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Décisions | Chambre civile

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C/24439/2019

ACJC/224/2023 du 09.02.2023 ( IUO )

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/24439/2019 ACJC/224/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU JEUDI 9 FEVRIER 2023

 

Entre

A______ SA, sise ______, demanderesse, comparant par Me Theda KÖNIG HOROWICZ, avocate, rue Beauregard 9, 1204 Genève, en l'Étude de laquelle elle fait élection de domicile,

et

B______ SA, sise ______, défenderesse, comparant par Me Philippe GRUMBACH, avocat, GRUMBACH Sàrl, rue Saint-Léger 6, case postale 181, 1211 Genève 4, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. a. A______ SA est inscrite au Registre du commerce du canton de Genève et a pour but, notamment, la fabrique et la commercialisation des montres A______.

b. B______ SA et C______ SA, en liquidation, sont toutes deux inscrites, elles aussi, au Registre du commerce du canton de Genève, depuis, respectivement, le ______ 2018 et le ______ 2014.

La faillite de C______ SA, en liquidation, a été prononcée le ______ 2020.

Le but social de B______ SA est : "exploitation d'un atelier d'horlogerie; conception, fabrication et commercialisation de tous produits d'horlogerie, de bijouterie et autres produits de luxe".

Quant à celui de C______ SA, en liquidation, il était : "exploitation d'un atelier d'horlogerie, ainsi que fabrication et commercialisation de tous produits d'horlogerie et de bijouterie".

Les deux sociétés ont D______ pour animateur principal.

c. A______ SA détient la marque A______ pour des produits horlogers dans le monde entier, y compris en Suisse, ainsi que la couronne distinctive qui l'accompagne.

Elle détient ainsi notamment les marques suisses suivantes, toutes dans le domaine horloger et/ou la joaillerie et la bijouterie : n° 1______ "A______ + E______ (fig.)", n° 2______ "E______ (fig.)", n° 3______ "A______ + E______ (fig.) + 4______ [modèle]", n° 5______ "4______",
n° 6______ "7______ [modèle]", n° 8______ "9______ [modèle]",
n° 10______ "11______ [modèle]", n° 12______ "13______ [modèle]",
n° 14______ "15______ [modèle]", n° 16______ "17______",
n° 18______ "A______/19______", n° 20______ "21______ [modèle]" et
n° 22______ "23______ [modèle]".

La marque A______ jouit d'une grande notoriété en Suisse et est largement connue du public.

Quant aux montres fabriquées par A______ SA, elles sont de grande qualité et facilement reconnaissables, ce qu'admettent les parties. En outre, compte tenu de leur technicité, elles nécessitent des connaissances particulières pour toute intervention.

Le groupe A______ ne concède des licences sur ses marques que de manière sélective et refuse le co-marquage, à savoir l'association avec une autre marque.

d. B______ SA, et avant elle C______ SA, est active dans la customisation de montres de luxe. Cette activité consiste à modifier des montres produites en série par des manufactures comme A______ SA, mais aussi d'autre marques, pour les faire correspondre aux souhaits de certains clients et donc les rendre plus exclusives.

Ainsi, B______ SA, et avant elle C______ SA, personnalisent les montres en changeant le cadran, les aiguilles et la lunette, en leur donnant une nouvelle apparence et en modifiant certaines caractéristiques techniques. L'activité de customisation nécessite, notamment, mais pas systématiquement, de déposer et réapposer les marques de la montre d'origine sur le cadran, après le remplacement ou la modification de celui-ci. Sur certains modèles modifiés par B______ SA, mais pas sur tous, les signes "B______" et/ou "F______" apparaissent en sus sur le cadran en dessous de la marque A______.

Entre autres, B______ SA recrée, en modifiant des modèles récents, certains traits de l'apparence de modèle vintage de A______ SA, qui ne sont plus commercialisés par celle-ci, mais ont une valeur marchande importante parmi les collectionneurs. Les modèles modifiés se distinguent cependant aisément des modèles vintage originaux, notamment par l'apposition de la marque B______ sur le cadran, en dessous de la marque A______.

B______ SA, et avant elle C______ SA, procèdent ainsi à la modification de montres apportées par le client, mais vendent aussi des montres déjà modifiées par leurs soins directement à des clients ou par le biais de détaillants. En outre, il arrive que B______ SA, et avant elle C______ SA, soit mandatée par le client pour acheter une montre originale, parfois sur le marché secondaire, qu'elle modifie ensuite à la demande du client.

B______ SA affirme avoir cessé la vente par l'entremise de détaillants en 2019, pour se concentrer sur la vente directe de montres personnalisées entièrement sur demande et de montres "prépersonnalisées" - donc modifiées par avance - à des clients privés, ces dernières "souvent avec des modifications complémentaires sur demande du client".

B______ SA avait ainsi en stock, selon ses propres affirmations, onze montres A______ prépersonnalisées au 30 avril 2020.

Lors de la remise des montres modifiées au client, B______ SA utilisait initialement l'écrin A______, dans lequel elle glissait la garantie originale à titre de preuve de l'authenticité de la montre ainsi que sa propre garantie, dès lors que la garantie originale n'était plus valable après la modification. Elle utiliserait désormais, selon ses dires, ses propres écrins.

Pour A______ SA, l'entier de l'activité de B______ SA, en tant qu'elle porte sur les montres A______, constitue de la contrefaçon. Cela étant, en audience, A______ SA, par la bouche de sa représentante G______ a déclaré : "Lorsque le client demande à ce que sa montre soit modifiée et que cela reste dans un cadre "privé", cela ne me pose pas de problème. En revanche, l'offre de modification faite au travers du simulateur [disponible sur le site Internet de B______ SA (cf. attendu f. ci-après)], de même que la remise à des détaillants de montres prépersonnalisées, n'est pas admissible selon nous. Ce qui nous dérange, c'est que B______ SA fasse commerce de cette activité et utilise notre renommée [ ] [C]e qui nous pose problème c'est le modèle d'affaires qui consiste à inciter le client à modifier sa montre et l'activité qui consiste à vendre des montres précustomisées".

e. Les débuts de l'activité de B______ SA remontent, selon ses allégués contestés par A______ SA, à 2014 sous l'appellation B______, puis dès 2018 sous la raison sociale B______ SA. En 2018, celle-ci a repris l'activité de personnalisation exercée depuis 2011 par C______ SA, qui était déjà exercée entre 2014 et 2018 sous l'appellation B______.

B______ SA soutient en outre avoir été fortement présente sur les réseaux sociaux depuis 2014.

A l'appui de ses allégations, B______ SA a, notamment, produit un article du site Internet H______.COM daté du ______ 2018 - portant sur l'intégration d'un mécanisme de tourbillon dans une montre A______ qui a fait l'objet de nombreux articles dans la presse spécialisée, articles produits eux aussi par B______ SA à la procédure - et un article du site Internet I______.CH daté du ______ 2019, qui font expressément référence à son activité en lien avec des montres A______. Elle a en outre produit un article du site Internet J______.CH daté de ______ 2014, dans lequel il n'est toutefois fait aucune mention de A______ SA ou des montres de celle-ci. Elle a aussi produit des impressions de sa page du réseau social FACEBOOK montrant des montres A______ personnalisées entre 2014 et 2019.

Selon une "liste des articles de presse à propose de la société B______ SA", les articles les plus anciens datent de 2018.

f. A______ SA reproche à B______ SA de faire de la publicité, principalement sur son site Internet (www.K______.com), pour les modèles de montres modifiées, en utilisant les marques dont elle est titulaire. Le site Internet propose la personnalisation de la montre du client ("CUSTOMISER MA MONTRE"), mais aussi - jusqu'en 2019 seulement selon B______ SA -, la vente de montres déjà modifiées par ses soins ("DEVIS POUR CETTE MONTRE").

