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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3581/2017

ATA/1327/2018 du 11.12.2018 ( FPUBL ) , ADMIS

Descripteurs : DROIT DE LA FONCTION PUBLIQUE ; FONCTIONNAIRE ; EMPLOI(TRAVAIL) ; DÉCISION ; SUSPENSION DU DROIT À L'INDEMNITÉ ; NULLITÉ ; RAPPORTS DE SERVICE DE DROIT PUBLIC ; LICENCIEMENT ADMINISTRATIF ; RÉSILIATION ; INCAPACITÉ DE TRAVAIL ; CERTIFICAT MÉDICAL ; MÉDECIN-CONSEIL ; RÉSILIATION EN TEMPS INOPPORTUN
Normes : CO.336c.al1.letb; CO.336c.al2; RPAC.44A; LPAC.54.al4
Résumé : Constatation de la nullité d'une décision de résiliation des rapports de service d'une fonctionnaire car donnée en temps inopportun, soit pendant une période d'incapacité de travail en raison de maladie. Le préavis du médecin-conseil, non motivé, rendu après une heure d'entretien, qui conteste l'incapacité de travail ne saurait valablement mettre en doute l'incapacité attestée par plusieurs certificats médicaux, dont l'employeur avait connaissance. Recours admis contre une décision de suppression des indemnités journalières, les conditions légales de cette suppression n'étant pas remplies.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3581/2017-FPUBL ATA/1327/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 11 décembre 2018

 

dans la cause

 

Mme A______
représentée par Me Guillaume De Candolle, avocat

contre

DéPARTEMENT DES FINANCES et des ressources humaines



EN FAIT

1) Mme A______, née B______ le ______ 1963, a été engagée en qualité de commise administrative auxiliaire du 2 au 31 mai 1996 par le département des finances au service de l’administration fiscale cantonale
(ci-après : AFC).

Son contrat a ensuite été renouvelé à plusieurs reprises et dès le 1er juillet 1998, Mme A______ a été engagée en qualité d’employée en classe de traitement 5, annuité 9, pour une activité à 100 %. Le 1er janvier 2000, Mme A______ a été nommée fonctionnaire.

Dès le 28 mai 2003, Mme A______ a été promue à la fonction d’opératrice de saisie au service des indépendants de l’administration fiscale, en classe de traitement 08/11.

Dès le 1er janvier 2007, son taux d’activité est passé à 80 % et dès le 1er septembre 2014 à 70 % à sa demande.

2) Concernant les absences pour cause de maladie, il ressort du dossier remis par le département que Mme A______ a cumulé en 2008 trois cent trente et un jours incluant les weekends et jours de congés par période d’absence ; en 2009, cent quinze jours ; en 2010, cent soixante-quatre jours ; en 2011, septante jours ; en 2012, cent cinquante-quatre jours ; en 2013, cent deux jours ; en 2014 cent quatre-vingt-six jours ; en 2015, deux cent nonante et un jours et en 2016 quinze jours.

3) S’agissant de la situation fiscale de l’intéressée, le 22 février 2005, l’AFC a fait parvenir une ultime mise en garde avant sanction disciplinaire à
Mme A______, celle-ci ayant fait l’objet de taxations d’office pour les années fiscale 2001, 2002 et 2003 et n’avait pas déposé les déclarations fiscales 2001B, 2002 et 2003 malgré de nombreux rappels et sommation. Le 1er juillet 2015, l’AFC a envoyé deux rappels à Mme A______ concernant ses déclarations fiscales pour les années 2013 et 2014. Le 26 avril 2016, l’AFC a envoyé un rappel à Mme A______ concernant sa déclaration fiscale 2015.

4) Les éléments suivants figurent dans le dossier du département au sujet du parcours professionnel de Mme A______ depuis 2008.

a. Le 18 février 2008, Mme A______ a été affectée auprès du service de la numérisation nouvellement créé. Son responsable hiérarchique était M. C______. Ayant refusé d’intégrer les nouveaux locaux, au motif que l’atmosphère régnant dans ce local était incompatible avec sa santé, elle a produit un certificat médical émanant de son médecin traitant indiquant « qu’une ambiance réchauffée dans le lieu de travail lui serait favorable ». L’arrêt de travail de Mme A______, attesté par certificats médicaux, a pris fin, après intervention du Dr D______, médecin-conseil auprès du service de santé de l’office du personnel (ci-après : SPE), qui a rendu deux préavis de reprise d’activité, à 50 % le 31 mars 2009 puis à 100 % le 19 mai 2009.

Lors d’un entretien avec Mme E______, responsable RH, le
28 mai 2009, il été a constaté de nombreuses absences de courte durée ainsi que de fréquentes visites chez le médecin. Mme A______ a confirmé souffrir d’asthme et avoir sollicité le SPE afin de déterminer si l’environnement de travail péjorait ou non son état de santé. Un certificat médical dès le 1er jour d’absence devait être fourni à M. C______ et les règles en matière d’absences pour rendez-vous médicaux, de communication des absences et de planification des vacances ont été rappelées à cette occasion.

