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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3541/2009

ATA/531/2010 du 04.08.2010 sur DCCR/427/2010 ( PE ) , REJETE

Descripteurs : ; AUTORISATION DE SÉJOUR ; CAS DE RIGUEUR
Normes : LEtr.30.al1.letb ; OASA.31.al1 ; OASA.43
Résumé : Rappel de la jurisprudence en matière de dérogation aux conditions d'admission d'un étranger en Suisse pour tenir compte d'un cas individuel d'extrême gravité. Recours rejeté s'agissant d'une personne d'une quarantaine d'années, en Suisse depuis plus de 12 ans, sans famille ni enfant, sans problème avec la justice mais n'ayant pas fait preuve d'une intégration socioculturelle exceptionnelle. La recourante, au bénéfice d'une carte de légitimation du DFAE pendant dix ans, ne peut pas se prévaloir de la durée de sa présence en Suisse, car les séjours au bénéfice d'une telle carte, au même titre que les séjours illégaux ou précaires, ne sont pas pris en considération.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3541/2009-PE ATA/531/2010

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 4 août 2010

1ère section

dans la cause

 

Madame E______
représentée par Me Yves Rausis, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION

_________


Recours contre la décision de la commission cantonale de recours en matière administrative du 16 mars 2010 (DCCR/427/2010)


EN FAIT

1. Madame E______, célibataire, est née en 1969. Elle est de nationalité philippine et a obtenu, en 1989, un diplôme de sage-femme dans son pays d'origine.

2. L'intéressée est arrivée en Suisse le 6 décembre 1997. Du 16 février 1998 au 1er septembre 2008, elle a été au bénéfice d'une carte de légitimation du département fédéral des affaires étrangères (ci-après : DFAE). Durant cette période, elle a travaillé à Genève en qualité de domestique privée pour la Mission de France et pour des fonctionnaires internationaux. En outre, elle a exercé une activité auprès d'employeurs privés jusqu'à ce jour.

3. Le 30 septembre 2008, Madame et Monsieur L______ ont déposé une demande d'autorisation de séjour à l'année avec activité lucrative, (permis B) à l'office cantonal de la population (ci-après : OCP) en faveur de Mme E______, en qualité de sage-femme/baby-sitter.

4. Parallèlement, Mme E______, représentée par le syndicat UNIA, a déposé le 15 octobre 2008 une demande d'autorisation de séjour pour cas de rigueur auprès de l'OCP. Elle travaillait comme garde d'enfants pour des diplomates depuis qu'elle était à Genève. Considérant son jeune âge à son arrivée en Suisse, il lui serait difficile de reprendre le cours de sa vie aux Philippines. Elle aurait dû épouser un ressortissant suisse, mais le mariage n'avait pas eu lieu.

5. Le 22 octobre 2008, l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail (ci-après : l'OCIRT) s'est adressé à Mme et M. L______. Il ne pouvait pas donner une suite favorable à la demande du 30 septembre 2008, au motif que celle-ci ne servait pas les intérêts économiques de la Suisse et que l'ordre de priorité n'avait pas été respecté.

6. À partir de novembre 2008, l'intéressée a travaillé pour différents employeurs au bénéfice d'autorisations provisoires délivrées par l'OCP.

7. Mme E______ a été entendue par l'OCP le 5 mars 2009. Elle avait obtenu un diplôme de sage-femme et exercé sa profession aux Philippines. Du 16 janvier 1998 au 16 février 1999, puis du 11 février 2000 au 24 septembre 2008, elle avait été employée par des diplomates au bénéfice d'une carte de légitimation. Au jour de l'entretien, elle travaillait auprès de la famille L______ et auprès d'un autre employeur privé. Son emploi était déclaré, elle était assurée pour la maladie et ne recevait pas de prestations d'assistance. Elle était venue en Suisse en raison d'un contrat de travail et y était restée car celui-ci avait été renouvelé. Sa mère, sa sœur et trois de ses frères, avec lesquels elle avait des contacts et qu'elle essayait d'aider financièrement, vivaient toujours aux Philippines. Aucun membre de sa famille ne résidait en Suisse, où elle était bien intégrée. Elle n'avait pas d'enfant et n'envisageait pas de retourner dans son pays d'origine, car elle avait construit sa vie professionnelle et sociale à Genève. Elle était entourée et soutenue de nombreux amis à Genève, qu'elle considérait comme sa propre famille. Elle était en bonne santé et financièrement autonome. Elle avait suivi des cours de français afin de mieux s'intégrer et possédait de nombreux contacts à travers l'église. Depuis son arrivée elle s'était rendue aux Philippines environ une fois par année, pour la dernière fois en 2008.