A______ SA s'oppose plus particulièrement à l'outil "SIMULATEUR" disponible sur le site Internet de B______ SA. Cet outil permet de modifier virtuellement et à volonté les caractéristiques de certaines montres A______ affichées.

En outre, B______ SA présente sur son site Internet des exemples de modèles de montres A______ modifiées par ses soins.

g. Au moins depuis avril 2020, B______ SA indique sur son site Internet - mention devant notamment être acceptée par l'utilisateur avant la navigation - et dans ses conditions générales, n'avoir aucun lien avec les marques de montres qu'elle personnalise.

En outre, elle mentionne dans ses conditions générales de vente que la garantie d'origine de la montre est perdue, une garantie étant alors assurée par B______ SA.

h. A______ SA n'a pas accordé d'autorisation à B______ SA, ni, avant elle, à C______ SA, concernant l'utilisation de ses marques.

i. A______ SA a procédé en août 2019 à un achat test d'une montre A______/24______ auprès d'un détaillant de B______ SA se trouvant à Genève. Cette montre a été modifiée par B______ SA, notamment au niveau du cadran (couleur modifiée du cadran nécessitant la réapposition des marques) et des aiguilles, afin de faire figurer un personnage de cartoon américain bien connu dont le corps est dessiné sur le cadran, et dont les aiguilles des minutes et des heures représentent les bras. Puis, elle a été mise en vente dans la boutique. Elle a été acquise par A______ SA, sous un prête-nom, sans modification supplémentaire demandée à B______ SA, pour un montant de 28'540 fr., le modèle original non modifié ayant un prix de vente recommandé de 7'700 fr. selon le catalogue de A______ SA.

Selon le témoin L______, employée de B______ SA depuis mai 2018 en qualité d'Office manager, la vente en boutique était assurée par des vendeurs ayant suivi une formation leur expliquant en quoi consistaient les modifications sur les montres et leur donnant les informations devant être transmises aux clients sur le fait que la personnalisation n'avait aucun lien avec A______.

j. A titre exemplatif, les prix pratiqués par B______ SA sont de 50'000 fr. pour une montre 4______ modifiée valant 11'400 fr. au prix catalogue, de 17'500 fr. pour une montre modifiée 21______ valant 7'000 fr. au prix catalogue ou encore 125'000 fr. à 135'000 fr. pour une montre 23______ vendue 19'350 fr. au prix catalogue.

k. En juillet 2019, A______ SA a mis B______ SA en demeure de cesser toutes ses activités en lien avec des montres de sa marque.

B______ SA a contesté l'illicéité de sa démarche.

B. a. Par acte déposé au greffe de la Cour de justice (ci-après, la Cour) le 30 octobre 2019, A______ SA a formé une "action en cessation de l'atteinte" à l'encontre de B______ SA et de C______ SA. Elle a conclu, préalablement, à ce que la Cour ordonne aux sociétés précitées de produire des documents comptables permettant de déterminer le gain obtenu. Elle a ainsi réservé son droit de chiffrer ultérieurement ses conclusions. Principalement, elle a conclu à ce que la Cour ordonne aux sociétés précitées de cesser immédiatement tout usage, y compris sur Internet quel que soit le site ou le réseau social, d'une ou de plusieurs marques lui appartenant, en particulier les marques n° 25______ "A______", n° 1______ "A______ + E______ (fig.)", n° 2______ "E______ (fig.)", n° 3______ "A______ + E______ (fig.) + 4______", n° 5______ "4______", n° 6______ "7______", n° 8______ "9______", n° 10______ "11______", n° 12______ "13______", n° 14______ "15______", n° 16______ "17______", n° 18______ "A______/19______", n° 20______ "21______" et n° 22______ "23______", pour ou en relation avec les montres ou tout autre produit ou service horloger, ainsi que de fabriquer et/ou modifier, d'acquérir, de prendre en dépôt, de commercialiser, d'offrir, d'importer, d'exporter ou de mettre en circulation de quelque autre manière que ce soit, y compris sur Internet quel que soit le site ou le réseau social, des montres, parties de montres (en particulier cadrans, bracelets ou couronnes) ou accessoires arborant une ou plusieurs marques lui appartenant telles que décrites ci-dessus, comportant des modifications en particulier du cadran, des aiguilles, de la lunette et du mouvement, qui n'ont pas été réalisées par A______ SA ou par un tiers autorisé par A______ SA, ou arborant une ou plusieurs marques lui appartenant en combinaison avec les signes "B______" et/ou "F______". Elle a en outre conclu à ce que la Cour condamne les deux sociétés précitées à lui payer le montant à chiffrer après l'administration des preuves, confisque et ordonne la destruction de tous les produits visés ci-dessus, lui indique le nom et l'adresse de ses sous-traitants, fournisseurs, distributeurs et/ou acheteurs commerciaux pour tous les produits et/ou pièces détachées liés aux caractéristiques décrites ci-dessus, assortisse les condamnations et interdictions requises de la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP, ainsi que d'une amende d'ordre de 1'000 fr. pour chaque jour d'inexécution, le tout sous suite de frais judiciaires et dépens.

b. Dans leur réponse, B______ SA et C______ SA ont conclu à ce que la Cour rejette, dans la mesure de leur recevabilité, les conclusions de A______ SA, sous suite de frais judiciaires et dépens.

c. Dans sa réplique, A______ SA a complété ses réquisitions de preuve en sollicitant que la Cour ordonne à B______ SA et C______ SA de produire des pièces justifiant de l'existence de leur activité entre 2014 et 2018, ainsi qu'une expertise d'une montre modifiée par les deux sociétés précitées qu'elle avait acquise. Pour le surplus, elle a persisté dans ses conclusions.

d. Dans leur duplique, B______ SA et C______ SA ont conclu à l'irrecevabilité des offres de preuve par témoin et audition de parties de A______ et au rejet de sa requête d'expertise. Elles ont demandé l'audition d'un témoin. Pour le surplus, elles ont persisté dans leurs conclusions.

e. A______ SA a répliqué spontanément par courrier du 18 septembre 2020, conclu au rejet de la conclusion en irrecevabilité de ses offres de preuve formulée par B______ SA et C______ SA et persisté dans ses conclusions.

f. Compte tenu de la faillite de C______ SA, la Cour a, par arrêts ACJC/287/2021 et ACJC/288/2021 rendus le 5 mars 2021, ordonné la division de la cause C/24439/2019 en deux causes distinctes l'une opposant A______ SA à B______ SA (C/24439/2019) et l'autre opposant A______ SA à C______ SA, en liquidation (C/26______/2021), réservé la suite de la procédure C/24439/2019, constaté la suspension de la procédure C/26______/2021 et réservé le sort des frais judiciaires.

g. La Cour a entendu les parties lors de l'audience de débats d'instruction, de débats principaux et premières plaidoiries.

Les parties ont persisté dans leurs conclusions.

h. Par ordonnance ACJC/782/2021 rendue le 14 juin 2021, la Cour a déclaré recevable le courrier de A______ SA du 18 septembre 2020, limité la procédure à la question de la licéité ou de l'illicéité du comportement de B______ SA, ordonné la comparution des parties et l'audition d'un témoin.

i. Le 22 septembre 2021, la Cour a procédé à l'audition des parties.

Leurs déclarations ont été résumées dans la mesure utile ci-dessus.

j. Le 6 octobre 2021, la Cour a procédé à l'audition de L______ en qualité de témoin.

Ses déclarations ont été résumées dans la mesure utile ci-dessus.

k. Les parties ont déposé des plaidoiries écrites et persisté dans leurs conclusions.

l. Le 30 décembre 2021, B______ SA a répliqué spontanément à l'écriture de A______ SA qu'elle avait reçue le 23 décembre 2022.

