Skip to main content

Décisions | Chambre civile

1 resultats
C/1745/2019

ACJC/1336/2021 du 15.10.2021 sur JTPI/3223/2021 ( OO ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/1745/2019 ACJC/1336/2021

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU VENDREDI 15 OCTOBRE 2021

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, appelant d'un jugement rendu par la 4ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 9 mars 2021, comparant par Me Jean-Jacques MARTIN, avocat, Martin Davidoff Fivaz Hay,
Rue du Mont-Blanc 16, 1201 Genève, en l'Étude duquel il fait élection de domicile,

et

B______ SA, sise ______, intimée, comparant par Me Serge FASEL, avocat,
FBT Avocats SA, rue du 31-Décembre 47, case postale 6120, 1211 Genève 6, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/3223/2021 du 9 mars 2021, reçu le 15 mars 2021 par A______, le Tribunal de première instance a déclaré irrecevable la conclusion de B______ SA tendant à la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______ (ch. 1 du dispositif), condamné A______ à payer à B______ SA la somme de 500'124 fr. 26 avec intérêts à 10% l'an dès le 16 février 2012 (ch. 2), arrêté les frais judiciaires à 30'200 fr., mis à la charge de A______ à raison de deux tiers et à la charge de B______ SA à raison d'un tiers, compensés avec les avances de frais fournies par B______ SA, et condamné en conséquence A______ à payer à B______ SA le montant de 20'133 fr. 30 (ch. 3), condamné A______ à payer à B______ SA le montant de 10'189 fr. TTC au titre de dépens (ch. 4) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5).

B. a. Par acte expédié à la Cour de justice le 22 avril 2021, A______ a formé appel des chiffres 2 à 5 du dispositif de ce jugement, concluant à leur annulation et, cela fait, au déboutement de B______ SA des fins de sa demande du 7 mai 2019, sous suite de frais et dépens de première et seconde instance.

b. Par réponse du 1er juin 2021, B______ SA a conclu à la confirmation du jugement entrepris, sous suite de frais et dépens.

c. Par réplique du 23 juin 2021, l'appelant a persisté dans ses conclusions.

d. L'intimée ayant renoncé à dupliquer, les parties ont été informées par courrier du greffe de la Cour du 26 juillet 2021 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits suivants ressortent du dossier.

a. Durant les années 1990, C______ et A______ se sont connus dans le cadre de l'Association D______, dont le premier était directeur et le second directeur du service juridique.

C______ a une formation en économie. A______ est avocat.

b. Le ______ 2002, la société E______ SA a été fondée et inscrite au registre du commerce de Genève, avec un capital-actions de 100'000 fr., divisé en 1'000 actions au porteur de 100 fr. chacune. Son but était alors "prestations administratives à des entités du Groupe F______ Ltd en matière de gestion de droits d'auteurs audiovisuels".

C______ en était l'administrateur avec signature individuelle. Il a déclaré devant le Tribunal que c'était lui qui "avait amené l'argent".

Dès le 12 juillet 2002, A______ est devenu administrateur secrétaire de E______ SA, alors renommée F______ SA, avec pouvoir de signature collective à deux, aux côtés de G______, président et de C______, alors vice-président, tous deux avec pouvoir de signature collective à deux. Le siège de la société a été déplacé au 2______ [GE], soit à l'adresse de l'Etude dans laquelle travaillait A______. Le but de la société a également été modifié. Il consistait désormais notamment en "services de conseil en achat-vente, en assurances, en acquisition de droits, en financement, en fiscalité, en structures d'opérations dans le secteur de l'audiovisuel et dans les divers secteurs d'exploitation de la propriété intellectuelle". H______ SA (aujourd'hui P______ SA) était le nouvel organe de révision.

Initialement, sans que la date exacte ne résulte du dossier, C______ et son frère, I______, étaient actionnaires de F______ SA à concurrence de respectivement 40% et 20%, et A______ de 40%.

C______ et A______ étaient tous deux employés de F______ SA.

A______ a déclaré devant le Tribunal que C______ l'avait contacté car il était un expert en gestion des droits de retransmission et de copie privée pour les producteurs audiovisuels et cinématographiques. Son rôle consistait à développer des logiciels pour gérer les droits ainsi qu'à la prise de contact et au démarchage de prospects. S'agissant des aspects de propriété intellectuelle, il était l'homme clé dans la société.

C______ a confirmé devant le Tribunal les circonstances de la création de F______ SA sur l'impulsion de A______ et grâce à l'aide financière de son frère. A______ possédait les connaissances du marché et des pratiques juridiques, raison pour laquelle il avait contact avec l'extérieur (marketing, développement et recherche de client). Lui-même s'occupait de l'organisation interne (plans comptables, structure, mécanique de la société, comptabilité, paiement et finance). Ils étaient très proches et se tenaient informés en permanence.

I______ a déclaré devant le Tribunal que s'agissant des liens entre son frère et A______, ils remontaient à l'époque où ce dernier avait engagé son frère au sein de D______, lequel en devenait président alors que le second était chef du service juridique. Lorsque par la suite chacun avait perdu son emploi au sein de D______, A______ avait créé une société de collecte des droits d'auteur dans le cadre de copies privées devant générer des millions de francs. Une première F______ avait été créée en 2001 et C______ avait alors été aspiré dans cette structure car elle lui paraissait viable. Les évènements du 11 septembre 2001 ayant mis fin aux intentions des co-animateurs de A______ d'investir dans ce projet, il avait alors proposé à C______ de créer une nouvelle F______, ce qui avait été fait en 2002. Les locaux dans lesquels la nouvelle F______ s'était installée étaient ceux où se trouvait l'Etude d'avocat de A______, le bail étant à son nom. A______ était en charge du démarrage de l'activité et C______ était l'administrateur de la société. Le rôle de A______ était primordial dans le fonctionnement de F______, raison pour laquelle un contrat d'assurance "homme-clé" avait été conclu le concernant.