Il ressort des notes du collaborateur de l'OCP que Mme E______ comprenait et parlait assez bien le français.

8. Le 26 août 2009, l'OCP a prononcé le renvoi de Suisse de Mme E______. Celle-ci ne se trouvait pas dans une situation d'extrême gravité. Il refusait de soumettre le dossier avec un préavis favorable à l'autorité fédérale. Un délai de trente jours a été imparti à l'intéressée pour quitter le pays.

Mme E______ était régulièrement retournée aux Philippines. Elle était connue de l'office des poursuites. Néanmoins, elle n'avait jamais sollicité l'aide financière des services sociaux genevois. Elle ne possédait pas de casier judiciaire et tant ses anciens employeurs que ses nombreux amis avaient témoigné de son excellent travail et de sa bonne intégration socioprofessionnelle.

Le personnel de missions diplomatiques ne pouvait en principe pas obtenir d'exception aux mesures de limitation au terme de leur période d'emploi. Bien que Mme E______ ait vécu plus de onze ans sur le territoire suisse, la durée de son séjour, qui devait être relativisée par rapport au nombre d'années passées aux Philippines, ne constituait pas un élément déterminant propre à justifier l'octroi d'une autorisation de séjour. La Suisse ne pouvait pas être considérée comme son unique point de rattachement socioculturel du fait de ses fréquents voyages dans son pays d'origine. Elle ne pouvait pas se prévaloir d'une intégration sociale ou professionnelle particulièrement marquée au point de devoir admettre qu'elle ne puisse quitter la Suisse sans devoir être confrontée à des obstacles insurmontables. Elle n'avait pas acquis de connaissances ou de qualifications telles qu'elle ne pourrait plus les mettre en pratique aux Philippines. Des obstacles au retour de l'intéressée dans sa patrie n'étaient pas démontrés. Enfin, l'exécution du renvoi n'apparaissait pas impossible, illicite ou déraisonnable.

9. Par acte du 1er octobre 2009, complété le 29 octobre 2009, Mme E______ a interjeté recours contre la décision précitée par-devant la commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après : CCRA), en concluant à son annulation et à l'octroi d'une autorisation de séjour, sous réserve d'approbation fédérale, avec suite de frais et dépens.

L'OCP avait fait une appréciation inexacte des faits en ne prenant pas en compte la durée de ses séjours en Suisse. Elle était entrée en Suisse pour la première fois le 18 février 1991 et non le 6 décembre 1997. Ne possédant pas l'autorisation idoine, elle avait craint d'invoquer ce fait auparavant. Son séjour de plus de dix-huit ans devait être considéré comme un élément déterminant dans l'examen de sa requête. Ses attaches sociales et professionnelles étaient désormais en Suisse et non plus dans son pays d'origine. Ses déplacements aux Philippines étaient justifiés par l'âge avancé de ses parents, puis par le décès de son père en 2007. Le délai de départ au 30 novembre 2009 paraissait disproportionné, car il ne lui permettait pas de régler ses affaires courantes ni d'organiser son retour convenablement.

10. Le 11 janvier 2010, l'OCP a conclu au rejet du recours, soulignant que les arguments invoqués par l'intéressée ne modifiaient pas sa position. Mme E______ n'avait pas apporté la preuve qu'elle avait effectivement résidé en Suisse de 1991 à 1997. Le timbre d'entrée en Suisse apposé sur son passeport n'était pas suffisant pour attester d'un séjour continu.

11. Par décision du 16 mars 2010, notifiée le 1er avril 2010, la CCRA a rejeté le recours du 1er octobre 2009. La voie et le délai de recours auprès du Tribunal administratif étaient indiqués.

Le cas de l'intéressée n'était pas assimilable à une situation de détresse personnelle. Mme E______ ne pouvait pas faire valoir une intégration telle et une relation si étroite avec la Suisse qu'il aurait été justifié de donner suite à sa requête. La durée de son séjour en Suisse, quand bien même elle serait arrivée en 1991, ne suffisait pas à admettre un cas de rigueur. Son comportement n'était pas irréprochable puisqu'elle reconnaissait avoir séjourné en Suisse illégalement durant de nombreuses années. Son intégration sur les plans professionnel et social ne revêtait pas un caractère exceptionnel, nonobstant les bons contacts avec ses employeurs et les efforts qu'elle avait fournis pour s'intégrer. Enfin, l'intéressée avait passé une période décisive de sa vie aux Philippines et elle avait maintenu des contacts réguliers avec son pays d'origine, tel qu'elle l'avait admis lors de son entretien avec l'OCP.

Aucune des conditions alternatives susceptibles d'empêcher l'exécution du renvoi de la recourante n'était réalisée. Celui-là, raisonnablement exigible, avait été prononcé à juste titre par l'OCP, qui n'avait pas violé son pouvoir d'appréciation.

12. Le 6 mai 2010, Mme E______ a recouru auprès du Tribunal administratif contre la décision précitée, en concluant à son annulation ainsi qu'à une indemnité de procédure. Elle a sollicité sa comparution personnelle, celle de Messieurs M______, N______ et C______, respectivement une connaissance de longue date et ses employeurs de 1990 à 1995 et 1996 à 1998, ainsi que la production des dossiers de "Messieurs Z______. et O______".

Etant arrivée à Genève à 21 et non 28 ans, elle avait vécu autant d'années en Suisse qu'aux Philippines. Elle était au bénéfice d'une carte de légitimation en 1990 déjà. Pour preuve, elle produisait la liste des ses employeurs de 1990 à 1998. Une investigation de la CCRA auprès de l'OCP aurait permis, grâce à la base de données de ce dernier, l'établissement d'un catalogue de ses séjours en Suisse de 1990 à 1998. Elle n'avait pratiqué son activité de sage-femme que sur une courte période de quelques mois. Brouillée avec de nombreux membres de sa famille, elle avait déplacé son centre d'intérêts en Suisse. Son père était décédé en 2007 et l'état de santé de sa mère âgée était fragile.

Elle invoquait une violation du principe d'égalité et faisait référence à la situation de deux personnes célibataires, ayant vécu en Suisse entre douze et treize ans au moment de leur demande d'autorisation de séjour, conservant des attaches sociales et familiales dans leur pays d'origine similaires aux siennes et ne pouvant invoquer la présence de membres de leur famille en Suisse, ni l'existence de qualifications professionnelles, qui auraient empêché un retour dans leur pays d'origine. En revanche, ces personnes avaient résidé illégalement sur le territoire.

De nombreuses lettres de recommandation de ses anciens employeurs et de ses amis ainsi que des certificats d'apprentissage de français attestant de son sérieux et de sa bonne intégration socioculturelle étaient produits à l'appui du recours. Elle a également présenté des relevés de compte en banque datant de 1995 et une attestation du consulat général des Philippines datée du 8 mars 2010, certifiant qu'elle résidait dans le canton de Genève depuis le 9 avril 1990.

13. Le 10 mai 2010, la CCRA a transmis son dossier au tribunal de céans sans observations.

14. L'OCP s'est opposé au recours le 10 juin 2010, en persistant dans les termes de sa décision.

15. Le 24 juin 2010, les parties ont été avisées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. La recourante requiert sa comparution personnelle, l'audition de témoins ainsi que l'apport des dossiers de "Messieurs Z______. et O______.".

Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 Cst, le droit constitutionnel d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de consulter le dossier (ATF 125 I 257 consid. 3b p. 260), d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuve pertinentes, de participer à l’administration des preuves et de se déterminer, avant le prononcé de la décision, sur les faits pertinents (Arrêt du Tribunal fédéral 2P.77/2003 du 9 juillet 2003 consid. 2.1 et les arrêts cités ; ATA/879/2003 du 2 décembre 2003 et les arrêts cités). Cela n’implique pas une audition personnelle de l’intéressé, celui-ci devant simplement disposer d’une occasion de se déterminer sur les éléments propres à influer sur l’issue de la cause (art. 41 LPA ; Arrêt du Tribunal fédéral 1P.651/2002 du 10 février 2002 consid. 4.3 et les arrêts cités). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquière la certitude que celle-ci ne pourrait l’amener à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (Arrêt du Tribunal fédéral 2P.2000/2003 du 7 octobre 2003, consid. 3.1 ; ATA/344/2008 du 24 juin 2008, consid. 2). Le droit d’être entendu ne contient pas non plus d’obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge examine ceux qui lui paraissent pertinents (Arrêt du Tribunal fédéral 1P.32/2004 du 12 février 2004, consid. 6).

En l'espèce, le dossier contient tous les éléments permettant au tribunal de céans de statuer sans procéder aux auditions requises ni ordonner la production des dossiers susmentionnés. Les actes d’instruction demandés par la recourante n’étant pas pertinents pour la solution du litige qui lui est soumis, le tribunal de céans n’y donnera pas suite.

3. S'agissant de la violation du principe d'égalité de traitement, ce grief sera écarté puisque, de l'aveu de la recourante, les situations ne sont pas semblables, Mrs. O______. et Z______. ayant résidé illégalement sur le territoire genevois, contrairement à l'intéressée.

4. Le Tribunal administratif n’est pas compétent pour apprécier l’opportunité d’une décision attaquée, sauf exception prévue par la loi, ce qui n’est pas le cas en l’espèce (art. 61 al. 2 LPA).

5. L'entrée en vigueur, le 1er janvier 2008, de la loi fédérale sur les étrangers, du 16 décembre 2005 (LEtr - RS 142.20) et de ses ordonnances d'exécution - en particulier celle relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA – RS 142.201), a entraîné l'abrogation de la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers du 26 mars 1931 (LSEE - RS 142.20) ainsi que de l'ordonnance limitant le nombre des étrangers du 6 octobre 1986 (OLE - RS 823.21), entre autres. La procédure qui a conduit à la décision litigieuse a été initiée en 2008. Par conséquent, le présent litige est soumis au nouveau droit.

6. Selon l’art. 30 al. 1 let. b LEtr, il est possible de déroger aux conditions d’admission d’un étranger en Suisse pour tenir compte d’un cas individuel d’extrême gravité.

L'art. 31 al. 1 OASA indique que, lors de l’appréciation du cas d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment :

a) de l’intégration du requérant ;

b) du respect de l’ordre juridique suisse par le requérant ;

c) de la situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants ;

d) de la situation financière ainsi que de la volonté de prendre part à la vie économique et d’acquérir une formation ;

e) de la durée de la présence en Suisse ;

f) de l’état de santé ;

g) des possibilités de réintégration dans l’Etat de provenance.

La jurisprudence développée au sujet des cas de rigueur du droit en vigueur jusqu’au 31 décembre 2007 (art. 13 let. f OLE) est toujours d’actualité pour les cas d’extrême gravité qui leur ont succédé. Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEtr et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel et les conditions pour la reconnaissance d’une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATA/162/2010 du 9 mars 2010).

Il est nécessaire que l’étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Cela signifie que ses conditions de vie et d’existence, comparées à celles applicables à la moyenne des étrangers, doivent être mises en cause de manière accrue, c’est-à-dire que le refus de soustraire l'intéressé à la réglementation ordinaire d’admission comporte pour lui de graves conséquences. Le fait que l’étranger ait séjourné en Suisse pendant une assez longue période, qu’il y soit bien intégré socialement et professionnellement et que son comportement n’ait pas fait l’objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas d’extrême gravité ; il faut encore que sa relation avec la Suisse soit si étroite qu’on ne puisse exiger qu’il aille vivre dans un autre pays, notamment dans son pays d’origine. A cet égard, les relations de travail, d’amitié ou de voisinage que l’intéressé a pu nouer pendant son séjour ne constituent normalement pas des liens si étroits avec la Suisse qu’ils justifieraient une exception (ATF 124 II 110 consid. 3 ; Arrêts du Tribunal administratif fédéral C-6628/2007 du 23 juillet 2009, consid. 5 ; 2A.429/2003 du 26 novembre 2003 consid. 3 et les réf. citées ; ATA/648/2009 du 8 décembre 2009 ; A. WURZBURGER, La jurisprudence récente du Tribunal fédéral en matière de police des étrangers in RDAF I 1997 p. 267ss). Son intégration professionnelle doit en outre être exceptionnelle ; le requérant possède des connaissances professionnelles si spécifiques qu'il ne pourrait les utiliser dans son pays d'origine ; ou alors son ascension professionnelle est si remarquable qu'elle justifierait une exception aux mesures de limitation (Arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002, consid. 5.2).

A l'instar de l'art. 4 OLE, l'art. 43 OASA soustrait notamment aux nombres maximums fixés par le Conseil fédéral certains étrangers titulaires d'une pièce de légitimation délivrée par le DFAE, dont le personnel privé au service des membres de missions diplomatiques et permanentes et de postes consulaires, des fonctionnaires d'organisations internationales ayant leur siège en Suisse ou du personnel travaillant pour ces organisations, eux-mêmes au bénéfice d'une telle carte (art. 43 al. 1 let. d OASA en relation avec l'art. 43 al. 1 let. a à c OASA). Or, ainsi que le précise expressément la disposition précitée, la soustraction au principe du contingentement n'est valable, et, partant, le séjour n'est autorisé que pendant la durée de la fonction exercée dans le but défini par le DFAE, lequel ne tient pas compte de la politique restrictive menée par la Suisse en matière de séjour et d'emploi des étrangers.

Les personnes visées à l'art. 43 al. 1 let. a à d OASA ne peuvent donc ignorer que leur présence en Suisse est directement liée à la fonction qu'elles occupent et qu'elle revêt un caractère temporaire. Le Tribunal fédéral a ainsi considéré, au sujet de l'art. 4 al. 1 let. a à d OLE, que la durée du séjour que celles-là avaient accompli en Suisse à ce titre n'était en principe pas déterminante au regard de l'art. 13 let. f OLE (Arrêts du Tribunal fédéral 2A.309/2006 du 30 mai 2006 consid. 2.2 ; 2A.321/2005 du 29 août 2005 consid. 4.2 ; 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.1 ; A. WURZBURGER, op. cit., p. 293).

Il s'ensuit que les étrangers séjournant en Suisse au bénéfice d'une carte de légitimation du DFAE ne peuvent en principe pas obtenir une exception aux mesures de limitation du nombre des étrangers au sens de l'art. 30 al. 1 let. b LEtr, lorsque prend fin la fonction pour laquelle leur séjour - d'emblée limité à ce but précis - a été autorisé, sous réserve de circonstances tout à fait exceptionnelles (Arrêt du Tribunal administratif fédéral C-1937/2007 du 24 mars 2009 et la jurisprudence citée).

7. Quant aux séjours illégaux en Suisse, ils ne sont en principe pas pris en compte dans l’examen d’un cas d’extrême gravité. La longue durée d’un tel séjour n’est pas, à elle seule, un élément constitutif d’un cas personnel d’extrême gravité, sinon l’obstination à violer la législation en vigueur serait, en quelque sorte, récompensée (Arrêt du Tribunal fédéral C-6628/2007 déjà cité).

8. En l'espèce, la recourante a eu le mérite de subvenir à ses besoins, de manière autonome, par son travail sans jamais émarger à l'aide sociale, malgré quelques dettes. Sur le plan social, il apparaît que celle-ci a fourni des efforts louables pour apprendre le français et qu'elle s'est créé un cercle d'amis et de connaissances proches à Genève, notamment au travers de ses emplois et de l'église. Elle paraît ainsi s'être bien adaptée au mode de vie helvétique. Cela étant, de tels éléments ne suffisent pas, à eux seuls, à justifier une exception aux mesures de limitation du nombre des étrangers (ATA/683/2009 du 22 décembre 2009).

En effet, l'intéressée n'a pas démontré avoir réalisé une intégration socioprofessionnelle exceptionnelle par rapport à la moyenne des étrangers qui ont passé autant d'années en Suisse. Quoique la recourante ait donné entière satisfaction à ses divers employeurs par son sérieux et ses compétences, elle n'a occupé, depuis son arrivée en Suisse, que des emplois dans le secteur de l'économie domestique. Par ailleurs, pendant son séjour, elle n'a pas acquis de connaissances et qualifications spécifiques qu'il lui serait impossible de mettre à profit ailleurs. Dès lors, on ne saurait considérer que l'intéressée a accompli en Suisse une ascension professionnelle particulièrement remarquable qui donnerait matière à une exception au principe du contingentement au sens de la jurisprudence ci-avant citée.

9. A l'égard de la durée de sa présence en Suisse, la recourante affirme être arrivée le 18 février 1991, ce qui n'est pas établi par les pièces de l'OCP. Cet élément est en tout état de cause sans conséquence au vu des développements qui vont suivre. En effet, même à considérer que la recourante réside effectivement à Genève depuis le début des années 90, la preuve de la légalité de son séjour n'a pas été apportée. L'intéressée a travaillé au bénéfice d'une pièce de légitimation du DFAE du mois de février 1998 au mois de septembre 2008 et a été autorisée à séjourner en Suisse en raison de la fonction exercée pour le compte de la Mission de la France et de divers fonctionnaires internationaux. Aussi, celle-ci devait savoir que sa présence ne revêtait qu'un caractère temporaire. De surcroît, depuis le dépôt de la demande litigieuse, au mois d'octobre 2008, elle séjourne en Suisse au bénéfice d'une simple tolérance cantonale, un statut à caractère provisoire.

Or, comme relevé ci-dessus, les séjours sous carte de légitimation du DFAE ne sont en principe pas pris en considération, pas plus que les séjours illégaux ou précaires (ATF 130 II 39 consid 3 et 5.4 ; Arrêts du Tribunal fédéral 2A.45/2007 du 17 avril 2007 consid. 5 ; 2A.540/2005 du 11 novembre 2005 consid. 3.2.1). La recourante ne saurait par conséquent se prévaloir d'une manière déterminante de la durée de son séjour en Suisse (ATA/683/2009 déjà cité).

10. Enfin, la recourante a passé sa jeunesse et son adolescence aux Philippines, où elle a obtenu un diplôme de sage-femme. Ces années sont, d'après le Tribunal fédéral, essentielles à la formation de la personnalité et à l'intégration sociale et culturelle (ATF 123 II 125 consid. 5b/aa). Dans ces conditions, son séjour sur le territoire helvétique n'a pas été long au point de la rendre totalement étrangère à sa patrie. Il convient aussi de prendre en considération le fait que sa mère, sa sœur ainsi que trois de ses frères vivent aux Philippines et que, depuis son arrivée en Suisse, où elle n'a ni parent ni enfant, elle est rentrée à plusieurs reprises dans son pays. L'intéressée allègue, sans toutefois les démontrer, des différends familiaux aux Philippines, dont elle ne dit pas qu'ils seraient à ce point graves qu'elle ne pourrait retourner dans son pays d'origine. Ainsi, Mme E______ possède encore avec ce dernier des attaches socioculturelles qui lui permettront sans nul doute de retrouver ses repères, certes après une possible période de réadaptation.

11. Au vu de ce qui précède et compte tenu du caractère restrictif qui doit présider à l'appréciation de la situation de la recourante, en application de la loi et la jurisprudence, celle-là ne se trouve pas dans un cas d'extrême gravité au sens de l'art. 30 al. 1 let. b LEtr (ATA/391/2010 du 8 juin 2010). En conséquence, le recours sera rejeté et la décision de la CCRA confirmée.

12. Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge de la recourante qui succombe. Il ne lui sera pas alloué d'indemnité de procédure (art. 87 LPA).

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 6 mai 2010 par Madame E______ contre la décision du 16 mars 2010 de la commission cantonale de recours en matière administrative ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de la recourante un émolument de CHF 400.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité ;

dit que, les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Yves Rausis, avocat de la recourante, à l’office cantonal de la population, à la commission cantonale de recours en matière administrative, ainsi qu'à l'office fédéral des migrations.

Siégeants : M. Thélin, président, Mmes Bovy et Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste :

 

 

M. Tonossi

 

le vice-président :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 

 


Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

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Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.