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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2126/2009

ATA/750/2011 du 06.12.2011 sur DCCR/1491/2010 ( PE ) , REJETE

Descripteurs : ; RESSORTISSANT ÉTRANGER ; SÉJOUR ; CAS DE RIGUEUR ; SÉJOUR ILLÉGAL ; DANGER(EN GÉNÉRAL) ; INTÉGRATION SOCIALE ; DÉCISION DE RENVOI ; RENVOI(DROIT DES ÉTRANGERS)
Normes : LPA.66.al1 ; LEtr.2.al1 ; LPA.61 ; LEtr.30.al1.letb ; OASA.31.al1 ; LEtr.64.al1.letc ; LEtr.83
Résumé : Le fait de travailler en Suisse et d'y être intégré socialement ne suffit pas à admettre un cas de rigueur. Les difficultés économiques, les tensions sociales et politiques existant en Bolivie ne constituent pas en soi une mise en danger concrète.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2126/2009-PE ATA/750/2011

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 6 décembre 2011

2ème section

 

dans la cause

 

Madame P______ O______
Monsieur J______ C______, agissant en leurs noms et comme représentants de leurs enfants R______ et L______ J______ P______

représentés par Me Marlène Pally, avocate

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION

_________


Recours contre la décision de la commission cantonale de recours en matière administrative du 28 septembre 2010 (DCCR/1491/2010)


EN FAIT

1. Madame P______ O______, née le ______ 1964, et son mari, Monsieur J______ C______, né le ______ 1971 (ci-après : les époux J______ P______) sont ressortissants boliviens. Le couple a deux enfants nés en Bolivie, R______, le ______ 1997 et L______, le ______ 1999.

2. Jusqu’à leur départ de Bolivie pour la Suisse, les époux J______ P______ ont vécu à Santa Cruz, où se trouvent encore des membres de leurs familles, à savoir les parents et frère et sœurs de M. J______ C______ et les trois frères de Mme P______ O______.

3. M. J______ C______ et ses deux enfants sont arrivés en Suisse en décembre 2003, directement en provenance de leur pays d’origine. Mme P______ O______ les a rejoints en février 2004.

4. Tous quatre, dépourvus d’autorisation de séjour, se sont installés à Genève, où ils ont eu plusieurs adresses successives. Dès le 1er janvier 2004, les enfants ont été scolarisés.

5. Dans le courant de l’année 2004, Mme P______ O______ s’est rendue en Espagne à deux reprises, pour une durée d’un mois à chaque fois, afin de rendre visite à ses deux autres enfants, tous deux majeurs, issus d’une première union, soit Madame P______ S______ et Monsieur P______ S______ , ainsi qu’à ses petits-enfants.

6. M. J______ C______ a occupé des emplois de manutentionnaire tandis Mme P______ O______ a travaillé dans l’économie domestique.

7. Le 15 juillet 2008, la gendarmerie vaudoise a contrôlé M. J______ C______ sur l’aire de ravitaillement de la Côte, sur l’autoroute A1 (Genève/Lausanne). Elle a constaté qu’il était en situation irrégulière en Suisse.

8. Le 6 novembre 2008, les époux J______ P______ ont été entendus par l’office cantonal de la population (ci-après : OCP). Ils ont alors été requis de fournir les documents utiles à l’examen d’une demande d’autorisation de séjour, soit les formulaires idoines dûment remplis, tous les justificatifs de leur présence en Suisse depuis 2003, respectivement 2004, les copies de leurs cartes AVS, ainsi que de tous les carnets scolaires de leurs deux enfants.

9. A la suite de cette entrevue, les époux J______ P______ ont transmis à l’OCP des demandes d’autorisation de travailler pour leurs employeurs respectifs, ainsi que plusieurs lettres de recommandation et/ou soutien et divers justificatifs de leur situation financière.

10. Le 11 décembre 2008, les intéressés ont été à nouveau entendus par l’OCP, dans le cadre de la procédure d’autorisation de séjour. Ils travaillaient et versaient de l’argent à leurs familles en Bolivie pour subvenir à aux besoins de celles-ci. Leurs enfants étaient scolarisés, avaient de bons résultats et étaient bien intégrés. Les revenus du couple se situaient entre CHF 2'000.- et CHF 3'500.- par mois et leurs charges fixes mensuelles s’élevaient à CHF 1'500.- . Tous quatre étaient en bonne santé. Ils étaient venus en Suisse pour des raisons économiques. En cas de retour en Bolivie, ils ne pourraient pas trouver de travail et auraient de grandes difficultés financières. A Genève, ils avaient des amis qui les entouraient et les soutenaient. Ils se sentaient bien intégrés. Ils avaient suivi des cours de français. Leurs enfants étaient très heureux en Suisse.