Le 22 janvier 2010, lors d’un nouvel entretien avec la responsable RH, il a été demandé à Mme A______ de fournir un certificat médical attestant de l’impossibilité d’effectuer des tâches de scannage. Une évaluation avait été effectuée par des médecins du travail dans les locaux professionnels à la demande du médecin-conseil. Celle-ci concluait qu’aucun élément objectif ne justifiait d’écarter Mme A______ des activités de scannage.

b. Par décision du 4 août 2010, le conseiller d’État en charge du département a constaté une violation des devoirs de service de Mme A______. Au terme d’une procédure d’investigation du groupe de confiance, une atteinte à la personnalité d’une collègue avait été constatée.

c. Le 4 août 2010, lors d’un entretien avec la responsable RH, il a été rappelé à Mme A______ les objectifs quantitatifs qui n’avaient pas été atteints les derniers mois. Un solde négatif de moins quarante heures devait également être rattrapé.

d. Lors d’un entretien de service du 13 septembre 2010, Mme A______ a été suspendue pour enquête, M. C______ ayant eu connaissance d’éléments contradictoires en lien avec des erreurs graves dans la numérisation de dossiers le 3 septembre 2010 par Mme A______. Cette dernière a indiqué se sentir constamment surveillée par M. C______. Le 6 octobre 2010, l’enquête administrative pour faute grave a été stoppée à la demande de M. C______.

e. Lors d’un entretien d’évaluation et de développement du personnel
(ci-après : EEDP) du 27 juin 2011, portant sur la période du 18 février 2008 au
27 juin 2011, la responsable RH a fait part de ses doutes concernant le changement de Mme A______ et son espoir de se tromper. Mme A______ a relevé qu’elle se sentait bien dans le service, qu’elle appréciait d’avoir M. F______ comme chef de groupe et pensait que celui-ci serait un facteur important dans sa motivation.

f. Le 27 juin 2012, la responsable RH a demandé à Mme A______, absente depuis le 8 juin 2012 et dont le certificat médical remis indiquait une absence probable au 15 juin 2012, de justifier son absence par retour du courrier.

g. Le 4 novembre 2013, l’EEDP périodique retenait de la part du responsable hiérarchique qu’il y avait eu un effort fait, mais encore insuffisant. Il aurait aimé que l’intéressée continue dans ce sens et que ce ne soit pas en « dents de scie ». Mme A______ indiquait qu’elle aimerait s’inscrire à des cours et effectuer d’autres tâches dans le service.

h. Le 17 décembre 2013, lors d’un entretien de service, il a été reproché à Mme A______ d’avoir détecté des erreurs de scannage mais de ne pas les avoir traitées. Une problématique similaire avait déjà fait l’objet d’un avertissement en novembre 2011. Un blâme était prononcé.

i. Le 6 mars 2014, il a été rappelé à Mme A______ par M. G______, responsable RH, de présenter par courrier du même jour un certificat médical dès le 1er jour d’absence. Son absence depuis le 10 février 2014 n’était toujours pas justifiée.

Le 1er avril 2014, le Dr H______, médecin du travail au SPE a informé M. G______ que les problématiques de santé de l’intéressée étaient prises en charge et traitées d’une manière optimale et qu’elles n’étaient pas en lien causal avec les éléments observés dans le milieu de travail.

j. Le 11 avril 2014, lors d’un entretien de service, il a été reproché à Mme A______ de n’avoir pas respecté la procédure d’annonce d’absence pour des vacances du 2 au 27 janvier 2013 et de n’avoir pas annoncé ses absences pour raisons de santé du 10 février au 17 mars 2014. Une sanction disciplinaire était envisagée. Mme A______ aurait exposé qu’il n’y avait rien à faire pour l’aider à se conformer aux règles et procédures mais qu’elle n’était pas de mauvaise foi. Le rapport de l’entretien n’a pas été signé par Mme A______.

Le 3 décembre 2014, le secrétariat général du département a fait parvenir à Mme A______ un rappel des règles en matière de suivi des absences. Le rapport d’entretien du 11 avril 2014 était joint. Aucun certificat médical ne couvrait son absence depuis le 1er décembre 2014.

Le 3 février 2015, Mme I______, directrice du contrôle interne et des services généraux du secrétariat général du département, a infligé un blâme à Mme A______ pour les faits relevés dans l’entretien de service du 11 avril 2014.

k. Le 18 septembre 2015, lors d’un entretien de reprise de service, après un arrêt maladie ayant débuté le 18 août 2014, il a été demandé à Mme A______ par la responsable RH un strict respect des règles ainsi que des objectifs de production du service.

l. Il ressort d’un échange de courriels entre Mme A______, M. F______ et Mme J______ du SPE du 9 et 13 novembre 2015 que Mme A______ ne s’était pas présentée à un entretien de suivi au SPE en raison du retard d’un avion au retour de vacances.

m. M. G______ indiquait à l’intéressée le 13 novembre 2015 par courrier que compte tenu du refus de son médecin de communiquer avec le SPE, son suivi était clos sous l’angle médical. Vu les très nombreuses absences depuis 2008 (plus de mille quatre cents jours), il s’interrogeait sur son aptitude à remplir les exigences du poste en raison de son état de santé précaire et espérait que de nouveaux épisodes d’absences ne surviendraient plus à l’avenir.

n. Le 4 février 2016, Mme A______ a eu un entretien avec M. K______, chef de groupe, au sujet d’erreurs que celui-ci avait constatées, datant du 2 février 2016. Divers problèmes avaient engendré une perte de temps considérable pour plusieurs collaborateurs et il était probable que des documents originaux ne puissent plus être retrouvés.

Par courriel du 8 février 2016, M. F______ a demandé à Mme A______ de faire attention à ses erreurs. Depuis une semaine il y en avait beaucoup. Un délai de deux semaines lui était fixé pour « corriger le tir ». Un point de situation serait fait le 8 mars 2016 avec un contrôle quantitatif et qualitatif.

Lors de l’EEDP du 29 février 2016, un délai de trois mois a été fixé par MM. K______ et F______ à Mme A______ pour respecter les objectifs quantitatifs et qualitatifs et faire moins d’erreurs.

Le 11 août 2016, M. K______ a informé Mme A______ lors d’un entretien confirmé par courriel que depuis une semaine des erreurs d’inattention répétitives avaient été remarquées. Un point de la situation serait fait le
1er septembre 2016.

Le 10 octobre 2016, M. F______ a demandé à Mme A______ par courriel de faire plus attention à son travail et lui a fixé un délai d’une semaine pour régler le problème.

Le 21 octobre 2016, M. K______ a informé M. F______ par courriel de plusieurs erreurs commises par Mme A______ entre le 11 août 2016 et le 30 août 2016.

Le 24 octobre 2016, M. F______ a constaté par courriel adressé à Mme A______ que l’objectif fixé n’avait pas été atteint. De nombreuses erreurs d’inattention subsistaient.

o. Le 31 octobre 2016, M. G______ a confirmé à Mme A______ la teneur d’un entretien du même jour avec M. K______ lors duquel il avait été constaté que son état de santé depuis mars 2008 était très préoccupant. Si celui-ci ne s’améliorait pas, il paraissait incompatible avec la fonction qu’elle exerçait. La prochaine absence serait évaluée sous l’angle juridique et la voie de fin des rapports service pourrait être prise.

p. Par courriels des 10 et 15 novembre 2016, M. F______ a signalé à Mme A______ deux erreurs qu’elle avait commises, l’une en juillet et l’autre, le 15 novembre 2016.

5) a. Le 13 janvier 2017, Mme A______ a été convoquée par M. F______ à un entretien de service le 6 février 2017 qui aurait lieu en présence de M. K______, Mme I______ et M. L______, directeur RH du département, en vue de l’entendre sur l’insuffisance de ses prestations, s’agissant de la qualité et de la quantité du travail et sur l’inaptitude à remplir les exigences du poste notamment en raison des absences répétées et non planifiées, du comportement vis-à-vis des collègues et de la hiérarchie et de sa situation fiscale.

Ces faits, s’ils étaient avérés, constitueraient des manquements aux devoirs du personnel et étaient susceptibles de conduire à la résiliation des rapports de service pour motif fondé.

b. Le 27 janvier 2017, le Dr M______, a adressé un courrier à M. L______ concernant Mme A______ dont il était le médecin traitant. Il certifiait avoir conseillé à celle-ci de ne pas se présenter à l’entretien prévu le 6 février 2017, pour des raisons médicales. Cet événement représentait un facteur psycho-stressant important qui avait déterminé un début de décompensation de son trouble psychique.

c. Par courrier du 2 février 2017 adressé à M. L______, Mme A______ a confirmé qu’en raison de problèmes de santé qu’elle ne voulait pas évoquer en présence de M. F______, elle ne pourrait être présente à l’entretien du 6 février 2017. Elle ne reconnaissait pas les faits reprochés en totalité. Ses absences répétées et non planifiées étaient indépendantes de sa volonté et justifiées par des certificats médicaux. Elle avait atteint ses objectifs quantitatifs, comme le prouvaient les statistiques en mains de M. F______. Elle ne niait pas les fautes d’inattention, qu’elle expliquait par le harcèlement moral qui durait depuis longtemps et s’était intensifié, atteignant sa santé. M. F______ lui adressait des courriels dans lesquels il la rabaissait et la traitait comme une incapable, la traquant sans fin. Celui-ci ne s’était jamais soucié de sa santé ni ne lui avait jamais demandé si elle avait des problèmes ou préoccupations qui l’empêchaient de se concentrer. Elle avait reçu des rappels pour des erreurs qui n’avaient pas eu lieu sous les ordres de M. F______. Elle ne comprenait pas pourquoi celui-ci possédait l’historique de son dossier. Le dernier EEDP rédigé par M. K______ avait été modifié par M. F______ en sa défaveur et il lui avait ordonné de le signer sous la menace de se « retrouver chez M. G______ ». Elle demandait à être déplacée dans un autre service afin de retrouver une sérénité professionnelle normale.

6) Par envoi du 6 février 2017, M. L______ a libéré Mme A______ de son obligation de travailler, si elle donnait son accord à cette mesure, au vu de son état de santé et pour garantir la bonne marche du service.

Par envoi du même jour, un compte rendu de l’entretien de service du 6 février 2017 a été envoyé à Mme A______ par M. L______, lequel retraçait les éléments du parcours professionnel de l’intéressée depuis 2008.

L’employeur envisageait de résilier les rapports de service pour motif fondé et compte tenu des faits en cause, il envisageait de renoncer à ouvrir une procédure de reclassement. Au vu des manquements reprochés à Mme A______, un reclassement apparaissait illusoire, dans la mesure où cela revenait à reporter dans un autre service les problèmes de comportement et de santé de
Mme A______.

7) a. Le 7 février 2017, Mme A______ a donné son accord concernant sa libération de son obligation de travailler en raison de son état de santé. Elle a remis un certificat médical daté du 3 février 2017 signé par le Dr M______.

