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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/692/2012

ATA/538/2013 du 27.08.2013 ( AIDSO ) , REJETE

Descripteurs : ; ASSISTANCE PUBLIQUE ; BÉNÉFICIAIRE DE PRESTATIONS D'ASSISTANCE ; AIDE FINANCIÈRE ; OBLIGATION DE RENSEIGNER ; OBLIGATION D'ANNONCER ; MAXIME INQUISITOIRE ; APPRÉCIATION DES PREUVES
Normes : LPA.19 ; LPA.20.al1 ; LPA.20.al2 ; LPA.76 ; LIASI.32.al1 ; LIASI.33.al1 ; LIASI.35.al1.letC ; LIASI.35.al1.letd ; RIASI.35
Résumé : La recourante, bénéficiaire de prestations d'aide financière de l'Hospice général (HG), conteste avoir caché à ce dernier qu'elle n'habitait pas le logement dont le loyer était pris en charge par l'HG. Pour ce motif, l'HG l'avait sanctionnée en réduisant son aide au montant des prestations exceptionnelles. La recourante conteste par ailleurs l'ensemble des faits retenus par l'HG pour fonder sa décision. Dès lors que les faits retenus par l'HG doivent, après instruction et enquête menées par le juge délégué de la chambre administrative, être tenus pour établis, la légalité de la sanction peut être examinée. La sanction étant conforme au droit, elle est confirmée et le recours est rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/692/2012-AIDSO ATA/538/2013

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 27 août 2013

1ère section

 

dans la cause

 

Madame L______ R______

contre

HOSPICE GÉNÉRAL



EN FAIT

1) Le 25 janvier 2001, un contrat de bail à loyer a été conclu entre les propriétaires d’un studio, n° ______, au 1er étage, sis au ______, rue T______, représentés par la S______, et Monsieur U______ R______, locataire. La gérance de cet immeuble a été confiée à l’agence immobilière M______ (ci-après : la régie) en mars 2005.

2) Madame L______ R______, née le ______ 1984 et sœur de M. U______ R______, a été mise au bénéfice de prestations d’aide financière par l’Hospice général (ci-après : l’hospice) dès le 1er avril 2004.

Le 20 avril 2004, elle a signé un document intitulé « ce qu’il faut savoir en demandant l’intervention de l’assistance publique », lequel attirait son attention sur son obligation de fournir à l’hospice tout renseignement utile sur sa situation personnelle et financière et de l’informer de tout changement survenu dans cette situation. De 2007 à 2011, elle a chaque année signé un document identique et intitulé « mon engagement en demandant une aide financière à l’hospice général ».

3) Dans un courrier daté du 13 avril 2003 (recte : 2004), M. U______ R______ a informé l’hospice que sa sœur vivait avec lui depuis le 6 avril 2004. Cette dernière l’a annoncé à l’hospice dans le courant du mois de mai 2004, de sorte que celui-ci a adapté le montant de ses prestations et pris en charge la moitié du montant du loyer.

Selon les fichiers de l’office cantonal de la population (ci-après : OCP), elle est officiellement domiciliée au ______, rue T______ depuis le 1er avril 2004.

4) Le 29 avril 2005, la régie a invité M. U______ R______ à lui fournir des explications. Selon des informations en sa possession, il n’occupait pas le studio de la rue T______.

5) Monsieur R______ a répondu le 2 mai 2005 qu’il habitait toujours dans son studio. Son cousin, X______ B______, lequel était revenu du Brésil et ne savait pas où loger, habitait avec lui.

6) Ce même 2 mai 2005, Madame E______ R______, mère de RA______ et RB______, a indiqué à l’hospice que son fils avait gardé son adresse officielle chez elle pour y recevoir son courrier qu’elle traitait pour lui. Il allait au plus vite régulariser sa situation.

7) Lors d’un entretien du 28 septembre 2006, dont le procès-verbal n’a pas été versé à la procédure, Mme R______ aurait indiqué à une assistante sociale de l’hospice que son frère allait obtenir un appartement à Versoix et qu’elle souhaitait reprendre le bail du studio à son nom.

8) Le 29 août 2007, Mme R______ aurait fait savoir à une assistante sociale que son frère avait quitté le studio et qu’il vivait désormais à Versoix.

A teneur d’un courrier du 5 novembre 2007, versé au dossier, signé par son frère et remis à cette assistante sociale, M. R______ certifiait avoir laissé le studio en location à sa sœur. L’hospice a alors entièrement pris en charge le montant du loyer dès le 1er septembre 2007.

9) En janvier 2009, Mme R______ aurait annoncé à l’hospice qu’elle effectuait des démarches avec son frère pour figurer sur le bail du studio. Dans une attestation datée du 11 janvier 2009, M. R______ a, à nouveau, certifié qu’il laissait le studio à sa sœur.

10) Le 24 août 2009, Mme R______ aurait expliqué à l’hospice que son frère devait d’abord résilier le bail afin qu’elle puisse ensuite obtenir le studio à son nom.

11) Par courrier du 21 janvier 2010, M. R______ a fait part à la régie de son désir de résilier le bail du studio pour l’échéance la plus proche. La régie a accepté son congé pour le 28 février 2010, un pré-état des lieux étant prévu le 9 février 2010.

12) Le 4 février 2010, Mme R______ a rempli une fiche d’inscription logement destinée à la régie. Elle souhaitait reprendre le studio qu’elle occupait depuis 2004.

Sur cette fiche, Mme R______ a précisé que son frère avait quitté le studio depuis longtemps. Il voulait récupérer la caution et l’avait informée de la résiliation du bail dans le but de s’assurer qu’elle avait bien payé le loyer depuis 2004, ce qui était le cas. Elle craignait de se retrouver à la rue.