11. Selon les informations recueillies par l’OCP auprès des organismes compétents, aucun membre de la famille J______ P______ n’émargeait à l’assistance publique ou ne faisait l’objet de poursuite. Seul M. J______ C______ était connu des services de police genevois pour avoir été contrôlé en situation irrégulière en juin 2007.

12. Le 7 janvier 2009, l’OCP a délivré provisoirement, jusqu’à droit connu sur la demande d’autorisation de séjour, les autorisations de travail sollicitées.

13. Par décision du 18 mai 2009, l’OCP a refusé de délivrer le titre de séjour sollicité et de soumettre le dossier de la famille J______ P______ avec un préavis favorable à l’office fédéral des migrations (ci-après : ODM). Il a prononcé le renvoi de suisse de M. J______ C______ et de sa famille en application de l’art. 66 de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RS 142.20), un délai au 30 août 2009 leur étant imparti pour quitter la Suisse.

La durée du séjour en Suisse devait être relativisée, au regard des nombreuses années passées en Bolivie par les époux. Ils ne pouvaient se prévaloir d’une intégration professionnelle ou sociale particulièrement marquée au point de ne pouvoir quitter la Suisse sans être confrontés à des obstacles insurmontables. Ils n’avaient pas créé avec la Suisse des attaches profondes et durables au point de ne pouvoir envisager un retour en Bolivie. Leurs enfants étaient à même, compte tenu de leur âge, de pouvoir se réadapter dans leur pays d’origine. Leur situation personnelle, enfin, ne se distinguait pas de celle de bon nombre de leurs concitoyens connaissant les mêmes réalités en Bolivie. Ils ne se trouvaient donc pas dans une situation représentant un cas d’extrême gravité, au sens de la législation. De plus, ils n’invoquaient pas, ni ne démontraient, l’existence d’obstacles à leur retour en Bolivie. Le dossier ne faisait pas non plus apparaître que l’exécution de leur renvoi n’était pas possible, pas licite ou ne pouvait pas être raisonnablement exigé au sens de l’art. 83 LEtr.

14. Par prononcé du 8 juin 2009, le Préfet de Nyon a condamné l’intéressé à une peine pécuniaire de 90 jours-amende à CHF 10.- l’unité avec sursis, le délai d’épreuve étant de deux ans, ainsi qu’à une amende de CHF 400.- pour séjour illégal et activité lucrative sans autorisation.

15. Par acte du 19 juin 2009, les époux J______ P______, agissant en leur nom et pour le compte de leurs enfants, ont saisi la commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après : la CCRA), devenue le 1er janvier 2011 le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), concluant à l’annulation de la décision précitée et au renvoi du dossier à l’OCP pour délivrance de permis de séjour et de travail.

Ils contestaient totalement les considérations de l’OCP. Ils résidaient en Suisse depuis près de six ans, sans qu’aucun reproche, d’ordre social ou pénal, ne puisse leur être formulé. Leurs enfants avaient également bien intégré les valeurs helvétiques et avaient tout leur cercle d’amis en Suisse, alors qu’ils n’avaient pas d’attaches en Bolivie, en dehors des membres de leur famille qu’ils connaissaient peu. Ils avaient créé en Suisse un tissu de relations tant scolaires, professionnelles que privées, qui leur avait permis, mieux que dans leur pays, de satisfaire à leurs employeurs, respectivement de suivre une formation. Un retour forcé en Bolivie, où ils auraient peu de chance de trouver une situation leur permettant de vivre décemment, mettrait en péril l’équilibre familial, en particulier celui des enfants en plein développement.

16. Le 28 septembre 2010, la CCRA a entendu les intéressés en audience de comparution personnelle.

Après avoir travaillé pendant environ huit ans comme vendeur de voitures, M. J______ C______ avait ouvert un garage pendant deux ans en Bolivie. Il ne disposait d’aucune formation professionnelle spécifique et avait appris son métier sur le tas. Ses deux employeurs actuels lui avaient assuré de l’engager de manière indéterminée dans l’hypothèse où il bénéficierait d’une autorisation de séjour.

A la suite d’études de secrétariat, Mme P______ O______ avait travaillé durant dix ans en qualité de secrétaire auprès d’une société en Bolivie. Après avoir perdu son emploi, elle était restée sans travail pendant deux ans avant de venir en Suisse. Compte tenu du refus d’autorisation de séjour, son employeur avait mis fin à son contrat de travail en lui assurant de la réengager lorsqu’elle aurait un titre de séjour. Leur fils aîné fréquentait une école de basket et le cadet aimait aller à la maison de quartier où il jouait à différents jeux.

La perspective d’un retour en Bolivie était source de préoccupation pour les époux J______ P______, particulièrement s’agissant de la situation de leurs enfants, bien intégrés en Suisse, ainsi que des difficultés auxquelles eux-mêmes seraient confrontés pour trouver du travail.

17. Par décision du même jour, la CCRA a rejeté le recours aux motifs que les faits du dossier ne permettaient pas de considérer que l’OCP avait abusé de son pouvoir d’appréciation en refusant de voir dans la situation des recourants un cas de rigueur, ou que cette autorité avait méconnu des éléments importants.

La durée de séjour en Suisse des intéressés, s’élevant à sept ans, n’était pas si longue qu’un retour dans leur pays constituerait un véritable déracinement. Elle devait être relativisée compte tenu du fait que les cinq premières années avaient été vécues en violation des prescriptions légales en la matière. Quant à leur intégration socioprofessionnelle, celle-ci ne revêtait aucun caractère exceptionnel. Le point le plus délicat du dossier concernait les enfants. A leur égard, les racines boliviennes de ceux-ci ne pouvaient cependant avoir complètement disparu et leur faculté d’adaptation liée à leur jeune âge, ainsi que les liens qu’ils avaient dû conserver avec leur parenté et leur culture, leur permettraient de se réintégrer à la vie de ce pays sans qu’une profonde remise en cause de leur évolution soit à craindre.

Ainsi, le renvoi des intéressés avait été prononcé à juste titre. Aucun élément ne justifiait d’inviter l’OCP à proposer à l’ODM de prononcer l’admission provisoire du recourant en raison du caractère impossible, illicite ou inexigible de l’exécution du renvoi, les conditions de l’art. 83 LEtr n’étant pas remplies.

18. Par acte du 12 novembre 2010, les époux J______ P______, agissant en leur nom et pour le compte de leurs enfants, ont recouru auprès du Tribunal administratif, devenu depuis le 1er janvier 2011 la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Ils concluent, préalablement, à l’octroi de l’effet suspensif et, principalement, à l’annulation de la décision de la CCRA du 28 septembre 2010 et au renvoi du dossier à l’OCP pour délivrance de permis de séjour et de travail, sous suite de frais et dépens.

Durant les sept années passées en Suisse, ils avaient pu élaborer un mode de vie très différent de ce qu’ils avaient vécu en Bolivie. En dépit d’une relativisation, cette durée permettait à un individu de s’habituer profondément à un fonctionnement personnel et professionnel, déterminant pour son avenir. Cela concernait tant les parents que leurs enfants, en particulier l’aîné qui était adolescent. Un retour en Bolivie entrainerait la famille dans une pauvreté indiscutable, d’autant plus qu’elle ne pouvait compter sur aucune aide familiale ou autre. Il n’était pas démontré que la faculté d’adaptation des enfants liée à leur jeune âge leur permettrait de réintégrer la vie en Bolivie sans crainte d’une profonde remise en cause de leur évolution, alors que les expectatives d’un point de vue scolaires étaient différentes. Toute la famille serait ainsi mise en situation d’existence très précaire, de sorte qu’ils remplissaient les conditions d’une détresse manifeste pour le futur s’ils devaient retourner en Bolivie. S’agissant de l’art. 83 al. 4 LEtr., un retour en Bolivie les exposerait à un danger pour leurs intégrités physiques, vu les problèmes de violence, d’insécurité et de médicalisation existant dans ce pays.

A l’appui de son recours, la famille J______ C______ a produit divers documents, dont un courrier à l’entête du Café F______ confirmant l’intention d’engager Mme P______ O______, un certificat médical du Docteur Yves Gaudin concluant que « le projet de renvoi de cette famille parfaitement intégrée, est donc à haut risque », ainsi qu’une lettre du conseiller social du cycle d’orientation Z______ indiquant notamment que l’attitude générale de J______ P______ est bonne et respectueuse envers autrui et les directives de l’établissement.