A______ SA a conclu à l'irrecevabilité de cette écriture.

B______ SA s'est encore prononcée, puis la cause a été gardée à juger par avis du 11 février 2022.


 

EN DROIT

1. 1.1 Aux termes de l'art. 5 al. 1 CPC, la Chambre civile de la Cour de justice (art. 120 al. 1 let. a LOJ) connaît en instance unique des litiges portant sur des droits de propriété intellectuelle, y compris en matière de nullité et de violation de tels droits (art. 5 al. 1 let. a CPC; art. 120 al. 1 let. a LOJ). Il s'agit des litiges résultant notamment de l'application de la loi sur la protection des marques (LPM). Elle connaît également des litiges relevant de la loi fédérale du 19 décembre 1986 contre la concurrence déloyale (LCD) lorsque la valeur litigieuse dépasse 30'000 fr. (art. 5 al. 1 let. d CPC).

En l'occurrence, la demanderesse se fonde sur les droits découlant de la LPM, de sorte que la Cour est compétente ratione materiae. Elle l'est également concernant l'application de la LCD, la valeur litigieuse alléguée étant supérieure à 30'000 fr.

1.2 Le tribunal du domicile ou du siège du lésé ou du défendeur ou le tribunal du lieu de l'acte ou du résultat de celui-ci est compétent pour statuer sur les actions fondées sur un acte illicite (art. 36 CPC). La notion d'acte illicite doit être interprétée de manière large, ce qui signifie que le for de l'art. 36 CPC est notamment ouvert en ce qui concerne les actions fondées sur la LPM et la LCD (Haldy, Commentaire Romand - CPC, 2ème éd. 2019, n. 2 ad art. 36 CPC).

En matière d'atteinte à un droit de propriété intellectuelle par le biais d'un site internet, la compétence des tribunaux suisses, au titre de lieu de résultat de la violation, peut être invoquée dès que l'accès au site litigieux est possible depuis la Suisse, ce qui sera en principe toujours le cas (arrêt du Tribunal fédéral 4C.341/2005 du 6 mars 2007 consid. 4.1 et 4.2).

Tant le siège à Genève de la société défenderesse que l'accessibilité de son site Internet depuis la Suisse fondent la compétence de la Cour de céans à raison du lieu.

1.3 Etant titulaire des marques dont la protection s'étend à la Suisse et invoquant une concurrence déloyale commise à son encontre, la demanderesse dispose de la qualité pour agir (art. 55 LPM et 9 LCD).

1.4 Déposée selon la forme requise (art. 130 et 252 CPC), la demande est recevable.

1.4.1 La demanderesse remet en cause la recevabilité de la réplique de la défenderesse à son écriture de plaidoirie finale.

1.4.1.1 Conformément aux art. 29 al. 2 Cst. et 6 CEDH, les parties ont le droit d'être entendues. Compris comme l'un des aspects de la notion générale de procès équitable, le droit d'être entendu comprend en particulier le droit, pour une partie à un procès, de prendre connaissance de toute argumentation présentée au tribunal et de se déterminer à son propos, que celle-ci contienne ou non de nouveaux éléments de fait ou de droit, et qu'elle soit ou non concrètement susceptible d'influer sur le jugement à rendre. Il appartient en effet aux parties, et non au juge, de décider si une prise de position ou une pièce nouvellement versée au dossier contient des éléments déterminants qui appellent des observations de leur part. Toute prise de position ou pièce nouvelle versée au dossier doit dès lors être communiquée aux parties pour leur permettre de décider si elles veulent ou non faire usage de leur faculté de se déterminer (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1; ATF 139 I 189 consid. 3.2; ATF 138 I 484 consid. 2.1; ATF 137 I 195 consid. 2). Le droit de répliquer n'impose pas à l'autorité judiciaire l'obligation de fixer un délai à la partie pour déposer d'éventuelles observations. Elle doit seulement lui laisser un laps de temps suffisant, entre la remise des documents et le prononcé de sa décision, pour qu'elle ait la possibilité de déposer des observations si elle l'estime nécessaire (ATF 146 III 97 consid. 3.4.1; 142 III 48 consid. 4.1.1; ATF 138 I 484 consid. 2.4).

Le Tribunal fédéral a considéré qu'il découle du caractère inconditionnel du droit de réplique garanti par les art. 29 al. 2 Cst. et 6 CEDH que celui-ci peut être exercé par les parties après chaque prise de position de la partie adverse. En d'autres termes, ce droit existe indépendamment du fait que le CPC prévoit ou non l'opportunité de prendre position sur l'argumentation de la partie adverse ou que le tribunal ordonne ou non un second échange d'écritures (cf. ATF 144 III 117 consid. 2.1; ATF 138 III 252 consid. 2.2 et les références citées). Ainsi, et contrairement à l'avis de Tappy (in Commentaire Romand - CPC, 2ème éd. 2019, n. 16 ad art. 232 CPC) cité par la demanderesse, ce droit peut être exercé par chacune des parties souhaitant déposer des observations sur la plaidoirie finale de la partie adverse malgré le fait que l'art. 232 al. 2 CPC ne prévoit pas de secondes plaidoiries écrites (ATF 146 III 97 consid. 3.4.1).

1.4.1.2 La réplique de la défenderesse du 30 décembre 2021 à l'écriture de plaidoiries finales de la demanderesse est donc recevable.

2. La demanderesse reproche à la défenderesse de violer le droit des marques et d'adopter un comportement déloyal du point de vue de la concurrence.

La cause ayant été limitée à la question de la licéité du comportement de la défenderesse, le présent arrêt se limitera à examiner ce point.

2.1
2.1.1
La marque est un signe propre à distinguer les produits ou les services d'une entreprise de ceux d'autres entreprises (art. 1 al. 1 LPM). Les mots, les lettres, les chiffres, les représentations graphiques, les formes en trois dimensions, seuls ou combinés entre eux ou avec des couleurs, peuvent en particulier constituer des marques (art. 1 al. 2 LPM).

A teneur de l'art. 13 LPM, le droit à la marque confère au titulaire le droit exclusif de faire usage de la marque pour distinguer les produits ou les services enregistrés et d'en disposer (al. 1). Le titulaire peut interdire à des tiers d'apposer le signe concerné sur des produits ou des emballages (al. 2 let. a) ; de l'utiliser pour offrir des produits, les mettre dans le commerce ou les détenir à cette fin (let. b) ; de l'utiliser pour offrir ou fournir des services (let. c) ; de l'utiliser pour importer, exporter ou faire transiter des produits (let. d) ; de l'apposer sur des papiers d'affaires, de l'utiliser à des fins publicitaires ou d'en faire usage de quelqu'autre manière dans les affaires (let. e).

Bien que la LPM ne le mentionne pas, le droit des marques est soumis au principe de l'épuisement. Selon cette règle, le droit exclusif de commercialisation d'un bien protégé par un droit de propriété intellectuelle s'épuise à la première mise en circulation par laquelle le bien est aliéné de manière licite (ATF 122 III 469 consid. 5e et les références citées; arrêt du Tribunal fédéral 4C_357/2001 du 11 avril 2002 consid. 5).

Pour pouvoir invoquer une violation du droit d'usage de la marque, l'usage incriminé doit avoir lieu "sur le marché" ("commercial"; "gewerbsmässig"). Ainsi, l'utilisation de la marque dans le cadre privé ou au sein de l'entreprise ne pose pas de problème : elle est interdite seulement si les prestations sont dirigées vers des tiers externes, peu importe que cela génère un chiffre d'affaires ou non (Gilliéron, Commentaire Romand - PI, 2013, n. 11 ad art. 13 LPM; Isler, op. cit., n. 25 et suivant ad art. 13 LPM et les références citées). Cette limitation est justifiée, car aussi longtemps que l'usage demeure interne, il n'y a pas de risque de confusion possible faute d'offres sur le marché des prestations considérées. La fonction d'indication de provenance ne risquant pas d'être mise à mal, rien ne justifie que le titulaire puisse exercer son droit à la marque (Gilliéron, op. cit., n. 12 ad art. 13 LPM).