I______ a encore expliqué qu'il n'était qu'actionnaire de la société et n'exerçait aucun rôle. Il avait uniquement aidé financièrement son frère, C______, dans la création de cette start-up dans un domaine pointu, par le biais notamment de prêts, que ce soit des prêts personnels ou de trésorerie pour la société.

Selon K______, entendu par le Tribunal, A______ était le véritable animateur de la société. C'est lui qui connaissait la matière. C'étaient essentiellement ses connaissances juridiques qui constituaient le fonds de commerce de la société. C______ et A______ étaient actifs dans l'activité de base de la société. Le financement en était assuré par I______.

c. Dès 2002, F______ SA s'est trouvée en état de surendettement. L'organe de révision a cependant régulièrement mentionné dans son rapport que le conseil d'administration avait renoncé à informer le juge conformément à l'art. 725 al. 2 CO, puisqu'il existait une convention de postposition du principal créancier (également actionnaire), au moins équivalente au déficit.

Au 31 décembre 2002, le montant du prêt actionnaire (entièrement postposé) figurant au passif était de 1'174'731 fr, et au 31 décembre 2003 de 2'745'910 fr.

d. En avril 2003, F______ SA, d'une part, et L______, O______ et N______, sociétés de production et de distribution de films et de programmes audiovisuels sises en France d'autre part, sont entrées en relation, pour finalement régulariser, le 4 mai 2005, une convention par laquelle les sociétés du groupe AB donnaient formellement mandat à F______ SA de les représenter auprès des sociétés de gestion collective des droits. La rémunération de F______ SA était fixée à 20% des sommes encaissées du fait de son intervention directe.

e. Le 18 février 2004, C______, A______ et I______ ont conclu une convention de cession d'actions, aux termes de laquelle les parties ont convenu que, "en considération du risque pris par Monsieur I______ pour assurer le financement de la société [F______ SA] par l'octroi de garanties personnelles en faveur de son principal bailleur de fond", C______ et A______ cédaient chacun à I______ 100 actions au porteur d'une valeur nominale de 100 fr., moyennant un prix de vente fixé à la valeur nominale desdites actions, payable en espèces en mains des précités.

Dès cette date, I______ détenait ainsi 40% du capital-actions de F______ SA, et C______ et A______ 30% chacun.

f. Le 1er mars 2004, I______ a consenti un "prêt progressif" à A______, "destiné à palier le gel provisoire des salaires des directeurs de la société F______ SA" consistant, après plusieurs modifications, en 52 versements mensuels de 10'000 fr. chacun, le premier le 1er avril 2004 et le dernier le 1er mai 2008, au taux de 5% l'an, le second mettant la totalité de ses actions de F______ SA (30%) en garantie de l'emprunt.

I______ a déclaré devant le Tribunal qu'à compter de 2004, il avait aidé financièrement A______ et son frère afin qu'ils puissent assumer leurs frais personnels dans la mesure où leurs salaires n'étaient plus payés. Ainsi, de 2004 à fin juin 2008, si F______ SA s'acquittait des charges sociales sur la base de salaires annuels de 285'000 fr., c'est lui qui leur avait versé la somme de 10'000 fr. chaque mois et ce durant 52 mois.

g. En date du 23 août 2004, C______, I______ et A______ ont signé une convention d'actionnaires, dont le but était de "garantir et de maintenir la continuité opérationnelle et stratégique de la société" (F______ SA).

C______ et A______ étaient chargés de la direction et de la gestion opérationnelle de la société, moyennant une rémunération totale de 360'000 fr. par an chacun (art. 2.2.2). Les frais de fonctionnement, durant la phase de développement, seraient couverts par les fonds propres de la société et les prêts des actionnaires ou des tiers (art. 2.2.3).

h. Le 21 septembre 2004, I______ et B______ SA, société sise à Genève, ont conclu un contrat de fiducie selon lequel cette dernière représenterait le premier dans l'octroi d'un prêt à C______ et A______ à raison de 500'000 fr. chacun, en leur qualité d'animateurs de la société F______ SA, cette société ayant un besoin de trésorerie de 1'000'000 fr.

Il était précisé que "pour des raisons personnelles et d'engagement vis-à-vis notamment des actionnaires/animateurs de F______, I______ ne souhait[ait] pas apparaître nommément".

Selon l'article I, le fiduciaire accordait un prêt d'une durée de cinq ans à C______ et A______ de 500'000 fr. chacun, aux risques et périls du fiduciant.

Le fiduciaire devait se comporter comme un établissement bancaire vis-à-vis des emprunteurs et notamment exiger dans le cadre des contrats de prêt la remise en nantissement de la totalité du capital-actions de F______ SA. Dans ce cadre, le fiduciant acceptait de nantir ses 400 propres actions auprès du fiduciaire (art. II).

Le fiduciaire administrait le prêt exclusivement selon les instructions du fiduciant (art. IV).

En aucun cas le fiduciaire ne devait affirmer être le véritable propriétaire du bien fiduciaire, ni révéler le nom du fiduciant, à moins d'y être contraint par une autorité publique (art. XII).

i. Ainsi le 23 novembre 2004, un contrat de prêt a été signé par B______ SA et A______ selon lequel la première accordait au second "un prêt personnel" de 500'000 fr.

