se présente au nom de cette personne revêt la qualité voulue (ATF 141 III 159 consid. 2.4 et 2.6; arrêt du Tribunal fédéral 4A_530/2021 du 3 août 2022
consid. 3.1).

L'art. 204 al. 3 CPC prévoit une exception à l'obligation de comparution personnelle uniquement dans certains cas, réglés de manière exhaustive (arrêt du Tribunal fédéral 4A_416/2019 du 5 février 2020 consid. 3.1 non publié in
ATF 146 III 185). Selon l'art. 204 al. 3 CPC, sont dispensées de comparaître personnellement et peuvent se faire représenter (let. a) la personne qui a son domicile en dehors du canton ou à l'étranger; dans le cas d'une personne morale, il s'agit du siège de cette dernière, et non du domicile des personnes physiques qui comparaissent pour elle); (let. b) la personne empêchée de comparaître pour cause de maladie, d'âge ou en raison d'autres justes motifs. Selon l'art. 204 al. 4 CPC, la partie adverse est informée à l'avance de la représentation.

L'autorité de conciliation doit examiner d'office, lors de l'audience de conciliation, si la condition de comparution personnelle au sens de l'art. 204 al. 1 CPC est réalisée (ATF 141 III 159 consid. 2.4; arrêt du Tribunal fédéral précité 4A_416/2019 consid. 3.2 non publié in ATF 146 III 185). La partie qui, bien que régulièrement assignée (art. 147 al. 1 CPC), ne comparaît pas personnellement, alors même qu'elle ne peut se prévaloir d'un des motifs de dispense prévu à
l'art. 204 al. 3 CPC, ou, lorsqu'elle dispose d'un motif de dispense, n'est pas valablement représentée, est considérée comme défaillante (arrêts arrêt du Tribunal fédéral 4A_208/2019 du 30 janvier 2020 consid. 3.1; 4C_1/2013 du
25 juin 2013 consid. 4.3). La partie qui envoie un représentant sans réaliser les prévisions de l'art. 204 al. 3 CPC fait donc défaut (arrêt du Tribunal fédéral précité 4C_1/2013 consid. 4.3).

Les conséquences du défaut de comparution sont réglées à l'art. 206 CPC. En cas de défaut du demandeur, la requête est considérée comme retirée; la procédure devient sans objet et l'affaire est rayée du rôle (art. 206 al. 1 CPC; arrêt du Tribunal fédéral 4A_179/2022 du 13 septembre 2022 consid. 5).

3.2 D'après l'art. 209 al. 1 CPC, lorsque la tentative de conciliation n'aboutit pas, l'autorité de conciliation consigne l'échec au procès-verbal et délivre l'autorisation de procéder au demandeur (let. b), hormis le cas de contestation d'une augmentation du loyer ou du fermage où elle est délivrée au bailleur (let. a).

L'existence d'une autorisation de procéder valable, lorsqu'elle est nécessaire, est une condition de recevabilité de la demande (arrêt du Tribunal fédéral 4A_182/2019 du 4 novembre 2019 consid. 3.2, non publié in ATF 146 III 63), bien que cette existence ne soit pas mentionnée dans les conditions de recevabilité de l'action énumérées à l'art. 59 al. 2 CPC, dont la liste n'est pas exhaustive comme l'indique clairement l'utilisation dans son libellé de l'adverbe "notamment". Il s'agit d'une condition de recevabilité de la demande que le tribunal doit examiner d'office en vertu de l'art. 60 CPC (ATF 139 III 273
consid. 2.1).

Cette condition ne doit pas être remplie dans les cas où la procédure de conciliation n'a pas lieu (art. 198 CPC) et où le demandeur peut décider unilatéralement d'y renoncer (art. 199 al. 2 CPC; ZINGG, in Berner Kommentar ZPO, n. 161 ad art. 59 CPC; MULLER, in DIKE-Komm-ZPO, 2ème éd. 2016, n. 77 ad art. 59 CPC).

3.3 Le demandeur peut décider de renoncer unilatéralement à la procédure de conciliation notamment lorsque le domicile ou le siège du défendeur se trouve à l'étranger (art. 199 al. 2 let. a CPC).