Ainsi, toute modification des biens ou de l'emballage restant dans le domaine privé ou à l'interne d'une entreprise ne pose pas de problème (Isler, op. cit. n. 57 ad art. 13 LPM; arrêt du Tribunal fédéral 4A_379/2019 du 4 décembre 2019 consid. 8.2). Par contre, le titulaire peut s'opposer à ce que ses marchandises modifiées soient remises sur le marché sous sa marque. Ce principe s'applique lorsque sont modifiées des caractéristiques qui revêtent de l'importance pour le cercle des acheteurs intéressés. Il en va en principe de même si l'emballage est modifié : un tiers ne peut créer un emballage différent et y apposer la marque du titulaire; enlever le conditionnement original, ou le remplacer par un emballage neutre, peut aussi porter atteinte aux droits du titulaire suivant les circonstances, notamment lorsque le conditionnement revêt une importance pour la qualité du produit ou son image de marque (Cherpillod, Propriété intellectuelle, 2021, n. 399; Tissot / Reusser, Propriété intellectuelle, 2019, n. 413). Le titulaire de la marque définit la qualité des produits qu'il met en circulation (Marbach, Markenrecht, III/1, 2009, n. 1550).

Ainsi, si un tiers veut modifier la qualité des produits d'une quelconque façon, il doit soit obtenir l'accord du titulaire de la marque ou alors enlever la marque sur le produit modifié (Isler, op. cit., n. 63 ad art. 13 LPM).

Cela étant, selon la doctrine, on pourrait arguer du fait que, dans ce cas, la marque n'est pas modifiée et que seul le produit est en réalité concerné. Toutefois, il convient là encore de se baser sur le rôle dévolu à la marque, qui consiste à permettre au consommateur de reconnaître un produit parmi d'autres. Or, permettre à un tiers de modifier le produit sur lequel la marque est apposée aboutit pour le destinataire à un résultat identique à celui consistant pour ce tiers à apposer sur son produit un signe identique ou similaire prêtant à confusion avec sa marque. Dans les deux cas, le destinataire est trompé, et la fonction d'indication de provenance de la marque n'est plus assurée (Gilliéron, op. cit., n. 12 ad art. 13 LPM). Ainsi, la LPM a pour objectif de protéger les fonctions distinctives et d'indication de provenance de la marque. Or, seuls les usages de la marque perçus par le public comme un signe distinctif des prestations, de la personne ou de l'entreprise de l'auteur du comportement litigieux sont en mesure de porter atteinte à ces fonctions. Ces dernières ne sont en revanche pas menacées lorsque la marque est employée par un tiers afin de se référer aux prestations du titulaire de celle-ci. Il apparaît donc cohérent au regard du but poursuivi par la LPM de délimiter la notion d'usage à titre de signe distinctif et, partant, le droit exclusif conféré par cette législation, aux situations dans lesquelles l'auteur du comportement litigieux fait usage de la marque d'autrui pour distinguer ses propres prestations, sa personne ou ses activités (Alberini, L'exploitation de la renommée de la marque d'autrui - Du risque de confusion au risque d'association, 2015, p. 187).

Dans une affaire valaisanne portant sur l'application de l'art. 154 aCP (aujourd'hui abrogé et qui réprimait la vente ou la mise en circulation de marchandises contrefaites) et 24 aLMF (Loi fédérale du 26 septembre 1890 concernant la protection des marques de fabrique et de commerce, qui réprimait la contrefaçon), des jeans de marque M______ acquis légitimement avaient été ensuite délavés ou traités sans l'autorisation du détenteur de la marque puis mis en vente. Il a été considéré que ces marchandises étaient "falsifiées" et que leur revente était contraire à la loi (RSPI 1992 p. 242 et suivantes).

2.1.2 Concernant la publicité, si un revendeur utilise la marque tierce pour promouvoir son offre de revente d'articles originaux de la marque ou pour son offre de services ou de réparations des mêmes articles, il ne viole pas le droit des marques, pour autant que sa publicité se réfère clairement à son offre propre. Chacun doit pouvoir donner des indications sur sa propre offre de produits ou de services, même quand la marque d'un tiers est concernée (ATF 128 III 146 consid. 2b/aa; 126 III 322 consid. 3b). Le titulaire de la marque ne peut pas prescrire aux revendeurs ou aux fournisseurs de services comment ils doivent s'y prendre, ni quels procédés de publicité sont autorisés (ATF 128 III 146 consid. 2b/bb). Toutefois, le titulaire de la marque conserve la maîtrise de la publicité générale de la marque auprès du public qui ne se rapporte pas à un produit précis ou à un type de services concrets (ATF 128 III 146 consid. 2b/bb; 126 III 322 consid. 3a). La limite de la publicité utilisant une marque se trouve aussi là où le public pourrait avoir la fausse impression d'une relation particulière entre le revendeur ou le fournisseur de services et le titulaire de la marque (ATF 128 III 146 consid. 2b/bb et les références; arrêt du Tribunal fédéral 4A_95/2019 du 15 juillet 2019 consid. 2.2.1). En d'autres termes, la publicité faite pour revendre les produits de la marque d'un tiers doit demeurer dans un rapport direct avec les produits de cette marque qu'il vend. La publicité peut donc reproduire la marque du titulaire à condition de ne pas agir de façon parasitaire ou trompeuse et de ne pas utiliser la marque pour d'autres produits que ceux du titulaire (Cherpillod, op. cit., n. 408).

Les mêmes principes valent pour l'application de l'art. 3 al. 1 let. d LCD : la publicité n'est pas limitée à des informations minimales, mais elle peut insister sur le caractère luxueux, utiliser les signes distinctifs et représenter les produits originaux dans la publicité. Il ne faut cependant pas que le marchand donne l'impression d'une relation particulière avec la marque, qui n'existe pas en réalité (Heinemann, UWG Kommentar, Bundesgesetz gegen den unlauteren Wettbewerb, 2018, n. 134 ad art. 3 Abs. 1 lit. d LCD).

2.1.3 Le titulaire d'une marque de haute renommée peut interdire à des tiers l'usage de cette marque pour tous les produits ou les services pour autant qu'un tel usage menace le caractère distinctif de la marque, exploite sa réputation ou lui porte atteinte (art. 15 al. 1 LPM).

L'art. 15 LPM accorde une protection particulière aux marques de haute renommée, puisque le titulaire d'une telle marque peut même s'opposer à ce qu'il en soit fait usage pour des biens ou services de nature différente (ATF 130 III 748 consid. 1.3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_689/2012 du 24 avril 2013 consid. 2.4).

La protection de l'art. 15 LPM permet au titulaire de se prémunir contre une menace du caractère distinctif de sa marque (soit, souvent, l'utilisation d'un signe identique ou à tout le moins similaire à la marque du titulaire, mais exploitée pour des produits ou des services différents). Il faut que la marque perde aux yeux du public l'unicité dont elle jouit. Ensuite, l'art. 15 LPM permet au titulaire de s'opposer à l'exploitation de sa réputation, notamment par un comportement "parasitaire" créant un risque de confusion et/ou d'association. Enfin, toute utilisation qui porte atteinte à la marque de haute renommée peut être prohibée (Gilliéron, op. cit., n. 18 et suivantes ad art. 15 LPM ; Alberini, op. cit., p. 223 et suivantes).

