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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3774/2013

ATA/825/2014 du 28.10.2014 sur JTAPI/376/2014 ( PE ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 09.12.2014, rendu le 13.12.2014, IRRECEVABLE, 2D_32/2014
Descripteurs : DROIT DES ÉTRANGERS ; RESSORTISSANT ÉTRANGER ; AUTORISATION DE SÉJOUR ; RENOUVELLEMENT DE L'AUTORISATION ; CAS DE RIGUEUR ; RENVOI(DROIT DES ÉTRANGERS) ; SÉJOUR ; LIMITATION DU NOMBRE DES ÉTRANGERS ; INTÉGRATION SOCIALE ; HOMOSEXUALITÉ ; MAROC
Normes : LEtr.30.al1.let b ; LEtr.31 ; LEtr.83 ; OASA.31
Résumé : La situation des hommes homosexuels au Maroc ne met pas en danger ces derniers au point qu'elle impose la délivrance d'un permis humanitaire pour ce seul motif. Certes, l'attitude de la population est globalement intolérante et l'homosexualité réprimée par le code pénal de ce pays. Il est toutefois établi que, dans les faits, l'homosexualité est tolérée si les intéressés vivent de manière discrète et ne s'affichent pas publiquement.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3774/2013-PE ATA/825/2014

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 28 octobre 2014

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Daniel Meyer, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 8 avril 2014 (JTAPI/376/2014)


EN FAIT

1) Monsieur A______, né le______ 1979, est ressortissant du Maroc où il a obtenu son baccalauréat.

Le 24 octobre 2000, il est arrivé en Suisse pour y effectuer des études pour lesquelles il a obtenu une autorisation de séjour temporaire qui a été régulièrement renouvelée jusqu'au 31 octobre 2004.

Pendant cette période, il a suivi une année de cours préparatoire auprès de l'institut B______ à Lausanne en vue de sa préparation à l'examen d'admission à l'école C______ de Lausanne (ci-après : EPFL), qu'il a réussi en septembre 2001. Il a ensuite entamé des études d'ingénieur en systèmes de communication à l'EPFL. Ayant échoué deux fois dans ce cursus, il a demandé à changer de section et s'est inscrit en première année de génie civil à la rentrée 2003. Cette formation ne correspondant pas à ses attentes, il a souhaité intégrer l'école d'ingénieurs de Genève (ci-après : EIG) où il s'est installé à compter de la rentrée 2004.

2) Le 11 octobre 2004, il a sollicité une autorisation de séjour pour études qui lui a été octroyée jusqu'au 15 octobre 2006, à la condition toutefois qu'il s'engage à quitter la Suisse au terme de ses études, ce qu'il a fait.

3) Le 10 octobre 2006, il a saisi l'office cantonal de la population, devenu depuis lors l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) d'une requête de renouvellement de permis de séjour pour études.

Suite à des problèmes personnels et familiaux, il avait abandonné sa formation auprès de l'EIG et souhaitait entreprendre une formation d'agent de voyage et de guide touristique auprès de l'école d'hôtesses internationale Lejeune.

4) Par décision du 9 mars 2007, l'OCPM a refusé de lui octroyer cette autorisation en lui impartissant un délai au 20 avril 2007 pour quitter la Suisse.

L'octroi et le renouvellement d'une autorisation de séjour pour études reposait sur un certain nombre de conditions, dont notamment celle du respect d'un plan d'étude clairement fixé à l'avance, tant pour ce qui était de la durée des études que du programme lui-même. Selon les directives fédérales en la matière, l'étudiant étranger devait subir ses examens intermédiaires et finaux dans un délai raisonnable. S'il satisfaisait à cette exigence, le but de son séjour était considéré comme atteint. Par ailleurs, le fait d'entamer plusieurs formations à la suite ne correspondait pas au but fixé par la politique en matière d'immigration. Un changement d'orientation des études pendant la formation n'était admis que dans des cas exceptionnels et dûment justifiés.

En l'espèce, il avait bénéficié d'une grande tolérance s'agissant de ses changements d'orientation. Par courriel du 24 novembre 2006, l'EIG avait informé l'OCPM qu'il n'avait pas suivi les cours de manière régulière pendant l'année académique 2005-2006 et qu'il était en situation d'échec irrécupérable à la fin du semestre d'hiver 2005-2006, raison pour laquelle l'EIG avait procédé à son ex-matriculation définitive.

Au vu de ces éléments, l'autorisation de séjour ne pouvait plus être prolongée.

5) Le 6 avril 2007, M. A______ a demandé à l'OCPM de reconsidérer sa décision du 9 mars 2007, invoquant des erreurs de choix d'orientation, et la nécessité pour lui de quitter la Suisse avec un diplôme qui lui permettrait de trouver un travail au Maroc.

6) Le 12 avril 2007, l'OCPM a refusé d'entrer en matière sur cette demande au motif qu'aucun fait nouveau n'était survenu depuis la décision entreprise. Il lui impartissait un nouveau délai au 11 mai 2007 pour quitter la Suisse.

7) Sans nouvelles de l'intéressé, l'OCPM a enregistré le départ de Suisse de M. A______ le 12 avril 2007.

8) Le 22 février 2008, M. A______ a été interpellé par la police genevoise, démuni de titre de séjour et de papiers d'identité.

Il n'avait pas quitté la Suisse depuis son arrivée en novembre 2000. Ses parents habitaient au Maroc. Il avait un frère et une soeur qui travaillaient à Lausanne.

9) Le 2 juillet 2008, l'office fédéral des migrations (ci-après : ODM) a prononcé à l'encontre de l'intéressé une interdiction d'entrée en Suisse d'une durée de trois ans. Cette décision a été notifiée à M. A______ le 25 janvier 2011 lors d'un contrôle de police.

10) Le 10 août 2011, M. A______ a déposé auprès de l'OCPM une demande d'autorisation de séjour pour cas de rigueur au sens des art. 30 al. 1 let. b de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RS 142.20) et 31 de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201).

Il résidait en Suisse depuis plus de onze ans, avait suivi plusieurs formations et exercé de nombreuses activités lucratives en Suisse, notamment comme vendeur, aide-cuisinier, gardien de vestiaire et employé chez Mc Donald.

Il vivait désormais en concubinage avec un ami. En raison de son orientation sexuelle, il s'exposerait, en cas de retour dans son pays d'origine, à des risques importants. En effet, il était originaire de Casba Tadla, une petite ville sise à plus de 180 km de Casablanca, où l'homosexualité n'était pas tolérée. L'homosexualité était réprimée pénalement au Maroc et il risquait d'être condamné.

Il avait en outre des liens familiaux à Lausanne, soit un frère et une soeur, ainsi qu'un neveu et une nièce.

Il était parfaitement intégré à la vie genevoise où il s'était constitué un cercle d'amis et de connaissances, qui avait bien voulu attester de cette intégration.

Enfin, il n'avait jamais émargé à l'aide sociale.

11) Suite à cette demande, l'OCPM lui a délivré une autorisation de travail à titre précaire, jusqu'à droit connu sur sa demande.

12) Le 18 octobre 2011, M. A______ a été entendu par l'OCPM.

Il vivait en concubinage avec Monsieur D______, sans projet de partenariat.

Il était retourné au Maroc en 2002 et 2006 pour des séjours de trois et deux semaines. Outre ses parents, il avait trois soeurs et un frère au Maroc. Il entretenait des relations conflictuelles avec eux en raison de son orientation sexuelle qui n'était pas acceptée. Son frère et sa soeur, qui vivaient à Lausanne, étaient respectivement suisses et détenteurs d'un permis C. Ses relations avec eux étaient harmonieuses.

13) Suite à ses déclarations, l'OCPM a questionné la division asile et retour de l'ODM sur la situation des homosexuels au Maroc en lui demandant, en particulier, s'il existait un risque concret de condamnation, d'agression ou de discrimination, en cas de retour au Maroc d'un homosexuel marocain.

14) Cette autorité a répondu à cette question le 21 octobre 2011.

Contrairement à d'autres pays arabes, il existait au Maroc une certaine tolérance par rapport à l'homosexualité. Des bars et des centres de rencontre à Casablanca, Marrakech, Tanger, Agadir et d'autres grandes villes étaient connus internationalement pour cela. Pour être arrêté par la police, il fallait entretenir des rapports intimes dans un lieu public ou attirer l'attention des passants et des voisins par un comportement provoquant. Afficher son homosexualité ou adopter un comportement efféminé n'était pas suffisant. Il n'en demeurait pas moins que la pression sociale était forte et que l'homosexualité était mal tolérée par la population, particulièrement dans les campagnes, dans les quartiers où vivaient des personnes socialement défavorisées, ou encore dans les zones où se trouvait une communauté islamique orthodoxe. Le risque d'intolérance, voire d'agression, y était beaucoup plus présent que dans l'anonymat des grandes villes.

15) Par courrier du 20 novembre 2011, M. D______ a contesté les déclarations faites par M. A______ à l'OCPM le 18 octobre 2011.

Celles-ci étaient mensongères. Il n'entretenait aucun lien avec l'intéressé, n'avait jamais vécu en concubinage avec lui et n'avait pas d'orientation homosexuelle.

M. A______ l'avait lui-même informé de ses déclarations mensongères, le jour-même de celles-ci.

16) Par lettre du 16 janvier 2012, M. A______ a soutenu que sa relation avec M. D______ s'était dégradée en raison de problèmes financiers survenus entre eux. Cet ami avait craint que son orientation sexuelle figure dans un dossier officiel et avait nié sa relation avec lui pour cette raison. Ils s'étaient quittés après cet incident.

17) Le 20 janvier 2012, l'OCPM a renouvelé l'autorisation de travail à titre précaire de M. A______, jusqu'à droit connu sur sa demande d'autorisation.

18) Le 24 octobre 2013, l'OCPM a refusé de proposer à l'OCPM la délivrance d'un permis pour cas de rigueur en sa faveur et lui a imparti un délai au 23 janvier 2014 pour quitter la Suisse.

Sa situation personnelle ne se distinguait guère de celle de bon nombre de ses concitoyens connaissant les mêmes difficultés au Maroc. Malgré l'existence d'une répression pénale et d'une certaine pression sociale, les homosexuels pouvaient vivre dans ce pays sans être persécutés ni poursuivis, à condition de demeurer discrets. Cette situation n'était pas assimilable à un cas d'extrême gravité au sens visé par la loi et la jurisprudence.

19) Par acte du 22 novembre 2013, M. A______ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) en développant les arguments qu'il avait précédemment exposés.

20) Le 8 avril 2014, le TAPI a entendu le recourant en audience de comparution personnelle.

Il travaillait actuellement à E______, au restaurant du « F______ ».

Ses parents étaient venus en Suisse deux ans auparavant et avaient refusé de le voir après que sa soeur les ait informés de son homosexualité. Toute sa famille au Maroc avait mal réagi, ce qui n'avait pas été le cas de sa famille en Suisse. Il ne pouvait envisager un retour dans son village ou dans son pays d'origine, quelle que soit l'issue de son recours, car si les autorités marocaines apprenaient qu'il était homosexuel, il serait emprisonné. Il n'avait obtenu aucun diplôme en Suisse.

21) Le même jour, le TAPI a rejeté ledit recours au motif que les conditions d'un permis humanitaire (permis pour cas de rigueur au sens des art. 30 al. 1 let. b LEtr et 31 al. 1 OASA) n'étaient pas remplies et que le renvoi n'était ni impossible, ni illicite ni inexigible au sens de l'art. 83 LEtr.

22) Par acte du 16 mai 2014, M. A______ a recouru contre ce jugement auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) en concluant à son annulation, ainsi qu'à l'octroi d'une autorisation de séjour pour cas de rigueur.

L'homosexualité était sévèrement punie au Maroc où les condamnations étaient courantes, avec pour corollaire un rejet de la population. Les peines pénales allaient jusqu'à trois ans d'emprisonnement, cumulées d'une amende. Il produisait divers témoignages et articles de presse à l'appui de ses affirmations. Rejeté par sa famille et dépourvu de toutes relations sociales au Maroc, en dehors de son village d'origine, il se trouverait en situation de détresse personnelle en cas de renvoi dans son pays.

Enfin, il avait vécu plus de treize ans en Suisse, où il s'était parfaitement intégré, ainsi qu'en témoignaient plusieurs attestations versées à la procédure.

23) Le 21 mai 2014, le TAPI a déposé son dossier, sans observations.

24) Le 16 juin 2014, l'OCPM a conclu au rejet du recours en reprenant les arguments développés par le TAPI dans son jugement.

Il avait demandé à la division asile et retour de l'ODM des informations complémentaires sur la situation actuelle des homosexuels au Maroc et était dans l'attente de cette détermination.

25) Le 15 juillet 2014, l'OCPM a produit un rapport de l'ODM du 8 juillet 2014 relatif à la situation des hommes homosexuels au Maroc. Le terme « homosexuel » était controversé dans ce pays, qui faisait une différence entre l'acte homosexuel et l'identité homosexuelle. Dans certains cercles, seul le partenaire passif était considéré homosexuel. En outre, les jeunes hommes célibataires ayant eu des relations homosexuelles avant le mariage et non plus après, n'étaient pas considérés comme des homosexuels.

La situation concrète vécue par les hommes homosexuels dépendait de plusieurs facteurs : l'attitude de la famille, l'appartenance à une couche sociale, le niveau de formation, l'attitude des milieux du travail et des amis, l'engagement politique ou encore le lieu de vie.

Selon le code pénal marocain, était puni de l'emprisonnement de six mois à trois ans et d'une amende de deux cents à mille dirhams quiconque commettait un acte impudique ou contre-nature avec un individu de son sexe.

Entre 2009 et 2014, dix-sept hommes avaient été arrêtés et soupçonnés d'être homosexuellement actifs ou de se prostituer pour des hommes. Parmi eux, huit avaient été emprisonnés et accusés d'avoir offensé le fondement de la morale de l'empire du roi, mais tous avaient été libérés depuis. À Agadir, deux hommes avaient été condamnés à dix mois d'emprisonnement pour prostitution et sodomie. Pour l'année 2010, aucun procès ou jugement pour homosexualité n'était connu. Le rapporteur américain des droits de l'homme du ministère des affaires étrangères américain avait constaté que le code pénal criminalisait l'activité homosexuelle, mais que ses dispositions avaient rarement été mises en application et que la conduite homosexuelle avait été traitée dans les médias et en public avec plus d'ouverture que les années précédentes.

Selon des informations fournies par le ministère de la justice marocain, il y avait eu en 2011 quatre-vingt-un cas dans lesquels la relation sexuelle entre gens du même sexe (y compris l'homosexualité féminine) avait constitué un chef d'accusation. Il n'y avait pas de rapport équivalent concernant l'année 2012.

En 2013 dans la ville de Souk El Arbaa, trois hommes avaient été condamnés à trois ans de peine privative de liberté pour des actes d'ordre homosexuel. Deux d'entre eux avaient entretenu une relation d'une durée de dix ans. À Témera, une localité près de Rabat, un tribunal avait condamné deux hommes à quatre mois d'emprisonnement pour homosexualité. En 2014, six hommes avaient été arrêtés et condamnés par le tribunal de Fkih Ben Salah, une ville entre Fez et Marrakech, à une peine privative de liberté entre un et trois ans. Ils avaient été reconnus coupables de relations homosexuelles, d'incitation à la prostitution et d'ivresse sur l'espace public.

L'association de lutte contre le sida menait des programmes spécifiques et dispensait des conseils dans plusieurs villes du Maroc. Selon celles-ci, des médecins refusaient de faire des consultations médicales aux hommes homosexuels.

Les homosexuels qui avait un comportement féminin ou qui vivaient ouvertement leur homosexualité étaient particulièrement mal acceptés par la société et risquaient d'être victimes d'attaques verbales ou physique de la part d'autres hommes. En revanche, ceux qui vivaient de manière discrète et qui étaient bien intégrés dans la vie sociale étaient le plus souvent tolérés.

Il y avait à Marrakech des hammams connus comme des lieux de rencontre pour hommes homosexuels dans lesquels la police n'intervenait pas.

D'après l'association marocaine des droits humains, l'homophobie était largement répandue au Maroc. Celle-ci était jugée comme une déviance sexuelle (Hchouma [honte] et Haram [péché]). Bien qu'il soit largement admis que l'homosexualité résultât du colonialisme et de l'impact de la civilisation occidentale, elle était aussi vieille que l'histoire du Maroc et faisait partie intégrante de sa culture. Pour les représentants du parti islamiste, l'homosexualité était considérée comme un choix de vie anti-islamique et n'était pas naturel. Il constituait une menace pour l'identité marocaine, les valeurs et la morale de la société.

Enfin, d'après Monsieur G______ qui avait tourné un film narrant l'histoire d'un jeune marocain découvrant son homosexualité, si le gouvernement n'avait pas changé de position, la presse marocaine avait changé le regard qu'elle portait autrefois sur les homosexuels. Elle donnait désormais la possibilité à ceux-ci de s'exprimer. Deux jeunes marocains avaient créé une revue homosexuelle en arabe.

26) Le 15 septembre 2014, le recourant a répliqué en persistant dans ses conclusions.

Le rapport précité de l'ODM ne faisait que confirmer ses dires. L'organisation de défense des homosexuels dénommée « Kifkif » avait dû établir son siège en Espagne, ce qui démontrait clairement l'intolérance des autorités à l'égard de cette orientation sexuelle. Vu la montée de l'islamisme radical, la situation des homosexuels au Maroc ne pouvait que se péjorer. L'intolérance de la société civile marocaine conduisait à l'isolement et à la marginalisation des homosexuels. Elle existait aussi bien dans les grandes villes, dans les villages reculés ou les agglomérations.

27) Le 16 septembre 2014, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte sur la conformité au droit de la décision de l'OCPM refusant de préaviser favorablement et de transmettre à l'ODM la demande d'autorisation de séjour du recourant, et lui fixant un délai au 23 janvier 2014 pour quitter la Suisse.

3) La chambre de céans ne peut examiner l'opportunité d'une décision prise en matière de police des étrangers, dès lors qu'il ne s'agit pas d'une mesure de contrainte (art. 61 al. 2 LPA ; art. 10 al. 2 a contrario de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10 ; ATA/703/2014 du 2 septembre 2014 ; ATA/367/2012 du 12 juin 2012 ; ATA/750/2011 du 6 décembre 2011).

4) Selon l'art. 30 al. 1 let. b LEtr, il est possible de déroger aux conditions d'admission (art. 18 à 39 LEtr) dans le but de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

5) Aux termes de l'art. 31 al. 1 OASA, afin d'apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant (let. a), du respect de l'ordre juridique suisse par le requérant (let. b), de la situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de la situation financière ainsi que de la volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation (let. d), de la durée de la présence en Suisse (let. e), de l'état de santé (let. f) et des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g).

6) La jurisprudence développée au sujet des cas d'extrême gravité selon le droit en vigueur jusqu'au 31 décembre 2007 (art. 13 let. f de l'ancienne ordonnance limitant le nombre des étrangers du 6 octobre 1986 - aOLE) est toujours d'actualité pour les cas d'extrême gravité qui leur ont succédé (ATF 136 I 254 consid. 5.3.1 p. 262 ; ATA/703/2014 du 2 septembre 2014 ; ATA/673/2014 du 26 août 2014). Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEtr et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4 p. 207 ; ATA/703/2014 précité ; ATA/531/2010 du 4 avril 2010). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 137 II 345 consid. 3.2.1 p. 348 ; ATA/515/2014 du 1er juillet 2014).

7) Pour admettre l'existence d'un cas d'extrême gravité, il est nécessaire que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Cela signifie que ses conditions de vie et d'existence, comparées à celles applicables à la moyenne des étrangers, doivent être mises en cause de manière accrue, c'est-à-dire que le refus de soustraire l'intéressé à la réglementation ordinaire d'admission comporte pour lui de graves conséquences, de telle sorte que l'on ne puisse exiger de lui qu'il aille vivre dans un autre pays, notamment dans son pays d'origine. Lors de l'appréciation d'un cas de rigueur, il y a lieu de tenir compte de l'ensemble des circonstances du cas particulier (ATA/703/2014 du 2 septembre 2014 ; ATA/673/2014 du 26 août 2014 ; ATA/515/2014 précité).

8) a. Le fait que l'étranger ait séjourné en Suisse pendant une assez longue période, qu'il y soit bien intégré socialement et professionnellement et que son comportement n'ait pas fait l'objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas d'extrême gravité. Il faut encore que sa relation avec la Suisse soit si étroite qu'on ne puisse exiger qu'il aille vivre dans un autre pays, notamment dans son pays d'origine. À cet égard, les relations d'amitié ou de voisinage que l'intéressé a pu nouer pendant son séjour ne constituent normalement pas des liens si étroits avec la Suisse qu'ils justifieraient une exception aux mesures de limitation (ATF 130 II 39 consid. 3 p. 41 ; 124 II 110 consid. 2 p. 112 ; arrêt du Tribunal fédéral 2A.429/2003 du 26 novembre 2003 consid. 3 ; ATA/515/2014 précité ; ATA/368/2014 précité ; ATA/750/2011 précité ; ATA/648/2009 du 8 décembre 2009). L'intégration professionnelle de l'étranger doit être exceptionnelle. Tel est le cas lorsque le requérant possède des connaissances professionnelles si spécifiques qu'il ne pourrait les utiliser dans son pays d'origine ou lorsque son ascension professionnelle est si remarquable qu'elle justifierait une exception aux mesures de limitation (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; ATA/368/2014 précité ; ATA/750/2011 précité ; ATA/774/2010 du 9 novembre 2010).

b. Enfin, la durée du séjour illégal en Suisse ne peut être prise en considération que de manière très limitée dans l'examen d'un cas de rigueur car, si tel était le cas, l'obstination à violer la législation en vigueur serait en quelque sorte récompensée (ATF 137 II 1 consid. 4.2 p. 8 ; ATF 134 II 10 consid. 4.3 p. 23 ; arrêt du Tribunal fédéral 2A.679/2006 précité consid. 3 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral C-6051/2008 et C-6098/2008 du 9 juillet 2010 consid. 6.4 ; ATA/720/2011 du 22 novembre 2011).

9) En l'espèce, le recourant parle bien le français et est bien intégré, mais cette intégration n'est pas exceptionnelle au point de justifier une exception aux mesures de limitation. En outre, l'OCPM lui a donné de nombreuses chances de parfaire ses connaissances pour retourner dans son pays avec une formation favorisant sa réintégration. Le recourant, titulaire d'un baccalauréat, n'a achevé aucune des formations entreprises entre 2000 et 2007, années pendant lesquelles il était au bénéfice d'une autorisation de séjour pour études ; il ne peut s'en prendre qu'à lui-même si sa réintégration dans son pays d'origine est rendue aujourd'hui difficile de ce fait.

S'agissant de son homosexualité - en l'occurrence non établie par les pièces du dossier - les rapports de la division asile et retour de l'ODM attestent que la situation des homosexuels au Maroc est difficile, car ceux-ci sont mal acceptés. Ces difficultés ne s'apparentent toutefois pas à de la persécution. En effet, les condamnations pénales sont rares et résultent en général de comportements provocants. Si les personnes concernées ne s'affichent pas publiquement et demeurent discrètes, elles ne sont pas inquiétées, sauf dans certains endroits, tels que des lieux reculés ou particulièrement intolérants, qu'il vaut mieux éviter pour ne pas être verbalement, voire physiquement, agressé. Les conclusions de ce rapport sont confirmées par les coupures de presse versées à la procédure par le recourant, qui relatent les mêmes difficultés, mais aussi la même tolérance des autorités en l'absence de provocation.

Le fait d'être renié par sa famille, de ne pouvoir vivre en tout lieu sans être inquiété ou encore de devoir cacher son homosexualité est certes accablant, mais ces difficultés n'atteignent pas le degré de gravité extrême exigé par l'art. 30 al. 1 let. b LEtr (arrêt du Tribunal fédéral 2C_428/2013 du 8 septembre 2013 ; ATA/244/2012 du 24 avril 2012).

Un permis humanitaire ne peut ainsi être accordé au recourant.

10) Reste à déterminer si l'exécution du renvoi est exigible à teneur de la loi.

11) Aux termes de l'art. 64 al. 1 let. c LEtr, tout étranger dont l'autorisation est refusée, révoquée ou qui n'est pas prolongée après un séjour autorisé est renvoyé. La décision de renvoi est assortie d'un délai de départ raisonnable (art. 64d al. 1 LEtr).

Le renvoi d'un étranger ne peut toutefois être ordonné que si l'exécution de cette mesure est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEtr). L'exécution du renvoi d'un étranger n'est pas possible lorsque celui-ci ne peut quitter la Suisse pour son État d'origine, son État de provenance ou un État tiers, ni être renvoyé dans un de ces États (art. 83 al. 2 LEtr). Elle n'est pas licite lorsqu'elle serait contraire aux engagements internationaux de la Suisse (art. 83 al. 3 LEtr). Elle n'est pas raisonnablement exigible si elle met concrètement en danger l'étranger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (art. 83 al. 4 LEtr).

Au-delà des motifs qu'il a invoqués pour obtenir une autorisation de séjour dérogeant au régime d'autorisation ordinaire, le recourant n'a fait valoir aucun motif qui empêcherait son retour au Maroc. Son renvoi est ainsi possible, licite et raisonnablement exigible au sens de la loi.

12) Cela étant, en vertu du principe de proportionnalité, afin de préserver la vie privée du recourant au moment de son retour au Maroc, la juridiction de céans ordonnera à l'OCPM de ne pas faire mention de l'homosexualité alléguée par l'intéressé, au moment du renvoi de ce dernier.

Vu ce qui précède, le recours de M. A______ contre le jugement du TAPI sera très partiellement admis.

13) Un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant qui succombe pour l'essentiel (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne lui sera par ailleurs allouée (art. 87 al. 2 LPA).

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 16 mai 2014 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 8 avril 2014 ;

au fond :

l'admet partiellement dans le sens des considérants ;

le rejette pour le surplus ;

ordonne à l'office cantonal de la population et des migrations de ne pas faire mention de l'homosexualité du recourant au moment du renvoi de ce dernier ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de Monsieur A______;

dit qu'il ne lui est pas alloué d'indemnité ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Daniel Meyer, avocat du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu'à l'office fédéral des migrations.

Siégeants : M. Thélin, président, MM. Verniory et Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

...

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

...

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l'entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l'admission provisoire,

4. l'expulsion fondée sur l'art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d'admission,

6. la prolongation d'une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d'emploi du titulaire d'une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d'asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l'objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

...

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l'acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

...

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l'expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l'objet d'aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l'expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.