Dans cette hypothèse, l'on conçoit mal que sa demande soit déclarée irrecevable sous prétexte qu'il s'était résolu à entreprendre une procédure de conciliation et qu'un vice entache cette étape non obligatoire. Soutenir le contraire impliquerait de le contraindre à réintroduire une procédure à caractère facultatif, ce qui est antinomique, ou à déposer une nouvelle demande auprès du tribunal compétent sur le fond sans passer par la phase de conciliation, ce qui équivaut à faire abstraction de l'autorisation de procéder litigieuse dans l'examen de la recevabilité de la demande initiale. Au sein de la doctrine, d'aucuns ont certes exclu qu'une renonciation intervienne au stade de l'appel pour contrer une décision d'irrecevabilité. Cette opinion s'appuie sur un arrêt grison qui présente une motivation alternative indépendante et vise une autre situation, soit une renonciation commune à la conciliation obligatoire (Tribunal cantonal du canton des Grisons, arrêt ZK2 11 25 du 22 juin 2011 consid. 7). La doctrine s'intéresse surtout à la déclaration de renonciation devant être annexée, le cas échéant, à la demande (art. 221 al. 2 let. b CPC) - généralement pour préciser que le demandeur en est dispensé lorsqu'il a renoncé unilatéralement à la conciliation (arrêt du Tribunal fédéral 4A_476/2021 du 6 juillet 2022 consid. 5.2)

3.4 Le principe de la bonne foi (art. 2 al. 1 CC) et l'interdiction de l'abus de droit (art. 2 al. 2 CC) sont des principes fondamentaux de l'ordre juridique suisse (art. 5 al. 3 Cst.). Ils s'appliquent aussi en procédure civile (ATF 132 I 249 consid. 5;
128 III 201 consid. 1c; 123 III 220 consid. 4d). Le principe de la bonne foi est codifié pour la procédure civile à l'art. 52 CPC, de sorte que sa violation constitue depuis lors une violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF). Il s'adresse à tous les participants au procès, parties et juge. Il leur impose d'agir de bonne foi et, partant, de ne pas commettre d'abus de droit (ATF 132 I 249 ibidem).

Certes, en procédure civile, il n'y a généralement que peu de place pour déroger aux dispositions claires de la loi à la suite d'un abus de droit, en particulier lorsque le législateur a pris des options claires, comme c'est le cas pour la comparution personnelle et la conséquence du défaut en procédure de conciliation (ATF 146 III 185 consid. 4.4.2).

Cependant, les personnes qui prennent part à un procès civil sont tenues de présenter leurs objections du droit de procédure aussi tôt que possible, c'est-à-dire à la première occasion dès qu'elles ont connaissance du vice, sous peine de
ne plus pouvoir l'invoquer (arrêt du Tribunal fédéral 5A_75/2018 du
18 décembre 2018 consid. 2.3). L'application des règles de la bonne foi n'est pas limitée aux conditions de recevabilité concernant la compétence ou la composition du tribunal, ou aux conditions que le juge ne serait pas en mesure de détecter d'office. Le principe de l'examen d'office des conditions de recevabilité ne suffit pas non plus à empêcher l'invocation de l'abus de droit (arrêt du Tribunal fédéral 5A_347/2018 du 26 octobre 2018 consid. 3.2 et 3.2.4).

Ainsi, la partie défenderesse qui participe à la procédure de conciliation doit insister sur la participation personnelle ou la représentation conforme au droit de la partie demanderesse. De même, elle doit soulever l'objection de l'absence de compétence territoriale; devant le tribunal, elle ne peut plus invoquer l'incompétence de l'autorité de conciliation et faire valoir l'invalidité de l'autorisation de procéder. En revanche, la partie défenderesse qui n'a pas participé à l'audience de conciliation, ou qui a soulevé l'exception d'incompétence lors de la procédure de conciliation, peut invoquer le vice de l'autorisation de procéder dans la procédure judiciaire qui s'ensuit. Enfin, la partie défenderesse qui a omis de soulever l'incompétence de l'autorité de conciliation lors de la procédure de conciliation n'est pas empêchée de contester la compétence territoriale du tribunal saisi. En revanche, la partie défenderesse qui n'a pas participé à l'audience de conciliation ou qui a soulevé l'exception d'incompétence lors de la procédure de conciliation peut invoquer le vice de l'autorisation d'agir dans la procédure judiciaire qui s'ensuit. Enfin, la partie défenderesse qui a omis de soulever l'incompétence de l'autorité de conciliation lors de la procédure de conciliation n'est pas empêchée de contester la compétence territoriale du tribunal saisi (arrêt du Tribunal fédéral 4A_87/2022 du 2 novembre 2022, destiné à la publication, consid. 3.2.1).

3.5 En l'espèce, l'intimé est domicilié à l'étranger, de sorte que l'appelante aurait pu décider unilatéralement de renoncer à la procédure de conciliation. Dans ces conditions, il n'est pas concevable de déclarer irrecevable la demande au motif que l'appelante a entrepris une procédure de conciliation et qu'un vice entacherait par hypothèse cette étape non obligatoire. Il n'y a donc pas lieu de la contraindre à réintroduire une procédure à caractère facultatif ou à déposer une nouvelle demande au fond sans passer par la phase de conciliation.