2.2
2.2.1
La LCD ne revêt pas un caractère subsidiaire par rapport aux diverses lois qui protègent la propriété intellectuelle; son but est simplement différent (ATF 129 III 353 consid. 3.3 p. 358; arrêt du Tribunal fédéral 4A_86/2009 du 26 mai 2009 consid. 4.1, non publié in ATF 135 III 446). Chaque disposition en matière de propriété intellectuelle ou de concurrence déloyale a son propre champ d'application. Il est parfaitement possible qu'un même comportement puisse tomber sous le coup de plusieurs dispositions différentes. Dès le moment où les conditions d'application d'une disposition sont réunies et justifient la mesure prise, il n'y a plus d'intérêt à se demander si la même mesure pourrait être prise également sur la base d'une autre disposition (arrêt du Tribunal fédéral 4A_689/2012 du 24 avril 2013 consid. 2.4).

2.2.2 A teneur de l'art. 2 LCD, est déloyal et illicite tout comportement ou pratique commerciale qui est trompeur ou qui contrevient de toute autre manière aux règles de la bonne foi et qui influe sur les rapports entre concurrents ou entre fournisseurs et clients. L'acte de concurrence déloyale doit être objectivement propre à influencer le marché (ATF 136 III 23 consid. 9.1). Il n'est toutefois pas nécessaire que l'auteur de l'acte soit lui-même dans un rapport de concurrence avec la ou les entreprises qui subissent les effets de la concurrence déloyale (ATF 126 III 198 consid. 2c/aa). La règle générale exprimée à l'art. 2 LCD est concrétisée par les cas particuliers énoncés aux art. 3 à 8 LCD, mais elle reste applicable pour les hypothèses que ces dispositions ne viseraient pas (ATF
132 III 414 consid. 3.1; 131 III 384 consid. 3).

Il a été jugé que faire croire faussement à un lien entre deux entreprises tombe sous le coup de la clause générale de l'art. 2 LCD (arrêt du Tribunal fédéral 4A_128/2012 du 7 août 2012 consid. 4.2.2, in sic! 1/2013 p. 41; cf. également : ATF 131 III 384 consid. 5.1 in fine). 

2.2.3 L'art. 3 let. b LCD définit comme déloyal le fait de fausser le jeu de la concurrence en donnant des indications inexactes ou fallacieuses. Une indication inexacte n'est pas conforme à la réalité, alors qu'une indication fallacieuse n'est pas nécessairement fausse en elle-même, mais peut induire en erreur. Pour tomber sous le coup de l'art. 3 let. b LCD, encore faut-il que les indications en cause soient propres à influencer la décision du client. Déterminer si une publicité est inexacte ou fallacieuse est une question de droit. Est décisif le sens que le lecteur non averti attribue de bonne foi à la publicité; pour ce faire, le juge se fondera sur l'expérience générale de la vie et les circonstances particulières du cas (ATF
132 III 414 consid. 4.1.2). 

2.2.4 L'art. 3 let. d LCD qualifie de déloyal le comportement de celui qui prend des mesures de nature à faire naître une confusion entre ses propres biens ou services et ceux d'autrui. Le risque de confusion peut d'ailleurs n'être qu'indirect, en ce sens qu'il suffit que l'auteur fasse naître l'idée que deux produits, en soi distincts, proviennent de la même entreprise (arrêt du Tribunal fédéral 4A_467/2007 du 8 février 2008 consid. 4.2, in sic! 6/2008 p. 454).

Le risque de confusion existe lorsque l'ensemble des informations que le consommateur attribue aux produits munis d'une certaine marque depuis qu'il les a éprouvés ou parce qu'il en a entendu parler sont attribuées aux produits d'une autre marque, dans la mesure où le consommateur n'est plus en mesure de distinguer les deux marques (risque de confusion directe) ou qu'il entrevoit un lien entre leurs titulaires (risque de confusion indirecte ; Alberini, op. cit., p. 71; (ATF
131 III 572 consid. 3; 128 III 146 consid. 2a; 127 III 160 consid. 2a; arrêt du Tribunal fédéral 4A_167/2019 du 8 août 2019 consid. 3.1.1). Cette notion se retrouve à la fois à l'art. 3 al. 1 LPM et à l'art. 3 al. 1 let. d LCD (Alberini, op. cit., p. 73). On distingue entre deux types de risque de confusion : (i) il y a risque de confusion directe lorsque l'on doit craindre que les milieux concernés soient induits en erreur en raison de la similitude des marques et attribuent les marchandises assorties du signe postérieur au titulaire de la marque antérieure; (ii) il y a risque de confusion indirecte, lorsque le public parvient certes à dissocier les signes, mais qu'il infère de leur similitude des liens n'existant pas en réalité, par exemple lorsqu'il est amené à penser qu'il a affaire à des marques de séries assortissant différentes lignes de produits d'une même entreprise ou d'entreprises économiquement liées entre elles (Schlosser/Maradan, Commentaire Romand - PI, 2013, n. 9 et suivantes ad art. 13 LPM).

Si la notion de risque de confusion est la même dans tout le droit relatif aux signes distinctifs (ATF 131 III 572 consid. 3; 128 III 401 consid. 5; 127 III 160 consid. 2a p. 165; 126 III 239 consid. 3a), ce risque ne s'apprécie pas forcément selon les mêmes critères dans les différents domaines du droit (cf. ATF
140 III 297 consid. 3.5).

A cet égard, il importe de savoir à quel milieu les produits ou services s'adressent et comment ils sont vendus ou proposés. Pour les articles de masse d'usage quotidien, il faut compter avec une attention et une capacité de distinguer des consommateurs plus réduite que pour les produits ou services spécialisés, dont les acheteurs ou clients se recrutent dans un cercle plus ou moins fermé de professionnels (ATF 126 III 315 consid. 6b/bb; ATF 122 III 382 consid. 2a). En présence de produits pour lesquels on peut s'attendre à une attention accrue de la part de l'acheteur, le risque de confusion doit être admis moins facilement; il en va notamment ainsi des montres (sauf celles très bon marché), des ordinateurs et des logiciels (ACJC/586/2018 du 26.04.2018 consid. 2.2 ; ACJC/1527/2015 consid. 2.2.1 et réf. citées).

Le co-branding (ou co-marquage) est la stratégie par laquelle deux entreprises réalisent un produit en partenariat et par laquelle chacune d'elles appose sa propre marque sur ledit produit. Lorsque le signe litigieux suggère une relation de co-branding, qui n'existe pas en réalité, entre les titulaires de marques et, partant, qu'ils sont au bénéfice d'une licence ou de licences croisées, un risque de confusion doit être reconnu (Alberini, op. cit., p. 82). Selon cet auteur, lorsqu'une impression de co-branding est suggérée, il existe un risque de confusion indirecte. Cependant, le droit à la marque du titulaire est épuisé, de sorte qu'il n'est pas en mesure de s'opposer au comportement sur la base de la LPM. Il devrait cependant pouvoir agir contre le revendeur sur la base de l'art. 3 al. 1 let. d LCD (Alberini, op. cit., p. 383).

2.2.5 L'art. 3 let. e LCD traite de déloyal le comportement, propre à influencer le marché, qui consiste à comparer deux concurrents de façon inexacte, fallacieuse, inutilement blessante ou parasitaire. Tombe notamment sous le coup de cette disposition le fait de s'approprier la réputation d'autrui (ATF 135 III 446 consid. 7.1 ; "parasitisme").

