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Décisions | Chambre civile

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C/8525/2016

ACJC/1339/2021 du 15.10.2021 sur OTPI/452/2021 ( SDF ) , MODIFIE

Normes : CC.163
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/8525/2016 ACJC/1339/2021

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du VENDREDI 15 OCTOBRE 2021

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______ [VD], appelante d'une ordonnance rendue par la 5ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 16 juin 2021, comparant par Me Josef ALKATOUT, avocat, Borel & Barbey, rue de Jargonnant 2, case postale 6045, 1211 Genève 6, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié ______ [GE], intimé, comparant par Me Véronique MAURON-DEMOLE, avocate, Demole Hovagemyan, boulevard du Théâtre 3 bis, case postale 5740, 1211 Genève 11, en l'Étude de laquelle il fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par ordonnance OTPI/452/2021 du 16 juin 2021, reçue le 18 juin 2021 par les parties, le Tribunal de première instance (ci-après: le Tribunal), statuant sur mesures provisionnelles dans le cadre du divorce de B______ et A______, a débouté celle-ci des fins de sa requête (chiffre 1 du dispositif), réservé le sort des frais judiciaires à la décision finale (ch. 2), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

B. a. Par acte déposé le 24 juin 2021 au greffe de la Cour de justice, A______ appelle de cette ordonnance, dont elle sollicite l'annulation. Cela fait, elle conclut à la condamnation de B______ à contribuer à son entretien à hauteur de 21'700 fr. par mois dès le 19 mars 2020, sous suite de frais judiciaires et dépens à concurrence de 5'000 fr.

b. Dans sa réponse, B______ conclut au déboutement de A______ de toutes ses conclusions, sous suite de frais judiciaires et dépens.

c. Par avis du greffe de la Cour du 6 août 2021, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure:

a. B______, né le ______ 1953, de nationalités suisse, française et américaine, et A______, née le ______ 1960, de nationalités suisse et française, se sont mariés le ______ 2006 à C______ (GE).

Aucun enfant n'est issu de cette union.

b. Les époux A/B______ vivent séparés depuis 2013.

A______ vit dans un appartement, copropriété des époux, sis à D______ (Vaud) et B______ vit dans un appartement sis à E______ (Genève), dont il est propriétaire.

c. Depuis la séparation, chaque partie a pris en charge ses propres frais.

d. Le 26 avril 2016, B______ a formé une requête unilatérale en divorce, concluant notamment à ce qu'aucune contribution d'entretien post-divorce ne soit due à A______.

e. Lors de l'audience de conciliation du 5 septembre 2016, A______ a acquiescé au principe du divorce.

f. Dans sa réponse du 17 octobre 2018, A______ n'a pas conclu au versement d'une contribution d'entretien post-divorce.

g. Par acte du 19 mars 2021, A______ a formé une requête de mesures provisionnelles, par laquelle elle a conclu au versement d'une contribution à son entretien, arrêtée en dernier lieu à 21'700 fr. par mois.

Elle a fait valoir quela convention de collaboration d'indépendant la liant à l'Hôpital de F______ avait été résiliée pour le 31 décembre 2019 et qu'elle était depuis sans revenus, n'ayant pas réussi à se mettre à son compte ni à trouver un emploi. En outre, elle était atteinte depuis l'automne 2019 d'une "maladie grave".

h. Dans sa réponse, B______ s'est opposé au versement de toute contribution d'entretien en faveur de son épouse.

Il a soutenu ne pas avoir de disponible mensuel et devoir demander des prêts à ses proches pour couvrir certaines de ses charges. En tous les cas, un revenu hypothétique devait être imputé à A______, dès lors qu'elle n'était pas en incapacité de travail et qu'elle ne démontrait pas rechercher un nouvel emploi. Cette dernière devait également réduire ses charges, notamment ses frais de logement qui n'étaient plus en adéquation avec la situation des parties.

D. La situation personnelle et financière des parties est la suivante:

a. B______ a été président directeur général de l'Hôpital de F______ de 1982 à 2015, date à laquelle il a pris une retraite anticipée. Il a allégué que le train de vie des parties durant la vie commune avait essentiellement été financé par les revenus perçus de son activité professionnelle.

Il a ajourné le versement de sa rente AVS et perçoit actuellement une rente LPP à concurrence de 6'161 fr. par mois, ainsi qu'une rente américaine de 5'530 fr. par mois.

Il est propriétaire d'un bien immobilier en G______ (USA), dont les charges s'élèvent à 3'476 fr. par mois, selon une attestation établie par son frère, contestée par A______.

Le premier juge a arrêté ses charges incompressibles à 3'707 fr. par mois, hors impôts (lesquels s'élèvent à 3'247 fr. par mois, incluant la moitié de l'impôt foncier relatif à l'appartement des parties sis à D______), comprenant son entretien de base selon les normes OP (1'200 fr.), ses frais de logement (1'630 fr., soit 800 fr. d'intérêts hypothécaires, 375 fr. de charges de copropriété, 50 fr. de frais SIG, 45 fr. d'assurance ménage et 360 fr. "d'autres charges" alléguées par B______ et non documentées, mais comptabilisées par le Tribunal en raison du faible montant total), ses primes d'assurance maladie (815 fr.), ses frais médicaux non couverts (17 fr.) et ses frais de transport (45 fr.).

Au 31 décembre 2020, B______ disposait de 1'699 fr. 49, respectivement de 5'738 USD, sur deux comptes bancaires. A______ a allégué que ce dernier disposait de liquidités bien plus importantes que celles mentionnées.

b. A______ est diplômée en ophtalmologie et en sophrologie. Elle a travaillé en tant qu'orthoptiste indépendante au sein de l'Hôpital de F______ de 1998 jusqu'au 31 décembre 2019.

En 2019, elle a réalisé un bénéfice annuel net de 159'736 fr., soit 13'311 fr. par mois. En 2020, l'Hôpital de F______ lui a versé un total de 86'099 fr. bruts à titre d'honoraires, dont 70'000 fr. d'indemnités de départ, soit un bénéfice annuel net de 67'123 fr. 15, correspondant à 5'594 fr. par mois.

Elle a allégué être à la recherche d'un emploi ou d'une collaboration à titre d'indépendante, soit en qualité d'orthoptiste soit pour des projets de sophrologie. A cet égard, elle a produit une dizaine d'offres d'emploi qui lui ont été communiquées entre septembre 2020 et mars 2021. Elle a allégué avoir, en vain, donné suite à ces annonces par téléphone. La dernière proposition porte sur un poste d'indépendant au sein d'une clinique qui devrait s'ouvrir à H______ (Vaud) durant l'automne 2021. Elle a également allégué avoir envisagé de développer un centre de chirurgie réfractive, mais ce projet ne s'était pas réalisé à cause de l'épidémie de Covid-19.

A______ a produit une attestation du Dr I______, oncologue, du 9 décembre 2019, selon laquelle elle suivait un traitement pour un cancer du sein, notamment par radiothérapie et par un "traitement systémique au long cours" devant être initié mi-décembre 2019.

Par certificat médical du 25 mai 2021, la Dresse J______, oncologue, a indiqué que l'état de santé de A______ nécessitait un suivi régulier dans le service d'oncologie et hématologie de l'Hôpital de F______ pour des "raisons médicales importantes".

En 2020, A______ a racheté une de ses polices d'assurance 3ème pilier A de 45'600 fr., afin de pouvoir, selon ses dires, couvrir ses besoins courants pendant quelques mois.

Elle est propriétaire d'un appartement à K______ (France). Entre 2016 et 2017, elle a perçu pour la location de ce bien la somme de 16'963 EUR, correspondant à 707 EUR par mois, soit environ 766 fr. Elle a allégué que cette location était déficitaire, dès lors qu'elle s'acquittait mensuellement de 4 fr. 37 d'intérêts hypothécaires, 25 EUR de taxe foncière, soit environ 27 fr., et 876 fr. 87 d'amortissement.

Elle était également propriétaire d'une villa à L______ (France). Entre 2016 et 2017, elle a perçu pour la location de ce bien la somme de 29'011 EUR, soit 1'209 EUR par mois. En 2020, elle a vendu celui-ci et encaissé à ce titre la somme de 923'985 EUR, soit environ 999'197 fr., avec laquelle elle a remboursé une tranche d'intérêts hypothécaires de 500'000 fr. arrivée à échéance pour l'appartement de D______ (Vaud). Elle a allégué que le solde de cette somme était utilisé pour couvrir ses charges.

A______ a allégué des frais de "communication" estimés à 50 fr. par mois.

Le premier juge a arrêté ses charges incompressibles à 6'676 fr. par mois, hors impôts, comprenant son entretien de base selon les normes OP (1'200 fr.), ses frais de logement (arrêtés au montant raisonnable de 2'000 fr.), ses primes d'assurance maladie (713 fr.), ses frais médicaux non couverts (97 fr.), ses cotisations AVS obligatoires (292 fr.), sa prévoyance privée (2'300 fr.) et ses frais de transport (74 fr.).

S'agissant de ses frais effectifs de logement relatifs à l'appartement sis à D______ (Vaud), acquis en copropriété par les parties en 2013, le Tribunal a retenu que les intérêts hypothécaires s'élevaient mensuellement à 1'943 fr., les charges de copropriété à 1'038 fr., l'amortissement à 3'333 fr., les autres charges, soit l'alarme (1'118 fr. / 12 mois = 93 fr. 20) et la moitié des impôts fonciers (4'404 fr. / 2 = 2'202 fr. / 12 mois = 183 fr. 50), à 277 fr., l'assurance ménage à 76 fr. et les frais SIL à 151 fr., soit un total de 6'818 fr. par mois. Le Tribunal a considéré que ce montant était trop élevé pour les frais de logement d'une personne seule, d'autant plus que A______ avait fait le choix de vendre son bien immobilier sis à L______ (France), soit à quelques kilomètres de Genève, plutôt que d'y résider et de mettre en location l'appartement sis à D______ (Vaud), dont la valeur locative avait été estimée à 50'000 fr. par an. Un montant raisonnable de 2'000 fr. par mois devait ainsi être retenu dans ses charges, en corrélation avec le type de logement occupé par B______.

Au 31 décembre 2020, A______ disposait de 499'165 fr. sur un compte bancaire.

E. Dans la décision querellée, le Tribunal aconsidéré qu'il ne se justifiait pas de prononcer des mesures provisionnelles. La relation entre les parties était réglée, depuis la séparation en 2013, par un accord non écrit selon lequel chacune subvenait à ses propres besoins. En effet, A______ avait travaillé durant toute la vie commune et depuis la séparation, ses revenus lui permettant de s'acquitter de ses charges.

Au vu des documents produits, l'état de santé de A______ ne l'empêchait pas d'exercer une activité professionnelle. De plus, à teneur de ceux-ci, cette dernière n'avait pas tout mis en œuvre pour retrouver un emploi ou pour s'établir à son compte depuis janvier 2020. D'ailleurs, rien n'indiquait que la proposition faite à A______ concernant un poste d'indépendante auprès d'une clinique à H______ (Vaud) devant s'ouvrir durant l'automne 2021 était sans issue.

Partant, un revenu hypothétique équivalent à celui perçu précédemment devait lui être imputé depuis l'été 2020. En effet, les honoraires et indemnités de départ versés en 2020, correspondant à plus de la moitié de ses revenus 2019, lui avaient permis de couvrir ses charges jusque-là.

EN DROIT

1. 1.1 Interjeté dans le délai utile de dix jours (art. 142 al. 1 et 314 al. 1 CPC), suivant la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 CPC), à l'encontre d'une décision rendue sur mesures provisionnelles au sens de l'art. 308 al. 1 let. b CPC, statuant sur des conclusions de nature pécuniaire dont la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (art. 92 al. 2, 308 al. 2 CPC), l'appel est recevable.

1.2 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 310 CPC).

Conformément à l'art. 311 al. 1 CPC, elle le fait cependant uniquement sur les points du jugement que l'appelant estime entachés d'erreurs et qui ont fait l'objet d'une motivation suffisante et, partant, recevable. Hormis les cas de vices manifestes, elle doit en principe se limiter à statuer sur les critiques formulées dans la motivation écrite contre la décision de première instance (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4; arrêts du Tribunal fédéral 5A_573/2017 du 19 octobre 2017 consid. 3.1 et 5A_111/2016 du 6 septembre 2016 consid. 5.3).

1.3 Les mesures provisionnelles étant soumises à la procédure sommaire, avec administration restreinte des moyens de preuve, la cognition du juge est limitée à la simple vraisemblance des faits et à un examen sommaire du droit, l'exigence de célérité étant privilégiée par rapport à celle de sécurité (ATF 127 III 474 consid. 2b/bb; arrêt du Tribunal fédéral 5A_442/2013 du 24 juillet 2013 consid. 2.1 et 5.1).

1.4 Les maximes de disposition et inquisitoire simple sont applicables s'agissant de la contribution d'entretien due à l'épouse (art. 58 et 272 CPC; ATF 129 III 417; arrêt du Tribunal fédéral 5A_315/2016 du 7 février 2017 consid. 9.1).

2. L'appelante fait grief au premier juge d'avoir mal apprécié les charges des parties et de ne pas avoir appliqué le principe du maintien du train de vie, auquel elle avait droit. Elle reproche également au premier juge de lui avoir imputé un revenu hypothétique.

2.1.1 En vertu de l'art. 276 CPC, le juge du divorce ordonne les mesures provisionnelles nécessaires. Celles-ci sont généralement des mesures de réglementation tendant à régler un rapport de droit durable entre les parties pendant le procès, pour lesquelles il n'est exigé ni urgence particulière, ni la menace d'une atteinte ou d'un préjudice difficilement réparable (ATF 118 II 378, in JdT 1995 I 43; arrêt du Tribunal fédéral 5A_823/2013 du 8 mai 2014 consid. 4.1).

Même lorsqu'on ne peut plus sérieusement compter sur la reprise de la vie commune, l'art. 163 CC demeure la cause de l'obligation d'entretien réciproque des époux. La fixation de la contribution due à l'entretien du conjoint dépend des choix faits par les conjoints quant à leur niveau de vie et à la répartition de la prise en charge de l'entretien de la famille durant la vie commune. La protection de la confiance mise par chacun des conjoints dans l'organisation et la répartition choisie justifie, dans la mesure du possible, le maintien du niveau de vie existant pendant la vie commune, qui constitue la limite supérieure du droit à l'entretien (arrêt du Tribunal fédéral 5A_891/2018 du 2 février 2021 consid. 4.4; De Weck-Immelé, Droit matrimonial, Commentaire pratique, 2015, n° 19 à 21 ad art. 176 CC).

Le juge doit cependant prendre en considération qu'en cas de suspension de la vie commune, le but de l'art. 163 CC, soit l'entretien convenable de la famille, impose à chacun des époux le devoir de participer, selon ses facultés, aux frais supplémentaires qu'engendre la vie séparée. Le cas échéant, lorsque la reprise de la vie commune n'est plus envisageable, le juge doit modifier la convention des époux en considérant que leur devoir précité peut impliquer la reprise ou l'augmentation de leur activité lucrative (ATF 137 III 385 consid. 3.1; De Weck-Immelé, op. cit., n° 26-27 ad art. 176 CC).

Les prétentions tendant à l'octroi d'une contribution d'entretien sont soumises à la réserve de l'art. 2 al. 2 CC, aux termes duquel l'abus manifeste d'un droit n'est pas protégé par la loi (arrêt du Tribunal fédéral 5P.522/2006 du 5 avril 2007 consid. 3). Une telle prétention sur la base de l'art. 176 al. 1 ch. 1 CC pourra ainsi être niée lorsqu'elle apparaît choquante ou manifestement inéquitable, étant précisé qu'il ne pourra être fait usage de cette faculté qu'avec la plus grande retenue (Simeoni, in Droit matrimonial, Fond et procédure, 2016, n° 124 ad art. 125 CC).

2.1.2 Le juge jouit d'un large pouvoir d'appréciation et applique les règles du droit et de l'équité lorsqu'il fixe la contribution due à l'entretien du conjoint (art. 4 CC; ATF 140 III 337 consid. 4.2.2, 134 III 577 consid. 4, 128 III 411 consid. 3.2.2).

Selon la jurisprudence récente du Tribunal fédéral, toutes les prestations d'entretien doivent être calculées selon la méthode du minimum vital avec répartition de l'excédent, dite en deux étapes (arrêts du Tribunal fédéral 5A_311/2019 du 11 novembre 2020, 5A_907/2018 du 3 novembre 2020, 5A_891/2018 du 2 février 2021, 5A_104/2018 du 2 février 2021 et 5A_800/2019 du 9 février 2021, destinés à la publication).

Cette méthode implique de calculer dans un premier temps les moyens financiers à disposition, en prenant en considération tous les revenus du travail, de la fortune et les prestations de prévoyance, ainsi que le revenu hypothétique éventuel. Il s'agit ensuite de déterminer les besoins, en prenant pour point de départ les lignes directrices pour le calcul du minimum vital du droit des poursuites selon l'art. 93 LP. Les ressources à disposition sont réparties entre les différents membres de la famille, dans un ordre déterminé: il faut tout d'abord couvrir le minimum vital du droit des poursuites ou, si les moyens le permettent, le minimum vital du droit de la famille de chaque partie. L'éventuel excédent est ensuite réparti en fonction de la situation concrète (arrêt du Tribunal fédéral 5A_311/2019 précité consid. 7.1).

Les besoins des parties sont calculés en partant du minimum vital au sens du droit des poursuites (LP). Celui-ci comprend le montant de base fixé par les normes d'insaisissabilité (OP), les frais de logement effectifs ou raisonnables, les coûts de santé, tels que les cotisations d'assurance-maladie obligatoire, les frais de transports publics et les frais professionnels, tels que les frais de repas à l'extérieur (art. 93 LP; arrêts du Tribunal fédéral 5A_311/2019 précité consid. 7.2; 5A_329/2016 du 6 décembre 2016 consid. 4.1; Bastons Bulletti, L'entretien après le divorce: Méthodes de calcul, montant, durée et limites, in SJ 2007 II 77, p. 84 s. et 101 s.). Les coûts de logement comprennent le loyer et les charges accessoires, y compris le chauffage, effectivement payés à condition qu'ils soient raisonnables eu égard aux prix moyens de la région pour un objet de même taille et adaptés aux moyens financiers de l'intéressé (ATF 137 III 385 consid. 3.1; De Weck-Immelé, op. cit., n° 94 ad art. 176 CC).

Lorsque les moyens financiers le permettent, l'entretien convenable doit être étendu au minimum vital du droit de la famille. Les postes suivants entrent généralement dans l'entretien convenable (minimum vital du droit de la famille): les impôts, les forfaits de télécommunication, les assurances, les primes d'assurance-maladie complémentaires ou encore les dépenses de prévoyance privée des travailleurs indépendants.

Selon la jurisprudence, l'amortissement de la dette hypothécaire, qui ne sert pas à l'entretien, mais à la constitution du patrimoine, n'a en principe pas à être pris en considération pour le calcul du minimum vital (arrêt du Tribunal fédéral 5A_105/2017 du 17 mai 2017 consid. 3.3.1). Une exception à ce principe ne peut être admise que lorsque les moyens financiers des époux le permettent (ATF 127 III 289 consid. 2a/bb, in SJ 2001 I p. 486).

Seules les charges effectives, dont le débirentier ou le crédirentier s'acquitte réellement, doivent être prises en compte (ATF 140 III 337 consid. 4.2.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_426/2016 du 2 novembre 2016 consid. 4.2).

Le minimum vital du débirentier doit dans tous les cas être préservé (ATF 135 III 66, in JT 2010 I 167, 127 III 68 consid. 2, in SJ 2001 I 280; arrêt du Tribunal fédéral 5A_662/2013 du 24 juin 2014 consid. 3.2.1).

2.1.3 Pour fixer la contribution d'entretien, le juge doit en principe tenir compte du revenu effectif des parties. Il peut toutefois imputer un revenu hypothétique à l'une des parties, dans la mesure où celle-ci pourrait le réaliser en faisant preuve de bonne volonté et en accomplissant l'effort qui peut être raisonnablement exigé d'elle (ATF 137 III 102 consid. 4.2.2.2; arrêts du Tribunal fédéral 5A_564/2014 du 1er octobre 2014 consid. 5.1 et 5A_662/2013 du 24 juin 2014 consid. 3.2.2).

Lorsque le juge entend tenir compte d'un revenu hypothétique, il doit examiner successivement deux conditions. Il doit d'abord déterminer si l'on peut raisonnablement exiger d'une personne qu'elle exerce une activité lucrative ou augmente celle-ci, eu égard, notamment, à sa formation, à son âge et à son état de santé. Le juge doit ensuite établir si la personne a la possibilité effective d'exercer l'activité ainsi déterminée et quel revenu elle peut en obtenir, compte tenu des circonstances subjectives susmentionnées, ainsi que du marché du travail. Pour arrêter le montant du salaire, le juge peut se baser sur l'enquête suisse sur la structure des salaires, réalisée par l'Office fédéral de la statistique, ou sur d'autres sources (ATF 137 III 118 consid. 3.2; arrêts du Tribunal fédéral 5A_1008/2015 du 21 avril 2016 consid. 3.3.2 et 5A_933/2015 du 23 février 2016 consid. 6.1).

2.2.1 En l'espèce, les revenus de l'intimé, composés de ses rentes suisse et américaine, s'élèvent à un total de 11'691 fr. par mois (6'161 fr. + 5'530 fr.), ce qui n'est pas remis en cause en appel.

Comme soutenu par l'appelante, la somme de 360 fr. par mois comptabilisée dans les frais de logement de l'intimé à titre "d'autres frais", sans autre précision, ne seront pas retenus. En effet, ceux-ci ne sont pas documentés et seules les charges effectives doivent être prises en compte dans le budget des parties.

Compte tenu de la situation financière de celles-ci, il se justifie de comptabiliser les impôts dans leurs budgets respectifs, qui font partie du minimum vital du droit de la famille. S'agissant de l'impôt foncier relatif à l'appartement des parties sis à D______, l'appelante a allégué, devant la Cour, s'acquitter seule de celui-ci, ce que l'intimé n'a pas contesté dans sa réponse. Aucun montant ne sera donc retenu à ce titre dans le budget de l'intimé.

Il se justifie en revanche de prendre en compte les charges vraisemblables afférentes au bien immobilier de l'intimé sis en G______, hors amortissement. En effet, les parties ont chacune fait valoir des charges relatives à leurs biens immobiliers secondaires dans leur budget, de sorte qu'il est, sur le principe, équitable d'en tenir compte.

Les autres charges mensuelles de l'intimé, telles que fixées par le premier juge, ne sont pas contestées, de sorte qu'elles seront confirmées.

Ses charges mensuelles se montent ainsi à 9'886 fr. 50, comprenant son entretien de base selon les normes OP (1'200 fr.), ses frais de logement (1'270 fr., soit 1'630 fr. - 360 fr.), les frais du bien immobilier sis en G______ (3'476 fr.), ses primes d'assurance-maladie (815 fr.), ses frais médicaux non-couverts (17 fr.), ses frais de transport (45 fr.) et ses impôts (3'064 fr., montant arrondi de 3'247 fr. retenu par le premier juge - 183 fr. 50 d'impôts fonciers relatifs à l'appartement sis à D______).

Le solde disponible de l'intimé s'élève donc à 1'805 fr. (montant arrondi de 11'691 fr. de revenu - 9'886 fr. 50 fr. de charges).

2.2.2 En 2019, l'appelante a perçu un revenu de l'ordre de 13'000 fr. par mois. Depuis le 1er janvier 2020, elle n'exerce plus d'activité professionnelle et ne perçoit plus de revenus. Elle a toutefois reçu un montant mensualisé de l'ordre de 5'600 fr. en 2020 de son ancien employeur à titre notamment d'indemnités de départ.

Contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, il ne se justifie pas de lui imputer un revenu hypothétique sur mesures provisionnelles. En effet, lorsque son ancien employeur a résilié son contrat de collaboration en qualité d'indépendante, l'appelante était âgée de 59 ans. Elle n'a vraisemblablement effectué qu'une dizaine de recherches d'emploi; cela étant, compte tenu de son âge, cela ne saurait lui être reproché et démontre au contraire une volonté de reprendre une activité professionnelle. A quelques années de la retraite, l'appelante étant âgée actuellement de 61 ans, il est manifestement plus difficile de retrouver un emploi en tant que salarié ou de s'établir en tant qu'indépendant. La constitution d'une clientèle à son âge ne peut en effet pas être exigée de l'appelante. A cela s'ajoute que le contexte sanitaire depuis le début d'année 2020 a vraisemblablement eu pour conséquence d'entraver celle-ci dans ses démarches pour développer des projets professionnels, notamment dans le domaine de la sophrologie.

En outre, en décembre 2019, l'appelante a débuté un traitement médical en lien avec le cancer du sein dont elle a été victime. Selon certificat médical du 25 mai 2021, son état de santé nécessite encore un suivi régulier. Bien que la capacité de travail de l'appelante ne soit pas mentionnée sur ledit certificat, il est vraisemblable qu'elle soit affectée en raison du traitement qui lui est administré.

Le seul fait que l'appelante ait donné suite à une proposition portant sur un poste d'indépendante, à un taux d'activité inconnu, au sein d'une clinique qui devrait s'ouvrir à H______ à l'automne 2021 ne suffit pas, en l'état, à retenir que celle-ci s'est concrétisée. En tous les cas, le versement d'une contribution d'entretien en amont pourrait, sur le principe, encore se justifier.

Dans ces circonstances particulières, aucun revenu hypothétique ne sera, en l'état, imputé à l'appelante.

Le Tribunal a considéré que les frais de logement de l'appelante de 6'818 fr. par mois n'étaient pas raisonnables. Cela étant, ce montant comprend celui afférent à l'amortissement du bien immobilier sis à D______, soit 3'333 fr. par mois. Il ne se justifie pas de prendre en compte cette somme, puisqu'il s'agit de la constitution de patrimoine et que l'appelante n'a ni allégué ni rendu vraisemblable qu'il s'agissait d'un amortissement obligatoire. En outre, comme retenu précédemment, il est vraisemblable que l'appelante s'acquitte seule de l'impôt foncier relatif à ce bien immobilier, l'intimé n'ayant soulevé aucune contestation à cet égard, de sorte que le montant supplémentaire de 183 fr. 50 doit être pris en compte. Ainsi, les frais de logement de l'appelante se montent à 3'668 fr. 50 par mois (6'818 fr. - 3'333 fr. + 183 fr. 50), soit un montant raisonnable et équitable, compte tenu des charges de logement comptabilisées dans le budget de l'intimé pour ses biens sis à E______ et en G______.

L'appelante a allégué des charges de 908 fr. 24 par mois pour son bien immobilier sis à K______, comprenant 876 fr. 87 à titre d'amortissement. A nouveau, il ne se justifie pas de prendre en compte cette somme puisqu'il s'agit de la constitution de patrimoine et que l'appelante n'a ni allégué ni rendu vraisemblable qu'il s'agissait d'un amortissement obligatoire. Le revenu locatif perçu de ce bien se monte à 766 fr. par mois, de sorte qu'il couvre les charges y afférentes. Aucun montant ne sera donc retenu à ce titre dans son budget.

S'agissant des frais de "communication" allégués à concurrence de 50 fr. par mois, ceux-ci ne seront pas retenus, aucune pièce n'ayant été produite à cet égard.

Une charge fiscale de 450 fr. sera également comptabilisée dans son budget, compte tenu du montant de la contribution due à son entretien (cf. consid. 2.2.3 infra) et de sa fortune (estimation selon la calculette mise à disposition par l'Administration fiscale cantonale vaudoise).

Les autres charges mensuelles de l'appelante, telles que fixées par le premier juge, ne sont pas contestées, de sorte qu'elles seront confirmées.

Ainsi, ses charges se montent à 8'794 fr. 50 par mois, comprenant son entretien de base selon les normes OP (1'200 fr.), ses frais de logement (3'668 fr. 50), ses primes d'assurance maladie (713 fr.), ses frais médicaux non couverts (97 fr.), ses cotisations AVS obligatoires (292 fr.), sa prévoyance privée (2'300 fr.), ses frais de transport (74 fr.) et ses impôts (450 fr.).

L'appelante subi ainsi un déficit mensuel de l'ordre de 8'795 fr.

2.2.3 Bien que les parties soient séparées depuis 2013, elles sont encore mariées de sorte que l'obligation d'entretien est régie par l'art. 163 CC. L'intimé a d'ailleurs reconnu que le train de vie des parties durant la vie commune était essentiellement financé par ses revenus. Ainsi, compte tenu des circonstances particulières du cas d'espèce, en particulier le fait que l'appelante s'est retrouvée, indépendamment de sa volonté, sans revenus à l'âge de 59 ans et au moment où un cancer lui a été diagnostiqué, sa requête de mesures provisionnelles n'apparaît pas abusive. L'intimé doit ainsi apporter son soutien financier à l'appelante, dans la mesure de ses moyens.

Contrairement à ce que soutient l'appelante, elle ne peut pas prétendre au maintien de son train de vie durant la vie commune. Outre le fait que celui-ci n'est pas établi, la situation financière des parties a changé depuis la fin de la vie commune, la constitution de deux logements ayant entraîné des charges supplémentaires, l'intimé étant à la retraite et l'appelante n'ayant plus de revenus. Par ailleurs, compte tenu du disponible mensuel de l'intimé, de l'ordre de 1'800 fr., la requête de l'appelante tendant au maintien de son train de vie à hauteur de 21'700 fr. n'est pas réaliste.

Ainsi, il se justifie que l'intimé contribue à l'entretien de l'appelante à hauteur de 1'800 fr. par mois, sur mesures provisionnelles, soit uniquement durant la procédure de divorce et sans que cela ne préjuge de la décision au fond.

Ce montant sera dû à compter du 1er janvier 2021 et non dès le 19 mars 2020, comme requis par l'appelante. En effet, celle-ci a encore perçu en 2020 de son ancien employeur des indemnités de départ à concurrence d'environ 5'600 fr. par mois. En 2020, elle a également vendu un bien immobilier lui permettant de se constituer des liquidités confortables de l'ordre de 499'000 fr. Les revenus des parties n'étant actuellement pas suffisants pour couvrir leur entretien, la fortune de l'appelante peut ainsi être prise en considération pour assumer la partie de ses besoins non couverts.

Partant, le chiffre 1 du dispositif de l'ordonnance entreprise sera annulé et il sera statué à nouveau sur ce point dans le sens qui précède.

3. Les frais judiciaires d'appel seront fixés à 800 fr. (art. 95 al. 1 let. a et al. 2, 96, 104 al. 1 et 105 al. 1 CPC; art. 5, 31 et 37 RTFMC). Pour des motifs d'équité liés à la nature du litige, ils seront répartis à parts égales entre les parties (art. 107 al. 1 let. c CPC) et entièrement compensés avec l'avance de frais de même montant versée par l'appelante, qui reste acquise à l'Etat (art. 111 al. 1 CPC). L'intimé sera ainsi condamné à lui rembourser la somme de 400 fr.

Pour les mêmes motifs, chaque partie supportera ses propres dépens d'appel (art. 107 al. 1 let. c. CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 24 juin 2021 par A______ contre l'ordonnance OTPI/452/2021 rendue le 16 juin 2021 par le Tribunal de première instance dans la cause C/8525/2016.

Au fond :

Annule le chiffre 1 du dispositif de l'ordonnance et, statuant à nouveau sur ce point:

Condamne B______ à verser à A______ la somme de 1'800 fr. par mois à titre de contribution d'entretien dès le 1er janvier 2021.

Confirme l'ordonnance querellée pour le surplus.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 800 fr., les met à la charge de B______ et A______ pour moitié chacun et les compense entièrement avec l'avance de frais de même montant fournie par cette dernière, laquelle reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne B______ à verser 400 fr. à A______ à titre de remboursement de l'avance de frais.

Dit que chaque partie supporte ses propres dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Pauline ERARD, Madame Paola CAMPOMAGNANI, juges; Madame Camille LESTEVEN, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.