19. Le 19 novembre 2010, la CCRA a transmis son dossier, sans observations.

20. Dans sa détermination du 14 décembre 2010, l’OCP a conclu à la confirmation de sa décision et au rejet du recours.

La durée du séjour en Suisse des recourants ne constituait pas des éléments déterminants pour la reconnaissance d’un cas personnel d’extrême gravité, au sens des art. 30 al. 1 let. b LEtr et 31 al. 1 let. a à g de l’ordonnance relative à l’admission, au séjour et à l’exercice d’une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Vu la nature des emplois exercés en Suisse par les parents, ceux-ci n’avaient pas acquis des connaissances ou des qualifications telles qu’ils ne pouvaient plus les mettre en pratique dans leur pays d’origine et qu’il faille considérer qu’ils aient fait preuve d’une évolution professionnelle remarquable, justifiant à elle seule l’admission d’un cas de rigueur. Si les intéressés avaient fait des efforts pour s’intégrer, ils n’avaient pas démontré s’être créé un réseau social important et des attaches avec la Suisse à ce point profondes et durables qu’ils ne puissent plus raisonnablement envisager un retour dans leur pays d’origine où vivaient encore les membres de leurs familles. Quant aux enfants, on ne pouvait considérer qu’ils s’étaient constitué des attaches si étroites et profondes avec la Suisse qu’il ne pouvait plus être exigé d’eux qu’ils tentent de s’adapter aux conditions de vie de leur pays d’origine. D’une manière générale, ils n’ignoraient pas que le retour d’un étranger dans son pays après un séjour de plusieurs années en Suisse n’était pas exempt de difficultés. Cela étant, il n’y avait pas lieu de penser que les recourants se trouveraient dans une situation sans commune mesure avec celle que connaissent leurs compatriotes, en cas de retour forcé dans leur patrie. Finalement, le retour de recourants en Bolivie apparaissait comme licite, possible et raisonnablement exigible dans la mesure où ils étaient tous en bonne santé, qu’ils disposaient d’un réseau familial et social dans leur pays et que celui-ci ne se trouvait pas en guerre, civile ou à des violences généralisées sur le territoire.

21. Le 4 janvier 2011, le juge rapporteur a imparti un délai au 31 janvier 2011 aux époux J______ P______ pour formuler toute requête complémentaire. Passé cette date, la cause serait gardée à juger. Ils n’ont pas fait usage de cette possibilité.

22. Le 15 novembre 2011, l’OCP a informé la chambre administrative que les époux J______ P______ avaient pris contact avec le bureau d’aide au retour de la Croix-Rouge afin d’organiser leur retour en Bolivie. Il était prévu qu’ils quittent la Suisse le 13 décembre 2011. L’OCP proposait que le recours soit déclaré sans objet.

23. Appelés à se déterminer sur ce courrier jusqu’au 23 novembre 2011, les intéressés n’ont pas réagi.

EN DROIT

1. Depuis le 1er janvier 2011, suite à l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), l’ensemble des compétences jusqu’alors dévolues au Tribunal administratif a échu à la chambre administrative, qui devient autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative (art. 132 LOJ).

Les procédures pendantes devant le Tribunal administratif au 1er janvier 2011 sont reprises par la chambre administrative (art. 143 al. 5 LOJ). Cette dernière est ainsi compétente pour statuer.

2. Interjeté en temps utile devant la juridiction alors compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 -aLOJ ; 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 dans sa teneur au 31 décembre 2010.

3. La décision de l’OCP n’ayant pas été déclarée exécutoire nonobstant recours, ce dernier est assorti de l’effet suspensif ordinaire prévu par l’art. 66 al. 1 LPA.

4. Le recours portant sur un refus d’autorisation de séjour et un prononcé de renvoi, le seul fait que les recourants aient annoncé leur départ ne suffit pas à rendre le recours sans objet.

5. Depuis le 1er janvier 2008, le statut juridique des étrangers en Suisse est régi par la LEtr et ses ordonnances d’exécution, notamment l’OASA, pour autant qu’il ne soit pas réglé par d’autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 2 al. 1 LEtr).

En l’espèce, la demande d’autorisation de séjour ayant été déposée dans le courant de l’année 2008 et le refus de l’OCP de soumettre avec un préavis favorable le dossier des intéressés à l’autorité fédérale et prononçant le renvoi de ceux-ci datant du 19 mai 2009, la cause est entièrement soumise à la LEtr et à ses dispositions d’exécution (art. 126 al. 1 LEtr ; Arrêt du Tribunal administratif fédéral C_2918/2008 du 1er juillet 2008 ; ATA/314/2011 du 17 mai 2011).

6. Le recours devant la chambre administrative peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, ainsi que pour constatation inexacte des faits (art. 61 al. 1 LPA). En revanche, celle-ci ne connaît pas de l’opportunité d’une décision prise en matière de police des étrangers, dès lors qu’il ne s’agit pas d’une mesure de contrainte (art. 61 al. 2 LPA ; art. 10 al. 2 de la loi d’application de la loi fédérale sur les étrangers, du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10, a contrario).

7. Le séjour en Suisse en vue d’y exercer une activité lucrative est soumis à autorisation (art. 11 renvoyant aux art. 18 ss LEtr). Cette dernière doit être requise auprès du canton de prise d’emploi (art. 11 al. 1 LEtr). Les recourants, qui ont résidé en Suisse jusque-là sans avoir sollicité une telle autorisation et qui travaillent dans le canton de Vaud, ne peuvent en obtenir une du canton de Genève. Ils sollicitent cependant des autorités de ce dernier l’autorisation d’y résider en dérogation des conditions d’admission en Suisse pour des raisons de rigueur familiale.

8. a. Selon l’art. 30 al. 1 let. b LEtr, il est possible de déroger aux conditions d’admission d’un étranger en Suisse pour tenir compte d’un cas individuel d’extrême gravité.

b. A teneur de l’art. 31 al. 1 OASA, lors de l’appréciation d’un cas d’extrême gravité, il convient de tenir compte notamment :

a) de l’intégration du requérant ;

b) du respect de l’ordre juridique suisse par le requérant ;

c) de la situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants ;

d) de la situation financière ainsi que de la volonté de prendre part à la vie économique et d’acquérir une formation ;

e) de la durée de la présence en Suisse ;

f) de l’état de santé ;

g) des possibilités de réintégration dans l’Etat de provenance.

c. La jurisprudence développée au sujet des cas de rigueur selon le droit en vigueur jusqu’au 31 décembre 2007 (art. 13f de l’ordonnance limitant le nombre des étrangers du 6 octobre 1986 - aOLE - RS 823.2) est toujours d’actualité pour les cas d’extrême gravité qui leur ont succédé. Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEtr et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel et les conditions pour la reconnaissance d’une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 ; ATA/531/2010 du 4 avril 2010).

d. Pour admettre l’existence d’un cas d’extrême gravité, il est nécessaire que l’étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Cela signifie que ses conditions de vie et d’existence, comparées à celles applicables à la moyenne des étrangers, doivent être mises en cause de manière accrue, c’est-à-dire que le refus de soustraire l’intéressé à la règlementation ordinaire d’admission comporte pour lui de graves conséquences. Le fait que l’étranger ait séjourné en Suisse pendant une assez longue période, qu’il y soit bien intégré socialement et professionnellement et que son comportement n’ait pas fait l’objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas d’extrême gravité ; il faut encore que sa relation avec la Suisse soit si étroite qu’on ne puisse exiger qu’il aille vivre dans un autre pays, notamment dans son pays d’origine. A cet égard, les relations de travail, d’amitié ou de voisinage que l’intéressé a pu nouer pendant son séjour ne constituent normalement pas des liens si étroits avec la Suisse qu’ils justifieraient une exception (ATF 124 II 110 consid. 3 ; Arrêts du Tribunal administratif fédéral C.6628/2007 du 23 juillet 2009, consid. 5 ; 2A.429/2003 du 26 novembre 2003 consid. 3, et les références citées ; ATA/648/2009 du 8 décembre 2009 ; A. WURZBURGER, La jurisprudence récente du Tribunal fédéral en matière de police des étrangers in RDAF I 1997 pp. 267 ss). Son intégration professionnelle doit en outre être exceptionnelle ; le requérant possède des connaissances professionnelles si spécifiques qu’il ne pourrait les utiliser dans son pays d’origine ; ou alors son ascension professionnelle est si remarquable qu’elle justifierait une exception aux mesures de limitation (Arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002, consid. 5.2 ; ATA/774/2010 du 9 novembre 2010).

9. Les recourants ont toujours séjourné illégalement à Genève depuis leur arrivée en Suisse. Ce n’est qu’à la suite du contrôle de M. J______ C______ par la gendarmerie vaudoise que les recourants ont effectué des démarches afin de régulariser leur situation en Suisse. Ils ont ainsi résidé sur le territoire de 2003 à 2008 sans prendre aucune mesure pour bénéficier d’une autorisation de séjour.

Les recourants admettent être venus en Suisse pour améliorer leur situation personnelle et familiale. Ils considèrent se trouver dans une situation telle qu’on ne peut exiger d’eux qu’ils quittent la Suisse. En l’espèce, s’il est établi que les recourants ont travaillé depuis leur arrivée en Suisse et se sont intégrés socialement à Genève, leur activité et leur insertion ne sont pas si exceptionnelles au sens requis par la jurisprudence qu’il faille considérer que refuser de les autoriser à y résider serait une exigence trop rigoureuse. En outre, la situation sur le marché du travail en Bolivie est peut-être plus incertaine qu’en Suisse mais il n’est pas établi qu’ils n’y retrouveraient pas du travail, notamment grâce à l’expérience professionnelle acquise en Suisse. Le fait qu’ils n’auraient pas en Bolivie le même niveau de vie qu’en Suisse n’est pas relevant au regard des critères de l’art. 31 al. 1 OASA.

Pour les enfants du couple, qui sont nés en Bolivie, le retour peut présenter certaines difficultés mais, compte tenu de leur jeune âge, une réadaptation à un autre mode de vie dans un autre pays reste exigible. A cela s’ajoute que les familles de des deux parents résident dans leur pays d’origine, de sorte qu’ils pourront bénéficier d’un certain encadrement familial, qu’ils ne possèdent pas en Suisse. Ils ne souffrent d’aucun problème de santé et dispose de bonnes capacités d’intégration. Le seul fait de bénéficier en Suisse de meilleures prestations médicales que celles offertes dans le pays d’origine ne suffit pas à justifier une exception aux mesures de limitation (ATF 128 II 200 consid. 5.3, et les références citées). L’OCP était donc en droit de refuser d’entrer en matière sur l’octroi d’une autorisation de séjour à titre de rigueur personnelle et son appréciation de la situation familiale n’était pas arbitraire.

10. Aux termes de l’art. 64 al. 1 let. c LEtr, tout étranger dont l’autorisation est refusée, révoquée ou qui n’est pas prolongée après un séjour autorisé est renvoyé.

11. Le renvoi d’un étranger ne peut toutefois être ordonné que si l’exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEtr). La portée de cette disposition étant similaire à celle de l’ancien art. 14a de la loi fédérale sur le séjour et l’établissement des étrangers du 26 mars 1931 (LSEE - RS 142.20), la jurisprudence rendue et la doctrine en rapport avec cette disposition légale restent donc applicables (ATA/848/2010 du 30 novembre 2010).

Le renvoi d’un étranger n’est pas possible lorsque celui-ci ne peut quitter la Suisse pour son Etat d’origine, son Etat de provenance ou un Etat tiers, ni être renvoyé dans un de ces États (art. 83 al. 2 LEtr). Il n’est pas licite lorsqu’il serait contraire aux engagements internationaux de la Suisse (art. 83 al. 3 LEtr). Il n’est pas raisonnablement exigible s’il met concrètement en danger l’étranger (art. 83 al. 3 LEtr).

En l’espèce, les recourants n’ont pas d’autorisation de séjour. Ils doivent être renvoyés de Suisse conformément à l’art. 66 al. 1 LEtr, dès lors que l’exécution de leur renvoi est possible puisqu’ils sont au bénéfice de papiers d’identité leur permettant de voyager et qu’aucun motif tombant sous le coup de l’art. 83 LEtr, qui interdirait un tel renvoi, ne ressort du dossier. A cet égard, le fait que la Bolivie connaisse des difficultés économiques et des tensions sociales et politiques ne suffit pas à démontrer l’existence d’une mise en danger concrète.

12. Le recours sera rejeté. Les recourants, qui succombent, verront mis à leur charge, conjointe et solidaire, un émolument de CHF 400.-. Aucune indemnité de procédure ne leur sera allouée (art. 87 LPA).


PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 11 novembre 2010 par Madame P______ O______ et Monsieur J______ C______ agissant en leurs noms et comme représentants de leurs enfants et L______ J______ P______ contre la décision de la commission cantonale de recours en matière administrative du 28 septembre 2010 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de Madame P______ O______ et Monsieur J______ C______, pris conjointement et solidairement ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Marlène Pally, avocate des recourants, à l’office cantonal de la population, à l’office fédéral des migrations, ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : Mme Hurni, présidente, Mme Junod, M. Durmartheray, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

C. Derpich

 

le président siégeant :

 

 

E. Hurni

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 

 


Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

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Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

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Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.