L’hospice a appuyé la demande de Mme R______ auprès de la régie et établi à cette fin une garantie de paiement du loyer.

13) Le 17 février 2010, Mme R______ a indiqué à la régie qu’elle avait pris note de son refus de lui attribuer le studio.

Dans l’attente d’une solution de relogement, elle continuerait à payer le loyer comme elle le faisait depuis cinq ans. Elle ne pouvait par ailleurs pas quitter le studio car elle ne savait pas où loger.

14) Par courriers du 19 février 2010, adressés à Mme R______ et à son frère, la régie a confirmé la résiliation du bail, un état des lieux étant fixé avec lui le
1er mars 2010. Si l’appartement n’était pas restitué à cette date, elle agirait en évacuation auprès du Tribunal de première instance (ci-après : TPI) à l’encontre de Mme R______ et auprès du Tribunal des baux et loyers (ci-après : TBL) à l’encontre de M. R______.

15) Le 25 février 2010, Mme R______ a adressé une nouvelle demande de location à la régie. Elle vivait toujours dans le studio et elle ne le quitterait pas le 1er mars 2010.

16) Le 26 février 2010, Mme L______ R______ aurait fait part de ses problèmes de logement à un assistant social de l’hospice, auquel elle aurait en outre expliqué s’être inscrite auprès de diverses régies.

17) Le 2 mars 2010, Madame O______, collaboratrice du service location de la régie, a rédigé une note dans laquelle elle a relaté les évènements récents en lien avec le studio. Madame F______, « la petite amie de M. U______ R______ », avait téléphoné à la régie le 1er mars 2010 en expliquant s’être rendue au studio le 26 février 2010 afin d’en récupérer les clés. Elle n’y était toutefois pas parvenue car Mme L______ R______ « y avait mis un couple avec un enfant, qui eux n’étaient au courant de rien ».

Dans la matinée du 1er mars 2010, Madame A______ était venue à la régie pour s’enquérir de la situation. Son mari et elle étaient des sans-papiers par ailleurs sous-locataires de Mme R______ depuis une année. Cette dernière leur avait demandé un loyer de CHF 1'300.- les deux premiers mois, puis de CHF 1'500.- par la suite. Les deux premiers mois le loyer avait été moins cher car Mme L______ R______ les avait invités à refaire les peintures de l’appartement. Le loyer avait été payé en espèces et Mme A______ n’avait reçu une quittance que pour les deux premiers mois.

Mme O______ lui ayant expliqué que la régie allait faire évacuer l’appartement, Mme A______ lui avait fait savoir qu’elle allait le quitter au plus vite.

18) Les clés du studio n’ayant pas été restituées au 1er mars 2010, une avocate, mandatée par les propriétaires du studio, a déposé le 15 mars 2010 une requête en évacuation par suite de fin de bail contre M. U______ R______ auprès du TBL et une demande en évacuation contre le couple A______ auprès du TPI. Elle les a informés de cette démarche par lettres du 18 mars 2010.

19) Le 18 mars 2010, Mme L______ R______ a demandé à Monsieur S______, assistant social à l’hospice, qu’il lui trouve un logement en urgence car elle était sur le point de se faire expulser du studio. Quelques jours plus tard, elle a informé l’hospice qu’elle était toujours dans le studio n’ayant pas reçu de réponse des régies auprès desquelles elle avait déposé des demandes de logement.

20) Le 12 avril 2010, Mme E______ R______ a écrit à M. S______. Sa fille était en grande difficulté. Il était nécessaire de lui trouver rapidement un nouveau logement. La situation était urgente, la régie ayant fait appel à un cabinet d’avocats en vue d’une expulsion de l’appartement.

21) Lors d’un entretien du 29 avril 2010, l’hospice aurait conseillé à
Mme L______ R______ de s’adresser à l’Association genevoise de défense des locataires, devenue depuis l’Association genevoise des locataires (ci-après : ASLOCA).

22) Pour donner suite à une demande de Mme L______ R______, l’hospice lui a remis une nouvelle attestation de prise en charge du loyer le 25 juin 2010.

23) Le 13 juillet 2010, Mme L______ R______ a demandé à l’hospice qu’un autre assistant social se charge de son dossier, M. S______ ne la soutenant pas suffisamment dans ses recherches de logement. Elle a par la suite plusieurs fois renouvelé cette demande.

24) Par jugement du le 5 octobre 2010, le TPI a condamné le couple A______ à évacuer immédiatement le studio.

Ni le couple A______ ni M. U______ R______ n’étaient présents lors des différentes audiences qui ont précédé ce jugement.

L’hospice, lequel n’aurait pas eu connaissance de ce jugement au moment où il a été rendu, a continué à aider financièrement Mme L______ R______ en prenant notamment en charge l’intégralité du loyer du studio.

25) Le 25 octobre 2010, le TPI a informé l’avocate des propriétaires que le jugement du 5 octobre 2010 adressé au couple A______ « p.a.  RB______, rue T______ ______, 1202 Genève » avait été retourné au tribunal avec la mention « le destinataire est introuvable à l’adresse indiquée ».

Interpellée par ladite avocate, la régie lui a expliqué, par courriels des 22 et
23 novembre 2010, qu’un employé de son service technique s’était rendu sur place. Il avait constaté qu’aucun nom ne figurait sur la boîte aux lettres ou sur la porte palière. La concierge, qui ne vivait toutefois pas sur place, n’avait par ailleurs vu personne « en relation avec cet appartement » et la boîte aux lettres était ouverte et vide.