Par ailleurs, il n'est pas contesté que les parties ont pu s’exprimer lors de l'audience du 15 novembre 2021, avant que l’autorité de conciliation n’annonce délivrer une autorisation de procéder. L'intimé a ainsi eu l'occasion de soulever une exception d'incompétence à raison du lieu. Or, il n'a pas évoqué (et encore moins insisté sur) la participation personnelle ou la représentation conforme au droit de l'appelante, alors même qu'aucune procuration en faveur de la personne physique présente ne figurait au dossier et que celle-ci n'était pas inscrite au Registre du commerce. En soulevant l'invalidité de l'autorisation de procéder devant le Tribunal, six mois après l'audience de conciliation, l'intimé - qui de surcroît n'avait pas comparu personnellement vu le motif de dispense de l'art. 204 al. 3 let. a CPC - a abusé de son droit.

Pour les motifs qui précèdent, la fin de non-recevoir tirée de l'inexistence d'une autorisation de procéder valable aurait dû être rejetée. Il est superflu d'examiner si le Tribunal a violé l'art 204 al. 1 CPC en considérant que l'appelante n'avait pas comparu personnellement à l'audience de conciliation.

Le chiffre 1 du dispositif du jugement attaqué sera dès lors annulé et il sera statué à nouveau dans le sens que la demande de l'appelante du 3 mars 2023 sera déclarée recevable (art. 318 al. 1 let. a CPC).

4. 4.1 L'appelante fait grief au Tribunal d'avoir fixé les frais judiciaires (50'000 fr.) et les dépens (34'000 fr.) en violation des art. 7 al. 2 RTFMC et 23 LaCC. L'intimé le conteste et soutient que le premier juge aurait suffisamment tenu compte du fait que la procédure était limitée à certaines questions préjudicielles.

Dans la mesure où il est statué à nouveau, il y a lieu de se prononcer sur les frais de première instance (art. 318 al. 3 CPC).

Si le Tribunal avait rendu une décision de recevabilité, soit une décision incidente (art. 237 al. 1 CPC), il aurait fixé l'émolument forfaitaire de décision entre 300 fr. et 5'000 fr. (art. 23 RTFMC). Dans ces conditions, les frais judiciaires de première instance seront arrêtés à 5'000 fr. Ils seront mis à la charge de l'intimé qui succombe (art. 106 al. 1 CPC) et compensés avec l'avance de 200'200 fr. versée par l'appelante, qui demeure acquise à l'Etat de Genève à due concurrence
(art. 111 al. 1 CPC). Le solde en 195'200 fr. sera conservé par le Tribunal comme avance pour la suite de la procédure. L'intimé versera 5'000 fr. à l'appelante.

L'intimé versera en outre à l'appelante 5'000 fr., débours et TVA compris, à titre de dépens de première instance (art. 23 LaCC; art. 84 et 85 al. 1 RTFMC).

4.2 Les frais judiciaires d'appel seront fixés à 5'000 fr. (art. 23 et 36 RTFMC par analogie) et mis à la charge de l'intimé, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC). Ils seront compensés avec l'avance de 1'000 fr. versée par l'appelant, qui demeure acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC). L'intimé versera 1'000 fr. à l'appelante et 4'000 fr. aux Services financiers du Pouvoir judiciaire.

L'intimé versera en outre à l'appelante 5'000 fr., débours et TVA compris, à titre de dépens d'appel (art. 23 LaCC; art. 84 et 85 al. 1 et 90 RTFMC).


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 24 novembre 2022 par A______ contre le jugement JTPI/11830/2022 rendu le 10 octobre 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/17584/2021-26.

Au fond :

Annule le jugement attaqué et, statuant à nouveau :

Déclare recevable la demande formée le 3 mars 2023 par A______ à l'encontre de B______.

Arrête les frais judiciaires de première instance à 5'000 fr., les met à la charge de B______ et les compense avec l'avance fournie par A______, laquelle demeure acquise à l'Etat de Genève à due concurrence.

Condamne B______ à verser à A______ 5'000 fr. à titre de restitution de l'avance de frais de première instance et 5'000 fr. à titre de dépens de première instance.

Déboute les parties de toutes autres conclusions d'appel.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 5'000 fr., les met à la charge de B______ et les compense avec l'avance fournie par A______, laquelle demeure acquise à l'Etat de Genève.

Condamne B______ à verser à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, 4'000 fr. à titre de solde de frais judiciaires d'appel.

Condamne B______ à verser à A______ 1'000 fr. à titre de restitution de l'avance de frais d'appel et 5'000 fr. à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Ivo BUETTI, président; Madame Sylvie DROIN, Monsieur Jean REYMOND, juges; Madame Sandra CARRIER, greffière.

Le président :

Ivo BUETTI

 

La greffière :

Sandra CARRIER

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.