En préambule, était exposée la qualité d'actionnaire de A______ de la société F______ SA et la situation financière de cette dernière, dont les animateurs estimaient le besoin de trésorerie à 1'000'000 fr.

Il était précisé que l'argent prêté serait libéré progressivement selon les besoins de trésorerie et sur la base de demandes signées conjointement par l'emprunteur et son associé C______ (art. 1).

La durée du prêt était de cinq ans, soit jusqu'au 31 décembre 2009 (art. 2).

Un intérêt de 10 % l'an, payable semestriellement au 30 juin et 31 décembre de chaque année, était également prévu (art. 3).

En garantie du prêt, B______ SA exigeait la remise en nantissement de la totalité du capital-actions de F______ SA (art. 4) et, en cas d'inexécution de l'emprunteur au 1er janvier 2010, elle aurait le droit de se payer sur le prix provenant de la vente des actions nanties (art. 5).

Le contrat était régi par le droit suisse et une élection de for en faveur des tribunaux genevois prévue (art. 7).

Le même jour, B______ SA a conclu un contrat similaire avec C______.

A______ a expliqué devant le Tribunal ne pas savoir ce que le terme animateur signifiait bien qu'il avait signé plusieurs documents contenant ce terme, dont notamment le contrat de prêt du 23 novembre 2004. Il a fait valoir qu'il ne pouvait pas refuser de signer les documents préparés à son attention. Il n'avait pas non plus eu le choix de signer le contrat de prêt lequel indiquait "prêt personnel", ce document ayant été établi ainsi afin de s'assurer qu'il reste dans la société F______ SA.

C______ a déclaré devant le Tribunal qu'il avait épuisé ses économies de l'ordre de 2'750'000 fr. en faveur de F______ SA. K______ lui avait indiqué pouvoir les aider et leur octroyer un prêt de 1'000'000 fr., soit 500'000 fr. à chacun. Ainsi, chaque mois il faisait les calculs des besoins financiers de F______ SA et la moitié était assurée par lui et l'autre moitié par A______. Chacun signait le document qui débitait le montant nécessaire sur chacun des deux prêts.

K______ a déclaré devant le Tribunal, lors de l'audience du 3 décembre 2019, que B______ SA était une société appartenant à "H______ SA", qui avait permis une opération de portage afin d'assurer le financement de F______ SA. Cette société avait agi à titre fiduciaire pour I______, lequel ne souhaitait pas qu'apparaisse le lien avec son frère, pour des raisons de discrétion. Il aurait été possible de conclure un prêt directement entre B______ et F______ SA. Toutefois, I______ souhaitait un engagement personnel des actionnaires et un stimulus en vue de leur investissement, car la société était sous sa perfusion. F______ SA n'en était qu'à ses débuts et ne présentait alors aucune garantie. Il était donc intéressant d'impliquer les actionnaires à ce titre.

Il s'était renseigné à l'époque sur la capacité financière de A______. De réputation, celui-ci avait des biens au Tessin qui lui venaient de sa mère. Il était également prévu que F______ SA génère rapidement des profits non négligeables impliquant des revenus substantiels pour A______ et C______, de sorte qu'il existait quelques garanties de remboursement.

I______ a déclaré devant le Tribunal que dès avril 2004, la société ne parvenait plus à verser les salaires de C______ et A______ et il avait alors accepté de fournir de la trésorerie pour assurer leur train de vie. En automne 2004, ceux-ci lui avaient indiqué avoir encore besoin de 1'000'000 fr. pour mener à bien leur procédure contre O______. Il ne souhaitait toutefois plus prêter de l'argent directement à F______ SA, car celle-ci n'avait jamais accumulé de revenus significatifs et il avait déjà prêté des sommes importantes à son frère. Il s'était alors tourné vers B______ SA qui était connue comme fournisseur de capital risque, et avait conclu un contrat de fiducie dont ni C______ ni A______ n'avait connaissance. Il souhaitait ainsi que ces prêts soient traités de manière professionnelle avec le respect des contrats conclus, sans considérations familiales ou amicales. En outre, il était important et essentiel que chacun des emprunteurs soit engagé personnellement pour qu'il se rende compte de l'importance du capital prêté et investi dans la société. Lorsque C______ et A______ lui avaient demandé cette somme de 1'000'000 fr., il leur avait indiqué qu'il ne souhaitait pas la leur prêter mais qu'il connaissait quelqu'un disposé à le faire. Ainsi, il leur avait présenté les animateurs de B______ SA et avait été présent lors de tous les entretiens qui s'étaient déroulés dans le cadre de la préparation de ces prêts.

j. Les sommes prêtées ont été versées sur le compte de F______ SA à la suite des demandes conjointes de C______ et A______, sur papier entête de F______ SA, des 24 novembre, 14 décembre 2004, 21 janvier, 22 février, 21 mars, 22 avril, 20 mai, 23 juin, 19 juillet, 22 août, 21 septembre et 20 octobre 2005.

k. De 2004 à 2011, les comptes de F______ SA ont présenté un déficit au bilan de plusieurs millions. Le conseil d'administration a cependant renoncé à avertir le juge (art. 725 al. 2 CO), les actionnaires ayant postposé leurs créances pour des montants équivalents au déficit.