26) Par jugement du 29 novembre 2010, devenu exécutoire le 9 février 2011, le TBL a condamné M. U______ R______ à évacuer immédiatement le studio. Défendeur dans la procédure devant cette juridiction, M. U______ R______ n’avait pas comparu.

27) Le 24 février 2011, l’OCP a informé la régie que Madame A______ ne figurait pas dans ses fichiers.

28) A teneur d’une note manuscrite non signée, M. U______ R______ aurait expliqué à la régie le 3 mars 2011 qu’il n’avait plus de contacts avec sa sœur ni avec sa mère. Il ne savait pas si quelqu’un occupait encore le studio. Selon la concierge, il n’y avait plus d’activité dans l’appartement et toujours pas de nom sur la boîte aux lettres ou la porte palière.

La régie a ensuite tenté à plusieurs reprises d’entrer en contact avec
M. U______ R______, sans toutefois y parvenir.

29) Le 4 août 2011, l’avocate des propriétaires a déposé une requête en exécution indirecte contre M. U______ R______ auprès du TBL afin qu’il ordonne l’expulsion de celui-ci.

30) Le TBL a tenu une audience de débats le 8 novembre 2011. M. U______ R______ n’était ni présent, ni représenté.

La représentante de l’hospice a indiqué qu’à sa connaissance Mme L______ R______ occupait toujours le studio, raison pour laquelle cette institution continuait à prendre en charge le loyer. L’avocate des propriétaires a expliqué que ces informations ne correspondaient pas à ce que la régie savait de la situation.

31) Par jugement du 9 novembre 2011, le TBL a autorisé les propriétaires du studio à faire exécuter par la force publique son jugement du 29 novembre 2010.

32) Le 14 novembre 2011, l’avocate précitée a transmis ce jugement à un huissier judiciaire, en vue de son exécution.

33) M. S______ a interpellé la régie le 17 novembre 2011. Il avait pris connaissance du procès-verbal de l’audience de débats du 8 novembre 2011 et souhaitait obtenir des précisions quant à la présence de Mme L______ R______ dans le studio.

Par courriel du même jour, la régie a transmis à M. S______ les informations en sa possession. Une de ses collaboratrices avait reçu un appel téléphonique des Services industriels de Genève (ci-après : SIG) le 14 novembre 2011 car ceux-ci venaient d’être informés par Mme L______ R______ de son installation dans le studio le 11 novembre 2011. Pour sa part, la régie n’avait appris que Mme L______ R______ sous-louait l’appartement qu’au moment où celle-ci avait demandé le transfert du bail à son nom en février 2010. A sa connaissance, le studio était vide depuis le départ du couple A______.

34) Le 18 novembre 2011, M. S______ a interrogé Mme L______ R______.

Il venait de prendre connaissance des informations contenues dans le procès-verbal de l’audience du 8 novembre 2011 et souhaitait des explications de sa part. Mme L______ R______ a alors confirmé habiter le studio depuis toujours. Elle ne l’avait pas sous-loué et elle n’était pas au courant de l’existence du jugement d’évacuation. M. S______ lui a dès lors demandé de fournir les preuves de ce qu’elle avançait, l’informant au surplus qu’elle ferait l’objet d’une décision de suspension de ses prestations et d’une demande de remboursement.

35) Ce même 18 novembre 2011, M. S______ a demandé à la régie la date à laquelle elle procéderait à l’évacuation du studio.

36) Par courrier du 19 novembre 2011 adressé à Mme Laurence I______, responsable d’unité à l’hospice, Mme L______ R______ a réagi suite à son entretien de la veille avec M. S______.

Elle avait eu la surprise d’apprendre qu’elle aurait sous-loué le studio à un couple avec enfant. Pour prouver qu’elle habitait bien dans l’appartement et que personne d’autre n’y vivait, elle avait proposé à M. S______ de venir immédiatement chez elle. Elle avait également demandé à pouvoir consulter son dossier et sollicité l’ouverture rapide d’une enquête sur sa situation.

Pour éviter la concierge qui était très curieuse, elle était contrainte de passer par les caves pour rentrer chez elle. La concierge questionnait en effet régulièrement ses invités sur l’occupation du studio, arrachait son nom sur sa boîte aux lettres et renseignait les SIG. Elle était dans une situation très difficile et sa formation d’aide-comptable était en péril.

37) Le 21 novembre 2011, la régie a rappelé à M. S______ et à Mme L______ R______ que la présence de celle-ci dans le studio était illicite. Le jugement d’évacuation était entre les mains de l’huissier judiciaire qui l’exécuterait dans le courant du mois de décembre 2011. Pour éviter une telle mesure, les clés pouvaient être rendues d’ici au 30 novembre 2011.

38) Lors d’un entretien du 2 décembre 2011, Mme I______ et M. S______ auraient soumis le jugement d’évacuation du 5 octobre 2010 à Mme L______ R______, laquelle aurait maintenu qu’elle ne connaissait pas le couple A______. Une aide financière ne comprenant pas le loyer lui a été octroyée pour les mois de décembre 2011 et janvier 2012.

39) Le 8 décembre 2011, la régie a invité l’avocate des propriétaires à faire procéder à l’évacuation, Mme L______ R______ n’ayant pas rendu les clés du studio dans le délai imparti.

40) Le 20 décembre 2011, Mme L______ R______ a remis à l’hospice trois attestations datées du 9 décembre 2011 et signées par Mesdames O______, P______ et M______.

Toutes trois certifiaient que Mme L______ R______, qu’elles connaissaient depuis des années, les avait invitées chez elle à plusieurs reprises.

41) Par courrier du 19 janvier 2012, Mme L______ R______ a informé la régie qu’elle venait d’être expulsée du studio le jour même.

Elle n’était pas présente au moment de l’expulsion mais avait autorisé la tante de son ami à y prendre une douche pendant sa pause. Elle souhaitait récupérer quelques affaires restés dans l’appartement.

42) Le 20 janvier 2012, l’huissier judiciaire a confirmé à la régie qu’il avait procédé à la fermeture de l’appartement dans lequel se trouvaient deux femmes d’origine brésilienne. La première, Madame D______, était sous-locataire de Mme L______ R______ depuis plus de onze mois et l’autre, une parente de passage.

Ce même 20 janvier 2012, Mme L______ R______ a téléphoné à l’hospice pour annoncer son expulsion.

43) Par courriel du 24 janvier 2012, la régie a informé M. S______, lequel s’était enquis de la situation le 13 janvier 2012, que l’appartement avait été « récupéré » par l’huissier judiciaire le 19 janvier 2012. Mme L______ R______ ne se trouvait pas dans le studio, lequel était occupé par une jeune étudiante venue du Brésil.

44) Par décision déclarée exécutoire nonobstant opposition du 26 janvier 2012, l’hospice, soit pour lui le centre d’action sociale des Grottes (ci-après : CAS), a mis un terme à l’aide financière qu’il accordait à Mme L______ R______, avec effet au 31 janvier 2012. Cette décision a été remise en mains propres à Mme L______ R______ le jour-même.

Elle n’habitait pas le studio et elle avait donné à l’hospice de faux renseignements. Son domicile effectif n’était pas connu et ce depuis le moment où elle avait commencé à recevoir une aide financière en 2004. Une demande de remboursement des prestations indûment perçues lui serait notifiée par la suite. Le droit de l’hospice de déposer une plainte pénale demeurait réservé.

45) Le 26 janvier 2012, Mme L______ R______ a formé opposition contre la décision du CAS auprès de la direction de l’hospice.

Elle ne connaissait pas Mme A______. Il était faux de prétendre qu’elle n’avait pas vécu dans le studio car elle n’avait aucun autre lieu où dormir. Pour preuves, les nombreuses demandes de logement qu’elle avait envoyées aux régies et les nombreuses fois où elle avait demandé à son assistant social de l’aider à trouver un autre logement car elle craignait de se retrouver à la rue.

Le jour de l’expulsion, elle ne se trouvait pas dans le studio car elle était avec sa mère. La seule personne présente dans le studio à sa connaissance était la tante de son ami. Elle ne voyait pas qui pouvait être l’étudiante brésilienne.

Sans logement, elle allait prochainement être hébergée chez son amie, Mme M______, à Versoix. Cette dernière a fait part à l’hospice, le 16 février 2012, de son indignation face à la situation de Mme L______ R______.

46) Par décision sur opposition du 24 février 2012, l’hospice a partiellement admis l’opposition et réduit les prestations d’aide financière allouées à Mme L______ R______ à hauteur du montant des prestations exceptionnelles pour une durée de douze mois, du 1er février 2012 au 31 janvier 2013.

Sur la base des informations reçues de la régie et des SIG (que l’hospice avait consultés précédemment), de celles contenues dans le jugement du TPI du 5 octobre 2010 et dans le procès-verbal de l’audience de débats devant le TBL le 8 novembre 2011, elle n’avait en réalité pas été domiciliée au ______, rue T______. Elle n’avait pas occupé le studio mais l’avait mis à disposition de tierces personnes. En donnant de fausses indications sur le lieu de son domicile, elle avait failli à son obligation de renseigner. Il s’agissait d’une violation extrêmement grave au vu de sa durée et de sa nature. Dans la mesure où il était établi qu’elle n’avait pas habité le studio mais qu’il n’était pas avéré avec une certitude suffisante qu’elle ne demeurait pas dans le canton de Genève, la décision du 26 janvier 2012 était annulée en tant qu’elle mettait fin à toute aide financière. Dès lors qu’elle avait gravement failli à son obligation de renseigner, Son comportement était sanctionné par une réduction des prestations.

47) Par acte posté le 2 mars 2012, Mme L______ R______ a recouru contre cette décision auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative).

De 2004 au 19 janvier 2012, date de son expulsion, elle avait vécu dans le studio de son frère. Le bail avait été au nom de ce dernier jusqu’au 28 février 2010, date à laquelle il l’avait résilié sans lui en parler. Il avait résilié ce bail parce qu’elle refusait de l’entretenir et non dans le but de pouvoir le lui transférer, comme l’affirmait l’hospice. Cette démarche aurait été trop risquée, la régie ayant déjà refusé de « l’inclure dans le bail avec son frère ». La régie devait avoir en sa possession la copie de l’état des lieux effectué le 9 février 2010 lequel portait sa signature. A cette occasion, la personne qui avait procédé à cet état des lieux ne lui avait pas demandé les clés du studio. Elle ne voyait pas pourquoi elle aurait sous-loué son logement alors qu’elle ne savait pas quand elle serait expulsée. Personne n’aurait accepté de se retrouver à la rue du jour au lendemain, encore moins avec un enfant.

Elle n’était pas présente au moment de l’expulsion. Elle n’avait pu récupérer que quelques affaires personnelles et avait laissé ses meubles dans le studio. Seule la tante de son ami, d’origine brésilienne et âgée de 50 ans, venait régulièrement au studio. Elle ne connaissait pas d’étudiante brésilienne qui aurait habité dans son logement. Elle ne connaissait pas non plus le couple A______.

Elle n’avait pas dit aux SIG qu’elle habitait le studio depuis novembre 2011. C’était au contraire l’employée des SIG qui lui avait indiqué qu’elle mettrait le compte à son nom dès cette date. Elle avait expliqué sa situation à cette personne. Elle vivait chez son frère depuis plusieurs années et expliqué qu’elle payait les factures libellées au nom de ce dernier. A la fin du printemps ou à l’été 2010, elle avait envoyé son amie, Mme O______, payer une facture CHF 100.- auprès des SIG. Il ne s’agissait donc pas de Mme A______.

Elle ne dormait plus beaucoup dans le studio depuis que M. S______ lui avait remis l’avis d’expulsion de la régie en décembre 2011. Elle y passait toutefois tous les jours. Elle avait fêté Noël à Versoix avec sa mère.

Elle avait demandé à M. S______ et à Mme I______ de venir dans le studio et de faire une enquête ce qu’ils n’avaient pas accepté.

Sa mère partageait son petit revenu pour l’aider. Elle logeait chez cette dernière le week-end et chez une amie la semaine. Elle avait dû abandonner ses cours de comptabilité et n’arrivait pas à trouver un emploi. Elle espérait bénéficier d’une formation par l’intermédiaire de l’hospice.

48) Le 16 avril 2012, l’hospice a produit ses observations concluant au rejet du recours.

Suite à la décision sur opposition du 24 février 2012, l’assistant social en charge du dossier et la responsable d’unité avaient reçu Mme L______ R______ à leur demande le 29 mars 2012. Des prestations d’aide financière lui avaient été versées rétroactivement au 1er février 2012.

Mme L______ R______, en alléguant avoir toujours habité le studio, avait donné de fausses indications à l’hospice quant à son lieu de vie durant une période qu’il était difficile de déterminer, mais il ne pouvait être exclu qu’elle s’étendait du 1er avril 2004 à la fin du mois de janvier 2012.

49) Le 17 avril 2012, le juge délégué a accordé aux parties un délai au 2 mai 2012 pour formuler toute requête supplémentaire.

50) Le 30 avril 2012, l’hospice a informé le juge délégué qu’il n’avait pas de requête complémentaire à formuler. Les prestations versées à Mme L______ R______ depuis le 1er février 2012 avaient été réduites à hauteur des prestations exceptionnelles, conformément à la décision sur opposition du 24 février 2012.

51) Dans un courrier du 9 mai 2012 intitulé « opposition sur sanction » et adressé à la chambre administrative, Mme L______ R______ a expliqué qu’elle faisait opposition « à la décision de Mme I______, chef de service du CASS des Grotttes et M. S______, conseiller social, concernant une retenue sur mes prestations de CHF 474,50.- ceci pour sanction ».

Lors d’un entretien du 29 mars 2012, M. S______ l’avait informée que l’hospice lui verserait ses prestations à compter du mois de janvier 2012. Elle n’avait constaté une diminution du montant de ses prestations de CHF 474,50 que lors d’un nouvel entretien avec l’hospice le 26 avril 2012, en prenant connaissance des décomptes de prestations.

Elle n’avait rien à se reprocher et avait par ailleurs retrouvé une quittance des SIG que sa mère avait réglée à son nom pour la période où on lui reprochait d’avoir sous-loué le studio. Elle avait présenté ce document à M. S______ lequel avait refusé d’en tenir compte.

Il revenait à l’hospice de faire une enquête de voisinage et non à elle de faire du porte à porte auprès de ses voisins qu’elle évitait « pour ne pas être dénoncé par l’un d’eux ». Un des voisins, Monsieur G______, lui avait offert des coquillages et un livre. Par crainte qu’il ne l’invite chez lui, elle ne souhaitait toutefois pas lui demander « un écrit » comme le lui avait suggéré M. S______.

52) Le 22 mai 2012, le juge délégué a transmis à l’hospice une copie du courrier précité. Il devait être considéré comme une demande de restitution de l’effet suspensif, un délai au 4 juin 2012 étant accordé à l’hospice pour qu’il se détermine sur cette demande.

53) Le 1er juin 2012, l’hospice s’en est rapporté à justice quant à la demande d’effet suspensif.

Lors d’un entretien du 29 mars 2012 l’assistant social et la responsable d’unité avaient expliqué à Mme L______ R______ le contenu de la décision sur opposition du 24 février 2012 et lui avaient rappelé qu’une sanction était prévue en raison de ses manquements.

54) Le 1er juin 2012 également, le TPI a transmis au juge délégué trois dossiers dans les procédures C/5528/2010, C/6353/2010 et C/15522/2011 qui concernaient le studio.

55) Le 15 juin 2012, la régie a adressé un courrier et un chargé de pièces au juge délégué. Il y sera fait référence en tant que de besoin.

56) Le 25 juin 2012, le juge délégué a tenu une audience de comparution personnelle des parties.

Mme L______ R______ et son frère, régulièrement convoqués, ne se sont pas présentés sans être excusés. Quant à la représentante de l’hospice, elle a déclaré que ce dernier persistait intégralement dans les termes de sa décision.

Les personnes suivantes ont été entendues comme témoins.

a. La représentante de la régie a expliqué avoir eu des contacts téléphoniques avec M. U______ R______ après la résiliation du bail. Il avait indiqué ne plus avoir de contacts avec sa mère et sa sœur. Il souhaitait rendre l’appartement, mais il ne pouvait pas le faire car cette dernière en avait les clés.

Au début de la procédure d’évacuation, sa collègue avait eu un contact avec un couple qui s’était présenté à la régie en indiquant être sous-locataire. Elle l’avait informé du fait qu’il risquait d’être expulsé du studio par la police. La régie n’avait plus eu d’autres contacts avec ce couple qui avait probablement quitté le logement.

Elle n’avait pas d’informations sur la personne qui se trouvait dans le studio au moment de l’évacuation réalisée par l’huissier judiciaire.

b. Mme O______ était une amie d’enfance de Mme L______ R______. Elles se voyaient occasionnellement, à savoir environ deux fois par mois.

Avant son évacuation, Mme L______ R______ vivait dans son appartement à la rue T______ depuis cinq ou six ans. Elle allait régulièrement l’attendre en bas de chez elle. Mme O______ avait aussi mangé chez son amie et, à sa connaissance, elle n’avait pas hébergé d’autres personnes ni sous-loué son logement.

c. Mme P______ était une amie de Mme L______ R______ qu’elle connaissait depuis au moins dix ans.

Avant l’expulsion, elles se rencontraient soit dans le studio, composé d’un petit corridor, d’une grande pièce et d’une petite cuisine, soit en bas de l’immeuble. Mme P______ n’avait pas vu d’autres personnes loger dans le studio et à sa connaissance, il n’y avait pas eu de longues périodes pendant lesquelles
Mme L______ R______ n’aurait pas été chez elle.

d. Mme M______ connaissait Mme L______ R______ depuis quinze ans. Cette dernière lui avait dit qu’elle s’était fait évacuer de son logement et depuis il lui arrivait de la dépanner en la logeant.

Pour 2011 et les années précédentes, Mme M______ ne savait pas exactement ce qui s’était passé même si, sous réserve d’une période de quatre ou cinq mois, elle avait fréquenté régulièrement Mme L______ R______ qu’elle retrouvait soit dans son appartement, soit en bas de l’immeuble.

Elle n’avait pas vu d’autres personnes dans le studio, si ce n’était le copain de Mme L______ R______. Il n’y avait pas eu de périodes de plusieurs mois où elle ne s’était pas rendue dans le studio. A une reprise, un membre de la famille de son ami avait logé dans le studio pendant une quinzaine de jours.

57) Le 3 septembre 2012, le juge délégué a tenu une nouvelle audience de comparution personnelle des parties.

M. U______ R______, témoin régulièrement convoqué, ne s’est à nouveau pas présenté sans être excusé. Les parties ont renoncé à son audition.

Mme L______ R______ a confirmé les termes de son recours et indiqué avoir pris connaissance des déclarations faites par les témoins lors de l’audience du 25 juin 2012.

Elle a maintenu avoir été sous-locataire du studio dont son frère était le locataire principal. Elle s’y était installée en 2004 ou 2005, au début avec son frère. Ce dernier avait des problèmes et y logeait de moins en moins. Finalement, il était parti. Elle avait obtenu avec difficulté qu’il signe un document aux termes duquel il lui laissait l’appartement. Sa grand-mère avait dû régler plusieurs factures en retard que son frère avait laissées. A un certain moment, il était revenu car il voulait récupérer la caution de l’appartement. Elle avait refusé de lui donner de l’argent. Après lui avoir causé divers problèmes, comme casser la boîte aux lettres, il avait résilié le bail.

A part son ami et le fils de ce dernier qui étaient occasionnellement venus dormir le week-end, personne d’autre n’avait logé dans le studio. A quelques reprises différentes personnes étaient venues visiter l’appartement expliquant que la concierge, qu’elles connaissaient, leur avait dit qu’il devait se libérer.

Lors de l’évacuation, elle se trouvait dans le bureau de sa mère. La tante de son ami et sa fille, qui n’y dormaient pas, se trouvaient dans l’appartement. Elles l’avaient informée de la présence des huissiers.

Elle n’avait plus de nouvelles de son frère depuis le mois de février. Il ne l’avait pas informée des convocations pour les audiences en matière de baux et loyers.

Elle était très surprise des affirmations de la régie avec laquelle elle avait eu plusieurs contacts au cours des années, notamment pour la réparation des stores.

L’abonnement des SIG avait été au nom de sa mère puis au nom de son frère. Elle réglait les factures qu’elle recevait et était intervenue après que sa boîte aux lettres avait été fracturée car elle ne recevait plus de facture. Elle ne voulait en effet pas risquer une coupure de courant qui avait malgré tout eu lieu.

58) Invités par le juge délégué à fournir des renseignements sur les titulaires de l’abonnement SIG pour le studio depuis 2004, ces derniers ont répondu par courrier du 19 octobre 2012.

Du 31 octobre 2000 au 2 février 2010, l’abonnement avait été au nom de M. U______ R______ et du 3 février au 25 juillet 2010 au nom de sa mère. Du 26 juillet 2010 au 7 novembre 2011, l’abonnement avait été au nom de Mme A______. Ils l’avaient annulé suite à des enquêtes. Le 8 novembre 2011, les SIG avaient abonné Madame V______, puis annulé cet abonnement sur appel de Mme L______ R______ le 23 novembre 2012, laquelle avait indiqué ne pas connaître cette personne. Sur la base de cet appel, ils avaient rétroactivement, soit au 8 novembre 2011, mis l’abonnement au nom de Mme L______ R______. Le compte avait finalement été résilié le 1er mars 2012, suite à une demande de la régie.

Les SIG n’étaient pas en mesure de fournir des informations sur les donneurs d’ordre, les paiements ayant été effectués au moyen des BVR joints aux factures. Quelques paiements avaient toutefois été effectués par Mme E______ R______ entre le 3 février et le 25 juillet 2010.

59) Le juge délégué a imparti à Mme L______ R______ et à l’hospice un délai au 23 novembre 2012 pour d’éventuelles observations après enquêtes.

60) Le 23 novembre 2012, l’hospice a persisté dans ses conclusions.

Il ressortait des pièces versées à la procédure par la régie que M. U______ R______ avait informé cette dernière, en mai 2005, qu’il occupait le studio avec son cousin. En outre, suite au constat effectué par l’huissier judiciaire et grâce aux informations transmises par les SIG, la présence dans le studio du couple A______ comme celle de Mme D______ étaient avérées.

L’ensemble des faits démontrait que le studio avait été sous-loué à des tiers, les témoignages des amies de Mme L______ R______ étant insuffisants à prouver le contraire.

61) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Mme L______ R______ allègue que l’hospice a fondé sa décision sur des faits inexacts.

a. Selon le principe de la libre appréciation des preuves, qui s’applique en procédure administrative, le juge apprécie librement les preuves, sans être lié par des règles formelles, en procédant à une appréciation complète et rigoureuse des pièces. Dès lors, le juge doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu’en soit la provenance, puis décider si le dossier à disposition permet de porter un jugement valable sur le droit litigieux (ATA/722/2012 du
30 octobre 2012 consid. 3a et les arrêts cités).

b. La procédure administrative est en outre régie par la maxime inquisitoire selon laquelle le juge établit les faits d’office, sans être limité par les allégués et offres de preuves des parties (art. 19 et 76 LPA). Pour fonder sa décision, la juridiction administrative doit ainsi réunir les renseignements et procéder aux enquêtes nécessaires (art. 20 al. 1 LPA), soit ordonner les mesures d’instruction aptes à établir les faits pertinents pour l’issue de la cause. A cet effet, elle peut recourir aux moyens de preuve suivants : documents, interrogatoires et renseignements des parties, témoignages et renseignements de tiers, examen par l’autorité ou expertise (art. 20 al. 2 LPA).

Le principe de l’établissement des faits d’office n’est toutefois pas absolu. Sa portée est restreinte par le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits (art. 22 LPA). Celui-ci comprend en particulier l’obligation des parties d’apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d’elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l’absence de preuves (Arrêts du Tribunal fédéral 8C_1034/2009 du 28 juillet 2010 consid. 4.2 ; 9C_926/2009 du 27 avril 2010 consid. 3.3.2 et les références citées ; ATA/830/2012 du 11 décembre 2012 consid. 5 et les arrêts cités).

c. En l’espèce, Mme R______ et l’hospice ont pu s’exprimer par écrit mais également oralement lors des audiences de comparution personnelle. Des témoins ont été auditionnés et les parties ont versé à la procédure toutes les pièces qu’elles estimaient utiles. La chambre de céans dispose donc d’un dossier complet qui lui permet de trancher le litige et de se prononcer sur les griefs soulevés, même si les parties divergent sur les faits pertinents.

d. Selon l’hospice, Mme L______ R______ n’aurait pas été domiciliée dans le studio de la rue T______, ceci pendant une période qu’il n’est pas possible de déterminer avec précision. Mme L______ R______ soutient quant à elle avoir toujours habité le studio de la rue T______ entre 2004 et le 19 janvier 2012 et que personne d’autre n’y aurait vécu. Elle a toujours affirmé ne pas connaître le couple A______, Mme D______ ou une quelconque étudiante brésilienne.

e. Les informations réunies par l’hospice, ainsi que celles obtenues par le juge délégué, notamment auprès des SIG et de la régie, sont probantes, constantes et concordantes.

Tant la régie que les SIG ont en effet, chacun de leur côté, fait état de la présence du couple A______ dans le studio. La régie a fourni à ce propos un chargé de pièces contenant une note très précise établie le 2 mars 2010 par une de ses collaboratrices et faisant état de la visite de Mme A______, visite au cours de laquelle elle a expliqué sous-louer le studio. Le vraisemblable statut de sans-papier du couple explique pourquoi, dans sa réponse du 24 février 2011 à la régie, l’OCP a indiqué qu’il ne figurait pas dans ses fichiers. Le nom du couple A______ apparaît également dans la liste des personnes abonnées par les SIG. Même si les dates de cet abonnement, à savoir du 26 juillet 2010 au 7 novembre 2011, semblent correspondre à une période où il avait déjà quitté le studio, il n’en demeure pas moins que les SIG comme la régie ont, à un moment ou à un autre, eu connaissance de la présence du couple A______. A cela s’ajoute le constat sans appel effectué le 19 janvier 2012 par l’huissier judiciaire quant à la présence dans le studio de Mme D______ depuis plus de onze mois, information qui se recoupe parfaitement avec l’abonnement établi par les SIG au nom de cette dernière le 8 novembre 2011.

f. Malgré les éléments probants produits par l’hospice, Mme L______ R______ a toujours campé sur ses positions. Elle a ainsi affirmé, dans ses recours des 26 janvier 2012 et 2 mars 2012, que seule la tante de son ami se trouvait dans le studio le jour de l’expulsion. Elle s’est toutefois contredite lors de l’audience de comparution personnelle du 3 septembre 2012, puisqu’à cette occasion elle a indiqué que non seulement cette tante mais également la fille de cette dernière se trouvaient dans le studio ce jour-là. Mme L______ R______ a contesté en outre les faits retenus par l’hospice en expliquant qu’elle n’aurait pas pu sous-louer le studio car elle ne disposait pas d’un autre endroit où dormir. Dans le courant des mois de mars et avril 2010, la recourante et sa mère sont intervenues auprès de l’hospice pour l’informer que la procédure d’évacuation était à bout touchant. Mme E______ R______ était au courant, sans préciser comment elle avait eu cette information, que la régie avait fait appel à un avocat pour mener cette procédure à bien. On comprend dès lors mal pourquoi, face à une telle urgence et si comme elle affirme elle craignait de se retrouver à la rue, la recourante n’a pas cherché à se défendre en prenant par exemple contact avec l’ASLOCA, comme l’hospice le lui avait conseillé, ou encore avec la régie pour connaître l’état des procédures ou le nom dudit avocat.

Les témoignages des trois amies de la recourante, qui doivent être relativisés vu les liens existants entre elles, ne suffisent pas à démontrer que cette dernière a toujours vécu dans le studio, Mme L______ R______ pouvant en outre y recevoir du monde si, comme cela n’est pas exclu, à certaines périodes personne ne s’y trouvait. Et contrairement à ce qu’affirme la recourante, il lui appartenait, dans les limites du raisonnable, de rapporter la preuve qu’elle avait toujours vécu dans le studio. Comme M. S______ l’avait invitée à le faire, elle aurait ainsi pu réunir des témoignages de ses voisins. Dans son courrier du 9 mai 2012, elle a justifié l’absence d’une telle démarche par le fait qu’elle les évitait « pour ne pas être dénoncée par l’un deux », propos qui, loin de conforter la position de la recourante, mettent à mal l’hypothèse de sa présence continue à la rue T______.

Quant aux fichiers de l’OCP mentionnant l’adresse officielle de la recourante, ______, rue T______, ils ne sont que le reflet des informations qu’elle a transmises à cet office et ils ne constituent pas une preuve suffisante de sa présence continue à cette adresse entre 2004 et 2012.

g. A teneur des pièces figurant au dossier, il y a donc lieu d’admettre que d’autres personnes ont vécu dans le studio alors que Mme R______ n’y vivait pas, même s’il n’est pas possible de définir précisément depuis quand et à quelles périodes. De sérieux doutes subsistent par ailleurs quant aux éventuelles sommes qu’elle aurait perçues en sous-louant ce logement. L’hospice n’ayant pas retenu ce grief, il n’y sera toutefois pas donné suite.

h. Au vu de ce qui précède, les faits retenus par l’hospice à l’appui de sa décision du 24 février 2012 doivent donc être tenus pour établis.

3. Reste à examiner si la sanction prononcée par l’hospice est conforme au droit.

a. Selon l'art. 32 al. 1 de la loi sur l’insertion et l’aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04), le demandeur d'aide sociale doit fournir gratuitement tous les renseignements nécessaires pour établir son droit et fixer le montant des prestations d'aide financière. En cas de modification des circonstances, le bénéficiaire doit immédiatement déclarer à l'hospice tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations d'aide financière qui lui sont allouées ou leur suppression (art. 33 al. 1 LIASI).

Le document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l’hospice » concrétise cette obligation de collaborer en exigeant du demandeur qu'il donne immédiatement et spontanément à l'hospice tout renseignement et toute pièce nécessaires à l'établissement de sa situation personnelle, familiale et économique tant en Suisse qu'à l'étranger.

b. Les prestations d'aide financière peuvent être réduites, suspendues, refusées ou supprimées lorsque le bénéficiaire, intentionnellement, ne s'acquitte pas de son obligation de collaborer, ou lorsqu'il refuse de donner les informations requises, donne des indications fausses ou incomplètes ou cache des informations utiles (art. 35 al. 1 let. c et d LIASI).

L’art. 35 du règlement d'exécution de la LIASI du 25 juillet 2007 (RIASI - J 4 04.01) prévoit que les prestations d’aide financière peuvent être réduites dans les cas visés à l’art. 35 de la loi pendant une durée maximale de 12 mois (al. 1). En cas de manquement grave, le forfait pour l'entretien de la personne fautive est réduit aux montants de l’aide financière exceptionnelle prévue par l’art. 19 et toutes ses prestations circonstancielles sont supprimées, à l'exception de la participation aux frais médicaux et aux frais dentaires, au sens de l'art. 9 al. 2 à 4, (al. 3). Le degré de réduction est fixé en tenant compte des circonstances du cas d’espèce (al. 4). Cette disposition concrétise le principe de la proportionnalité, qui impose que la mesure litigieuse soit apte à produire les résultats attendus et que ceux-ci ne puissent pas être atteints par des mesures moins incisives. Ce principe interdit en outre toute limitation qui irait au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics et privés compromis (ATA/847/2010 du 30 novembre 2010 consid. 12 et la jurisprudence citée).

c. Dès lors qu’en l’espèce la recourante n’a pas fourni à l’hospice toutes les informations utiles au calcul de ses prestations, elle n’a pas respecté son devoir d’informer. Les informations relatives à son domicile effectif ou à la présence d’autres personnes dans le logement qu’elle était censé occupé constituant des éléments essentiels au calcul de ses prestations, ses manquements doivent être qualifiés de graves. L’hospice était dès lors fondé à réduire au barème de l’aide financière exceptionnelle les prestations de la recourante dès le 1er février 2012 et ce pour une année. Si par décision du 26 janvier 2012, le CAS avait mis un terme à toute aide financière, l’hospice a prononcé une sanction moins sévère dans sa décision sur opposition du 24 février 2012. Ce faisant, il a tenu compte du cas d’espèce et respecté le principe de la proportionnalité. Sa décision est dès lors conforme au droit.

4. Le 9 mai 2012, la recourante a adressé une demande de restitution de l’effet suspensif à la chambre de céans. Le présent arrêt tranchant le litige sur le fond, cette demande est devenue sans objet.

5. Le recours sera donc rejeté. Vu la nature du litige, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 10 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée à la recourante, qui succombe (art. 87 LPA). Les frais de procédure seront laissés à la charge de l’Etat de Genève.

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 2 mars 2012 par Madame L______ R______ contre la décision de l'Hospice général du 24 février 2012 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d'émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

laisse les frais de procédure, soit CHF 100.-, à la charge de l’Etat de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Madame L______ R______, ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Hurni, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :