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Décisions | Chambre civile

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C/11417/2020

ACJC/1125/2021 du 07.09.2021 ( IUO )

Descripteurs : Révocation mesures provisionnelles;instance unique;droit d'auteur;concurrence déloyale
Normes : CPC.268.al1; LDA.2.al3; LDA.6; LDA.16
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

C/11417/2020 ACJC/1125/2021

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 7 SEPTEMBRE 2021

 

Entre

A______ & CIE SA, sise ______ [GE], requérante en révocation de mesures provisionnelles, comparant par Mes Nicolas BEGUIN et Yaniv BENHAMOU, avocats, ABR Avocats Sàrl, rue du Général-Dufour 20, case postale, 1211 Genève 11, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

et

B______ AG, sise ______ [ZH], citée, comparant par Me Alexandre MONTAVON, avocat, Kellerhals Carrard Genève SNC, rue François-Bellot 6, 1206 Genève, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile.

et

C______ SA, sise ______ [GE], partie intervenante, comparant par Me Jean-Louis COLLART, avocat, rue de l'Athénée 4, case postale 330, 1211 Genève 12, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. a. D______ SA (ci-après : D______ SA) était une société anonyme inscrite le ______ 2014 au Registre du commerce de Genève et dont le but social était notamment "représentation de placements collectifs étrangers en Suisse ainsi que distribution de parts de placements collectifs étrangers et suisses en Suisse ou à partir de la Suisse". E______ en était l'animateur principal.

Les actifs et passifs de D______ SA ont été repris par suite de fusion par B______ AG (ci-après : B______ AG) - dont le but est, notamment, aussi de représenter des prestataires de fonds étrangers qui souhaitent distribuer leurs fonds en Suisse ou à partir de la Suisse -, de sorte que D______ SA a été radiée du Registre du commerce le ______ 2019.

b. Un fonds de placement collectif de capitaux de droit étranger distribué en Suisse à des investisseurs qualifiés doit avoir un agent payeur et un représentant dans notre pays.

Ni D______ SA, ni B______ AG n'offrent de service d'agent payeur.

c. Par contrat de travail du 28 février 2014, F______ a été engagé en qualité de directeur des opérations par D______ SA dès le 1er mars 2014. Sa fonction correspondait à celle de Chief Operating Officer (COO) et de Directeur financier.

Selon son curriculum vitae, F______ a une formation en gestion d'entreprise et en marketing. Il maîtrise les outils bureautiques usuels (Microsoft Office), ainsi que les "technologies d'Internet". Son activité chez D______ SA comprenait entre autres la "conception, mise en place et gestion de l'environnement informatique concernant l'enregistrement en ligne des clients".

d. Dans le cadre de son activité, D______ SA a entrepris de concevoir un logiciel intitulé "G______ - D______" (ci-après : le logiciel G______).

Le principe et le but de ce logiciel est de pouvoir charger électroniquement tous les documents requis par la législation suisse en matière de fonds de placement, de les mettre à jour quand cela est nécessaire, d'ajouter ou supprimer des fonds et d'assurer le suivi de la conformité des fonds avec la législation applicable.

Il s'agit ainsi de faciliter l'activité des clients, soit essentiellement des fonds étrangers, car ce processus est en général effectué manuellement et sur papier. Selon B______ AG, ce logiciel avait permis d'augmenter le portefeuille de clients de D______ SA.

En outre, D______ SA, puis B______ AG, peuvent, grâce à ce logiciel, communiquer par l'intermédiaire d'un portail avec leurs clients, chacun d'eux disposant d'un compte privatif qu'il gère lui-même. A chaque mouvement effectué par un client une notification automatisée est envoyée à l'adresse "clients@D______.ch" ou à l'adresse "clients@B______.com" qui permet à D______ SA, respectivement à B______ AG de connaître l'action effectuée en fonction de l'en-tête du courriel et, selon le corps du courriel, le nom du client et l'action précisément effectuée sur le compte.

e. Le processus de création du logiciel G______ est litigieux.

e.a. C______ SA (ci-après : C______ SA) est inscrite au Registre du commerce de Genève et a pour but le "développement de programmes informatiques et toutes activités y relatives".

H______ en est l'administrateur unique depuis sa création.

e.b. En 2014, D______ SA a mandaté C______ SA pour la création du logiciel.

Conformément à un courriel de H______ du 30 septembre 2014, C______ SA avait accepté que "la propriété du logiciel [G______], de la base de données et du site [soient] acquises dès maintenant à [D______ SA]".

Selon un courriel d'une collaboratrice de C______ SA du 18 novembre 2016, celle-ci avait accepté, dans le cadre du développement du logiciel, de ne pas approcher des concurrents de D______ SA en échange de certaines conditions financières. Elle précisait en outre que le prix d'un logiciel de ce type sur le marché était de 250'000 fr. à 300'000 fr.

f. A______ & CIE SA (ci-après : A______ SA) est inscrite au Registre du commerce de Genève et a pour but l'exploitation d'une banque.

Elle offre des services d'agent payeur à des placements collectifs de capitaux de droit étranger depuis 2018 et des services de représentation à ces mêmes structures depuis le 9 décembre 2019.

g. En juillet 2019, F______ a résilié son contrat de travail le liant à B______ AG pour le 30 septembre 2019.

Il a été employé par A______ SA dès novembre 2019 au plus tard.

h. Le 20 novembre 2019, A______ SA a conclu un contrat avec C______ SA portant sur l'utilisation de la solution logicielle "I______". L'un des interlocuteurs de A______ SA pour le projet était F______.

Selon le contrat et les conditions générales applicables, les droits résultant de la création, de la conception, de la réalisation des maquettes et des documents y relatifs demeuraient la propriété de C______ SA.

Le prix pour la vente de la solution "I______" a été arrêté à 150'000 fr. HT. L'option a été offerte à A______ SA d'acheter le code source pour 200'000 fr. HT.

i. "I______" est un logiciel de C______ SA qui permet d'informatiser le processus de représentation et d'agent payeur en Suisse de placements collectifs de capitaux de droit étranger et d'offrir aux clients une offre la plus globale possible.

Ce logiciel est utilisé par plusieurs organismes financiers de la place.

j. Dès fin novembre 2019, plusieurs fonds de placement ont résilié leur contrat de représentation avec B______ AG. Deux des fonds concernés ont déclaré à celle-ci qu'ils avaient choisi A______ SA, car elle proposait des services combinés de représentation et d'agent payeur à un prix avantageux.

k. Le 20 décembre 2019, B______ AG a reçu un courriel à l'adresse "clients@B______.com" qui apparaissait comme un courriel émanant d'un client ajoutant un nouveau fonds à son compte sur la plateforme informatique.

B______ AG a d'abord pensé qu'il s'agissait d'un test puisque le nom de l'un des collaborateurs de C______ SA apparaissait. Cependant, le nom de A______ BANQUE SERVICES figurait en lieu et place de la dénomination de la notification liée à l'action effectuée sur le compte. Le système de notification ne contenait cependant, lors d'une utilisation normale, jamais le nom d'un client et A______ BANQUE SERVICES n'était associé à aucun compte de clients.

l. Le 20 janvier 2020, considérant que le logiciel "I______" était identique à G______, B______ AG a sommé A______ SA de cesser l'utilisation du logiciel litigieux et lui a demandé de restituer les gains qu'elle avait perçus. Elle en a fait de même auprès de C______ SA.

m. Par courrier du 7 février 2020, A______ SA a répondu à B______ AG que ses prétentions étaient infondées.

n. A______ SA a admis qu'elle effectuait des tests du logiciel "I______" dès janvier 2020.

B. a. Le 5 février 2020, B______ AG, se fondant sur la loi sur le droit d'auteur ainsi que sur la loi fédérale contre la concurrence déloyale, a formé contre A______ SA une requête de mesures superprovisionnelles et provisionnelles. Elle a notamment conclu à ce que la Cour de justice ordonne à cette dernière de cesser immédiatement l'utilisation du logiciel qu'elle avait créé et développé et de sa base de données, sous la menace des peines de droit.

b. Par arrêt du 6 février 2020, la Cour a rejeté la requête de mesures superprovisionnelles de B______ AG.

Elle a imparti à A______ SA un délai de dix jours, dès la notification de l'arrêt, intervenue le 10 février 2020, pour répondre.

c. Par déterminations du 20 février 2020, A______ SA a conclu au déboutement de B______ AG de toutes ses conclusions.

d. Les parties ont répliqué et dupliqué à plusieurs reprises et persisté dans leurs conclusions initiales.

e. La Cour a informé les parties par avis du 23 mars 2020 de ce que la cause était gardée à juger.

f. Par arrêt ACJC/665/2020 du 11 mai 2020 (cause C/1______/2020), la Cour de justice, statuant par voie de mesures provisionnelles et sur la base des faits susmentionnés, a fait interdiction à A______ SA d'utiliser le logiciel G______, le logiciel "I______" ou tout autre logiciel identique de C______ SA, a prononcé cette interdiction sous la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP, a imparti à B______ AG un délai de 30 jours dès la notification de l'arrêt pour valider les mesures provisionnelles par le dépôt d'une action au fond, sous peine de caducité, et a dit que, sous réserve de leur modification ou révocation, lesdites mesures provisionnelles demeureraient en vigueur jusqu'à droit jugé sur l'action au fond ou accord entre les parties.

La Cour de justice, procédant à un examen sommaire limité à la vraisemblance, a notamment considéré que le logiciel G______ revêtait une certaine individualité au regard de ses fonctionnalités - à savoir l'informatisation de processus effectués manuellement et la mise en place d'un mode de communication et de contrôle novateur - et de son prix, soit plus de 100'000 fr., de sorte qu'il était protégé par le droit d'auteur. En outre, A______ SA n'avait pas démontré que les conditions générales la liant à C______ SA seraient également applicables à B______ AG. Celle-ci avait ainsi, par la production du courriel de C______ SA du 30 septembre 2014 lui cédant expressément les droits sur le logiciel G______, rendu vraisemblable qu'elle détenait les droits de propriété intellectuelle sur le logiciel litigieux. Par ailleurs, les deux logiciels remplissaient des fonctions identiques, dans un domaine identique, avaient été programmés par la même société informatique et étaient suffisamment compatibles pour qu'une notification ait été envoyée par erreur à B______ AG par le biais de son programme. Leur identité était ainsi rendue vraisemblable. Enfin, l'existence d'un préjudice difficilement réparable apparaissait également vraisemblable, puisque même à supposer que B______ AG obtienne gain de cause au fond le retour des clients perdus était incertain, le passage d'un client à un autre prestataire de service étant rare et compliqué. En outre, l'utilisation du logiciel par B______ AG constituait un argument commercial à l'égard de potentiels clients.

g. A______ SA a interjeté contre ledit arrêt un recours en matière civile, qui a été déclaré irrecevable par arrêt du Tribunal fédéral 4A_325/2020 du 5 octobre 2020 au motif que la condition du préjudice irréparable n'était pas réalisée.

C. a. Le 19 juin 2020, B______ AG a déposé auprès de la Cour de justice une action en cessation de trouble et en paiement de dommages-intérêts contre A______ SA tendant principalement à ce qu'il soit fait interdiction à celle-ci d'utiliser le logiciel créé et développé par ses soins, la base de données de ses clients, celle-ci devant être détruite, ainsi que les informations contenues dans sa liste de clients, sous la menace des peines de droit, et à ce que A______ SA soit condamnée à lui payer une somme de 382'734 fr. plus intérêts à titre de dommages-intérêts.