A cet égard, le 30 juillet 2007, C______ et A______ ont chacun signé une convention de postposition des créances qu'ils détenaient envers la société, pour un total de 7'591'593 fr.

l. Par courrier du 29 juillet 2008, B______ SA a mis A______ en demeure de payer les intérêts échus accumulés du prêt de 500'000 fr. consenti le 23 novembre 2004. La dette cumulée, compte tenu des intérêts portés en compte au lieu d'être versés, se montait à 672'946 fr. 52 (dont 172'946 fr. 52 d'intérêts échus) au 30 juin 2008.

m. Le 21 août 2008, A______ a proposé à B______ SA de verser immédiatement 86'874 fr., et le solde avant la fin octobre 2008, précisant que "nous ne disposons malheureusement pas de la totalité de cette somme actuellement".

Cette proposition a été acceptée par B______ SA le 27 août 2008.

n. Le 9 décembre 2008, A______ a été radié du registre du commerce en sa qualité d'administrateur secrétaire.

o. A fin 2009, F______ SA a assigné les société L______, M______ et N______ en paiement, notamment, de 5'815'000 €, devant le Tribunal de commerce de J______ [France].

p. Par convention de vente et d'achat d'actions du 17 décembre 2010, I______ a racheté à A______ le 30 % du capital-actions de F______ SA qu'il détenait pour un montant de 30'000 fr., payé par le biais d'une reprise partielle de la dette de A______ envers B______ SA à hauteur de ce même montant.

I______ a exposé devant le Tribunal que le 17 décembre 2010, il avait acquis les actions de F______ SA à leur valeur nominale bien que les titres valaient probablement moins. Il avait payé pour dégager son frère et A______ de leur cautionnement auprès de B______ SA afin de s'assurer que F______ SA ne soit pas mise en liquidation par celle-ci. Il voulait tenter de mettre F______ SA à l'abri de toute tentative d'interruption de son projet qu'il qualifiait aujourd'hui de rêve.

q. Le même jour (17 décembre 2010), une convention a été conclue entre I______, B______ SA, C______, A______ et F______ SA.

Il ressort de son préambule que durant l'année 2004, F______ SA avait un besoin important de trésorerie. Ainsi deux de ses actionnaires, également animateurs, C______ et A______, avaient sollicité un prêt de B______ SA, qui le leur avait accordé à hauteur de 500'000 fr. chacun. Ils avaient en même temps consenti le même prêt à F______ SA. Les emprunteurs avaient remis en nantissement au prêteur les actions de F______ SA dont ils étaient propriétaires (points 3, 4 et 5 du préambule).

Au 1er janvier 2010, C______ et A______ n'avaient pas remboursé les prêts consentis et les intérêts accumulés sur plusieurs années demeuraient impayés. B______ SA avait toutefois renoncé à réaliser à son profit les actions gagées (point 6).

Parallèlement aux prêts consentis par B______ SA, I______ avait également accordé des prêts à C______ et A______, les montants restant dus au 31 décembre 2009 étant de 340'263 fr. pour le premier et de 590'413 fr. pour le second (point 7).

F______ SA avait actionné en justice la société O______. L'issue de ce procès, si elle était favorable, lui permettrait de rembourser les prêts consentis par ses deux actionnaires, lesquels pourraient à leur tour honorer les prêts consentis par B______ SA et I______ (point 8).

Ainsi, dans le but d'assurer la viabilité de F______ jusqu'à l'issue de la procédure engagée contre O______ et d'éviter la réalisation de gage de la totalité du capital-actions de F______ SA par B______ SA, I______ était disposé à régler les intérêts dus par C______ et A______ à cette dernière au 31 décembre 2010 pour des montants respectifs de 139'444 fr. 80, en effectuant des reprises de dettes de montants équivalents sur les prêts consentis pas B______ SA à ces derniers (point 9).

Ce nouveau prêt était notamment subordonné à la cession des actions de F______ SA détenues par C______ et A______ à I______, à la renonciation par B______ SA au gage de l'intégralité du capital-actions de F______ SA, au nantissement par C______ et A______ en faveur de I______ de l'intégralité des créances, pour la part qui ne faisait pas déjà l'objet d'un nantissement en faveur de B______ SA, qu'ils détenaient contre F______ SA, à l'engagement de F______ SA, une fois les prétentions de B______ SA éteintes, à verser à I______ tous les montants susceptibles de revenir à ces derniers, notamment ceux en lien avec la procédure intentée contre O______ (point 10).

Selon l'article 1 de la convention, après la reprise de dette par I______ des intérêts impayés au 31 décembre 2010, les montants dus par C______ et A______ à B______ SA au 31 décembre 2010 représenteraient un montant en capital de 449'000 fr. pour chacun des deux.

Le montant de la reprise de dette par I______ était de 169'444 fr. 81 pour C______ (139'444 fr. 81 + 30'000 fr.) et du même montant pour A______ (art. 2). C______ et A______ étaient ainsi libérés de toutes obligations envers B______ SA relativement et uniquement au paiement des intérêts jusqu'au 31 décembre 2010 tels que définis dans les contrats de prêt signés entre eux le 23 novembre 2004 (art. 4).

A teneur de l'article 5, outre le capital des prêts, C______ et A______ restaient débiteurs des intérêts qui seraient dus dès le 1er janvier 2011 à B______ SA. Toutefois, compte tenu du fait que les prêts initiaux accordés par B______ SA à C______ et A______ se montaient à 500'000 fr. chacun et que le solde dû en capital au 31 décembre 2010 par chacun d'eux se montait à 449'000 fr., les intérêts dus dès 2011 pourraient venir en augmentation des prêts octroyés par B______ SA pour autant que la limite de 500'000 fr. (capital et intérêts) ne soit pas dépassée pour chaque prêt consenti par B______ SA.

r. Le 25 mai 2011, B______ SA, A______ et F______ SA ont conclu une nouvelle convention valant avenant au contrat du 23 novembre 2004 et à la convention du 17 décembre 2010, dont elle reprend partiellement les termes du préambule.