Les comportements par lesquels un concurrent s'inspire inutilement des prestations d'un tiers ou exploite sa réputation sont considérés comme déloyaux, indépendamment du risque de confusion éventuel. L'exploitation de la réputation peut notamment consister à utiliser la marchandise ou la prestation d'autrui dans sa propre publicité de telle sorte que son image soit transférée sur ses propres offres. Agit de manière déloyale celui qui, par sa présentation publicitaire, transfère en fin de compte la bonne réputation de produits connus sous un autre signe sur ses propres produits, en suscitant des associations d'idées avec ceux-ci, sans qu'il y ait besoin d'un risque de confusion au sens décrit plus haut. Dans cette mesure, il n'est notamment pas nécessaire d'utiliser un signe si similaire à celui du concurrent qu'il puisse être confondu avec lui en position exclusive. Il suffit au contraire qu'un signe similaire au signe tiers connu soit utilisé de telle manière qu'il ne puisse pas être interprété autrement que comme un renvoi à ce dernier et qu'il soit objectivement susceptible d'éveiller chez les destinataires un lien avec le signe tiers ou avec les produits désignés par celui-ci. Dans la jurisprudence, le fait de s'inspirer de la force distinctive et publicitaire d'une marque antérieure a également été considéré comme déloyal, sans tenir compte des erreurs d'attribution proprement dites, lorsque le signe postérieur transmet sans équivoque un message du type "remplacement de" ou "aussi bien que" (ATF 135 III 446 consid. 7.1).

La comparaison parasitaire n'est déloyale que lorsqu'elle l'est "inutilement", ce dernier adverbe ne se rapportant pas seulement au caractère potentiellement blessant d'une comparaison. L'adverbe renvoie essentiellement à l'absence d'une justification par un besoin d'information du public (ATF 135 III 446 consid. 7.5). Ainsi, l'art. 3 al. 1 let. e LCD vise les cas clairs de rapprochement non nécessaires d'une prestation à une autre. Il est ainsi possible d'utiliser la marque d'autrui pour permettre de caractériser une prestation qui se rattache au produit d'autrui (Kuonen, Commentaire Romand - LCD, 2017, n. 39 et suivantes ad art. 3 al. 1 let. e LCD). Ainsi, le fournisseur de pièces de rechange ou de prestations pour les produits d'un tiers peut se référer à la marque de celui-ci, aussi sous l'angle de la LCD, pour peu qu'il ne donne pas l'impression que ces pièces ou prestations proviennent du tiers. Le concurrent peut ainsi, pour permettre la commercialisation de ses produits ou services, fournir les informations techniques nécessaires ou les données de production, ainsi que le nom du producteur original pour permettre de vérifier la compatibilité de son travail (Schmid, Basler Kommentar - UWG, 2013, n. 111 et 112 ad art. 3 al. 1 let. e LCD).

Le parasitage peut être ouvert, en ce sens qu'il consiste dans la référence expresse à la prestation d'un concurrent, sans nécessairement faire usage de son nom, mais en recourant à des signes ou traits distinctifs similaires, voire identiques. Le parasitage dissimulé consiste à emprunter des signes distinctifs d'une prestation concurrente, sans référence expresse à celle-ci, mais pour obtenir dans l'esprit du public un effet de rapprochement avec la prestation concurrente (ATF 82 II 346 consid. 3c, JdT 1957 I 561; Kuonen, op. cit., n. 38 ad art. 3 al. 1 let. e LCD).

Les exigences posées quant à la similitude des produits sont moins élevées pour la création d'une association d'idées que celles relatives à la création d'un risque de confusion (ATF 135 III 446 consid. 7.5, JdT 2010 I 632, p. 672).

2.2.6 Selon l'art. 9 al. 1 let. a LCD, celui qui, par un acte de concurrence déloyale, subit une atteinte dans sa clientèle, son crédit ou sa réputation professionnelle, ses affaires ou ses intérêts économiques en général ou celui qui en est menacé, peut demander au juge de l'interdire, si elle est imminente. 

3. 3.1 En l'espèce, et en substance, la demanderesse reproche à la défenderesse d'exploiter indûment ses marques et leur renommée pour s'adonner à une activité de contrefaçon consistant à modifier des montres originales qu'elle a mises sur le marché, la promouvoir, puis à en tirer un bénéfice économique. Selon la demanderesse, ce comportement serait contraire au droit des marques et aux règles interdisant la concurrence déloyale. Il faudrait donc interdire les activités de la défenderesse, puis la condamner à payer un dédommagement.

La Cour ayant limité la cause à la question de l'illicéité, elle examinera successivement si les griefs dirigés contre la défenderesse sont fondés eu égard aux lois invoquées, soit la LPM et la LCD.

3.2 Concernant en premier lieu l'activité elle-même exercée par la défenderesse, à savoir la customisation de montres sur lesquelles figurent les marques de la demanderesse, cette dernière considère que la défenderesse, en modifiant les montres, selon des procédés et pour un résultat qui ne sont pas contestés in casu, ne peut pas y laisser figurer les marques lui appartenant, respectivement ne peut pas réapposer ces marques sur des montres modifiées. Toujours selon la demanderesse, l'usage privé ou non des services offerts par la défenderesse à ses clients ne change rien au fait que le modèle d'affaires de celle-ci repose sur l'offre d'un service commercial utilisant librement les marques de la demanderesse pour son propre bénéfice.

La défenderesse oppose, en substance, à ce raisonnement que la plupart de son activité s'exerce sur demande de clients privés et est donc soumise au principe de l'épuisement de la marque.

Il peut en l'occurrence, au vu de ce qui suit, être fait l'économie de déterminer si la situation juridique se présente différemment lorsque les clients demandent la modification d'une montre qu'ils possèdent déjà ou lorsque la défenderesse vend des montres qu'elle a modifiées elle-même préalablement.

En effet, à l'instar de ce que soutient la demanderesse, la problématique pertinente au regard du droit des marques est celle de savoir si la défenderesse est habilitée, dans l'exercice d'une activité commerciale, à retirer, respectivement apposer, les marques de la demanderesse sur des produits modifiés, voire à laisser subsister sur les montres les marques en question. La question de l'apposition des propres marques de la défenderesse sur les montres modifiées sera traitée ci-après.

Il est constant que l'activité commerciale de la défenderesse repose sur la modification de montres, lesquelles sont essentiellement issues de la production de la demanderesse. Il est donc exclu de retenir que cette activité se déroule dans un cadre privé, même si les modifications sont effectuées à la demande de clients, propriétaires d'une montre acquise légitimement. En effet, seul le client peut bénéficier du principe d'épuisement de la marque, mais non le tiers qui exerce une activité commerciale au moyen du produit en question. La situation est donc différente de celle où le client modifie lui-même sa montre dans un cadre privé, alors que la défenderesse offre un service commercial et générateur de profits, pour lequel elle fait de la publicité.

Ainsi, il s'agit d'une remise sur le marché de produits de marque modifiés, parfois de manière importante, à quoi peut s'opposer la titulaire, qui seule est habilitée à décider quels produits sont commercialisés sous ses marques. Dans ce cadre, l'impression qu'en retire le public concerné est sans importance, puisqu'il ne s'agit pas d'examiner un éventuel risque de confusion. Seule est déterminante la licéité de l'usage de la marque protégée.

De surcroît, lorsque la défenderesse procède à la dépose et à la réapposition des marques, elle enfreint l'art. 13 al. 2 let. a LPM en utilisant sans droit une marque dont elle n'est pas titulaire sur des produits qui ne sont pas originaux.

A fortiori, le résultat est le même, lorsque la défenderesse fournit un service de précustomisation, qu'elle affirme avoir interrompu en 2019, et vend par le biais de points de vente des montres déjà modifiées et sur lesquelles apparaît la marque de la demanderesse.

De toute évidence, une éventuelle activité de réparation n'est pas visée par la demande, de sorte qu'elle n'est pas concernée par ce qui précède. Seule l'activité de customisation des montres est visée.

Les comportements susdécrits sont illicites au regard de l'application de la LPM. Il est donc superflu de les examiner sous l'angle de la LCD. Ils peuvent ainsi être interdits dès le prononcé du présent arrêt, le sort des autres conclusions de la demanderesse étant réservé.