La cause a été inscrite sous numéro C/11417/2020.

b. A______ SA s'est opposée à la demande et a dénoncé le litige à C______ SA.

c. Par courrier de son conseil du 17 novembre 2020, C______ SA a déclaré intervenir sans autre condition en faveur de A______ SA. Elle s'est déterminée sur la demande par acte du 13 janvier 2021.

D. a. Par acte déposé au greffe de la Cour de justice le 31 juillet 2020, A______ SA a formé à l'encontre de B______ AG "SUCCURSALE GENÈVE" une requête en révocation de mesures provisionnelles au sens de l'art. 268 CPC. Elle a conclu à la révocation des mesures provisionnelles ordonnées le 11 mai 2020 par la Cour de justice ainsi qu'à la condamnation de B______ AG aux frais.

La cause a été enregistrée sous le numéro C/2______/2020.

A l'appui de sa requête, A______ SA a fait valoir avoir obtenu auprès de C______ SA, dans le courant des mois de juin et juillet 2020, des documents établissant que les droits d'auteur sur le logiciel G______ étaient détenus par cette dernière société et non par B______ AG.

b. Par mémoire de réponse du 28 septembre 2020, B______ AG a conclu principalement à l'irrecevabilité de la requête au motif qu'elle était dirigée contre sa succursale genevoise, laquelle était dépourvue de la capacité d'ester en justice, subsidiairement à son rejet, A______ SA devant être condamnée aux frais.

En préambule, B______ AG a notamment exposé que la révocation de mesures provisionnelles ne devait pas faire l'objet d'une procédure distincte, mais devait être examinée par le juge saisi du fond.

c. A______ SA a répliqué le 12 octobre 2020, persistant dans ses conclusions.

d. Le 16 novembre 2020, B______ AG communiqué un fait nouveau, soit l'arrêt du Tribunal fédéral du 5 octobre 2020 susmentionné.

e. Le 25 novembre 2020, C______ SA a formé une requête d'intervention accessoire en vue d'être admise à la procédure en révocation de mesures provisionnelles.

A______ SA a acquiescé à ladite requête. B______ AG s'y est opposée.

f. Par arrêt ACJC/660/2021 du 25 mai 2021, la Cour de justice, considérant que la décision sur révocation relevait de la compétence du juge saisi du fond, a, dans un but de simplification du procès, ordonné la jonction de la procédure sur révocation C/2______/2020 et de la procédure au fond C/11417/2020 pendantes devant elle sous le numéro C/11417/2020. Elle a en outre dit que la requête en intervention accessoire formée par C______ SA le 25 novembre 2020 était sans objet. En effet, cette dernière étant valablement intervenue à la procédure au fond le 17 novembre 2020, elle disposait d'un intérêt à participer aux étapes restantes du procès, y compris à la présente procédure en révocation. Enfin, la Cour de justice a, à titre préparatoire, transmis la réplique sur révocation de A______ SA à B______ AG et à C______ SA ainsi que les allégués sur faits nouveaux de B______ AG à A______ SA et à C______ SA en leur impartissant un délai de 10 jours pour dupliquer, respectivement se déterminer. La suite de la procédure a été réservée et la décision sur les frais a été renvoyée à la décision finale.

g. C______ SA s'est déterminée le 4 juin 2021, concluant, sous suite de frais, au déboutement de B______ AG de toutes ses conclusions.

h. Le 7 juin 2021, A______ SA a pris position sur les allégués sur faits nouveaux de B______ AG et a persisté dans les conclusions prises dans sa requête en révocation.

i. Le 9 juin 2021,B______ AG s'est déterminée sur la réplique de A______ SA et a également persisté dans ses conclusions.

j. Une audience de plaidoiries finales sur révocation des mesures provisionnelles a eu lieu le 30 juin 2021.C______ SA a déposé une pièce nouvelle, soit une ordonnance de non-entrée en matière du Ministère public du 29 juin 2021. B______ AG s'est opposée à la production de cette pièce. Subsidiairement, elle a sollicité un délai pour se déterminer sur son contenu. A______ SA et C______ SA se sont déterminées sur les allégués de la duplique de B______ AG et ont persisté dans leurs conclusions. B______ AG a également persisté dans ses conclusions.

A l'issue de ladite audience, la cause a été gardée à juger sur révocation des mesures provisionnelles.

E. Les faits nouveaux suivants ont été invoqués parA______ SA à l'appui de sa requête en révocation des mesures provisionnelles ordonnées le 11 mai 2020 par la Cour de justice.

a. Le 23 septembre 2014, C______ SA a établi à l'attention de D______ SA un devis en rapport avec le développement du logiciel G______ auquel étaient annexées des conditions générales. Celles-ci contenaient notamment une clause intitulée "Réserve de propriété" dont la teneur était la suivante :

"La création, la conception, la réalisation, les maquettes, les documents y relatifs sont protégés par la loi relative au code de la propriété intellectuelle et demeurent la propriété moral et physique de C______ SA. Ils ne peuvent être ni modifiés, ni reproduits, ni vendus ou réutilisés pour un autre usage - qui est soumis au paiement de droits d'auteurs - sans l'accord préalable de C______ SA".

Il était en outre stipulé que "C______ SA rest[ait] propriétaire de la marchandise jusqu'au paiement intégral de celle-ci".

Par courriel du 24 septembre 2014, D______ SA a indiqué accepter le devis à certaines conditions qu'elle énumère, à savoir notamment que "en tant que de besoin, la propriété du logiciel, de la base de données et du site sont acquises dès maintenant à D______ SA", condition acceptée par C______ SA (cf. A.e.b).

Les conditions générales précitées ont également été jointes à une facture du 22 janvier 2015 que C______ SA a adressée à D______ SA en vue du règlement, pour le premier trimestre 2015, d'honoraires convenus en lien avec la maintenance, l'assistance et la veille technique du logiciel.

B______ AG soutient ne pas être liée par les conditions générales précitées.

b. Par courriel du 28 septembre 2016, D______ SA a requis C______ SA de ne pas proposer le logiciel G______ à ses concurrents - qu'elle liste (A______ SA ne figure pas dans la liste) - sans son accord écrit préalable. Elle a rappelé qu'en tant que propriétaire du code source du logiciel, la titularité des droits de propriété intellectuelle lui appartenait, de sorte que C______ SA ne pouvait pas proposer à des tiers d'acquérir le logiciel ou son code source sans son accord préalable.

Par courriel du 3 octobre 2016, C______ SA a indiqué à D______ SA qu'elle était de son point de vue l'unique propriétaire du code source du logiciel ainsi que des droits de propriété intellectuelle sur celui-ci, précisant qu'elle avait écrit l'algorithme du logiciel et qu'une clause de réserve de propriété intellectuelle était prévue dans les conditions générales jointes à ses devis, lesquels avaient été acceptés par D______ SA. Elle était ainsi libre de nouer un rapport contractuel avec les concurrents de celle-ci. Cependant, compte tenu de la relation d'affaires privilégiée les liant, elle était disposée à discuter des modalités financières d'une acquisition par D______ SA des droits de propriété intellectuelle ou du code source du logiciel, respectivement de la conclusion d'un contrat d'exclusivité.

c. Par courriel du 29 mai 2020, C______ SA a communiqué à un employé de B______ AG le prix de vente du code source du logiciel G______ ainsi que les conditions applicables en cas d'une éventuelle vente à B______ AG en mentionnant fournir ces informations consécutivement à une question du précité visant "à savoir à combien [elle] pouv[ait] vendre le code source".

B______ AG soutient que ce courriel, intervenu dans le cadre de négociations relatives au contrat de maintenance du logiciel G______ la liant à C______ SA, a été sorti de son contexte. Elle n'avait pas proposé d'acquérir le code source du logiciel dont elle s'estime propriétaire mais avait demandé à C______ SA de lui préciser les critères appliqués pour la fixation de ses tarifs de maintenance, parmi lesquels figurait la valeur du code source du logiciel.

d. Par courriel du 12 juin 2020, C______ SA a expliqué à A______ SA que la Cour de justice a, dans son arrêt sur mesures provisionnelles du 11 mai 2020, procédé à une interprétation erronée du courriel du 30 septembre 2014 (cf. A.e.b ci-dessus). En effet, ce dernier document précisait que la propriété du logiciel était acquise à D______ SA dès maintenant "en tant que de besoin". Cette phrase devait être interprétée au regard du paragraphe précédent qui prévoyait que si la livraison finale n'avait pas lieu le 29 octobre 2014, elle s'engageait à remettre le code source du logiciel à D______ SA. Ainsi, le transfert de propriété ne devait intervenir que dans l'hypothèse où le logiciel n'était pas livré à la date prévue afin de permettre à D______ SA de poursuivre le développement de celui-ci. Or, le délai avait été respecté.

A______ SA conteste que le logiciel ait été livré à la date convenue. A l'appui de cet allégué, elle produit un courriel du 1er décembre 2014, dans lequel D______ SA se plaignait de l'incapacité de C______ SA de respecter les délais fixés et relevait que le site aurait dû être opérationnel en octobre.

Interpellée à ce sujet par A______ SA, C______ SA a, dans un courriel du 9 octobre 2020 auquel elle a joint différentes pièces, exposé que le retard mentionné ne concernait pas la livraison du logiciel mais son déploiement au sein de B______ AG et l'intégration de demandes additionnelles.

e. Par courrier du 17 juillet 2020, C______ SA a indiqué à A______ SA avoir facturé à B______ AG pour le développement du logiciel G______ un montant de l'ordre de 60'000 fr., soit une somme inférieure au prix du marché en raison de l'absence de cession de la propriété du code source et des droits d'auteur.

B______ AG a exposé que ce prix était dû au fait que C______ SA n'avait pas conçu le logiciel mais avait uniquement retranscrit dans un langage informatique (code source) les instructions qu'elle lui avait données, n'ayant pas les compétences pour le faire elle-même. C______ SA ne disposait pas des connaissances nécessaires en matière de représentation de fonds de placements collectifs pour connaître les besoins des clients et ainsi conceptualiser le logiciel litigieux.

EN DROIT

1. 1.1 La désignation inexacte d'une partie - que ce soit de son nom, de son domicile ou de son siège - ne vise que l'inexactitude purement formelle qui affecte sa capacité d'être partie. Elle peut être rectifiée lorsqu'il n'existe dans l'esprit du juge et des parties aucun doute raisonnable sur l'identité de la partie, notamment lorsque l'identité résulte de l'objet du litige et si tout risque de confusion peut être exclu (ATF 142 III 782 consid. 3.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_741/2020 du 12 avril 2021 consid. 5.2.2).

1.2 Bien que jouissant d'une certaine autonomie, une succursale est dépourvue d'existence juridique et n'a pas la capacité d'ester en justice (ATF 120 III 11 consid. 1a).

En principe, lorsqu’une succursale est indiquée dans le rubrum, il ne peut y avoir de doute sur l’identité de la partie, soit l’entreprise principale (arrêts du Tribunal fédéral 4A_129/2014 du 1er mai 2014 consid. 2.5; 4A_27/2013 du 6 mai 2013 consid. 2.2 n.p. in ATF 139 III 278; 4C.270/2003 du 28 novembre 2003 consid. 1.1; cf. également ATF 120 III 11 consid. 1c pour la procédure de poursuite). Dès lors qu’ainsi, tout risque de confusion peut être exclu et dans la mesure où l'autre partie n'a pas été lésée dans ses intérêts, une rectification de la désignation de la partie est admissible (arrêts du Tribunal fédéral 4A_510/2016 du 26 janvier 2017 consid. 3.2, résumé in CPC Online, ad art. 59 CPC; 4A_129/2014 du 1er mai 2014 consid. 2.5; 4A_27/2013 du 6 mai 2013 consid. 2.2 n.p. in ATF 139 III 278).

1.3 En l'espèce, bien que la requête en révocation de mesures provisionnelles introduite par la requérante soit dirigée contre la succursale genevoise de B______ AG, il n'y a aucun doute sur le fait que l'identité réelle de la citée est celle de son entreprise principale, soit B______ AG. En effet, le mémoire de réponse à ladite requête ainsi que la procuration annexée sont établis au nom de B______ AG et la procédure en validation des mesures provisionnelles, à laquelle la présente procédure en révocation a été jointe, a été introduite par B______ AG.

En conséquence, la rectification de la désignation de partie de la citée en B______ AG sera ordonnée à titre préalable.

2. 2.1 Saisie en première instance d'une requête en révocation de mesures provisionnelles, la Cour de justice doit en examiner la recevabilité d'office.

La compétence pour ordonner la modification ou la révocation de mesures provisionnelles appartient au juge qui a prononcé lesdites mesures. Une fois la procédure en validation des mesures provisionnelles introduite, cette compétence revient au juge du fond (Bovet/Favrod-Coune, Petit commentaire Code de procédure civile, 2020, n. 6 ad art. 268 CPC;Sprecher, Commentaire bâlois CPC, 3ème éd., 2017, n. 10 ad art. 268 CPC; Jeandin, Mesures provisionnelles en matière civile, in Les mesures provisionnelles en procédure civile, pénale et administrative, 2015, no 58 p. 26).

2.2 Aux termes des articles 5 al. 1 let. a et d CPC et 120 al. 1 let. a LOJ, la chambre civile de la Cour de justice est, à Genève, compétente pour connaître en instance unique des litiges portant sur des droits de propriété intellectuelle ainsi que, lorsque la valeur litigieuse dépasse 30'000 fr., des litiges relevant de la loi fédérale du 19 décembre 1986 contre la concurrence déloyale (LCD).

Conformément à l'art. 36 CPC, applicable aux actions défensives fondées sur la LCD et la loi sur le droit d'auteur (LDA) (Steinauer/Fountoulakis, Droit des personnes physiques et de la protection de l'adulte, 2014, n. 570b), les actions fondées sur un acte illicite peuvent être introduites au for du domicile ou du siège du défendeur.

2.3 En l'espèce, la requête en révocation des mesures provisionnelles a été introduite alors qu'une procédure au fond en validation desdites mesures provisionnelles était pendante devant la Chambre civile de la Cour de justice, de sorte que la compétence pour statuer appartient, au regard des principes sus-exposés, au juge saisi du fond.

La Chambre civile de la Cour de justice étant, conformément aux art. 5 al. 1 let. a et d CPC, 120 al. 1 let. a LOJ et 36 CPC, compétente pour juger du litige au fond, elle l'est également pour connaître de la présente requête en révocation des mesures provisionnelles.

2.4 Les conditions de forme de la requête en révocation et de la réponse sont respectées (cf. art. 252 et 253 CPC). Celles-ci sont dès lors recevables. Il en va de même des écritures subséquentes.

2.5 La révocation de mesures provisionnelles est soumise à la procédure sommaire (art. 248 let. d CPC), de sorte que la Cour de céans peut se limiter à la vraisemblance des faits et à un examen sommaire du droit, en se fondant sur les moyens de preuve immédiatement disponibles (ATF 139 III 86 consid. 4.2; 131 III 473 consid. 2.3).

Les maximes des débats (art. 55 al. 1 CPC) et de disposition (art. 58 al. 1 CPC) sont applicables.

2.6 Compte tenu de l'arrêt de la Cour de céans du 25 mai 2021 ordonnant la jonction de la présente procédure de révocation et de la procédure en validation des mesures provisionnelles ordonnées le 11 mai 2020, le grief de la citée selon lequel la requête en révocation aurait dû intervenir dans le cadre de la procédure au fond pendante est devenu sans objet.

3. La recevabilité de la pièce nouvelle produite parC______ SA lors de l'audience de plaidoiries finales du 30 juin 2021 peut demeurer indécise, son contenu n'étant pas susceptible d'influer sur le sort de la présente procédure en révocation de mesures provisionnelles.

4. 4.1 Selon l'art. 268 al. 1 CPC, les mesures provisionnelles peuvent être révoquées dans deux hypothèses : lorsque les circonstances se sont modifiées ou que les mesures ordonnées se révèlent par la suite injustifiées.

La première hypothèse suppose une modification des circonstances de fait sur lesquelles les mesures provisionnelles étaient fondées. Il peut notamment s'agir de l'existence de preuves nouvelles ou de faits nouveaux (Bovey/Favrod-Coune, Petit commentaire CPC, 2020, n. 3 ad art. 268 CPC; Bohnet, Commentaire romand CPC, 2ème éd., 2019, n. 5 ad art. 268 CPC; Sprecher, Commentaire bâlois CPC, 3ème éd., 2017, n. 15 ad art. 268 CPC). Certains auteurs considèrent que tant des vrais que des faux nova peuvent être invoqués (Bovey/Favrod-Coune, op. cit., n. 3 ad art. 268 CPC; Huber, Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung (ZPO), 2016, 3ème éd., n. 8 ad art. 268 CPC). D'autres en revanche estiment que seul un changement de circonstances postérieur au prononcé des mesures provisionnelles peut justifier une révocation (Sprecher, op. cit., n. 15 ad art. 268 CPC; Bohnet, op. cit., n. 5 ad art. 268 CPC; Zürcher, ZPO Schweizerische Zivilprozessordnung Kommentar, 2016, 2ème éd., n. 6 ad art. 268 CPC; Rohner/Wiget, ZPO Kommentar, 2015, 2ème éd., n. 2 ad art. 268 CPC).

La seconde hypothèse implique que les mesures provisionnelles se révèlent par la suite injustifiées. Le caractère injustifié peut résulter de vrais ou de faux nova, soit de faits ou moyens de preuve qui existaient déjà lors du prononcé des mesures provisionnelles (Bovey/Favrod-Coune, op. cit., n. 4 ad art. 268 CPC; Sprecher, op. cit., n. 17 ad art. 268 CPC; Zürcher, op. cit., n. 8 ad art. 268 CPC; Rohner/Wiget, op. cit., n. 2 ad art. 268 CPC). Si la majorité des auteurs cités ne mentionnent pas que l'admissibilité de faux nova serait soumise au respect de conditions particulières (Bovey/Favrod-Coune, op. cit., n. 4 ad art. 268 CPC; Sprecher, op. cit., n. 17 ad art. 268 CPC; cf. également Zürcher, op. cit., n. 8 ad art. 268 CPC qui précise expressément que les faux nova qui n'ont pas été invoqués de manière fautive sont admissibles), un auteur est en revanche d'avis que de faux nova ne peuvent conduire à la révocation de mesures provisionnelles que s'ils n'ont pas pu être présentés en temps utile malgré la diligence raisonnablement exigible au sens de l'art. 229 al. 1 let. b CPC (Rohner/Wiget, op. cit., n. 2 ad art. 268 CPC).

Les faits nouveaux sur la base desquels une révocation des mesures provisionnelles est requise doivent être suffisamment importants pour que le juge soit amené à apprécier différemment la situation puis à conclure que les mesures ne peuvent, au regard des circonstances, subsister en l'état (Bovey/Favrod-Coune, op. cit., n. 3 ad art. 268 CPC; Jeandin, Mesures provisionnelles en matière civile : première et seconde instance, in les mesures provisionnelles en procédures civile, pénale et administrative, 2015, n. 56 p. 26).

4.2 En l'espèce, au vu de l'issue du litige, la question de l'admissibilité de la requête en révocation de mesures provisionnelles déposée par la requérante, et en particulier du type de faits pouvant être invoqués à l'appui de celle-ci, peut demeurer indécise.

5. La requérante fait valoir que, au regard des nouveaux éléments apportés à la procédure, la titularité de la citée sur les droits d'auteur du logiciel litigieux n'est plus rendue vraisemblable, de sorte que les mesures provisionnelles ordonnées le 11 mai 2020 doivent être révoquées.

5.1 L'octroi de mesures provisionnelles présuppose notamment que le requérant rende vraisemblance le bien-fondé de la prétention matérielle invoquée (arrêts du Tribunal fédéral 5A_931/2014 du 1er mai 2015 consid. 4 et 5A_791/2008 du 10 juin 2019 consid. 3.1).

Un fait est rendu vraisemblable si le juge, en se basant sur des éléments objectifs, a l'impression que le fait invoqué s'est produit, sans pour autant devoir exclure la possibilité qu'il ait pu se dérouler autrement (ATF 139 III 86 consid. 4.2; 132 III 715 consid. 3.1; 130 III 321 consid. 3.3).

Le juge peut en outre se limiter à un examen sommaire du bien-fondé juridique de la prétention du requérant (ATF 131 III 473 consid. 2.3; 108 II 69 consid. 2a).

5.2 Les programmes d'ordinateur (logiciels) sont considérés comme des œuvres (art. 2 al. 3 LDA). Ils constituent en conséquence un bien immatériel soumis à la protection offerte par la loi sur le droit d'auteur et les droits voisins (LDA; Anderson, Le logiciel en tant qu'objet de droit, in : Le droit face à la révolution 4.0, 2019, p. 14).

Les logiciels englobent tous les processus complets rédigés dans une langue de programmation et servant à résoudre une tâche déterminée. La protection vaut tant pour le code source (code écrit par les programmateurs dans un langage informatique qui peut être lu par l'humain [Anderson, op. cit., p. 9]) que le code objet du programme (code dérivé du code source exécutable ou lisible par l'ordinateur [Anderson, op. cit., p. 9]). Les principes et idées qui sous-tendent les logiciels, en particulier les algorithmes et la logique du programme, ne font pas partie du domaine protégé (Barrelet/Egloff, Le nouveau droit d'auteur, Commentaire de la LDA, 4ème éd., 2021, n. 32 ad art. 2 LDA).

5.2.1 L'auteur d'un logiciel est la personne physique qui a effectivement créé le programme (art. 6 LDA; Barrelet/Egloff, op. cit., n. 4 ad art. 17 LDA). La qualité d'auteur s'obtient du fait même de la création d'une œuvre protégée. Ce principe s'applique aussi aux œuvres créées sur commande (Cherpillod, Commentaire romand sur la propriété intellectuelle, 2013, n. 1 et 6 ad art. 6 LDA). Si plusieurs personnes ont participé à la création du programme, elles sont alors coauteurs (Barrelet/Egloff, op. cit., n. 4 ad art. 17 LDA; art. 7 al. 1 LDA).

5.2.2 Aux termes de l'art. 16 LDA, les droits d'auteur sont cessibles et transmissibles par succession (al. 1). Sauf convention contraire, le transfert d'un des droits découlant du droit d'auteur n'implique pas le transfert d'autres droits partiels (al. 2). Le transfert de la propriété d'une œuvre, qu'il s'agisse de l'original ou d'une copie, n'implique pas celui de droits d'auteur (al. 3).

Tous les droits d'utilisation, et plus particulièrement les droits d'utilisation énumérés à l'art. 10 al. 2 LDA, peuvent être cédés individuellement ou de façon globale à un tiers. La cession des droits d'auteur a un effet réel. Elle est donc opposable à tout tiers (de Werra, Commentaire romand sur la propriété intellectuelle, 2013, n. 6 et 7 ad art. 16 LDA).

La cession de droits d'auteur n'est soumise à aucune exigence de forme. Elle peut s'opérer tacitement et intervenir sur la base de différents types de contrat (Barrelet/Egloff, op. cit., n. 6 et 7 ad art. 16 LDA; de Werra, op. cit., n. 9 et 34 ad art. 16 LDA).

En vertu de l'art. 7 CC, les principes généraux d'interprétation des contrats sont applicables aux contrats portant sur les droits d'auteur. Le juge détermine le contenu du contrat d'abord selon la volonté réelle et concordante des parties au contrat. La question de savoir si et dans quelle mesure un transfert de droits d'auteur a été convenu dans un contrat est ainsi tranchée en premier lieu par l'interprétation subjective, c'est-à-dire selon la volonté réelle et concordante des parties.

Dans le cas où aucune volonté réelle et concordante ne peut être constatée ou en cas de divergence entre les volontés respectives des parties, les déclarations des parties sont - en vue de la détermination de la volonté hypothétique - interprétées sur la base du principe de la confiance selon ce que les parties ont pu et dû comprendre au vu de la lettre, du contexte et de toutes les circonstances pertinentes du contrat. Des règles d'interprétation spécifiques aux contrats relatifs au droit d'auteur sont toutefois applicables, à savoir la théorie de la finalité - en vertu de laquelle l'étendue, la nature et la durée d'une cession de droits d'auteur sont, en cas de doute, déterminés selon le but du contrat concerné - ainsi que les règles de l'art. 16 al. 2 LDA et de l'art. 16 al. 3 LDA (de Werra, op. cit., n. 38 à 42 ad art. 16 LDA).

Conformément à l'art. 16 al. 3 LDA, le transfert de la propriété d'un exemplaire de l'œuvre n'inclut pas, sauf convention contraire, d'autorisation d'utilisation des droits d'auteur relatifs à cette œuvre même s'il s'agit d'un original. Les droits d'auteur sur des œuvres sont en principe indépendants des droits réels sur l'exemplaire. La confusion entre propriété intellectuelle et propriété de droit civil peut souvent se produire en matière de logiciels. Ainsi la transmission du code source d'un logiciel (livré sous forme physique, par exemple un CD) ne signifie pas pour autant que le propriétaire du support comportant le code source obtient une cession des droits d'auteur sur le programme d'ordinateur (de Werra, op. cit., n. 53 ad art. 16 LDA; ACJC/1372/2008 du 14 novembre 2008 consid. 5.4 publié in sic! 2010 p. 23).

Le transfert de droits d'auteur peut intervenir avant la création de l'œuvre (Barrelet/Egloff, op. cit., n. 13 ad art. 16 LDA).

5.3 Les conditions générales n'ont de portée dans les relations entre les parties que si celles-ci les ont adoptées par intégration, c'est-à-dire qu'elles ont manifesté la volonté que des conditions générales déterminées complètent l'accord qu'elles ont passé et en feront partie intégrante. Des conditions générales proposées après la conclusion du contrat (avec l'envoi d'une confirmation de commande, un bon de garantie, une facture) sont en principe dépourvues d'effets, sauf si le destinataire déclare expressément les accepter, ce qui revient à une modification rétroactive du contrat (Tercier/Pichonnaz, Le droit des obligations, 6ème éd., 2019, p. 216).

Les clauses d'un contrat individuel ont le pas sur les conditions générales. Celles-ci ne peuvent donc pas déroger à l'accord individuel (cf. ATF 133 III 225 consid. 1.4 = JdT 2009 I 475; ATF 125 III 263 = SJ 1999 I 469; ATF 123 II 35 consid. 2c/bb = JdT 1997 I 332; Tercier/Pichonnaz, op. cit., p. 219).

5.4 En l'espèce, il résulte des principes susmentionnés que la révocation de mesures provisionnelles ordonnées ne doit intervenir qu'en présence de faits nouveaux importants, soit de faits suffisamment probants pour conclure que l'appréciation initialement opérée de la situation est vraisemblablement erronée.

Or, en l'occurrence, si les faits nouveaux invoqués par la requérante permettent d'apporter un nouvel éclairage sur les rapports contractuels noués entre la citée et C______ SA, ils ne sauraient toutefois suffire à rendre vraisemblable l'absence de droits d'auteur de la citée sur le logiciel litigieux et partant à justifier la révocation des mesures provisionnelles ordonnées.

Dans l'arrêt sur mesures provisionnelles dont la révocation est requise, la Cour de justice a tenu pour vraisemblable la détention par la citée des droits d'auteur sur le logiciel, en se fondant sur un courriel du 30 septembre 2014 de C______ SA par lequel celle-ci acceptait que la propriété du logiciel, de la base de données et du site soient immédiatement acquises à la citée.

A l'appui de sa requête en révocation, la requérante fait valoir, en se référant aux nouvelles pièces produites, que C______ SA a, en vue du développement du logiciel, transmis à la citée un devis auquel était joint des conditions générales comportant une clause de réserve de propriété intellectuelle stipulant notamment que le logiciel conçu demeurait la propriété morale et physique de C______ SA. Il apparaît toutefois que la citée a expressément indiqué, par courriel du 24 septembre 2014, n'accepter ledit devis qu'à la condition notamment que la propriété du logiciel, de la base de données et du site lui soient immédiatement acquises, condition acceptée par C______ SA le 30 septembre 2014. S'agissant d'une clause particulière convenue postérieurement à la communication des conditions générales, elle fait foi. Il ne saurait ainsi être reproché à la Cour de justice de s'être fondée sur cette clause pour rendre sa décision sur mesures provisionnelles. A cet égard, le fait que les conditions générales litigieuses aient également été jointes à une facture adressée à la citée est sans pertinence, les conditions générales soumises après la conclusion du contrat étant dépourvues d'effets en l'absence d'acceptation expresse.

Procédant à une interprétation littérale de la clause litigieuse susmentionnée, la Cour de justice a considéré que C______ SA avait, en l'acceptant, cédé à la citée les droits d'auteur sur le logiciel litigieux. Contrairement à ce que plaide la requérante, le fait que C______ SA, qui n'était pas partie à la procédure de mesures provisionnelles, estime que l'interprétation à laquelle s'est livrée la Cour de justice n'est pas conforme au texte de l'accord convenu ne saurait constituer un motif de révocation des mesures provisionnelles ordonnées en l'absence de nouveaux éléments corroborant sa position. Le but d'une procédure en révocation de mesures provisionnelles est en effet de permettre d'adapter les mesures ordonnées à d'éventuelles circonstances nouvelles et non de corriger une éventuelle erreur de raisonnement opérée lors de leur prononcé.

A titre d'élément nouveaux, la requérante se prévaut du prix acquitté par la citée pour l'acquisition du logiciel ainsi que du souhait qu'aurait exprimé cette dernière dans le courant du mois de mai 2020 d'acquérir le code source dudit logiciel.

Si le prix versé par la citée pour l'acquisition du logiciel semble effectivement inférieur aux prix du marché, cela ne saurait toutefois suffire pour conclure que la propriété des droits intellectuels sur le logiciel n'a pas été cédée à la citée, d'autres motifs pouvant expliquer la fixation d'un tel prix. La citée fournit d'ailleurs des explications à cet égard de nature à justifier le prix acquitté.

Par ailleurs, l'expression d'un souhait de la citée d'acquérir le code source du logiciel n'est pas suffisamment rendu vraisemblable. A l'appui de cet allégué, la requérante a uniquement fourni un courriel dans lequel C______ SA communique à la citée le prix auquel le code source du logiciel pourrait lui être vendu en mentionnant fournir cette information à la demande de cette dernière. Elle n'a en revanche pas produit la demande à l'origine dudit courriel. Il est ainsi envisageable que, comme le plaide la citée, la réponse donnée ne corresponde pas à la demande formulée. Le courriel litigieux ne mentionne d'ailleurs pas que la citée aurait exprimé la volonté d'acheter le code source du logiciel mais uniquement qu'elle souhaitait savoir à quel prix celui-ci pouvait être vendu. Il semble au demeurant peu plausible que la citée aurait manifesté son intérêt à acquérir le code source du logiciel alors qu'une procédure était en cours au sujet de la titularité des droits d'auteur sur le logiciel. Les explications fournies par la citée sur l'origine dudit courriel, à savoir la négociation d'un contrat de maintenance avec C______ SA, apparaissent ainsi vraisemblables. En tout état, une éventuelle acquisition du code source du logiciel est sans incidence sur la titularité des droits d'auteur.

Une révocation des mesures provisionnelles ordonnées nécessiterait ainsi de disposer de davantage d'éléments sur les circonstances ayant entouré l'accord conclu au sujet du développement du logiciel litigieux. Or, l'établissement de ces circonstances ne saurait intervenir en procédure sommaire mais relève du fond de la cause.

Au vu de ce qui précède, la requête en révocation des mesures provisionnelles sera rejetée dans la mesure de sa recevabilité.

6. Les frais judiciaires seront arrêtés à 8'500 fr., comportant 7'500 fr. pour la procédure en révocation des mesures provisionnelles (art. 26 du Règlement fixant le tarif des frais en matière civile [RTFMC]) et 1'000 fr. pour la procédure en intervention accessoire (art. 20 RTFMC), et compensés avec les avances de frais opérées par la requérante et C______ SA, lesquelles restent acquises à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC). Ces frais seront mis à la charge des précitées, solidairement entre elles, dès lors que l'issue du procès leur est défavorable (art. 106 al. 1 et 3 CPC).

La requérante et C______ SA seront également condamnées, solidairement entre elles, à verser à la citée des dépens, lesquels seront arrêtés à 7'000 fr., débours et TVA inclus (art. 84, 85 et 88 RTFMC, 25 et 26 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

Préalablement :

Ordonne la rectification de la désignation de partie de B______ AG, SUCCURSALE GENÈVE en B______ AG.

Au fond :

Rejette la requête en révocation de mesures provisionnelles formée par A______ & CIE SA le 31 juillet 2020 à l'encontre de B______ AG dans la mesure de sa recevabilité.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires à 8'500 fr., les met à la charge de A______ & CIE SA et C______ SA, solidairement entre elles, et les compense avec les avances de frais fournies par celles-ci, qui restent acquises à l'Etat de Genève.

Condamne A______ & CIE SA et C______ SA, solidairement entre elles, à verser à B______ AG une somme de 7'000 fr. à titre de dépens.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Jessica ATHMOUNI, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.