Selon son article 1, intitulé montant résiduel du prêt consenti par B______ SA à A______ au 31 décembre 2010, le montant dû était de 449'000 fr.

A teneur de l'article 2, outre le capital des prêts, A______ restait débiteur des intérêts qui seraient dus dès le 1er janvier 2011 à B______ SA. Toutefois, compte tenu du fait que le prêt initial accordé à A______ se montait à 500'000 fr. et que le solde dû en capital au 31 décembre 2010 à B______ SA par A______ était de 449'000 fr., les intérêts dus dès 2011 pourraient venir en augmentation des prêts octroyés pour autant que la limite de 500'000 fr. (capital et intérêts) ne soit pas dépassée.

L'exigibilité du prêt a été différée au 31 décembre 2011.

A______ a exposé devant le Tribunal, qu'il ne savait pas pourquoi cette convention avait été établie à titre personnel. Il savait juste qu'il avait "été débarqué" et qu'il travaillait toujours pour les C______/I______, dont son seul interlocuteur était C______. Il a fait valoir qu'il était au sein de F______ SA le spécialiste de l'activité de gestion des droits de propriété intellectuelle mais qu'il ne gérait ni l'administration, ni la comptabilité ni la finance.

s. Le 25 mai 2011, une autre convention a été signée entre I______, A______ et F______ SA, portant sur le nantissement, respectivement la cession de créance prévus dans la convention du 17 décembre 2010.

A______ reconnaissait ainsi devoir à I______ la somme de 729'858 fr., soit 590'413 fr. + 139'444 fr. 80. Il prenait l'engagement irrévocable de nantir en faveur de celui-ci l'intégralité des créances qu'il détenait contre F______ SA, dont celle de 500'000 fr, qui faisait déjà l'objet d'un nantissement en faveur de B______ SA, selon convention du 17 décembre 2010 (art. 2).

Par courriels des 16 août 2012, 27 décembre 2013, 9 janvier 2014 à A______, I______ a récapitulé les montants que celui-ci lui devait, soit:

-          " En 2006; 228'250 (principal et intérêts)

-          En 2007: 460K (principal sans intérêts)

-          En 2008: 520K

-          En 2009 520K

-          En 2010: 520K

-          En 2011: 689'445 (Capital et intérêts de BASE)"

Le 15 janvier 2014, A______ a écrit à ce dernier que "la présente vaut confirmation de l'exactitude des chiffres que tu m'as adressés".

u. Par courriers des 20 février 2015 et 22 janvier 2016, B______ SA a mis A______ en demeure de lui rembourser le prêt de 500'000 fr., y compris les intérêts portés en compte, soit la somme totale due au 31 décembre 2015 de 747'513 fr. 94.

v. Un commandement de payer, poursuite n° 1______, a été notifié à A______, à la requête de B______ SA, en date du 27 juin 2017 portant sur la somme de 747'513 fr. 95 avec intérêts à 10% depuis le 1er janvier 2015 au titre du "prêt du 23 novembre 2004 non remboursé en capital et intérêts".

Un commandement de payer, poursuite n° 3______, pour les mêmes montants et créance, a été notifié à A______, à la requête de B______ SA, le 4 juillet 2019.

Un autre commandement de payer, poursuite n° 4______, a été notifié à A______, à la requête de B______ SA, le 12 août 2019, portant sur le même montant et la même créance.

Oppositions totales ont été formées à ces commandements de payer.

w. Par courriel du 20 janvier 2020, I______ a demandé à A______ de lui rembourser immédiatement les prêts consentis.

Devant le Tribunal, il a exposé que A______ ne l'avait jamais remboursé ni n'avait tenu ses engagements quand bien même, chaque année, il lui confirmait devoir les sommes en question et ceci jusqu'en janvier 2020, date à laquelle il avait émis des doutes sur ses obligations envers lui.

x. Le 21 octobre 2020, F______ SA a été déboutée définitivement de ses prétentions à l'encontre de O______ par arrêt de la Cour de cassation française.

D.           a. Par assignation en conciliation déposée au greffe du Tribunal de première instance le 23 janvier 2019, déclarée non conciliée le 8 avril 2019, puis par demande introduite le 7 mai 2019, B______ SA a conclu à la condamnation de A______ à lui verser la somme de 747'513 fr. 95 avec intérêts à 10% l'an à compter du 1er janvier 2016, et au prononcé de la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______, sous suite de frais.

b. Par mémoire réponse du 2 octobre 2019, A______ a conclu au déboutement de B______ SA de toutes ses conclusions.

c. Le 3 décembre 2019, le Tribunal a procédé à l'interrogatoire des parties, dont les déclarations ont été reprises ci-dessus dans la mesure utile. A______ allègue que c'est à cette occasion qu'il a appris l'existence du contrat de fiducie liant B______ SA à I______.

d. B______ SA a répliqué le 18 mars 2020, persistant dans ses conclusions.

e. Par courrier du 1er mai 2020, A______, sous la plume de son Conseil, a déclaré résoudre pour erreur essentielle et dol les contrats conclus avec B______ SA les 23 novembre 2004, 17 décembre 2010 et 25 mai 2011 au motif qu'il ignorait l'existence du contrat de fiducie liant cette société à I______. Ceci impliquait alors qu'il avait en réalité contracté avec ce dernier, actionnaire de la société pour 40 % en 2004 puis pour 100 % en 2010. Cet élément essentiel du contrat lui avait été soigneusement caché et "il n'était pas certain qu'il aurait signé un contrat aux mêmes conditions s'il avait su [qui était] le réel bailleur de fonds".

f. A______ a dupliqué le 25 mai 2020, invoquant notamment son courrier de résolution du contrat et persistant dans ses conclusions.

g. Le Tribunal a procédé à l’audition de témoins dont les déclarations ont été reprises ci-dessus dans la mesure utile.

h. Par plaidoiries finales du 30 novembre 2020, B______ SA a persisté dans ses conclusions.

i. Dans ses plaidoiries finales du 30 novembre 2020, A______ a persisté dans ses conclusions.

j. B______ SA a répliqué le 17 décembre 2020, A______ dupliqué le 22 décembre 2020, tous deux persistant dans leurs conclusions.

k. Depuis le 21 août 2021, C______ n'est plus administrateur de F______ SA, de sorte que celle-ci n'a plus d'organe.

EN DROIT

1. 1.1 Interjeté dans le délai de 30 jours et la forme prévus par la loi (art. 142 al. 3 et 311 al. 1 CPC) contre une décision finale de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC), dans une cause dont la valeur litigieuse, au dernier état des conclusions de première instance, est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC), l'appel est recevable.

1.2 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 310 CPC). Elle applique la maxime des débats et le principe de disposition (art. 55 al. 1, 58 al. 1, 243 al. 1 et 247 al. 1 CPC).

2. Le Tribunal a considéré en substance que A______ n'était pas dans une erreur essentielle lorsqu'il avait conclu le contrat de prêt avec B______ SA, alors qu'il ignorait en réalité, économiquement parlant, que la personne qui lui prêtait de l'argent était son co-actionnaire I______, représenté à titre fiduciaire par cette société. Il n'était pas prouvé qu'il n'aurait pas conclu le prêt aux mêmes conditions, s'il avait su qu'il contractait en réalité avec son associé, si bien que si erreur il y avait eu, elle ne portait pas sur un élément essentiel du contrat.

L'appelant reproche au Tribunal de n'avoir pas retenu qu'il était dans une erreur essentielle lors de la signature des contrats des 23 novembre 2004, 17 décembre 2010 et 25 mai 2011. C'est parce qu'il était dans l'ignorance de l'existence du contrat de fiducie entre I______ et B______ SA qu'il avait accepté le prêt à des conditions très rigoureuses, que le premier agissant en son propre nom n'aurait jamais pu obtenir. C'est également dans l'ignorance du contrat de fiducie qu'il avait signé les conventions postérieures, ce qu'il n'aurait pas fait en connaissance de cause. La bonne foi en affaires aurait voulu que I______ ne se cache pas derrière B______ SA. Pour ces deux motifs, le contrat était vicié. Il avait été invalidé.

L'intimée soutient que l'appelant avait connaissance, depuis le 25 mai 2011 au plus tard, de l'existence du contrat de fiducie qu'elle avait conclu avec I______, de sorte que ses prétentions tirées de la prétendue erreur essentielle étaient prescrites. En tout état, la personne de son cocontractant n'était pas essentielle.

2.1.1 Le contrat n’oblige pas celle des parties qui, au moment de le conclure, était dans une erreur essentielle (art. 23 CO).

L’erreur est essentielle, notamment, lorsque la partie avait en vue une autre chose que celle qui a fait l’objet du contrat, ou une autre personne et qu’elle s’est engagée principalement en considération de cette personne (art. 24 al. 1 ch. 2 CO).

Selon l'art. 24 al. 1 ch. 2 CO, il y a erreur essentielle sur la personne (error in persona) lorsque celui qui se prévaut de son erreur avait en vue une autre personne et qu'il s'est engagé principalement en considération de cette personne. En d'autres termes, pour qu'une telle erreur soit admise, il faut que l'erreur porte sur l'identité du cocontractant, lequel a été confondu avec une autre personne (Schmidlin, Commentaire bernois, n. 410 ad art. 23/24 CO). Et, pour que cette erreur dans la déclaration soit considérée comme essentielle, il convient que la personne du cocontractant soit importante pour le déclarant, qui a conclu le contrat intuitu personae (Engel, Traité des obligations en droit suisse, 2e éd., p. 325). Ce sera en particulier le cas dans les contrats où le débiteur est en principe tenu d'exécuter personnellement son obligation (art. 68 CO) et où les rapports de confiance jouent un rôle primordial - à l'instar du mandat - ainsi que dans les contrats de durée où la personnalité du partenaire contractuel joue un rôle de premier plan (contrat de société, bail à loyer, bail à ferme) (cf. Schwenzer, Commentaire bâlois, n. 14 ad art. 24 CO) (arrêt du Tribunal fédéral 4C_389/2002 du 21 mars 2003 consid. 5.1).

2.1.2 L'erreur est essentielle lorsqu'elle porte sur des faits que la loyauté commerciale permettait à celui qui se prévaut de son erreur de considérer comme des éléments nécessaires du contrat (art. 24 al. 1 ch. 4 CO).

La loyauté commerciale est composée de deux critères complémentaires: l’erreur doit, d’une part, porter sur des éléments considérés comme indispensables dans le commerce et doit, d’autre part, avoir une portée essentielle dans la situation actuelle de la partie dans l’erreur. La loyauté commerciale représente un critère objectif qui se réfère aux éléments sur lesquels repose la substance même du contrat. Si une partie veut y inclure des particularités subjectives, elle doit les imposer comme conditions, conformément à l'art. 151 CO. Les faits considérés comme essentiels selon la loyauté commerciale peuvent avant tout donner lieu à deux sortes d’erreurs: celle sur la valeur de la chose et celle sur l’utilité ou l’usage de la chose. Bien que l’achat d’actions soit une affaire spéculative, le Tribunal fédéral a reconnu une erreur essentielle notamment lors de l’achat de toutes les actions d’une société, non pas dans un but boursier, mais afin de pouvoir contrôler cette société (Schmidlin/Campi, CR CO I-, ad art. 23/24 n. 44, 46 et 47).

2.2.1 En l'espèce, c'est à bon droit que le Tribunal a considéré que les conditions d'une erreur sur la personne n'étaient pas réalisées.

En effet, au moment de l'octroi du prêt en novembre 2004, l'appelant, qui était non seulement employé mais également administrateur de AMP SA aux côtés de C______, savait que le fonctionnement de la société était essentiellement financé par I______, dans l'attente de rentrées substantielles d'argent, notamment dans le cadre du litige, en France, avec L______, M______ et N______. Cela ressort de la convention de cession d'actions du 18 février 2004, du contrat de "prêt progressif" consenti par I______ en mars 2004, de la convention d'actionnaires du 23 août 2004, et du bilan de F______ SA, dans lequel apparaissait un "prêt actionnaire" de plus de deux millions au 31 décembre 2003. On comprend dès lors mal pour quelle raison l'appelant n'aurait pas accepté de signer le contrat de novembre 2004, s'il avait su que l'intimée agissait à titre fiduciaire pour I______, alors qu'il avait accepté jusque-là que celui-ci finance F______ SA.

Il ressort d'ailleurs du dossier, en particulier des déclarations et explications de I______ et de K______ qu'aucun élément ne vient contredire, que l'appelant et son associé s'étaient initialement adressé au premier pour obtenir le prêt de 1'000'000 fr. dont F______ SA avait besoin, démonstration que A______ était bien disposé à conclure avec I______ sur ce point.

Les circonstances postérieures à la conclusion de contrat de prêt, en particulier les conventions des 17 décembre 2010 et 25 mars 2011, ne sont pas pertinentes pour juger de l'erreur dans laquelle l'appelant se serait trouvé en novembre 2004.

Ces conventions étaient de surcroît avant tout favorables à l'appelant, puisqu'elles emportaient report de ses obligations contractuelles. Certes, aux termes de celles-ci, celui-ci perdait sa qualité d'actionnaire, mais la situation n'aurait pas été différente si l'intimée avait exercé son droit de gage. Aucun élément ne vient ainsi non plus corroborer l'affirmation selon laquelle l'appelant n'aurait pas signé ces documents s'il avait eu connaissance du contrat de fiducie existant entre l'intimée et I______.

Enfin, il sera relevé qu'alors qu'il soutient avoir appris l'existence du contrat de fiducie le 3 décembre 2019, l'appelant n'a invoqué l'erreur dans laquelle il se serait prétendument trouvé que cinq mois plus tard, sans explication particulière quant au délai écoulé ni aux raisons qui l'auraient retenu de se manifester plus tôt.

Le jugement doit ainsi être confirmé en ce qu'il retient que même si l'appelant avait été dans l'erreur quant à la personne de son cocontractant, que ce soit au moment de la signature du prêt en novembre 2004, ou à celui des conventions de décembre 2010 et mars 2011, cette erreur n'était pas essentielle.

2.2.2 Contrairement à ce que tente de soutenir l'appelant, au demeurant de manière peu claire, la bonne foi en affaires n'imposait pas que la relation de fiducie entre l'intimée et I______ lui soit révélée, au motif qu'il s'agissait d'un élément essentiel. Pour les mêmes motifs que ceux qui viennent d'être retenus, on comprend mal en quoi cet élément aurait dissuadé l'appelant de contracter le prêt litigieux. Le sort de F______ SA était de facto en mains de I______, en sa qualité de principal financier et créancier de l'intimée, et ce dès 2002, soit bien avant la conclusion du contrat précité. A ce moment-là, quand bien même seul l'appelant disposait des connaissances juridiques et contacts nécessaires à une évolution favorable des affaires, il dépendait de tiers, quels qu'ils soient, pour assurer le financement de l'affaire et même son propre train de vie. Même s'il ne souhaitait pas, pour autant qu'on le comprenne, être exclu de F______ SA au profit de I______, ce seul élément ne l'aurait sans doute pas dissuadé de contracter le prêt de novembre 2004, s'il avait connu l'existence de la relation de fiducie entre ce dernier et l'intimée, tant la situation de la société était délicate et la nécessité d'apports de liquidités manifeste.

Le jugement doit également être confirmé en ce qu'il ne retient pas une erreur essentielle au sens de l'art. 24 al. 1 ch. 4 CO.

Au vu de ce qui précède, le point de savoir à quelle date l'appelant a eu connaissance du contrat de fiducie n'a pas besoin d'être examiné.

3. Le Tribunal a ensuite retenu, s'agissant du dol dont A______ se prétendait victime, que seul entrait en ligne de compte un acte de dol par un tiers. Ainsi, A______ ne serait pas obligé seulement si B______ SA connaissait ou aurait dû connaître le dol. Or, il n'avait pas démontré que cette dernière savait qu'il n'aurait pas conclu le contrat de prêt s'il avait su qu'un contrat de fiducie la liait avec I______. Dans tous les cas, il n'y avait eu aucun dol, étant en particulier relevé qu'il paraissait difficile de croire que l'indépendance de la prêteuse avait été le motif premier du prêt, sachant que I______ avait été approché en premier lieu. Les conventions des 23 novembre 2004, 17 décembre 2010 et 25 mai 2011 n'avaient ainsi pas été valablement invalidées.

L'appelant fait grief au Tribunal de n'avoir pas considéré que le contrat de prêt et les conventions ultérieures étaient illicites, alors qu'il était avéré qu'il avait été trompé par I______, et que l'intimée n'avait aucune autonomie dans la gestion de cette affaire, et savait que ce dernier ne voulait pas apparaître. L'acte fiduciaire ne pouvait servir à tromper la partie contractante sur la personne avec qui elle contractait sous peine de nullité, lorsque cette identité avait une certaine importance. C'était grâce à cette tromperie que l'intimée avait obtenu des conditions rigoureuses pour le prêt, et obtenu la signature des conventions ultérieures, auxquelles il n'aurait pas consenti s'il avait contracté le prêt auprès de I______.

L'intimée relève que l'appelant n'expose pas pour quelles raisons il n'aurait pas conclu le contrat de prêt (ni conclu les conventions postérieures) s'il avait su qu'un contrat de fiducie la liait à I______.

3.1 La partie induite à contracter par le dol de l'autre n'est pas obligée, même si son erreur n'est pas essentielle (art. 28 al 1 CO). La partie qui est victime du dol d'un tiers demeure obligée, à moins que l'autre partie n'ait connu ou dû connaitre le dol lors de la conclusion du contrat (art. 28 al. 2 CO).

Le dol réglé par l'art. 28 CO concerne la conclusion du contrat: l’auteur du dol induit l’autre partie à contracter soit en créant, soit en exploitant l’erreur qui motive celle-ci à conclure le contrat. Peu importe que cette erreur soit essentielle ou non, il suffit que le dol ait une influence causale sur la volonté de conclure. L’auteur du dol affirme un fait qui n’existe pas et dont il sait qu’en connaissance de cause, la victime ne conclurait pas le contrat, du moins pas à ces conditions (Schmidlin/Campi, op. cit., art. 28 n. 1).

Tout dol présuppose un acte intentionnel. L’intention réside dans la volonté de déterminer l’autre partie à conclure le contrat à l’aide d’une tromperie Schmidlin/Campi, op. cit., art. 28 n. 19).

3.2 En l'espèce, comme retenu ci-dessus, l'appelant n'est pas parvenu à démontrer qu'il n'aurait pas conclu le contrat de prêt litigieux ni signé les conventions ultérieures, s'il avait eu connaissances du contrat de fiducie entre l'intimée et I______.

L'appelant n'a pas non plus établi qu'il aurait conclu le contrat précité, mais à des conditions moins rigoureuses s'il avait su le contrat de fiducie.

En effet, compte tenu des montants déjà empruntés, du surendettement marqué de F______ SA dès sa fondation, et de l'absence de garanties concrètes données par l'emprunteur, il est peu probable que l'appelant aurait pu obtenir des conditions de prêt plus favorables auprès d'un tiers ni même auprès de I______, lequel avait déjà engagé des montants importants dans F______ SA. D'ailleurs, compte tenu des circonstances précitées, les conditions du prêt ne paraissent aucunement exorbitantes. L'appelant n'allègue d'ailleurs pas à quelles conditions il aurait pu obtenir la même somme auprès d'un tiers ou de I______.

Il en va de même des conventions signées en décembre 2010 et mars 2011. Comme déjà relevé, celles-ci étaient favorables à l'appelant, puisqu'elles lui permettaient de reporter ses obligations contractuelles, ce à quoi n'aurait pas nécessairement consenti un tiers totalement étranger à l'affaire, compte tenu de la situation financière catastrophique de F______ SA à cette date. L'appelant ne peut ainsi raisonnablement soutenir qu'il aurait pu obtenir des conditions plus favorables et qu'en conséquence il n'aurait pas signé les conventions précitées avec l'intimée ou I______ s'il avait eu connaissance du contrat de fiducie les liant.

Comme déjà relevé, l'appelant avait manifestement une confiance certaine dans l'issue favorable de la procédure intentée en France, laquelle devait rapporter beaucoup d'argent, ainsi que dans les perspectives de développement de la société, et était de ce fait prêt à tout pour rester actionnaire de F______ SA et pour que celle-ci continue d'exister. Aucun élément du dossier ne permet de considérer que l'intimée ou I______ en aient tiré profit au détriment de l'appelant.

L'appel se révèle ainsi infondé. Le jugement entrepris sera confirmé.

4. L'appelant, qui succombe, sera condamné aux frais judiciaires d'appel, arrêtés à 27'000 fr.

Ayant été dispensé d'en faire l'avance à l'exclusion de leur prise en charge à l'issue de la procédure, il sera condamné à les verser à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire.

Il sera en outre condamné à verser à l'intimée, qui s'est limitée à répondre à l'appel, sans dupliquer, la somme de 10'000 fr. à titre de dépens d'appel, débours et TVA compris (art. 84, 85 et 90 RTFMC; art. 25 et 26 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté par A______ contre le jugement JTPI/3223/2021 rendu le 9 mars 2021 par le Tribunal de première instance dans la cause C/1745/2019.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 27'000 fr. et les met à la charge de A______.

Condamne A______ à verser à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire la somme de 27'000 fr.

Condamne A______ à verser à B______ SA la somme de 10'000 fr. à titre de dépens d'appel.

 

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Pauline ERARD, Madame Paola CAMPOMAGNANI, juges; Madame Jessica ATHMOUNI, greffière.

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.