Il sera ainsi fait interdiction à la défenderesse d'utiliser les marques dont la demanderesse est titulaire dans son activité de modification de montres.

La demanderesse n'ayant pas requis l'interdiction de modifier des montres qu'elle a produites et sur lesquelles auront été retirées les marques lui appartenant, cette activité sera donc considérée comme licite.

3.3 Les autres griefs de la demanderesse reposent sur la haute renommée de la marque A______, qui serait indûment exploitée par la défenderesse, notamment par le biais de "co-branding" non autorisé et par du parasitisme. La publicité faite par la défenderesse serait aussi en cause.

3.3.1 Au vu de ce qui précède et de ce qui va suivre, il n'est pas nécessaire d'examiner la qualité de haute renommée des marques de la demanderesse, la qualité de marque de haute renommée de la marque A______ étant par ailleurs notoire. En effet, la protection octroyée au titre de marques "ordinaires" est suffisante.

S'agissant du "co-branding" et du parasitisme, il sied de relever ce qui suit.

La défenderesse appose ses propres marques aux côtés des marques de la demanderesse sur les montres modifiées par elle. Elle fait figurer en outre à de nombreuses reprises sur son site Internet, notamment par le biais d'un programme de customisation virtuelle, les marques de la demanderesse et les montres fabriquées par celle-ci. Il en va de même de la remise des titres de garanties et des écrins, tantôt ceux de la demanderesse, tantôt ceux de la défenderesse, ce qui renforce encore l'impression que les deux entreprises ont certains liens. Cet ensemble de fait est de nature à donner aux clients concernés - quel que soit leur niveau de connaissance du marché en question - l'impression que les deux parties collaborent dans la production, respectivement la modification, de montres, alors que tel n'est pas le cas. Il n'est en effet ni établi, ni notoire, ni connu du public que la demanderesse ne pourrait jamais décider de procéder à une démarche de co-marquage avec une entreprise tierce. Par conséquent, la défenderesse fait apparaître ses produits comme étant issus d'une synergie entre les deux entreprises, alors que celle-ci n'existe précisément pas.

Les avertissements donnés par la défenderesse aux utilisateurs de sa page Internet et qui seraient donnés par le personnel de vente ne sont pas suffisants, eu égard à l'impression générale qui émane de l'apparence du site Internet dans son ensemble et de l'apposition des marques des deux parties sur certaines montres. En effet, les références aux marques de la demanderesse sont tellement nombreuses qu'il est implicitement suggéré que les parties ont tissé des liens, alors que tel n'est pas le cas.

Le fait que la défenderesse n'utilise pas de termes s'apparentant à la notion de partenariat est sans importance, puisque seule est déterminante l'impression d'ensemble.

Il s'ensuit que cette apparence de "co-branding" est une forme de parasitisme prohibé au sens de la LCD.

Par conséquent, il est illicite pour la défenderesse d'associer l'une de ses marques avec l'une de celles de la demanderesse en les faisant figurer sur le même cadran de montres ou sur tout autre support (site Internet, notamment), sous réserve de ce qui suit concernant la publicité.

3.3.2 Ainsi qu'il vient d'être dit, la défenderesse utilise abondamment les produits et les marques de la demanderesse sur son site Internet et sur les réseaux sociaux pour sa promotion.

Il faut donc examiner si cette utilisation est excessive au regard des principes applicables.

L'activité d'entretien ou de réparation de produits de certaines marques précises (par exemple en matière automobile) implique dans certains cas que référence soit faite à la marque ou aux marques que le réparateur est en mesure de prendre en charge. Cette référence à une ou des marques est nécessaire à l'information du client.

A ce titre, il serait admissible que la défenderesse fasse figurer les marques et produits de la demanderesse qu'elle peut réparer ou entretenir, notamment en lien avec les termes "réparation" ou "entretien". Cependant, ainsi qu'il a été vu, son activité principale est toute autre, puisqu'elle se situe dans le domaine de la customisation et de la modification de produits en parfait état de fonctionnement. Sa publicité est axée uniquement sur cette activité.

Etant donné que dite activité est largement illicite, la publicité ne saurait être considérée comme légitime en ce que la défenderesse fait largement référence à des marques de la demanderesse pour faire connaître son activité de modification.

Il s'ensuit qu'il sera fait interdiction à la défenderesse de faire figurer les marques de la demanderesse sur Internet ou tout autre support en lien avec son activité de modification de montres.

4. La défenderesse se prévaut de la péremption des droits de la demanderesse, car celle-ci aurait tardé à agir depuis la connaissance des comportements qu'elle incrimine.

4.1
4.1.1
Conformément à la jurisprudence constante, les actions défensives en matière de droits de propriété intellectuelle et de concurrence déloyale peuvent s'éteindre lorsqu'elles sont mises en œuvre trop tard (arrêt du Tribunal fédéral 4A_630/2018 du 17 juin 2019 consid. 3.1 et les arrêts cités).

La péremption pour avoir tardé à agir doit toutefois être admise avec retenue car, selon l'art. 2 al. 2 CC, la protection d'un droit sera exclue seulement si son exercice est manifestement abusif (arrêts du Tribunal fédéral 4A_630/2018 déjà cité consid. 3.1; 4A_257/2014 du 29 septembre 2014 consid. 6.1 publié in sic! 2015 p. 37; ATF 117 II 575 consid. 4a p. 577 et l'arrêt cité). Plus exactement, l'abus de droit réside dans le fait que l'ayant droit adopte un comportement contradictoire (venire contra factum proprium) : l'inaction prolongée suscite l'apparence d'une tolérance, que contredit l'action en justice intentée des années plus tard (arrêt du Tribunal fédéral 4A_257/2014 déjà cité consid. 6.1 et l'auteur cité).

La péremption suppose que l'ayant droit ait eu connaissance (ou aurait dû avoir connaissance) de la violation de ses droits, qu'il ait toléré celle-ci pendant une longue période sans s'y opposer et que l'auteur de la violation, de bonne foi, ait entretemps acquis lui-même une position digne de protection (arrêt du Tribunal fédéral 4A_91/2020 du 17 juillet 2020 consid. 4.1).

4.1.2 Le moment à partir duquel la passivité du titulaire est à prendre en considération est celui où il a eu connaissance ou aurait dû avoir connaissance de l'utilisation du signe litigieux (arrêts du Tribunal fédéral 4A_630/2018 déjà cité consid. 3.2; 4A_257/2014 déjà cité consid. 6.2).

4.1.3 L'ayant droit doit avoir toléré la violation pendant une longue période. Savoir après combien de temps d'inactivité du lésé la péremption doit être admise dépend des circonstances de l'espèce. Le législateur a renoncé à fixer un délai déterminé. Ce choix correspond au mécanisme de l'art. 2 al. 2 CC, qui suppose une certaine élasticité (arrêts du Tribunal fédéral 4A_91/2020 déjà cité consid. 4.3; 4A_257/2014 déjà cité consid. 6.3 et les auteurs cités). La jurisprudence récente en matière de signes distinctifs fait état d'une période oscillant en règle générale entre quatre et huit ans (sur l'ensemble de la question, cf. arrêt 4A_257/2014 déjà cité consid. 6.3).

4.2 En l'espèce, la défenderesse soutient être active publiquement depuis 2011 par le biais de sites Internet et de comptes sur les réseaux sociaux, initialement détenus par C______ SA. Elle affirme que des articles de presse lui sont consacrés depuis 2014. En outre, l'activité à laquelle elle se consacre serait pratiquée depuis plus longtemps encore par des tiers. La demanderesse, en ayant attendu huit ans (depuis 2011), ou cinq ans (depuis 2014), pour agir avait laissé périmer ses droits.

La demanderesse conteste avoir pu ou dû avoir connaissance de l'activité de la défenderesse avant 2018 et affirme avoir, dès qu'elle en avait pris connaissance, entamé des démarches pour s'y opposer, notamment par un achat test en août 2019.

Au vu des pièces produites, la défenderesse a échoué à démontrer que la demanderesse avait connaissance depuis une longue période de son activité et l'avait tolérée. En effet, mis à part quelques publications sur les réseaux sociaux et un article dans lequel ni la demanderesse, ni une de ses marques ne sont mentionnées, aucun article de presse antérieur à septembre 2018 n'a été produit. A cette époque, la défenderesse a réalisé une modification d'une montre de la demanderesse qui a été largement commentée dans la presse plus ou moins spécialisée. Avant cette date, la notoriété de l'activité de la défenderesse en lien avec les montres de la demanderesse ne peut être considérée comme prouvée. Les publications sur les réseaux sociaux de 2014, dont on ignore si elles ont été portées à la connaissance de la demanderesse, sont insuffisantes.

Par ailleurs, le fait que d'autres entreprises se livrent à une activité similaire à la sienne, parfois depuis plus longtemps, ne permet pas d'inférer que sa propre activité était connue de la demanderesse. Il en va de même de la simple existence d'un site Internet depuis 2011 : le fait que la demanderesse investisse potentiellement des montants importants dans la recherche de contrefacteurs ne permet pas automatiquement de retenir qu'elle avait connaissance de tous les éléments disponibles en ligne.

Par conséquent, la demanderesse a attendu moins de deux ans avant d'agir contre la défenderesse. Elle n'a donc manifestement pas laissé périmer ses droits.

5. 5.1 Lorsque la décision prescrit une obligation de faire, de s'abstenir ou de tolérer, le tribunal de l'exécution peut prendre diverses mesures prévues à l'art. 343 al. 1 CPC. Il peut notamment assortir la décision de la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP (art. 343 al. 1 let. a CPC) ou prévoir une amende d’ordre de 1'000 fr. au plus pour chaque jour d’inexécution (let. c).

Cette mesure relève de la contrainte indirecte, dont la finalité vise à briser la résistance du débiteur récalcitrant et à obtenir qu'il s'exécute. Elle n'a pas un caractère pénal, mais vise à faire pression sur la partie succombante (Jeandin, Commentaire romand - CPC, 2ème éd., 2019, n. 11 ad art. 343 CPC).

Le juge doit prendre les mesures d'exécution adéquates et proportionnées aux circonstances; entre plusieurs solutions, l'autorité d'exécution choisira la moins dommageable et la moins onéreuse (Staehlin, Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung [ZPO], 2ème éd., 2013, n. 14 ad art. 343 CPC; Bommer, ZPO Handkommentar, 2010, n. 3 ad art. 343 CPC).

5.2 En l'espèce, la demanderesse a conclu à ce que les interdictions faites à la défenderesse soient assorties de la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP et d'une amende pour chaque jour d'inexécution.

Aucun développement particulier n'étant fourni par la demanderesse concernant ce point, il apparaît excessif de prononcer ces deux mesures de contrainte simultanément : la seule menace de la peine prévue à l'art. 292 CPC paraît suffisante pour assurer l'exécution des mesures ordonnées.

6. Etant donné que certaines conclusions des parties restent litigieuses, la Cour fixera la suite de procédure par une ordonnance ultérieure.

7. Les frais judiciaires sont mis à la charge de la partie succombante (art. 95 et 106 1ère phrase CPC). Lorsqu'aucune des parties n'obtient entièrement gain de cause, les frais sont répartis selon le sort de la cause (art. 106 al. 2 CPC).

Les frais judiciaires de la présente procédure seront arrêtés à 15'000 fr. (art. 95 al. 1 let. a, art. 95 al. 2, art. 96 CPC; art. 19 al. 3 et 6 LaCC; art. 17 RTFMC), couverts par l'avance de frais de 40'000 fr. fournie par la demanderesse, avance qui demeure acquise à l'Etat de Genève à due concurrence (art. 111 al 1 CPC). Le solde de l'avance de frais ne lui sera pas restitué compte tenu de la poursuite de la procédure.

Au vu de l'issue du litige, la demanderesse ayant obtenu partiellement gain de cause, ces frais judiciaires seront mis par moitié à la charge de chacune des parties (art. 106 al. 1 CPC).

Par conséquent, la défenderesse sera condamnée à payer à la demanderesse la somme de 7'500 fr. à titre de remboursement des frais judiciaires.

Pour les mêmes motifs, chaque partie supportera ses propres dépens d'appel (art. 106 al. 1 CPC).

8. En matière de propriété intellectuelle, notamment en matière de nullité ou de violation de tels droits, le recours en matière civile au Tribunal fédéral est ouvert indépendamment de la valeur litigieuse (art. 72 al. 1, 74 al. 2 let. b LTF, art. 5 al. 1 let. a CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

Statuant en instance unique, par voie de procédure ordinaire :

Interdit à B______ SA tout usage, dans le commerce, de marques appartenant à A______ SA, soit en particulier les marques suivantes : n° 25______ "A______", n° 1______ "A______ + E______ (fig.)", n° 2______ "E______ (fig.)", n° 3______ "A______ + E______ (fig.) + 4______", n° 5______ "4______", n° 6______ "7______", n° 8______ "9______", n° 10______ "11______", n° 12______ "13______", n° 14______ "15______", n° 16______ "17______", n° 18______ "A______/19______", n° 20______ "21______" et n° 22______ "23______", par apposition ou par réapposition.

Interdit à B______ SA tout usage, dans le commerce, de marques appartenant à A______ SA, soit en particulier les marques suivantes : n° 25______ "A______", n° 1______ "A______ + E______ (fig.)", n° 2______ "E______ (fig.)", n° 3______ "A______ + E______ (fig.) + 4______", n° 5______ "4______", n° 6______ "7______", n° 8______ "9______", n° 10______ "11______", n° 12______ "13______", n° 14______ "15______", n° 16______ "17______", n° 18______ "A______/19______", n° 20______ "21______" et n° 22______ "23______", en combinaison ou en association avec d'autres signes et/ou noms tels que "B______" et/ou "F______".

Interdit à B______ SA tout usage dans le commerce, y compris sur Internet quel que soit le site ou le réseau social, de marques appartenant à A______ SA, soit en particulier les marques suivantes : n° 25______ "A______", n° 1______ "A______ + E______ (fig.)", n° 2______ "E______ (fig.)", n° 3______ "A______ + E______ (fig.) + 4______", n° 5______ "4______", n° 6______ "7______", n° 8______ "9______", n° 10______ "11______", n° 12______ "13______", n° 14______ "15______", n° 16______ "17______", n° 18______ "A______/19______", n° 20______ "21______" et n° 22______ "23______", en vue d'offrir et/ou de promouvoir des services de modification de montres, parties de montres ou accessoires.

Dit que ces mesures sont prononcées sous la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP, lequel est ainsi libellé : "Celui qui ne se sera pas conformé à une décision à lui signifiée, sous la menace de la peine prévue au présent article, par une autorité ou un fonctionnaire compétents, sera puni de l'amende".

Réserve la suite de la procédure.


 

Sur les frais:

Arrête les frais judiciaires à 15'000 fr., les met par moitié à la charge des parties, soit à hauteur de 7'500 fr. pour A______ SA et de 7'500 fr. pour B______ SA, et dit qu'ils sont compensés par l'avance effectuée, acquise à l'Etat de Genève à due concurrence.

Condamne B______ SA à verser à A______ SA la somme de 7'500 fr. à titre de remboursement des frais judiciaires.

Dit que chaque partie supporte ses propres dépens.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Pauline ERARD, Madame Paola CAMPOMAGNANI, juges; Madame Camille LESTEVEN, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.