Des certificats médicaux du Dr M______ des 3 février, 7 mars, 3 avril, 2 mai et 5 juin 2017, indiquant une capacité de travail nulle pour une durée indéterminée pour raison de maladie ont ensuite été remis régulièrement par Mme A______ au département.

b. Le 9 février 2017, M. L______ a indiqué à Mme A______ qu’il prenait note de son accord de principe pour être libérée de l’obligation de travailler, mais que l’absence pour cause de maladie prévalait sur la libération de l’obligation de travailler envisagée.

c. Le 7 mars 2017, Mme A______, sous la plume de son conseil, a fait parvenir une demande de prolongation du délai pour déposer ses observations au département.

d. La prolongation du délai de trente jours, fixé au 13 mars 2017, a été refusée par le département en date du 10 mars 2017.

8) a. Le 13 mars 2017, Mme A______ a transmis au département un courrier du Dr M______.

Sa patiente présentait un trouble bipolaire type II qui avait évolué pendant plusieurs années sous forme de dépressions récurrentes. Ce diagnostic avait été posé par le Dr N______, psychiatre, en octobre 2014. L’évolution avait été bonne, la patiente étant venue régulièrement en consultation et avait pris correctement son traitement psychotrope. Elle présentait une sensibilité accrue aux facteurs de stress sur le plan social, professionnel, familial et émotionnel. Elle avait pu présenter dans les deux dernières années une baisse légère du fonctionnement cognitif (attention, concentration, mémorisation), à cause de son traitement. Celui-ci avait été modifié dernièrement car la patiente présentait des signes de décompensation suite aux facteurs de stress professionnels. Elle était particulièrement sensible à l’environnement professionnel, en particulier toute remarque injustifiée ou non fondée, ou une pression disproportionnée exercée par un supérieur pouvait avoir un impact important sur son état psychique et son rendement au travail. La réception du compte rendu de l’entretien du 6 février 2017 l’avait laissée dans un état de « tétanisation », l’empêchant d’apporter sa réponse dans des délais normaux.

b. Le même jour, Mme A______ a également transmis des observations au département, sous la plume de son conseil.

Le service santé était informé depuis plusieurs années du diagnostic posé par le psychiatre et le Dr M______ avait pris contact avec son employeur avant l’entretien de service pour faire part de ses inquiétudes quant à l’impact de la situation sur sa santé. Cette situation représentait un cas de force majeure qui aurait dû permettre de prolonger le délai pour le dépôt des observations.

Il convenait de distinguer deux périodes, celle avant le diagnostic et l’instauration du traitement médicamenteux adéquat et celle suivant le blâme alors infligé. Pendant la première période jusqu’à fin 2014, elle avait été empêchée de travailler sans sa faute à de nombreuses reprises et avait commis un certain nombre d’erreurs dans son travail, alors que pendant la seconde une pression injustifiée avait été exercée sur elle par sa hiérarchie. Elle détaillait et illustrait cette situation. Elle avait été mise constamment sous pression et en échec par
M. F______, ce qui en relation avec sa pathologie ne pouvait qu’augmenter la pression subie.

Le nombre d’erreurs devait être relativisé compte tenu des 500 à 600 dossiers traités par jour.

Lors d’une période où elle avait été détachée à l’office des poursuites, elle ne s’était pas vu reprocher d’incapacité particulière par rapport aux tâches qui lui avaient été confiées. Au contraire, elle s’était vu félicitée et remerciée régulièrement pour son bon travail et ceci, même lors d’une réunion de service par le chef du département concerné. Un reclassement ne pouvait dès lors être exclu, mais semblait plutôt indiqué.

Quant aux découverts concernant des taxations d’office, celles-ci correspondaient à la période durant laquelle elle souffrait de sa pathologie non diagnostiquée et étaient en voie de régularisation.

La résiliation des rapports de service ne serait pas justifiée, Mme A______ jouissait d’une santé qui lui permettait d’effectuer les tâches qui lui étaient confiées et dans tous les cas une procédure de reclassement ne saurait être écartée dans l’éventualité d’une résiliation.

9) a. Le 30 mars 2017, le Dr D______ du SPE a demandé la libération du secret médical concernant la date à laquelle le service avait été informé du diagnostic de trouble bipolaire et les répercussions qu’avait pu avoir cette pathologie sur l’activité professionnelle de Mme A______ en termes de capacité d’attention, de concentration et de mémorisation.

b. Le 24 avril 2017, Mme A______ a autorisé le Dr D______ à divulguer à M. L______ la date de connaissance du diagnostic et les répercussions de sa pathologie sur son travail.

10) Le 5 mai 2017, le conseiller d’État en charge du département a informé Mme A______ que la hiérarchie du département lui avait demandé de résilier les rapports de service étant donné qu’il avait été renoncé à l’ouverture d’une procédure de reclassement. La décision serait notifiée en temps opportun compte tenu de son incapacité de travail pour cause de maladie depuis le 3 février 2017.

11) a. Le 7 juin 2017, le Dr O______, spécialiste FMH en médecine interne, médecin-conseil du SPE, qui avait reçu Mme A______ le 6 juin 2017 pour procéder à une évaluation médicale, a conclu que l’arrêt maladie en cours, ayant débuté le 3 février 2017, n’était pas bien-fondé et que le suivi médical et/ou le traitement était pertinent.

b. Le préavis du médecin-conseil a été transmis par M. L______ le 16 juin 2017 à Mme A______, laquelle pouvait déposer des observations jusqu’au 21 juin 2017.

L’arrêt de travail injustifié avait bloqué la notification de la décision de résiliation à fin avril et de fait, elle bénéficierait de deux traitements sans droit, pour août et septembre 2017. En conséquence, il était envisagé de supprimer le droit au traitement pour ces deux mois.

c. Le 21 juin 2017, Mme A______ a indiqué au département qu’elle était surprise de ne pas avoir reçu formellement d’intention de décision motivée suite au dépôt de ses observations. Par téléphone, M. L______ avait dit à son conseil qu’il refusait de se déterminer.

Son droit d’être entendue était violé, cela d’autant plus qu’une prolongation de délai pour présenter des observations avait été refusé.

Toute décision prévoyant de la priver de son traitement durant deux mois serait considérée infondée et arbitraire, une éventuelle décision de résiliation aurait déjà pu être notifiée en avril 2017.

Un délai pour déposer des observations lui avait été fixé au 21 juin 2017 pour un courrier reçu le 19 juin 2017. Tout était mis en place de façon à la priver de son droit d’être entendue. En outre, le préavis médical n’étant pas motivé, il convenait d’établir les éléments médicaux sur lesquels se fondait le préavis, de les soumettre au médecin-spécialiste, voire, dans un second temps à un expert. Ceci ne pouvait être fait en deux jours, le médecin-conseil n’ayant pas répondu à un courrier demandant ces éléments, envoyé à réception de son préavis. Elle contestait formellement l’appréciation médicale, très subjective et pour le moins laconique du médecin-conseil. Elle était toujours en incapacité de reprendre toute activité professionnelle. S’agissant de l’avis d’un médecin non spécialisé, il ne pouvait primer celui de son médecin traitant.

12) Mme A______ a été hospitalisée du 22 au 27 juin 2017 suite à une tentative de suicide par intoxication médicamenteuse. Une lettre de sortie a été adressée au Dr N______, le 27 juin 2017 par la Dresse P______, cheffe de clinique au département de santé mentale et de psychiatrie des Q______ (ci-après : Q______). Son contenu sera repris en tant que de besoin dans la partie en droit du présent arrêt.

13) Par envoi du 29 juin 2017, le conseiller d’État en charge du département a notifié à Mme A______ sa décision de résiliation des rapports de service ainsi que la suppression de l’indemnité pour incapacité de travail.

La résiliation était prononcée pour motif fondé, à savoir insuffisance des prestations et inaptitude à remplir les exigences du poste, avec effet au
30 septembre 2017 (art. 21 al. 3, 22 let. a et b et 20 al. 3 de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05).

L’indemnité pour incapacité de travail pour les mois d’août et de septembre 2017 était supprimée. L’arrêt de travail injustifié avait fait obstacle à la notification de la décision à fin avril 2017.

Il était pris acte du fait que les troubles psychologiques étaient à l’origine de l’insuffisance des prestations et de l’inaptitude à remplir les exigences du poste jusqu’à fin 2014, voire courant 2015 jusqu’à la prescription d’un traitement. Cela revenait à admettre ne pas jouir d’un état de santé permettant de remplir les devoirs de la fonction. La hiérarchie n’avait pas été informée du diagnostic couvert par le secret de fonction, que Mme A______ avait communiqué le
17 décembre 2014 au SPE et confirmé à celui-ci par le médecin psychiatre le
13 février 2015. La levée du secret de fonction du SPE n’aurait pas eu de conséquences sur le prononcé du blâme du 3 février 2015, celui-ci étant antérieur à la communication faite par son psychiatre.

Après le retour au travail en 2015, les prestations et le comportement étaient restés insuffisants malgré les entretiens avec le chef de service, le SPE et un responsable de secteur RH.

Il apparaissait que le trouble bipolaire était bien à l’origine de l’insuffisance des prestations avant et après le diagnostic et la sensibilité particulière à l’environnement professionnel était susceptible de perturber l’aptitude à travailler et de ce fait la bonne marche du service. En conséquence, un reclassement paraissait illusoire car il ne faisait que reporter dans un autre service les problèmes de santé.

Les problèmes allégués concernant son chef de service et les pressions qu’il aurait exercées étaient contestées point par point. D’ailleurs, la qualité des prestations ne s’était pas améliorée depuis que M. K______ était devenu son supérieur hiérarchique direct au début 2016.

L’affectation à l’office des poursuites avait duré du 7 au 21 décembre 2015, ce qui représentait cinq jours de travail effectifs compte tenu du taux d’activité de 70 %.

L’ampleur des erreurs était incompatible avec les exigences de qualité liées à l’exercice de la fonction. L’AFC avait mis en place des outils informatiques susceptibles de détecter les erreurs et de les signaler afin de diminuer le nombre de fautes d’inattention. Ces messages d’erreurs avaient régulièrement été ignorés et les problèmes signalés sans correction.

La déclaration fiscale pour 2016 n’avait pas été déposée ni aucun délai demandé. La dette fiscale s’élevait à plus de CHF 174’000.- et aucun remboursement, même partiel, n’avait été fait.

Les griefs invoqués lors de l’entretien de service sous forme écrite du
6 février 2017 justifiaient la résiliation des rapports de service sans ouverture préalable d’une procédure de reclassement.

14) Mme A______ a transmis au département deux certificats médicaux d’incapacité de travail pour une durée indéterminée, signés par le Dr M______ les 3 juillet et 1er août 2017.

15) Par acte mis à la poste le 31 août 2017, Mme A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) contre la décision du département du 29 juin 2017, concluant à la constatation du bien-fondé de l’incapacité de travail depuis le 3 février 2017 et au paiement de toutes les sommes dues sur la base du contrat de travail ainsi qu’à la constatation de la nullité de la décision ainsi qu’à ce qu’il soit ordonné au département d’ouvrir une procédure de reclassement et subsidiairement à une indemnité pour longs rapports de service correspondant au minimum à deux mois de salaire et au maximum à huit mois. Elle concluait également au paiement d’une indemnité de procédure.

La décision avait été notifiée pendant une période de protection liée à une incapacité de travail qui avait débuté le 3 février 2017. La décision était donc nulle. Le préavis médical rendu par le SPE était contesté par les certificats médicaux remis, dont ceux de son médecin traitant et de son psychiatre. Son traitement ou des indemnités journalières étaient dus pour toute la période et notamment pour les mois d’août et septembre 2017.

Son droit d’être entendue avait été violé en raison du refus de prolonger le délai fixé pour déposer des observations et du délai trop court fixé au 21 juin 2017 pour se prononcer sur le préavis médical du 7 juin 2017, parvenu le 19 juin 2017.

La décision avait été prise alors que l’établissement des faits était incomplet. Aucune suite n’avait été donnée à la levée du secret médical du SPE pourtant demandée par le département. L’instruction du cas n’avait pas été achevée.

La mesure de reclassement aurait dû être proposée car le département n’avait pas attesté qu’elle n’était pas médicalement apte à reprendre un emploi quelconque au sein de l’administration cantonale, à court ou moyen terme.

16) Le 19 octobre 2017, le département a déposé des observations, concluant au rejet du recours.

Le médecin-conseil avait clairement contesté le bien-fondé de l’incapacité de travail de l’intéressée après l’avoir rencontrée pendant une heure. En conséquence, la résiliation n’était pas intervenue en temps inopportun. Si le médecin-conseil n’était pas psychiatre, le médecin traitant ne l’était pas non plus et l’avis du médecin conseil primait selon la jurisprudence.

Pendant deux mois, l’intéressée avait reçu sans droit une indemnité pour incapacité de travail, empêchant également la résiliation d’être notifiée plus tôt ; l’employeur était donc légitimé à supprimer l’indemnité pour les deux derniers mois.

La recourante ne contestait pas que c’était son affection médicale qui était à l’origine tant de l’insuffisance de ses prestations que de ses problèmes de comportement. Un changement d’affectation reviendrait à transférer ses manquements dans un autre service. C’était donc à juste titre qu’aucune procédure de reclassement n’avait été ouverte.

Les autres griefs soulevés étaient encore contestés point par point.

17) Le 20 décembre 2017, la recourante a répliqué, maintenant ses conclusions.

Tous les certificats produits attestaient de la gravité de son état et du
bien-fondé de ses arrêts de travail, remettant en question l’avis partial et incomplet du médecin-conseil.

Son traitement psychiatrique n’avait jamais été interrompu et les certificats médicaux ou arrêts maladie du Dr M______ se fondaient également sur l’intervention du psychiatre. En qualité de médecin traitant, il centralisait les informations pertinentes.

C’était bien la spécialisation en psychiatrie qui était déterminante et non la connaissance de l’environnement de travail qui n’avait rien de spécifique.

Son droit d’être entendue avait été violé en ce sens qu’il lui avait été dénié le droit de se prononcer avant la formation de l’intention de décision.

Elle s’en rapportait à justice quant au chiffrage d’une éventuelle indemnité si la chambre administrative retenait que la résiliation était contraire au droit.

18) Le 12 janvier 2018, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Le recours a été interjeté contre deux décisions contenues dans le courrier du département du 29 juin 2017. La première concerne la suppression de l’indemnité pour incapacité de travail pour les mois d’août et de septembre 2017 et la seconde porte sur la résiliation des rapports de service.

Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable en tant qu’il porte sur la décision de suppression de l’indemnité pour incapacité de travail (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du
26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) La recourante conclut à la constatation de la nullité de la décision de résiliation des rapports de service, celle-ci ayant été faite en temps inopportun.

a. En qualité de fonctionnaire à l’AFC, la recourante est soumise à la LPAC et à ses règlements d’exécution (art. 1 al. 1 let. a, 33 al. 1 LPAC).

b. L’autorité compétente peut résilier les rapports de service du fonctionnaire pour un motif fondé dans un délai de trois mois pour la fin d’un mois lorsque les rapports de service ont duré plus d’une année (art. 20 al. 3 et 21 al. 3 LPAC).

c. Il y a motif fondé lorsque la continuation des rapports de service n’est plus compatible avec le bon fonctionnement de l’administration, soit notamment en raison de l’insuffisance des prestations (let. a) ; l’inaptitude à remplir les exigences du poste (let. b) ; la disparition durable d’un motif d’engagement (let. c de l’art. 22 LPAC).

d. Sous le titre congé en temps inopportun, l’art. 336c al. 1 let. b de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 - Livre cinquième : Droit des obligations - CO - RS 220 prévoit que l’employeur ne peut pas résilier le contrat, notamment, pendant une incapacité de travail totale ou partielle résultant d’une maladie ou d’un accident non imputables à la faute du travailleur, durant cent quatre-vingts jours à partir de la sixième année de service. Le congé donné pendant cette période est nul (art. 336c al. 2 CO).

Les articles 336c et 336d CO sont applicables par analogie aux rapports de service des fonctionnaires (art. 44A du règlement d’application de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 24 février 1999 - RPAC - B 5 05.01). Cette disposition s’applique donc à titre de droit cantonal supplétif (ATF 138 I 232 consid. 2.4 p. 236 ; 126 III 370 consid. 5 p. 372 ; 118 II 213 consid. 4 p. 220 et les références).

La jurisprudence a précisé que le congé donné en temps inopportun est nul et ne peut pas être converti. L’employeur qui persiste dans son intention de mettre fin au contrat doit renouveler sa manifestation de volonté une fois la période de protection achevée (ATF 128 III 212 consid. 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_372/2016 du 2 février 2017 consid. 5.4 ; ATA/413/2003 du 27 mai 2003).

En l’espèce, la décision de résiliation a été notifiée le 30 juin 2017 à la recourante pendant une incapacité de travail pour raison de maladie ayant débuté le 3 février 2017, attestée par les certificats établis par le médecin traitant, soit avant la fin de la période de protection de cent quatre-vingts jours.

L’intimé, après avoir demandé un préavis au médecin-conseil du SPE lequel l’a rendu le 7 juin 2017, a contesté l’existence de l’incapacité de travail depuis le 3 février 2017, considérant qu’en conséquence, la résiliation n’était pas donnée en temps inopportun.

Il convient donc de déterminer si la recourante présentait une incapacité de travail à la date de réception de la décision de résiliation et pendant la période concernée, soit du 3 février 2017 au 30 juin 2017.

3) a. Il incombe à l’employé d’apporter la preuve d’un empêchement de travailler. En cas de maladie ou d’accident, le travailleur aura le plus souvent recours à un certificat médical. Ce dernier ne constitue toutefois pas un moyen de preuve absolu (arrêt du Tribunal fédéral 4A_289/2010 du 27 juillet 2010 consid. 3.2 ; ATA/1004/2015 du 29 septembre 2015). Ainsi, la jurisprudence rendue en matière d’indemnité journalière en cas de maladie, pertinente en l’espèce, prévoit qu’une expertise privée, notamment médicale, peut-être assimilée aux allégués de la partie qui la produit. Le degré de précision d’une allégation influe sur le degré de motivation que doit revêtir sa contestation. Plus les affirmations d’une partie sont détaillées, plus élevées sont les exigences quant à la précision de leur contestation. Une réfutation en bloc ne suffit pas. Le fardeau de la contestation ne saurait toutefois entraîner un renversement du fardeau de la preuve (arrêt du Tribunal fédéral 4A_42/2017 du 29 janvier 2018 consid. 3.3.2).

En matière d’assurances sociales, le Tribunal fédéral a posé des lignes directrices en ce qui concernait la manière d’apprécier certains types d’expertises ou de rapports médicaux, sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves. Ainsi, l’élément déterminant pour la valeur probante d’un certificat médical n’est ni son origine ni sa désignation sous la forme d’un rapport ou d’une expertise, mais bel et bien son contenu. Il importe que les points litigieux importants aient fait l’objet d’une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu’il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu’il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l’expert soient bien motivées. Le juge ne saurait écarter des résultats convaincants qui ressortent d’une expertise d’un médecin indépendant établi par un spécialiste reconnu, sur la base d’observations approfondies et d’investigations complètes, ainsi qu’en pleine connaissance du dossier. Le simple fait qu’un certificat médical soit établi à la demande d’une partie et produit pendant la procédure ne justifie pas, en soi, des doutes quant à sa valeur probante (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 701/2014 du 27 juillet 2005
consid. 2.1.1).

b. Le rôle du médecin-conseil consiste à aborder la question de l’aptitude au travail sous un angle plus large qu’un médecin psychiatre par exemple, puisque son examen peut porter sur tous les aspects médicaux en lien avec le cas qui lui est soumis (ATA/1323/2017 du 26 septembre 2017). L’art. 54 RPAC prévoit notamment que lorsqu’une absence dépasse quarante-cinq jours ininterrompus pour des raisons médicales, la hiérarchie signale le cas au médecin-conseil de l’État, qui peut prendre contact avec le médecin traitant du membre du personnel et décider de toute mesure pour respecter tant la mission du médecin traitant que l’intérêt de l’État ; le médecin-conseil établit une attestation d’aptitude, d’aptitude sous condition ou d’inaptitude à occuper la fonction et précise les
contre-indications qui justifient son attestation (art. 54 al. 3 RPAC).

4) En l’espèce, à la date de réception de la décision litigieuse, moment déterminant pour savoir si la résiliation a été donnée en temps inopportun
(ATF 113 II 259 consid. 2), le 30 juin 2017, la recourante était au bénéfice d’un certificat médical d’incapacité de travail depuis le 3 février 2017, établi par son médecin traitant, renouvelé mensuellement, soit les 7 mars, 3 avril, 2 mai et 5 juin 2017 .

Le département était également en possession d’un courrier du médecin traitant du 27 janvier 2017, indiquant que l’état de sa patiente l’empêchait notamment d’assister à l’entretien de service prévu le 6 février 2017. Ce courrier précisait qu’un début de décompensation du trouble psychique était lié à la convocation reçue. L’intimé a encore reçu, le 13 mars 2017, une attestation du Dr M______ qui détaillait le diagnostic posé en octobre 2014 par le Dr N______ ainsi que l’évolution de la patiente et le traitement prescrit depuis lors. Cette attestation indiquait également l’état de « tétanisation » de la patiente faisant suite à la réception du procès-verbal de l’entretien de service et les effets sur l’état psychique de l’environnement et des incidents professionnels.

Le 5 mai 2017, l’intimé indiquait à la recourante qu’elle devait remettre un certificat médical après chaque visite médicale, mais au minimum tous les trente jours, et que la décision de résiliation des rapports de service serait notifiée en temps opportun compte tenu de son incapacité de travail.

Il appert ainsi que l’intimé n’a pas remis en cause les certificats fournis avant l’évaluation médicale sur mandat du SPE effectuée le 6 juin 2017 par le Dr O______, médecin-conseil.

Le préavis médical du 7 juin 2017 du Dr O______ n’est pas motivé et consiste en une seule phrase indiquant que l’incapacité de travail en cours n’était pas bien fondée.

La recourante a ensuite été hospitalisée du 22 juin au 27 juin 2017. Le rapport de sortie du 27 juin 2017 du Dr P______, adressé au Dr N______, dont l’intimé n’a eu connaissance qu’après la décision de résiliation, diagnostiquait un trouble affectif bipolaire et un épisode de dépression sévère sans symptômes psychotiques et indiquait comme condition de la sortie, accordée à la demande de la patiente, que celle-ci reprenne son suivi avec le psychiatre et qu’elle se rende le jour même chez son médecin traitant pour l’organisation du suivi.

Par la suite encore, un rapport d’évaluation du médecin traitant, daté du
30 août 2017 confirmait les différents certificats d’incapacité déjà délivrés. Sa patiente traversait un épisode de dépression sévère incompatible avec une activité professionnelle. Elle présentait des troubles de la concentration et une réduction significative de l’attention et de la mémoire auxquels s’ajoutaient les effets de la médication psychotrope, des troubles du sommeil, de l’asthénie, de la fatigabilité et un niveau d’énergie réduit. Un repos physique et psychique était recommandé suite à un épisode de décompensation dépressive ayant débuté en janvier 2017.

Le psychiatre de la recourante a attesté le 15 décembre 2017 suivre la recourante depuis février 2014 pour un trouble bipolaire type II qui avait impliqué des incapacités de travail temporaires régulières.

Au vu de des éléments précis concernant l’état de santé de la recourante et des effets potentiels d’incidents de sa vie professionnelle tels que l’annonce d’une procédure de résiliation, contenus dans les divers certificats et attestations médicales figurant au dossier, la preuve de l’existence d’une incapacité de travail de la recourante dès le 3 février 2017 et jusqu’au 30 juin 2017, trois jours après sa sortie d’hôpital, ne saurait valablement être mise en doute par un préavis du médecin conseil, rendu après une heure d’entretien, non motivé alors que l’intimé avait déjà connaissance de la situation médicale de la recourante.

En conséquence, la preuve de son incapacité de travailler à la date de réception de la décision de résiliation ayant été apportée par la recourante, le constat de nullité de la décision de résiliation rendue en temps inopportun s’impose.

La constatation de la nullité de la décision conduit à l’irrecevabilité du recours, qui n’a plus d’objet (ATA/312/2015 du 31 mars 2015 et les références citées). Étant donné cette issue, il n’y a pas lieu de trancher les autres griefs soulevés contre la décision de résiliation ni d’examiner les autres conclusions prises par la recourante, portant sur la procédure de reclassement et sur l’indemnité pour longs rapports de service qui sont devenues sans objet.

Il s’ensuit que le recours déposé contre la résiliation des rapports de service est irrecevable.

5) S’agissant de la décision de suppression des indemnités journalières pour les mois d’août et septembre 2017, prononcée dans la décision litigieuse, l’art. 54
al. 4 LPAC prévoit que cette indemnité peut être réduite ou supprimée en cas d’abus ou lorsque l’accident ou la maladie sont dus à une faute grave du fonctionnaire.

Force est de constater que les conditions de cette suppression ne sont pas remplies en l’espèce, l’incapacité de travail de la recourante étant médicalement attestée, contrairement à ce qu’a retenu l’intimé dans sa décision pour les motifs retenus ci-dessus.

Le recours sera admis sur ce point.

6) En conséquence, le recours sera admis en tant qu’il porte sur la décision de suppression des indemnités perte de gain et déclaré irrecevable en tant qu’il porte sur la décision de résiliation du 27 juin 2017.

Vu l’issue du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA) et une indemnité de procédure de CHF 1’500.- sera allouée à la recourante (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

constate la nullité de la décision du département des finances du 29 juin 2017 résiliant les rapports de service ;

déclare irrecevable le recours interjeté le 31 août 2017 par Mme A______ contre la décision du département des finances du 29 juin 2017 résiliant les rapports de service ;

déclare recevable le recours interjeté le 31 août 2017 par Mme A______ contre la décision du département des finances du 29 juin 2017 supprimant les indemnités journalières pour les mois d’août et de septembre 2017 ;

admet le recours en tant qu’il porte sur la décision du département des finances du
29 juin 2017 supprimant les indemnités journalières pour les mois d’août et de septembre 2017 ;

annule la décision du département des finances du 29 juin 2017 supprimant le versement des indemnités journalières de Mme A______ pour les mois d’août et septembre 2017 ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1’500.- à Mme A______, à la charge de l’État de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15’000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15’000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les
art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15’000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Guillaume De Candolle, avocat de la recourante, ainsi qu’au département des finances et des ressources humaines.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Thélin, Mme Junod, MM. Pagan et Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :